La prière conjugale: "aller au bout
de l'amour" |
 |
ROME, le 10 Avril 2007 -
(E.S.M.) - Parce
qu'elle nous révèle notre pauvreté, la prière en couple est souvent
difficile. Pourtant ses fruits sont nombreux. Juliette Levivier et Jean
Villeminot en débattent.
|
Aller jusqu'au bout de
l'amour.
La prière conjugale: "aller au bout de
l'amour"
Dialogue - PARCE QU'ELLE NOUS RÉVÈLE DANS NOTRE
PAUVRETÉ, LA PRIÈRE EN COUPLE EST SOUVENT DIFFICILE. POURTANT, SES FRUITS
SONT NOMBREUX. JULIETTE LEVIVIER ET JEAN VILLEMINOT EN DÉBATTENT.
La prière, c'est une rencontre personnelle avec
Dieu. Pourquoi, selon vous, faut-il prier en couple ?
Juliette Levivier : La prière met le Christ au centre du couple. Aujourd'hui
on fait de l'ego un absolu. Dans un couple, deux egos absolus, ça ne peut
produire que des étincelles, mais pas beaucoup d'énergie pour aller de
l'avant. L'ego est relatif : par la prière commune, on peut mettre son
centre en l'autre et le Christ au centre du couple. Se décentrer permet de
mieux aimer.
Jean Villeminot : Nous sommes faits pour être en communion parfaite. Or
celle-ci vient de Dieu. À partir du moment où je suis en communion vraie
avec Dieu par la prière personnelle, je ne peux qu'être en communion avec
les autres, et d'abord avec mon plus proche : mon conjoint.
Si, dans la communion conjugale, il y a un « je » et un « tu » - le
mariage est communion et non pas fusion - c'est en vue du « nous » : l'homme
et la femme ne font qu'un. La prière personnelle appelle donc la prière
conjugale, parce que la communion avec Dieu conduit à la communion avec
l'autre. De même, la prière familiale est le fruit de la prière conjugale.
Ce sont comme des bassins qui débordent et s'écoulent en cascade les uns
dans les autres.
J. L. : La prière conjugale naît dans le dialogue,
dans les gestes très simples du quotidien. Elle aide le couple à
passer d'un amour naturel à un amour surnaturel, qui trouve sa source en
Dieu. Elle convertit mon regard et me fait découvrir la beauté dans le cœur
de l'autre. Elle me porte à voir mon conjoint comme Dieu le voit, et à voir
s'accomplir en lui l'œuvre de Dieu. Elle nous permet de passer de la
communication à la communion. Il y a quelque chose de l'ordre de
l'accomplissement du couple, de la consommation du mariage dans la prière
conjugale. Elle mène celui-ci à sa perfection et
permet d'aller jusqu'au bout de l'amour.
Comment se construit cette prière en couple ?
J. L. : Dans la pauvreté. « Le mariage, c'est l'union
de deux pauvres », disait un ami prêtre. Certains couples n'arrivent
pas à prier ensemble parce que la prière touche une intimité très profonde
de la personne. Elle dévoile des zones d'ombre. Il faut beaucoup d'humilité.
La prière conjugale, c'est la communion de deux pauvretés.
J. V. : Si la prière me met en communion avec Dieu, et c'est vrai, elle me
révèle de façon unique et particulière ma pauvreté. Cette expérience est
précieuse et indispensable car alors je peux me laisser aimer par Dieu.
Dans le fond, ça sert à quoi la prière conjugale ?
J. V. : À rien, et c'est pour cela qu'elle est difficile. Si je me retrouve
avec ma femme pour évoquer les problèmes scolaires d'un enfant ou préparer
les prochaines vacances, c'est utile. Mais prier avec elle, ça sert à quoi ?
C'est un « sacrifice de communion » gratuit. Remarquez que l'oraison
personnelle est tout aussi difficile.
J. L. : Je pense d'ailleurs qu'une prière qui « servirait » à quelque chose
ferait fausse route. Ceci dit, la prière permet de faire converger nos vies
surtout quand elles sont parallèles, de déposer ces peurs qui nous empêchent
d'aimer en vérité, d'accueillir les gens et les événements avec un regard
plus contemplatif, etc.
Concrètement, comment faire ? J.L.:
La prière est toujours le fruit d'une décision : de même qu'il faut vouloir
aimer pour aimer, il faut vouloir prier pour prier. Si nous ne parvenons pas
à « construire » notre prière, à confier nos intentions, à louer librement,
etc., servons-nous de la Parole de Dieu, de la liturgie des heures, ou de la
prière de l'Église. Commençons petit : un signe de croix ; un Notre Père, un
Je vous salue Marie ; la lecture d'un psaume...
J. V. : Ce qu'on appelle la
Liturgie des Heures, ou l'office divin - ces offices qui scandent la vie
monastique mais aussi celle des clercs - est, à mon avis,
un cadeau irremplaçable : non seulement elle
structure la prière conjugale - Parole de Dieu, intercession, psaume, Notre
Père, etc. - mais cette liturgie de l'Église est la
prière de l'Épouse à son Époux.
J. L. : De plus, cette liturgie nous fait prier avec l'Église universelle.
Il ne s'agit pas seulement de la communion d'un homme et d'une femme sous le
regard de Dieu, mais d'entrer dans la communion de toute l'Église. Autre
bienfait : les psaumes, qui expriment toutes les émotions et les difficultés
que peut traverser un homme et nous aident à dépasser l'immédiateté de ce
que l'on vit.
Ce que vous dites est très exigeant, même si ce
temps de prière est bref ?
J. V. : C'est le désir qui est essentiel : être tendu vers cette prière. Il
ne faut surtout pas culpabiliser si on n'y arrive pas. D'autre part, il ne
faut pas se mettre des poids trop lourds.
J. L. : L'important, c'est la fidélité : mieux vaut
une goutte d'eau chaque jour qu'un seau tous les quinze jours.
Mais ne pas renoncer en se disant « on n'y arrive pas, donc c'est pas notre
truc ».
Y a-t-il une prière conjugale possible avec le
conjoint qui est éloigné - géographiquement ou parce qu'il ne partage pas la
même foi ?
J. V. : La prière construit la communion des
conjoints, même séparés. Et il faut souligner que la prière
d'intercession est irremplaçable. Quand je prie pour mon épouse lorsque nous
sommes éloignés, elle est dans ma prière, cela devient une prière conjugale.
La prière sacerdotale du Christ, qui a l'humanité dans son cœur, n'est
qu'une prière d'intercession. Cette prière est
l'ultime de l'amour. L'Église, qui est communion, ne cesse
d'intercéder. Savez-vous qu'à la messe, je peux communier en portant tous
ceux qui ne communient pas - par exemple mon conjoint qui n'a pas la foi ?
La prière, parce qu'elle me met en communion avec
Dieu, me met en communion avec l'autre d'une façon infiniment plus puissante
que je ne peux l'imaginer.
D'autre part, quand j'intercède pour celui qui est loin parce qu'il m'a
blessé, je commence à reconstruire la communion. Allons plus loin : les
problèmes ne sont pas résolus, mais la paix survient quand on décide de
prier ensemble. C'est un acte volontaire d'amour qui a
un effet extraordinaire : nous laissons à la grâce la possibilité d'agir.
J. L. : Des réconciliations conjugales s'enracinent
et s'échangent dans la prière à deux. Prier permet de ne pas nous
dessécher, ni nous recroqueviller sur nos rancœurs, nos tristesses, nos
épreuves. Parce qu'elle nous garde dans la paix, la prière conjugale nous
ouvre à la joie. La joie est un don de l'Esprit, elle est spirituelle. Elle
vient de la reconnaissance de l'œuvre de Dieu dans nos pauvretés. Le
rayonnement d'un couple, c'est le rayonnement de cette joie-là.
Qu'avons-nous fait de la joie de nos fiançailles ? De notre mariage ?
Nombreux articles dans la rubrique:►
La
famille fondée sur le mariage
Sources: Famille
chrétienne - ENTREZ DANS LA PRIÈRE
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.04.2007 - BENOÎT XVI - FAMILLE |