Message de Benoît XVI pour la Journée
Mondiale de la Paix |
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Cité du Vatican, le 11 décembre 2008 -
(E.S.M.)
- Aujourd'hui 11 décembre 2008, à 11h30, dans Salle Jean-Paul II de la Salle de presse du Saint Siège,
a eu
lieu la Conférence de presse de présentation du Message du Saint Père Benoît
XVI pour le 42e Journée Mondiale de la Paix qui sera célébrée le 1° janvier 2009 sur le thème :
« Combattre la pauvreté, construire la paix ».
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Message de Benoît XVI pour la Journée
Mondiale de la Paix
Le 11 décembre - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Aujourd'hui 11 décembre 2008, à 11h30, dans Salle Jean-Paul II de la Salle de presse du Saint Siège,
a eu
lieu la Conférence de presse de présentation du Message du Saint Père Benoît
XVI pour le 42e Journée Mondiale de la Paix qui sera célébrée le 1° janvier 2009 sur le thème :
« Combattre la pauvreté, construire la paix ».
Le card. Renato Raffaele Martino, Président du Conseil Pontifical de la
Justice et de la Paix et Mgr. Giampaolo Crepaldi, Secrétaire de ce même Conseil Pontifical
sont intervenus.
MESSAGE DE SA SAINTETÉ
BENOÎT XVI
POUR LA CÉLÉBRATION DE LA
JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er JANVIER 2009
Combattre la pauvreté,
Construire la paix
1. Au début de cette nouvelle année, je désire adresser à tous mes vœux de
paix et, par ce Message, inviter chacun à réfléchir sur le thème: Combattre
la pauvreté, construire la paix. Mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II, dans
le
Message pour la Journée Mondiale de la Paix de 1993, avait déjà souligné
les répercussions négatives que la situation de pauvreté de populations
entières finit par avoir sur la paix. De fait, la pauvreté figure souvent
parmi les facteurs qui favorisent ou aggravent les conflits, y compris
armés. À leur tour, ces derniers alimentent de tragiques situations de
pauvreté. « Une autre menace réelle pour la paix se confirme dans le monde
et devient de plus en plus grave – écrivait Jean-Paul II : – de nombreuses
personnes et même des populations entières vivent aujourd'hui dans des
conditions d'extrême pauvreté. L'inégalité entre riches et pauvres est
devenue plus évidente, même dans les pays économiquement les plus
développés. Il s'agit là d'un problème qui s'impose à la conscience de
l'humanité, car la situation dans laquelle se trouvent nombre de personnes
offense leur dignité foncière et, en conséquence, compromet le progrès
authentique et harmonieux de la communauté mondiale ». (1)
La phénomène complexe de la mondialisation
2. Dans ce contexte, combattre la pauvreté implique donc une prise en
considération attentive du phénomène complexe de la mondialisation. Cette
prise en compte est importante déjà du point de vue méthodologique, parce
qu'elle invite à utiliser le fruit des recherches menées par les économistes
et les sociologues sur les divers aspects de la pauvreté. La référence à la
mondialisation devrait, également, revêtir un sens spirituel et moral, car
elle nous pousse à considérer les pauvres dans la perspective consciente que
nous participons tous à un unique projet divin, celui de la vocation à
construire une unique famille dans laquelle tous – individus, peuples et
nations – règlent leurs comportements en les basant sur les principes de
fraternité et de responsabilité.
Dans cette perspective, il est nécessaire d'avoir une vision ample et
détaillée de la pauvreté. Si la pauvreté n'était que matérielle, les
sciences sociales, qui nous aident à mesurer les phénomènes sur la base de
données de caractère surtout quantitatif, seraient suffisantes pour en
éclairer les caractéristiques principales. Nous savons cependant qu'il
existe des pauvretés immatérielles, qui ne sont pas la conséquence directe
et automatique de carences matérielles. Par exemple, dans les sociétés
riches et avancées, se trouvent des phénomènes de marginalisation, de
pauvreté relationnelle, morale et spirituelle: il s'agit de personnes
intérieurement désorientées, qui connaissent diverses formes de malaise
malgré le bien-être économique. Je pense, d'une part, à ce qu'on appelle le
« sous-développement moral » (2) et, de l'autre, aux conséquences négatives
du « surdéveloppement ». (3) Je n'oublie pas non plus que, dans les sociétés
dites « pauvres », la croissance économique est souvent freinée par des
obstacles culturels, qui ne permettent pas une utilisation correcte des
ressources. Il demeure vrai, quoi qu'il en soit, que toute forme de pauvreté
non choisie prend racine dans le manque de respect envers la dignité
transcendante de la personne humaine. Quand l'homme n'est pas considéré dans
l'intégralité de sa vocation et que les exigences d'une véritable « écologie
humaine » (4) ne sont pas respectées, les dynamiques perverses de la
pauvreté se déclenchent aussi, comme cela apparaît évident dans certains
domaines que j'évoquerai brièvement.
Pauvreté et implications morales
3. La pauvreté est souvent mise en relation, comme étant sa cause directe,
avec la croissance démographique. En conséquence de quoi, sont mises en
œuvre des campagnes de réduction des naissances, conduites au niveau
international, recourant aussi à des méthodes qui ne respectent ni la
dignité de la femme ni le droit des époux à choisir de manière responsable
le nombre de leurs enfants (5) et souvent même, ce qui est plus grave, qui
ne respectent pas le droit à la vie. L'élimination de millions d'enfants non-nés, au nom de la lutte contre la pauvreté, constitue en réalité la
disparition des plus pauvres parmi les êtres humains. Face à cela, le fait
est qu'en 1981, environ 40% de la population mondiale vivait au-dessous du
seuil de pauvreté absolue, tandis qu'aujourd'hui ce pourcentage a diminué de
moitié et que sont sorties de la pauvreté des populations que caractérise,
entre autres, une forte augmentation démographique. Cette donnée met en
évidence que les ressources existeraient pour résoudre le problème de la
pauvreté, même en présence d'une croissance de la population. Il ne faut pas
oublier que, depuis la fin de la seconde Guerre mondiale jusqu'à nos jours,
la population sur la terre a augmenté de quatre milliards et que, dans une
large mesure, ce phénomène concerne des pays qui ont récemment émergés sur
la scène internationale comme de nouvelles puissances économiques et qui ont
connu un développement rapide précisément grâce au nombre élevé de leurs
habitants. En outre, parmi les Nations les plus développées, celles qui ont
les taux de natalité les plus élevés jouissent des meilleures potentialités
de développement. En d'autres termes, il apparaît que la population est une
richesse et non un facteur de pauvreté.
Les maladies pandémiques
4. Une autre source de préoccupation est constituée par les maladies
pandémiques comme, par exemple, la malaria, la tuberculose et le sida, qui,
dans la mesure où elles frappent les secteurs productifs de la population,
influent grandement sur l'aggravation des conditions générales du pays. Les
tentatives pour freiner les conséquences de ces maladies sur la population
n'atteignent pas toujours des résultats significatifs. Il arrive, en outre,
que les pays victimes de certaines de ces pandémies doivent subir, pour y
faire face, le chantage de ceux qui conditionnent les aides économiques à la
mise en œuvre de politiques contraires à la vie. Il est en particulier
difficile de combattre le sida, qui est une cause dramatique de pauvreté, si
les problématiques morales liées à la diffusion du virus ne sont pas
affrontées. Il faut en premier lieu mettre en œuvre des campagnes qui
éduquent, surtout les jeunes, à une sexualité qui soit conforme à la dignité
de la personne; des initiatives réalisées en ce sens ont déjà obtenu des
résultats significatifs, en faisant diminuer la diffusion du VIH. Il faut
ensuite mettre à la disposition des peuples pauvres les médicaments et les
soins nécessaires; ce qui suppose un engagement fort en faveur de la
recherche médicale et des innovations thérapeutiques, ainsi qu'une
application souple, quand cela s'avère nécessaire, des règles
internationales qui régissent la propriété intellectuelle, afin de garantir
à tous les soins sanitaires de base nécessaires.
5. Un troisième domaine, qui est l'objet d'attention dans les programmes de
lutte contre la pauvreté et qui en manifeste la dimension morale
intrinsèque, est la pauvreté des enfants. Quand la pauvreté frappe une
famille, les enfants en sont les victimes les plus vulnérables: presque la
moitié des personnes qui vivent dans la pauvreté absolue est aujourd'hui
constituée par des enfants. Considérer la pauvreté en se mettant du côté des
enfants conduit à retenir comme prioritaires les objectifs qui les
intéressent plus directement comme, par exemple, l'attention aux mères de
famille, le travail éducatif, l'accès aux vaccins, aux soins médicaux et à
l'eau potable, la sauvegarde de l'environnement et, surtout, l'engagement
pour la défense de la famille et pour la stabilité des relations en son
sein. Quand la famille s'affaiblit, les préjudices retombent inévitablement
sur les enfants. Là où la dignité de la femme et de la mère n'est pas
protégée, ceux qui en subissent les conséquences, ce sont d'abord et
toujours les enfants.
Désarmement
6. Un quatrième domaine qui, du point de vue moral, mérite une particulière
attention est la relation qui existe entre le désarmement et le
développement. Le niveau global actuel des dépenses militaires des États est
préoccupant. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, le fait est que
« les immenses ressources matérielles et humaines engagées pour les dépenses
militaires et pour les armements sont en réalité soustraites aux projets de
développement des peuples, spécialement à ceux qui sont les plus pauvres et
qui ont le plus besoin d'aide. Cela va à l'encontre de ce que la Charte des Nations-Unies elle-même affirme, quand elle engage la communauté
internationale et les États en particulier, “à favoriser l'établissement et
le maintien de la paix et de la sécurité internationale en ne détournant
vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du
monde” (art. 26) ». (6)
Cet état de chose n'aide pas mais, au contraire, il constitue un obstacle
sérieux à la poursuite des grands objectifs de développement de la
communauté internationale. En outre, une croissance excessive des dépenses
militaires risque d'accélérer une course aux armements qui provoque des
poches de sous-développement et de désespoir, se transformant ainsi
paradoxalement en facteurs d'instabilité, de tension et de conflit. Comme
l'a sagement déclaré mon vénéré prédécesseur Paul VI, « Le développement est
le nouveau nom de la paix ». (7) Les États sont donc appelés à réfléchir
sérieusement sur les raisons les plus profondes des conflits, souvent
allumés par l'injustice, et à y remédier par une autocritique courageuse. Si
l'on parvient à une amélioration des relations, cela devrait permettre une
réduction des dépenses d'armements. Les ressources économisées pourront être
destinées à des projets de développement des personnes et des peuples plus
pauvres et nécessiteux: l'engagement consenti en ce sens est un engagement
pour la paix au sein de la famille humaine.
7. Un cinquième domaine relatif à la lutte contre la pauvreté matérielle
concerne la crise alimentaire actuelle, qui compromet la satisfaction des
besoins élémentaires. Cette crise n'est pas tant caractérisée par
l'insuffisance de nourriture, mais davantage par les difficultés d'accès à
celle-ci et par des mouvements spéculatifs et, donc, aussi par un déficit de
coordination des institutions politiques et économiques en mesure de faire
face aux nécessités et aux urgences. La malnutrition peut aussi entraîner de
graves dommages psychophysiques aux populations, privant de nombreuses
personnes des énergies nécessaires pour sortir, sans une aide particulière,
de leur situation de pauvreté. La conséquence est que ces populations ne
sont pas en mesure de sortir seules de leur sous-développement. Cela
contribue à élargir la fourchette des inégalités, provoquant des réactions
qui risquent de devenir violentes.
L'écart croissant entre riches et pauvres
Ces dernières années, les données sur
l'évolution de la pauvreté relative indiquent toutes un accroissement de
l'écart entre riches et pauvres. Les causes principales de ce phénomène sont
sans doute, d'une part, le changement technologique, dont les bénéfices se
concentrent dans la zone la plus élevée de la distribution du revenu et,
d'autre part, la dynamique des prix des produits industriels, qui augmentent
beaucoup plus rapidement que les prix des produits agricoles et des matières
premières que possèdent les pays les plus pauvres. Il arrive ainsi que la
majeure partie de la population des pays les plus pauvres souffre d'une
double marginalisation : en termes de revenus plus bas et de prix plus
élevés.
Lutte contre la pauvreté et solidarité globale
8. L'une des voies maîtresses pour construire la paix est une mondialisation
ayant pour objectif les intérêts de la grande famille humaine. (8) Cependant
pour gérer ainsi la mondialisation, il faut une forte solidarité globale
(9)
entre pays riches et pays pauvres, de même qu'au sein de chaque pays, même
s'il est riche. Un « code éthique commun » (10) est nécessaire, dont les
normes n'auraient pas seulement un caractère conventionnel, mais seraient
enracinées dans la loi naturelle inscrite par le Créateur dans la conscience
de tout être humain (cf. Rm 2, 14-15). Ne nous sentons-nous pas appelés,
chacun, au fond de notre conscience, à apporter notre propre contribution au
bien commun et à la paix sociale ? La mondialisation élimine certaines
barrières, mais cela ne signifie pas qu'elle ne puisse pas en construire de
nouvelles; elle rapproche les peuples, mais la proximité territoriale et
temporelle ne crée pas, de soi, les conditions d'une véritable communion et
d'une paix authentique. La marginalisation des pauvres de la planète ne peut
trouver de remède valide dans la mondialisation que si chaque homme se sent
personnellement blessé par les injustices existant dans le monde et par les
violations des droits de l'homme qui y sont liées. L'Église, qui est « signe
et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre
humain », (11) continuera à offrir sa contribution afin que soient dépassées
les injustices et les incompréhensions et qu'advienne un monde plus
pacifique et plus solidaire.
Une finance malade
9. Dans le domaine du commerce international et des transactions
financières, des processus sont aujourd'hui en place qui permettent une
intégration positive des économies, ce qui contribue à l'amélioration des
conditions générales; mais il y a aussi des processus en sens inverse, qui
suscitent des divisions entre les peuples et la marginalisation, créant
ainsi de dangereux risques de guerres et de conflits. Dans les décennies qui
ont suivi la seconde Guerre mondiale, le commerce international des biens et
des services s'est accru de manière extrêmement rapide, avec un dynamisme
qui n'avait jamais eu de précédents au cours de l'histoire. Une grande
partie du commerce mondial concernait les pays d'industrialisation ancienne,
auxquels se sont ajoutés de manière significative de nombreux pays émergents
qui en sont devenus des acteurs importants. Mais d'autres pays, dont le
revenu est bas, demeurent largement en marge des mouvements d'échanges
commerciaux. Leur croissance s'est trouvée ralentie par la chute rapide,
dans les dernières décennies, du cours des matières premières qui
représentent la quasi totalité de leurs exportations. Dans ces pays,
africains pour la plupart, la dépendance par rapport aux exportations des
matières premières continue à représenter un puissant facteur de risque. Je
voudrais ici renouveler un appel afin que tous les pays aient les mêmes
possibilités d'accès au marché mondial, en évitant toute exclusion et toute
marginalisation.
10. Une réflexion similaire peut être conduite à propos du domaine
financier, qui concerne l'un des aspects premiers du phénomène de la
mondialisation, grâce au développement de l'électronique et aux politiques
de libéralisation des flux monétaires entre les différents pays. La fonction
objectivement la plus importante de la finance, celle qui consiste à
soutenir à long terme la possibilité d'investissements et donc de
développement, se révèle aujourd'hui tout à fait fragile: elle subit les
contrecoups négatifs d'un système d'échanges financiers – au niveau national
et mondial – basé sur une logique du très court terme, qui a pour but
l'accroissement de la valeur des activités financières et se concentre sur
la gestion technique des diverses formes de risque. La récente crise
démontre aussi comment l'activité financière est parfois guidée par des
logiques purement auto-référencées et dépourvues de considération, à long
terme, pour le bien commun. Le nivellement des objectifs des opérateurs
financiers mondiaux à l'échelle du très court terme, diminue la capacité de
la finance de jouer son rôle de pont entre le présent et l'avenir, pour
soutenir la création de nouvelles possibilités de production et de travail
sur une longue période. Une finance limitée au court terme et au très court
terme devient dangereuse pour tous, même pour ceux qui réussissent à en
tirer profit dans les périodes d'euphorie financière.(12)
"La pauvreté exige une coopération"
11. Il ressort de tout cela que la lutte contre la pauvreté exige une
coopération aussi bien sur le plan économique que sur le plan juridique qui
permette à la communauté internationale et en particulier aux pays pauvres
de trouver et de mettre en œuvre des solutions coordonnées pour affronter
ces problèmes en donnant un cadre juridique efficace à l'activité
économique. Elle requiert en outre des incitations pour créer des
institutions efficaces et participatives, ainsi que des soutiens pour lutter
contre la criminalité et promouvoir une culture de la légalité. On ne peut
nier, par ailleurs, que les politiques fondées sur l'assistance sont à
l'origine de nombreux échecs dans l'aide aux pays pauvres. Investir dans la
formation des personnes et développer sur un mode inclusif une culture
spécifique de l'initiative constitue actuellement, semble-t-il, la démarche
appropriée à moyen et long terme. Si, pour se développer, les activités
économiques ont besoin d'un contexte favorable, cela ne veut pas dire qu'il
ne faut pas accorder d'attention aux problèmes du revenu. Si l'on a fort à
propos souligné que l'accroissement du revenu par tête ne peut pas
constituer de manière absolue la fin de l'action politico-économique, on ne
doit pas pour autant oublier que celui- ci représente un moyen important
pour atteindre l'objectif de la lutte contre la faim et l'extrême pauvreté.
Créer des valeurs
À cet égard, doit être écartée comme une illusion l'idée selon laquelle une
politique de pure redistribution des richesses existantes puisse résoudre le
problème définitivement. Dans une économie moderne, en effet, la valeur de
la richesse dépend dans une importante mesure de sa capacité de créer du
revenu pour le présent et pour l'avenir. La création de valeurs devient donc
une obligation incontournable, dont il faut tenir compte pour lutter de
manière efficace et durable contre la pauvreté matérielle.
12. Mettre les pauvres à la première place suppose, enfin, que les acteurs
du marché international construisent un espace où puisse se développer une
juste logique économique, et que les acteurs institutionnels mettent en
œuvre une juste logique politique ainsi qu'une correcte logique de
participation capable de valoriser la société civile, locale et
internationale. Les Organismes internationaux eux-mêmes reconnaissent de nos
jours combien sont précieuses et profitables les initiatives économiques de
la société civile ou des administrations locales pour permettre la
sauvegarde et l'insertion dans la société des couches de population qui,
souvent, sont au-dessous du seuil de l'extrême pauvreté et qui, en même
temps, sont difficilement atteintes par les aides officielles. L'histoire du
développement économique du XXe siècle montre que de bonnes politiques de
développement relèvent de la responsabilité des hommes et de la création de
synergies positives entre marchés, société civile et États. En particulier,
la société civile a un rôle de premier plan dans tout processus de
développement, parce que le développement est essentiellement un phénomène
culturel et que la culture naît et se développe dans le domaine civil. (13)
13. Comme mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II l'a affirmé, la
mondialisation « se présente avec un caractère très marqué d'ambivalence »
(14) et elle doit donc être gérée avec une sage vigilance. (15) Cette forme
de sagesse requiert que l'on tienne compte en premier lieu des besoins des
pauvres de la terre, en mettant fin au scandale de la disproportion entre
les problèmes de la pauvreté et les mesures prévues pour les affronter.
Cette disproportion, si elle est d'ordre culturel et politique, est avant
tout d'ordre spirituel et moral. Souvent, on s'arrête sur les causes
superficielles et instrumentales de la pauvreté, sans aller jusqu'au cœur de
l'homme où s'enracinent l'avidité et l'étroitesse de vues. Les problèmes du
développement, des aides et de la coopération internationale sont parfois
envisagés sans qu'il y ait un véritable engagement des personnes, mais
simplement comme des questions techniques face auxquelles on se limite à la
mise en place de structures, d'accords tarifaires et à la concession de
financements anonymes. La lutte contre la pauvreté requiert au contraire des
hommes et des femmes qui vivent en profondeur la fraternité et qui soient
capables d'accompagner les personnes, les familles et les communautés sur
les chemins d'un authentique développement humain.
Conclusion
14. Dans l'encyclique
Centesimus
Annus, Jean-Paul II mettait en garde à
propos de la nécessité « d'abandonner la mentalité qui considère les pauvres
– personnes et peuples – presque comme un fardeau, comme d'ennuyeux
importuns qui prétendent consommer ce que d'autres ont produit. Les pauvres
– écrivait-il – revendiquent le droit d'avoir leur part des biens matériels
et de mettre à profit leur capacité de travail afin de créer un monde plus
juste et plus prospère pour tous ». (16) Dans la réalité mondialisée
actuelle, il apparaît avec toujours plus d'évidence que la paix ne se
construit que si l'on assure à tous la possibilité d'une croissance
raisonnable: tôt ou tard, en effet, tous doivent payer les conséquences des
distorsions de systèmes injustes. Seule l'inconscience peut conduire à
construire une maison dorée avec tout autour le désert et la désolation. La
mondialisation, à elle seule, est incapable de construire la paix et, dans
bien des cas, au contraire, elle crée des divisions et des conflits.
Celle-ci révèle plutôt un besoin: celui d'être orientée vers un objectif de
solidarité profonde qui veut le bien de chacun et de tous. Prise dans ce
sens, la mondialisation doit être considérée comme une occasion propice pour
réaliser quelque chose d'important dans la lutte contre la pauvreté et pour
mettre à la disposition de la justice et de la paix des ressources qui
semblaient jusqu'alors inimaginables.
L'oeuvre constante de l'Église pour les plus
pauvres
15. Depuis toujours, la
Doctrine
sociale de l'Église s'est préoccupée des
pauvres. Au temps de l'encyclique Rerum novarum, il s'agissait
principalement des ouvriers de la nouvelle société industrielle; dans le
magistère social de Pie XI, de Pie XII, de Jean XXIII, de Paul VI et de
Jean-Paul II, ont été mises en lumière de nouvelles pauvretés à mesure que
l'horizon de la question sociale se faisait plus vaste, au point de prendre
des dimensions mondiales. (17) Il faut considérer cet élargissement de la
question sociale au niveau mondial non seulement comme une extension
quantitative, mais aussi comme un approfondissement qualitatif concernant la
vie de l'homme et les besoins de la famille humaine. Pour cette raison,
l'Église, tandis qu'elle suit avec attention les phénomènes actuels de la
mondialisation et leur influence sur les pauvretés humaines, montre les
nouveaux aspects de la question sociale, non seulement dans leur extension,
mais aussi dans leur profondeur, en ce sens qu'ils concernent l'identité de
l'homme et sa relation à Dieu. Il s'agit de principes de doctrine sociale
qui tendent à mettre en lumière les points de rencontre entre pauvreté et
mondialisation et à orienter l'action vers la construction de la paix. Parmi
ces principes, il est opportun de rappeler ici, de manière particulière, à
la lumière du primat de la charité, l'« amour préférentiel pour les pauvres
» (18) dont toute la tradition chrétienne témoigne depuis l'Église des
origines (cf. Ac 4, 32-36; 1 Co 16, 1; 2 Co 8-9; Ga 2, 10).
Les pauvres sont le visage du Christ en ce monde
« Que chacun joue le rôle qui lui revient et qu'il ne tarde pas », écrivait
en 1891 Léon XIII, en ajoutant: « Quant à l'Église, jamais elle
n'abandonnera, en aucune manière, son œuvre ». (19) Cette conscience
accompagne encore aujourd'hui l'action de l'Église envers les pauvres, en
qui elle reconnaît le Christ, (20) et elle entend sans cesse résonner en son
cœur le commandement du Prince de la paix à ses Apôtres: « Vos date illis
manducare – donnez-leur vous-mêmes à manger » (Lc 9,13). Fidèle à cette
invitation de son Seigneur, la Communauté chrétienne ne manquera jamais de
donner à la famille humaine tout entière son soutien dans les élans de
solidarité créative, non seulement pour donner le superflu mais surtout pour
que changent « les styles de vie, les modèles de production et de
consommation, les structures de pouvoir établies qui régissent aujourd'hui
les sociétés ». (21) À chaque disciple du Christ, comme aussi à toute
personne de bonne volonté, j'adresse donc en ce début d'année un chaleureux
appel à élargir l'espace de son cœur vers les nécessités des pauvres et à
faire tout ce qu'il est concrètement possible de faire pour leur venir en
aide. Car demeure incontestablement vrai le principe selon lequel «
combattre la pauvreté, c'est construire la paix ».
Du Vatican, le 8 décembre 2008.
BENEDICTUS PP. XVI
Notes :
(1)
Message pour la Journée de la Paix, 1993, n. 1.
(2) Paul VI, Encycl.
Populorum Progressio, n. 19.
(3) Jean-Paul II, Encycl.
Sollicitudo
rei socialis, n. 28.
(4) Jean-Paul II, Encycl.
Centesimus Annus, n. 38.
(5) Cf. Paul VI, Encycl.
Populorum Progressio, n. 37; Jean-Paul II, Encycl.
Sollicitudo
rei socialis, n. 25.
(6) Benoît XVI,
Lettre au Cardinal Renato Raffaele Martino à l'occasion du
Séminaire international organisé par le Conseil pontifical Justice et Paix
sur le thème: « Désarmement, développement et paix. Perspectives pour un
désarmement intégral », 10 avril 2008: L'Osservatore Romano, 13.04.2008, p.
8.
(7) Encycl.,
Populorum Progressio, n. 87.
(8) Cf. Jean-Paul II, Encycl.
Centesimus Annus, n. 58.
(9) Cf. Jean-Paul II, Discours à l'audience aux ACLI, 27 avril 2002, 4:
Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XXV, 1 (2002), 637.
(10) Jean-Paul II, Discours à l'Assemblée Plénière de l'Académie Pontificale
des Sciences sociales, 27 avril 2001, 4: Insegnamenti di Giovanni Paolo II,
XXIV, 1 (2001), 802.
(11) Concile Œcum. Vat. II, Const. dogm.
Lumen
Gentium, n. 1.
(12) Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la
Doctrine
sociale de l'Église, n. 368.
(13) Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la
Doctrine
sociale de l'Église, n. 356.
(14) Discours aux Dirigeants de syndicats de travailleurs et de grandes
entreprises, 2 mai 2000, 3: La Documentation catholique, 97 (2000), p. 456.
(15) Cf. Discours à l'Assemblée plénière de l'Académie pontificale des
Sciences, 11 novembre 2002, 2: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XXV, 2
(2002), 699.
(16) Jean-Paul II, Encycl.
Centesimus Annus, n. 28.
(17) Cf. Paul VI, Encycl.
Populorum Progressio, n. 3.
(18) Jean-Paul II, Encycl.
Sollicitudo
rei socialis, cf. Jean-Paul II,
Encycl. Centesimus annus, n. 57.
(19) Léon XIII, Encycl. Rerum novarum, n. 45.
(20) Cf. Jean-Paul II, Encycl.
Centesimus Annus, n. 58.
(21) Ibid., n. 58.
(Allemand,
Anglais,
Espagnol,
Italien,
Polonais,
Portugais)
Sources : www.vatican.va -
E.S.M.
© Copyright 2008 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.12.2008 -
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