Benoît XVI préoccupé des divisions
qui ont lacéré le Corps du Christ |
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Rome, le 11 juillet 2007 -
(E.S.M.) - Au début de son pontificat, le
Saint-Père Benoît XVI a parlé de la nécessité de lire les documents du
Concile selon une herméneutique – on pourrait dire une grille de lecture
– de continuité, et non pas selon une herméneutique de rupture. Les
dispositions liturgiques qu'il vient de prendre dans son Motu Proprion ne sont qu'une
application de cette exigence.
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Abbaye
Saint Wandrille -
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C'est ici
Le pape Benoît XVI préoccupé des divisions qui ont lacéré le Corps du Christ
Nous reproduisons ici une homélie prononcée par dom Christophe Łazowski,
moine de Saint Wandrille, et cérémoniaire, en l'église abbatiale de la même
abbaye royale de Fontenelle, dimanche dernier. Elle traite du Motu Proprio "Summorum
Pontificum" et nous a paru particulièrement pertinente. Nous
encourageons donc fortement nos amis internautes habitués à notre site web
(Scola
Saint Maur)
à en prendre connaissance et à le méditer.
Homélie pour le 14ème
dimanche Per annum, Année C
Le 8 juillet 2007
Dans les années cinquante et soixante, un moine anglais de l'abbaye de
Downside, écrivant sous le nom de guerre de « Brother Choleric », « Frère
Colérique », fit paraître une série de petits albums de dessins
humoristiques, ayant pour titre « Cracks in the Cloister ». Il s'agit d'un
jeu de mots, que je ne vois pas comment traduire en français. En effet, «
cracks » peut aussi bien signifier « blagues » que « fissures ». Donc «
Blagues », ou « Fissures » « dans le cloître ». Ces livres portent un regard
avisé et affectueux, et aussi très drôle, et surtout très anglais, sur les
petits côtés et les travers des moines et des moniales. Le dernier album a
pour titre « Cracks in the Curia », « Blagues » ou « Fissures » « dans la
curie ». Écrit vers la fin des années soixante, il met en lumière un certain
nombre d'absurdités dans la mise en application du deuxième concile
œcuménique du Vatican. Un des dessins montre deux prêtres, tous les deux
enchaînés dans un cachot. Leur geôlier les montre à un monsieur distingué,
lui expliquant : « Le premier a dit la messe en anglais avant le décret. Le
deuxième a dit la messe en latin après le décret. »
Le Frère Colérique met le doigt sur un problème grave, qui a causé de grands
dommages à l'Eglise depuis maintenant une quarantaine d'années. Ce problème
se compose de deux erreurs contraires, chacune suscitant et attisant
l'autre. L'une consiste à penser qu'avant Vatican II, l'Église sombrait dans
des ténèbres obscurantistes, mais que depuis le Concile, elle a retrouvé une
vérité évangélique qu'elle aurait perdue. L'autre erreur estime que depuis
le Concile, l'Église a perdu sa route, que le Concile a introduit des
doctrines fausses dans son enseignement, et que la réforme liturgique est
sans valeur. Dans les deux cas, on comprend le Concile comme une rupture,
avec un avant et un après nettement différenciés, l'un bon, l'autre mauvais.
Un tel point de vue est absurde, voire néfaste.
Un domaine en particulier a été une source très
visible de conflit : celui de la liturgie. Les oppositions à
l'enseignement authentique du Concile se sont cristallisées autour de la
liturgie. L'attachement à la messe dite « de saint Pie V » ou « tridentine »
est malheureusement trop souvent devenu le symbole du refus de ce que le
Concile a dit sur la liberté religieuse et de l'engagement de l'Église dans
le dialogue œcuménique et interreligieux. Dans le but de favoriser le
retour à la pleine communion avec l'Église catholique des fidèles qui
avaient suivi Monseigneur Lefebvre, le pape Jean-Paul II avait déjà permis
aux évêques d'accorder la permission de célébrer la messe selon les anciens
livres liturgiques. Hier, une lettre apostolique du pape Benoît XVI, qui a
comme titre « Summorum pontificum », « Les souverains Pontifes », va
beaucoup plus loin. Concrètement, elle reconnaît à tout prêtre le droit
d'utiliser en privé tous les livres liturgiques d'avant la réforme. Les
fidèles peuvent être admis à de telles célébrations, et les curés peuvent
accéder aux demandes qui leur seraient adressées dans ce sens, soit en y
pourvoyant eux-mêmes, soit en faisant appel à leur évêque.
Mais c'est surtout dans ses motivations que le Saint-Père va plus loin. D'après sa lettre
explicative envoyée aux évêques, il ne cherche pas uniquement à tendre la
main aux intégristes. Certes, c'est une de ses préoccupations. Il dit :
« En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le Corps du Christ
au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments
critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Église
n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et
l’unité ; on a l’impression que les omissions dans l’Église ont eu leur part
de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider.
Ce regard vers le passé nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous
les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la
possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau. »
Mais la visée de la lettre apostolique va au-delà de ce souci, si important
soit-il. Le Saint-Père dit qu' « il s’agit de
parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Église ».
C'est une réconciliation qui doit s'opérer non seulement avec les disciples
de Monseigneur Lefebvre, mais aussi avec notre propre passé. En effet, le
moyen le plus sûr pour se rendre prisonnier du passé est de le nier ; c'est
aussi vrai pour des personnes que pour des sociétés. Dire qu'une forme du
rite romain qui a donné des fruits de sainteté à travers les siècles est
devenu condamnable du jour au lendemain est absurde. Il est également
inacceptable de nier la capacité du rite romain réformé de nourrir la
sainteté ; l'exemple de la bienheureuse Teresa de Calcutta en est la preuve
éclatante. Au début de son pontificat, le Saint-Père a parlé de la nécessité
de lire les documents du Concile selon une herméneutique – on pourrait dire
une grille de lecture – de continuité, et non pas selon une herméneutique de
rupture. Les dispositions liturgiques qu'il vient de prendre ne sont qu'une
application de cette exigence. Le pape dit :
« Il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missel
Romain. L’histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès,
jamais de rupture. Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste
grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement
interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de
conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de
l’Église, et de leur donner leur juste place. »
On pourrait opposer deux objections à ces dispositions, l'une de l'ordre des
principes, l'autre d'ordre pratique. Certains ont prétendu que cette
autorisation porterait atteinte à l'unité du rite romain. Cette objection ne
vaut rien. L'unité du rite romain, dans le sens d'uniformité monolithique,
est un mirage né dans des polémiques du dix-neuvième siècle contre les rites
qu'on appelle « néo gallicans » ; les gens qui suivent des mirages meurent
de soif dans le désert. Le rite romain a toujours
connu un certain pluralisme dans son sein, notamment dans les usages des
différents diocèses et ordres religieux, et à l'époque classique du rite, à
Rome même, deux formes en ont existé simultanément, tant pour les cérémonies
que pour les textes, l'un à l'usage du pape, l'autre à l'usage des prêtres.
Ce qui est insolite, c'est que l'on puisse choisir plus ou moins librement
entre deux formes du rite romain selon sa propre convenance. Cependant, la
situation également insolite d'une réforme liturgique qui a essayé de faire
en quelques années ce qu'un développement organique aurait pu faire à
travers plusieurs siècles, et les souffrances ainsi occasionnées, peuvent
sûrement justifier une telle miséricorde pastorale. En outre, les
dispositions que le pape vient de prendre s'appuient sur une donnée
essentielle, dont il fait mention dans sa lettre apostolique lorsqu'il
évoque le « Missel Romain promulgué par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et
jamais abrogé ». En effet, si un rite catholique peut tomber en désuétude,
il ne peut pas être abrogé par un acte de l'autorité ; la liturgie de
l'Église n'est pas un code de la route qu'un législateur peut modifier,
voire supprimer, à sa guise. Elle est une expression
de sa foi, un témoignage vivant de sa tradition. L'autorité
ecclésiastique en est la servante, nullement la maîtresse. Si elle peut en
régler l'usage pour le bien de tous, elle ne peut jamais dire que ce qui a
été un rite catholique ne l'est plus.
L'autre objection est d'ordre pratique. Des pasteurs peuvent craindre que
des demandes de célébrations selon les anciens livres recouvrent une
attitude d'opposition par rapport aux enseignements conciliaires, ou un
refus de la légitimité de la réforme liturgique elle-même. On peut aussi
redouter la constitution de groupes de pression, de chapelles aussi
vociférantes que pénibles. Toutes ces craintes peuvent être fondées. Si
elles ne nous concernent pas directement, je crois que nous, moines
contemplatifs et fidèles laïcs, ne devons pas y rester insensibles. Nous
devons prier pour les pasteurs de l'Église, afin qu'ils trouvent la sagesse
surnaturelle nécessaire pour trouver des solutions à des situations souvent
épineuses. Car dorénavant les fidèles attachés à ce que le Saint-Père nous
invite a appeler la « forme extraordinaire » de l'unique rite romain ne sont
plus à considérer comme des marginaux. Ils ont déjà dépassé les bornes
étroites de l'intégrisme, et comptent dans leur nombre des chrétiens qui
n'ont pas connu les affrontements, parfois politisés, du passé. Beaucoup
parmi eux sont jeunes ; comme remarque le pape, ils « se sentent attirés par
l'ancienne forme du rite et y trouvent une forme de rencontre avec le
mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convient particulièrement. »
Nous sommes tous appelés à vivre l'unité de la foi dans une diversité
liturgique légitime, en pleine communion les uns avec les autres, ainsi
qu'avec le successeur de Pierre.
Enfin, le pape Benoît XVI émet un souhait : « les
deux formes d’usage du rite romain peuvent s’enrichir réciproquement.
» Il ne s'agit absolument pas de revenir en arrière, mais plutôt d'avancer.
Dans sa lettre apostolique, le Saint-Père parle de l'envoi du moine Augustin
en Angleterre par le pape saint Grégoire le Grand ; on pourrait concevoir
cet enrichissement mutuel à la lumière de la réponse du saint pape à une
interrogation liturgique d'Augustin. Saint Grégoire dit qu'on doit choisir
dans les divers rites ce qui semble le mieux plaire à Dieu, et d'aimer non
pas les choses en raison d'un lieu, mais les lieux en raison des bonnes
choses qui s'y trouvent. La redécouverte des trésors du passé ne peut
qu'enrichir le présent, et les intuitions du présent peuvent éclairer le
passé d'une lumière qui permet de mieux le connaître. On pourrait ainsi
dépasser une dialectique stérile et des querelles de sacristie, pour vivre
un nouveau mouvement liturgique qui alimenterait un nouvel élan de sainteté,
grâce auquel tout chrétien deviendrait un véritable ouvrier à la moisson du
Seigneur.
fr. Christophe Łazowski
Table :
►
Motu Proprio
Texte intégral du Motu
Proprio: ►
Publication du "Motu Proprio Summorum Pontificum"
Motu
Proprio Summorum Pontificum
(doc. word)
Lettre explicative: ►
Lettre du pape Benoît XVI aux évêques
Lettre du pape Benoît XVI accompagnant le motu proprio
(doc. word)
Source:
Scola Saint Maur
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.07.2007 - BENOÎT XVI - Table
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