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19 Avril 2005
 

La foi est la plus belle expérience de Dieu

Le 09 octobre 2023 - E.S.M. - "Le cœur du salut de l'homme est son Fils qui a pris sur lui tous nos péchés, nos suffisances, nos certitudes, nos vanités, nos envies de devenir comme Dieu. Un chrétien qui ne sait pas glorifier Dieu crucifié n'a pas compris ce que signifie être chrétien. Nos plaies, celles qui laissent le péché en nous, se guérissent seulement par les plaies du Seigneur, par les plaies de Dieu fait homme, humilié, anéanti."

Jésus-Christ Porte Sa Croix au Golgotha  - Pour agrandir l'image ► Cliquer  

POUR ÊTRE DANS LA VÉRITÉ

« La prière était en quelque sorte la colle qui a permis à ma liberté de prendre forme. »
James Foley, journaliste américain assassiné en Syrie le 19 août 2014

NICOLAS DlAT : Quelle définition donneriez-vous au mot « foi » ?

CARDINAL ROBERT SARAH : La foi ressemble à la réponse de deux fiancés. Par le oui qui va engager toutes leur vie, deux êtres consacrent leur amour. Ce sentiment amoureux repose sur une foi mutuelle, qui fait crédit à l'autre et compte sur sa fidélité pour l'avenir. Ainsi, les deux deviennent une seule chair. Dans l'amour, chacun s'anéantit humblement devant l'autre, s'épanouit et grandit en l'autre. « L'Amour a grandi en moi ! », disait, timidement et vigoureusement, sainte Thérèse de Lisieux. Dans la foi et l'amour, Dieu grandit en moi et II me hisse jusqu'à lui. Mais la foi est aussi un don de Dieu, car l'homme répond toujours librement à l'appel du Ciel. Il ne s'agit pas d'une réponse théorique, mais d'une expérience personnelle de Dieu, tel qu'il est.
    En répondant à Dieu, nous fondons en lui notre vie, et le Père place en nous son espérance. Dieu veut toujours configurer l'homme à son image et à sa ressemblance. Il est important de comprendre que la foi est une alliance d'amour, qui nous fait devenir un seul et même être avec la personne aimée.
    Dans son livre Le Signe de Jonas, Thomas Merton se demandait s'il était possible d'affirmer que « par l'Amour, l'âme reçoit la "forme" même de Dieu ». Dans la langue de saint Bernard, cette forme que l'on pourrait associer à une divine ressemblance constitue l'identité pour laquelle nous sommes créés. Aussi pouvons-nous dire : « Caritas haec visio, haec similitude est », « la charité, c'est cette vision, cette identité ». Par l'amour, nous ressemblons immédiatement à Dieu, et par l'amour mystique, nous le « voyons » ici-bas, en ce sens que nous avons déjà l'expérience de Dieu tel qu'il est en Lui-même.
    La foi est la plus belle expérience de Dieu. Un exemple extraordinaire est donné par Abraham. Après avoir entendu un appel, il s'est mis en marche avec confiance. Nous sommes les fils d'Abraham, notre père dans la foi, et nous appartenons à la lignée des descendants spirituels du peuple de l'Exode, cheminant à travers le désert. De la même manière, les chrétiens sont aussi les enfants des disciples de Jésus, ceux qui marchaient à sa suite. Ainsi, la foi peut être définie comme une marche spirituelle conduite et guidée uniquement par la voix de Dieu. D'une manière différente, je dirais que la foi est l'adhésion à une parole réputée venir de plus loin et de plus haut que moi. Toute la Bible ne cesse d'amplifier ce donné providentiel.
    La foi est aussi un acte qui nous transforme progressivement et définitivement.
    Comme Abraham a dû accepter de sacrifier son fils Isaac, le fils de la promesse, la foi est un acte qui nous rend radicalement autre. Après l'épreuve du sacrifice de son fils, ni Abraham ni Isaac ne sont plus les mêmes ; Isaac n'est plus le même fils pour Abraham. Il a été donné et remis à Dieu, il est devenu le signe d'une autre filiation. De même, Abraham ne vit plus seulement comme l'homme qui a reçu un don de Dieu : le don de son fils Isaac. Il est celui qui a accepté la dépossession de ce don et son recouvrement comme héritage spirituel.
    En fait, la foi est toujours un itinéraire pascal à la recherche de la volonté du Père, dans la lignée de la fidélité d'Abraham et de son obéissance jusqu'à l'autel du sacrifice de son fils Isaac. Saint Paul définit la foi comme l'obéissance au Père (Rm 1, 5 ; 16, 25). Mais nous devons comprendre que notre obéissance peut conduire vers la montagne du sacrifice. Ainsi, la route de la foi est celle du consentement de l'homme à la volonté de Dieu. Les commandements du Père sont toujours une charte de vie qui nous demande un consentement d'amour. La foi consiste à vouloir ce que Dieu veut, à aimer ce que Dieu aime, même si cela nous conduit jusqu'à la Croix.
    En Jésus Christ, nous mettons notre foi. Sur lui, nous nous appuyons car « il est le chef de notre foi, qui la mène à sa perfection » (He 12, 2). Par lui, nous disons l'«Amen » à Dieu pour sa Gloire (2 Co 1, 20). Le mot Amen, en hébreu, se rapporte à un élément solide et digne de confiance. Ce mot exprime donc la réponse de la fidélité de l'homme à la fidélité de Dieu en Jésus Christ. Nous pouvons nous appuyer sur Dieu comme sur un rocher, avec la conviction et l'assurance que même planté au bord du gouffre, il ne s'écroulera pas. Dans une relation de foi, Dieu est ma citadelle, ma forteresse et mon roc.
    La foi ne suppose pas de garanties. Le croyant marche dans la nuit, comme un pèlerin qui cherche la lumière. Ce qu'il sait, il ne le sait que dans la pénombre du soir, marchant avec l'aide d'une « cognitio vespertina » et non pas encore d'une « cognitio matutina », une connaissance dans la claire vision, selon la belle terminologie de saint Augustin et de saint Thomas.
    Si je me réfère à une étymologie médiévale fort suggestive, je ne peux oublier que le verbe croire, credere, signifierait aussi cor-dare, « donner son cœur », et le remettre sans condition entre les mains d'un Autre.
    L'homme qui croit consent, comme Abraham, à devenir prisonnier du Dieu invisible ; il accepte d'être possédé par le Père dans l'écoute obéissante, la docilité de son cœur et les lumières de son intelligence. La marche vers Dieu est un consentement et un abandon, sans attendre de bénéficier de garanties rassurantes. Saint Paul nous donnait ce magnifique programme : « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus » (Ph 3, 12).
    En avril 2014, le pape François rappelait dans une homélie à Sainte-Marthe que « le christianisme n'est pas une doctrine philosophique, ce n'est pas un programme de vie pour survivre, pour être éduqué, pour faire la paix. Ce sont là les conséquences. La Croix est le mystère de l'amour de Dieu qui s'humilie lui-même. Il n'existe pas de christianisme sans Croix. Il n'y a pas de possibilité de sortir tout seul de notre péché. Le Christ s'humilie pour nous sauver. Et de même que s'est élevé le péché dans le désert, ici s'est élevé Dieu, fait homme et fait péché pour nous. Et tous nos péchés étaient là. On ne peut pas comprendre le christianisme sans comprendre cette humiliation profonde du Fils de Dieu, qui s'humilie soi-même en se faisant esclave jusqu'à la mort et mort sur la Croix, pour nous servir ». Le Saint-Père ajoutait : « Le cœur du salut de l'homme est son Fils qui a pris sur lui tous nos péchés, nos suffisances, nos certitudes, nos vanités, nos envies de devenir comme Dieu. Un chrétien qui ne sait pas glorifier Dieu crucifié n'a pas compris ce que signifie être chrétien. Nos plaies, celles qui laissent le péché en nous, se guérissent seulement par les plaies du Seigneur, par les plaies de Dieu fait homme, humilié, anéanti. »
    J'aime beaucoup cette réflexion du pape, car elle montre combien la foi est un engagement de notre être entier. La foi portée à son degré ultime est un dépouillement absolu en Dieu. Sur cette terre, je pense que les moines chartreux, fils de saint Bruno, qui placent toute leur espérance en Dieu, sont un des plus beaux exemples de vies données intégralement à Dieu. Dans leurs ermitages, plus rien ne compte hors de l'espérance divine.

Précisément, comment évoquer cette espérance ?

    L'espérance n'est rien d'autre que l'optimisme chrétien. Elle permet à l'homme de rester solide dans la foi, pleinement rassuré par les promesses de Dieu. Dans l'espérance, Dieu est le garant de mon avenir et de ma sereine stabilité. Les chrétiens doivent rester optimistes et joyeux ; mais il s'agit d'un sentiment qui naît de la foi en la puissance d'un Dieu qui ne perd jamais une bataille pour que l'homme connaisse la paix et la gloire auprès de Lui. La foi est le fondement de l'espérance, nouvelle dimension de l'homme qui le conduit vers la divinité. Aussi, dans sa Lettre aux Romains, saint Paul écrit-il : « Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, à qui nous devons d'avoir eu accès par la foi à cette grâce dans laquelle nous demeurons fermes, et de nous glorifier dans l'espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous nous glorifions même dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, et la vertu éprouvée l'espérance. Or, l'espérance ne trompe point, parce que l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 1-5).
    Puisque notre foi et notre espérance reposent en Dieu, nous n'avons rien à craindre. Le chrétien peut dire avec assurance : « Mon espérance, elle est en toi, Seigneur. Je suis en toute confiance, je me tais, je n'ouvre pas la bouche, car c'est toi qui es à l'œuvre» (Ps 39, 8.10).
    En 2007, dans son encyclique Spe salvi, Benoît XVI a écrit des paroles lumineuse sur l'espérance : « De fait "espérance" est un mot central de la foi biblique au point que, dans certains passages, les mots "foi" et "espérance" semblent interchangeables. Ainsi, la Lettre aux Hébreux lie étroitement à la "plénitude de la foi" (10, 22) "l'indéfectible profession de l'espérance" (10, 23). De même, lorsque la première Lettre de Pierre exhorte les chrétiens à être toujours prêts à rendre une réponse à propos du logos - le sens et la raison - de leur espérance (3, 15), "espérance" est équivalent de "foi". Ce qui a été déterminant pour la conscience des premiers chrétiens, à savoir le fait d'avoir reçu comme don une espérance crédible, se manifeste aussi là où est mise en regard l'existence chrétienne avec la vie avant la foi, ou avec la situation des membres des autres religions. Paul rappelle aux Éphésiens que, avant leur rencontre avec le Christ, ils étaient "sans espérance et sans Dieu dans le monde" (Ep 2, 12). Naturellement, il sait qu'ils avaient eu des dieux, qu'ils avaient eu une religion, mais leurs dieux s'étaient révélés discutables, et de leurs mythes contradictoires n'émanait aucune espérance. Malgré les dieux, ils étaient "sans Dieu" et, par conséquent, ils se trouvaient dans un
monde obscur, devant un avenir sombre. "In nihil ab nihilo quam cito recidimus, " "du néant dans le néant, combien souvent rapidement nous retombons," dit une épitaphe de l'époque — paroles dans lesquelles apparaît sans ambiguïté ce à quoi Paul fait référence. C'est dans le même sens qu'il dit aux Thessaloniciens : vous ne devez pas être "abattus comme les autres, qui n'ont pas d'espérance" (1 Th 4, 13). Ici aussi apparaît comme élément caractéristique des chrétiens le fait qu'ils ont un avenir : ce n'est pas qu'ils sachent dans les détails ce qui les attend, mais ils savent de manière générale que leur vie ne finit pas dans le néant. C'est seulement lorsque l'avenir est assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable. Ainsi, nous pouvons maintenant dire : le christianisme n'était pas seulement une bonne nouvelle — la communication d'un contenu jusqu'à présent ignoré. Dans notre langage, nous dirions : le message chrétien n'était pas seulement "informatif', mais "performatif". Cela signifie que l'Évangile n'est pas uniquement une communication d'éléments que l'on peut connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie. La porte obscure du temps, de l'avenir, a été ouverte toute grande. Celui qui a l'espérance vit différemment ; une vie nouvelle lui a déjà été donnée. »

Dès lors, pourquoi la joie chrétienne n'est-elle plus comprise ?

    Pour saint Paul, la joie est la caractéristique du chrétien. Rappelez-vous comme il aimait exhorter les chrétiens en leur disant : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous. Que votre modération soit connue de tous les hommes. [...] N'entretenez aucun souci; mais en tout besoin recourez à l'oraison et à la prière » (Ph 4, 4-6). Sans prière, il n'y a pas de joie véritable. De même, Paul s'exclamait : « Le Christ est annoncé, et je m'en réjouis. Je persisterai même à me réjouir, car je sais que cela servira à mon salut, grâce à vos prières » (Ph 1, 18-19). La prière est la source de notre joie et de notre sérénité parce qu'elle nous unit à Dieu, Lui qui est notre force. Un homme triste n'est pas un disciple du Christ. Celui qui compte sur ses propres forces est toujours attristé quand ces dernières déclinent. A contrario, l'homme qui croit ne peut pas être dans la peine car sa joie ne vient que de Dieu. Mais la joie spirituelle dépend de la Croix. En commençant à nous oublier pour l'Amour de Dieu, nous Le trouvons, au moins obscurément. Et Dieu étant notre joie, celle-ci est proportionnée à notre abnégation et à notre union à Lui.
    Jésus lui-même nous invite à une vie pleine de générosité, de don, mais aussi de joie. Le pape François parle beaucoup du bonheur simple de l'Évangile. Dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium, la joie de l'Evangile, il écrit : « Avec Jésus la joie naît et renaît toujours. » Le Saint-Père montre bien qu'il faut prier quotidiennement pour ne pas perdre cette douce plénitude. De nombreuses sollicitations du monde peuvent brimer la joie chrétienne. Il est même possible de dire que les bonheurs mondains ne peuvent pas comprendre la joie chrétienne. Il faut rester heureux à la suite du Christ en toutes circonstances. La bataille se révèle toujours rude, car les peines ne manquent pas. Le sourire n'est pas inné lorsque nous affrontons la souffrance et la déception. Si Dieu nous possède vraiment, si le Christ reste en nous, la joie revient toujours.
    En fait, la joie ne se commande pas ; elle jaillit spontanément d'une source intérieure qui est Dieu. Son amour entraîne constamment le vrai bonheur. Ainsi, les peuples des pays riches qui ont abandonné Dieu sont toujours tristes, alors que les nations pauvres et croyantes rayonnent d'une vraie joie ; elles n'ont rien, mais Dieu est une lumière constante parce qu'il réside dans leur cœur. J'ai encore pu le constater lors de mon dernier voyage aux Philippines, avec le pape, en janvier 2015.

De même, beaucoup d'observateurs tendent à souligner que François a placé son pontificat sous le maître-mot de la miséricorde. Qu 'en pensez-vous ?

    Selon l'étymologie, la miséricorde consiste à jeter son cœur dans la misère d'autrui, à aimer l'autre au cœur de sa misère. Mais la miséricorde exige, avant de nous inonder de sa bienveillance, la vérité, la justice et le repentir. En Dieu, la miséricorde va se faire « pardon ». Nous sommes ainsi au centre du message évangélique.
    Le pardon est le visage le plus marquant de l'amour de Dieu pour l'homme. Ainsi saint Pierre demanda à Jésus : « Seigneur, combien de fois mon frère pourrait-il pécher contre moi et devrais-je lui pardonner ? Irais-je jusqu'à sept fois ? Jésus lui dit : je ne dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix-sept fois » (Mt 18, 21-22). Autrement dit, inlassablement...
    En fait, il nous faut aimer comme Dieu. Dieu connaît les déchéances et les grandes faiblesses de l'homme, mais II jette son cœur sur notre misère. Dieu se réjouit de nous pardonner. Le pardon consiste à recommencer à aimer avec plus de gratuité et de générosité lorsque l'amour a été mis à mal.
    Sans la grâce de Dieu, sans un regard fixé sur le crucifix d'où nous parvient la voix de Jésus priant pour ses bourreaux, et si nous n'ouvrons pas la faille de nos cœurs pour les greffer au cœur transpercé et débordant d'amour de Celui qui vient brûler nos péchés, il nous sera difficile de pardonner, car cet acte exige de donner en plénitude. Il faut être débordant d'amour, il faut être surabondant d'amour pour accéder à la vérité du pardon. La meilleure imitation de Jésus, c'est le pardon. Dans l'Évangile, le fils prodigue, la femme adultère, Marie Madeleine, sont des exemples merveilleux du pardon que le Christ nous donne à imiter.
    Dieu est pardon, amour et miséricorde ; la nouveauté radicale du christianisme se situe ici et nulle part ailleurs. Les hommes doivent pardonner comme Dieu lui-même pardonne de manière inlassable. Nous avons été façonnés par Dieu, et il nous suffit de nous souvenir de nos origines divines pour accéder sans peine à sa volonté qui nous demande d'être parfaits comme notre Père céleste est parfait dans la miséricorde. Le pardon permet toujours une recréation de l'homme, car il s'agit d'une chance venue du Ciel...

Qui est ce Dieu de pardon ?
  
    Le livre de Jonas affirme que ce Dieu est « un Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère et riche de grâce et d'amour et se repentant du mal » (Jon 4, 2).
    Quant à Jérémie, il nous révèle un Dieu frissonnant de tendresse pour Éphraïm : « Éphraïm, est-il donc pour moi un fils si cher, un enfant tellement préféré, que chaque fois que j'en parle je veuille encore me souvenir de lui ? C'est pour cela que mes entrailles s'émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse, oracle du Seigneur Dieu » (Jr 31, 20).
    Pour le prophète Isaïe, Dieu nous a gravés sur les paumes de ses mains. Le Père dépasse et submerge la tendresse de toutes les mères du monde : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t'oublierai jamais. Vois, je t'ai gravée sur les paumes de mes mains, tes remparts sont devant moi sans cesse » (Is 49, 15-16).
    Enfin, Jésus révèle un Dieu dont l'amour est insondable. Quand ses enfants prodigues reviennent à la maison, II les embrasse longuement et leur redonne leur dignité d'enfants du Ciel.
    Dieu est bon et beau, et ses créations sont toutes à son image ; la Genèse, avec le récit de la naissance du monde, transpire magnifiquement la beauté de Dieu. Cette beauté resplendit pour l'homme. Dieu ne fait rien pour Lui ; toute la création est composée à l'intention de sa descendance.
    La beauté de Dieu, qui rejaillit sur la Création et qui peut être abîmée par l'homme, est toujours susceptible de renaître grâce au pardon. Si l'homme rejette le pardon, il se détache de Dieu et tombe dans une vie infrahumaine où la laideur, le mensonge et le mal dominent. S'il accepte le pardon, le bien renaît.

Comment comprendre la quête de l'universel qui traverse l'entière histoire du christianisme ?

    L'homme cherche toujours à se retrouver dans un ensemble plus large que lui-même, pour affermir et donner un développement à sa vie. Or, depuis ses origines, l'Église a souhaité intégrer chaque homme dans cette grande communauté de baptisés voulue par Dieu. Elle veut les rassembler dans une dignité commune, une égale destinée. En cela, l'Épouse du Christ fait magnifiquement écho à une quête qui est inhérente à l'homme lui-même. Il s'agit toujours d'une volonté d'enrichissement en se tournant vers l'autre. L'Esprit-Saint unit et DIEU suscite des charismes distincts : il y a une diversité dans l'unité. L'autre est toujours un trésor qui m'est offert par Dieu pour enrichir mon humanité et m'aider à grandir dans ma vocation propre. À mon tour, si pauvre que je sois, je me dois de promouvoir les richesses et les spécificités de l'autre. Je suis aussi un don - si modeste soit-il - pour l'autre. Nous formons une seule famille humaine, chacun apportant sa richesse propre, dans une merveilleuse mosaïque des cultures et des traditions. Il y a des trésors de l'humanité qui ne sont pas de vains mots.
    Aussi, l'universel ne doit-il pas détruire l'identité particulière. A travers les siècles, l'Église a pris soin de donner une place prépondérante aux expressions locales. Le plus bel exemple fut apporté par les rites liturgiques spécifiques, comme le rite ambrosien, le rite lyonnais, ou .le rite mozarabe.
    L'Église est une et différente en chaque point de la terre.

Aujourd'hui, pour de nombreux chrétiens, il est parfois difficile de garder confiance en l'avenir. . .

    Dans une vie chrétienne, les doutes affleurent parfois, mais la confiance revient toujours. Le meilleur synonyme du mot confiance, c'est le mot foi ! En fait, la confiance représente la plus belle manifestation de l'homme tourné vers Dieu. Sa Parole ne peut pas me tromper ni m'égarer. La confiance du chrétien consiste à s'abandonner totalement à la fidélité éternelle du Christ. Aujourd'hui, une certaine littérature est hantée par le problème de la transparence ; il semble que tout doit être transparent pour que la sincérité existe. Mais la véritable transparence, c'est le Christ. La confiance naît de cette lumière de la vérité qui ne s'épuise jamais. Les circonstances peuvent devenir difficiles, les vents rudoyer notre existence, les orages détruire nos repères humains, Jésus reste toujours avec nous : « Heureux l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur et dont le Seigneur est la foi. Il est comme un arbre planté au bord des eaux, qui étend ses racines vers le courant. Il ne craint pas la chaleur quand elle vient et son feuillage reste vert » (Jr 17, 7-8).
    Dans ses méditations, sainte Thérèse d'Avila a écrit des lignes magnifiques sur la véritable confiance dans cet absolu du Fils de Dieu : « Que rien ne te trouble, que rien ne t'effraie. Tout passe, Dieu ne change pas. La patience obtient tout. Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit. »
    Les moines, par la voie exigeante et pure de leur vie, montrent une espérance sans retour en la Parole de Dieu. Ils possèdent en abondance la simple confiance belle et exemplaire des petits enfants. Ils ont confiance car Dieu seul leur suffit vraiment. Ils savent que Dieu ne les trompera pas. La clef d'un si grand dépouillement dans la vie quotidienne, c'est la confiance, la prière et l'amour absolu pour Dieu. L'amour est un feu ; ce brasier les brûle d'un désir qui n'est pas orienté immédiatement vers l'action, mais plutôt vers Dieu seul.

La vie tout entière des moines est consacrée à la prière. Mais comment définir avec précision la prière ?

    Si l'homme ne possède pas de puits, il ne peut pas puiser d'eau. De la même manière, sans la prière, l'homme se dessèche car il n'a plus ni profondeur, ni intériorité, ni fontaine pour irriguer sa vie. La prière ouvre sur une oasis sans limites. Elle ne consiste pas fondamentalement à parler avec Dieu. Certes, il est normal que deux amis veuillent parler pour se connaître. De ce point de vue, Moïse est un bon exemple, qui parlait avec Dieu dans un face-à-face sublime ; l'Ancien Testament nous dit que lorsqu'il sortait de ces colloques intimes, son visage était illuminé. Nous ne pouvons pas rencontrer réellement Dieu sans que sa lumière brille sur nous. Par la prière, nous laissons Dieu graver sur notre visage la splendeur de sa Face.
    En fait, la prière consiste finalement à se taire pour écouter Dieu qui nous parle et pour entendre l'Esprit-Saint qui parle en nous. Je crois important de dire que nous ne savons pas et ne pouvons pas prier seuls : c'est l'Esprit-Saint qui prie en nous et pour nous. Saint Paul nous dit : « L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfant de Dieu. » II poursuit : « Pareillement, l'Esprit vient au secours de notre faiblesse. Car nous ne savons que demander pour prier comme il faut. Mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables. Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l'Eprit-Saint » (Pan 8, 16.26).
    Bien sûr, il ne fait aucun doute que les hommes doivent parler à Dieu ; mais la véritable prière laisse Dieu libre de venir à nous selon sa volonté. Nous devons savoir l'attendre dans le silence. Il faut durer dans le silence, dans l'abandon et dans la confiance. Prier, c'est savoir se taire longtemps ; nous sommes si souvent sourds, distraits par nos paroles... Hélas, il n'est pas évident que nous sachions écouter l'Esprit-Saint qui prie en nous. Plus nous persévérons dans le silence, plus nous aurons la chance d'écouter le murmure de Dieu. Souvenons-nous que le prophète Elie est resté longtemps caché dans une grotte avant d'entendre le doux murmure du Ciel. Oui, je le redis, la prière consiste d'abord à rester longtemps silencieux. Il nous faut souvent nous blottir auprès de la Vierge du silence pour lui demander de nous obtenir la grâce du silence de l'amour et de la virginité intérieure, c'est-à-dire une pureté de cœur et une disponibilité à l'écoute qui bannit toute présence qui n'est pas celle de Dieu. L'Esprit-Saint est en nous, mais nous sommes souvent remplis d'orchestres qui couvrent sa voix...
    La prière est un long temps de désert et d'aridité alors que nous avons envie de rejoindre les joies faciles du monde plutôt que d'attendre Dieu. Alors que tant de pensées nous éloignent de Dieu, il importe de ne pas oublier que l'Esprit-Saint reste présent. Les plus grands saints ont douté eux-mêmes de leur propre vie de prière, tellement la sécheresse était parfois rude ; sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus se demandait même si elle croyait dans les mots qu'elle disait dans ses prières quotidiennes.
    Je crois que la prière appelle en quelque sorte une absence de mots, car le seul langage que Dieu entende vraiment est le silence de l'amour. La contemplation des saints se nourrit exclusivement d'un face-à-face avec Dieu dans l'abandon. Il n'y a de fécondité spirituelle que dans un silence virginal, qui ne soit pas mêlé de trop de mots et de bruit intérieur. Il faut savoir se mettre à nu devant Dieu, sans fard. La prière a besoin de l'honnêteté d'un cœur sans tache. La virginité est l'essence même de l'absolu où Dieu nous garde.
    Dieu a enveloppé de sa lumière ineffable la pauvreté de Moïse. Il a déchargé son cœur de toutes les difficultés. Moïse fut dépouillé pour écouter vraiment l'espérance de Dieu. La véritable prière entraîne une forme de disparition de notre fatras personnel.
    Lorsque Jean-Paul II priait, il était abîmé en Dieu et pris par une présence invisible, comme un roc qui semblait totalement étranger à ce qui se passait autour de lui. Karol Wojtyla était toujours à genoux devant Dieu, immobile, pétrifié, et comme mort dans le silence devant la grandeur de son Père. En pensant à ce saint successeur de Pierre, je me remémore souvent cette phrase de Jean de la Croix dans la Montée du Mont-Carmel : « Pour jouir de l'union divine, tout ce qui est dans l'âme, grand ou petit, peu ou beaucoup, doit mourir. »
    Dieu ne se communique jamais pleinement qu'à un cœur qui ressemblerait à la lumière pure d'un matin d'été fort de belles promesses.
    Je n'ignore pas que le corps nous tire constamment en dehors de la prière. L'homme est aussi imagination, laquelle est habile à nous entraîner pour de si longs voyages loin de Dieu...
    Ainsi, je pense depuis longtemps que la prière ne peut prendre corps que dans la nuit. Dans l'obscurité, nous ne sommes illuminés que par Dieu. Comme Jacob, et à l'exemple des moines, il est important d'apprendre à prier en pleine nuit, alors que toute la création cherche le sommeil. La prière de la nuit nous replonge dans les ténèbres de la mort de Jésus Christ, que nous commémorons au cours des célébrations de la nuit pascale. Alors, selon Thomas Merton dans Le Signe de Jonas10, « l'obscurité sera comme une fontaine d'où nous sortirons lavés et illuminés, non plus séparés mais unis dans le Christ ressuscité ».
    Par la prière, l'homme est recréé dans l'immensité de Dieu ; elle est une petite anticipation de l'éternité. Par la prière, nous ressemblons au Christ qui aimait se recueillir toute la nuit : « Or il advint, en ces jours-là, qu'il s'en alla dans la montagne pour prier, et il passait toute la nuit à prier Dieu » (Lc 6, 12).

Pour se situer à un autre niveau, comment définir la contemplation ?

    Dans l'Ethique à Nicomaque, (son fils) Aristote en parle admirablement. Pour ce dernier, l'activité contemplative est par elle même l'action la plus élevée de l'homme sur cette terre. Ainsi, la contemplation constitue l'exact contraire de l'activité pratique ; par définition, elle est le moment le plus important de la vie humaine. Il spécifie que la sagesse du contemplatif comporte des plaisirs merveilleux, autant par la pureté que par la solidité. Le sage, même abandonné à lui-même, peut encore se livrer à la contemplation. Plus la sagesse est grande, plus la contemplation occupe une place importante dans la vie. Aristote précise que le sage a le devoir d'entraîner d'autres personnes vers l'activité contemplative. Il annonce les Pères du désert et tous les contemplatifs qui ont décidé de vouer leur vie à Dieu, sagesse et source de toute sagesse. Certes, les réalités divines dont parle Aristote sont très loin de notre Dieu et du Christ. Le philosophe appelait simplement à l'élévation de l'esprit et du cœur.
    En fait, il y a chez l'homme une forme de nostalgie de la compagnie de Dieu. Nous avons en nous un désir profond et une volonté d'être face à face avec le divin. Sur le plan chrétien, la contemplation est effectivement un cœur à cœur avec Dieu dans le silence et la solitude. Elle est impossible dans l'agitation du monde, mais plus encore dans les dispersions du bruit intérieur. Les tumultes les plus difficiles à encadrer restent nos propres orages intérieurs.
    Avec le Christ, la contemplation ressemble à la joie de deux amoureux qui se regardent silencieusement. Je pense souvent à ce petit paysan qui venait chaque jour dans l'église d'Ars. Il restait de longs moments absolument immobile devant le tabernacle. Un jour, le saint curé lui demanda « Que faites-vous là, cher ami ? » Alors, il lui répondit : « Je l'avise, et il m'avise. » Le petit paysan ne disait rien, car il n'avait pas besoin de parler pour dire au Christ qu'il l'aimait ; en retour, il n'avait pas besoin de manifestation du Fils de Dieu, car il se savait vraiment aimé. Dans l'amour, la parole n'est pas nécessaire. Plus la vie de silence est dense, plus l'âme est seule avec Dieu. Et plus l'âme est vierge, plus elle se retire du monde agité.
    Cependant, nous ne devons pas croire que la contemplation de Dieu n'est possible que dans le silence d'un monastère, d'une église, ou dans la solitude du désert. Jean-Paul II exhortait les chrétiens à être, « des contemplatifs en action ». Dans le commentaire de saint Thomas sur saint Jean se trouve un passage particulièrement éclairant. Jésus se tourne vers André et Jean qui lui ont demandé : « Rabbi - ce qui veut dire Maître — où demeures-tu ? » Et il leur répond : « Venez et voyez. » Saint Thomas donne ainsi un sens mystique à des paroles qui signifient effectivement que seules la rencontre et l'expérience personnelle peuvent nous faire connaître le Christ. Cette connaissance expérimentale de Dieu en nous est le cœur de la contemplation. La sainte humanité du Christ est toujours le chemin pour arriver à Dieu : le laisser parler dans le silence, devant le saint sacrement, face à un crucifix, en la présence d'un malade qui est un autre Christ, le Christ lui-même. Chaque âme, certes, a son chemin. Jean-Paul II disait que si parfois il se sentait mûr pour demander des choses à Dieu, en d'autres occasions, ce n'était pas le cas.
    Pour saint Thomas, il n'y a pratiquement pas de contradiction entre la contemplation et l'activité. Ainsi, un moine peut affronter une tempête spirituelle dans sa cellule ou dans l'église du monastère, et retrouver Dieu après avoir travaillé dans les champs... Le sacrifice, l'obéissance, la mortification sont susceptibles de le ramener au Père. Un intense travail intellectuel ou manuel purifie l'esprit des préoccupations qui rendent impossible l'union consciente à Dieu. « Ora et labora » résume les deux voies vers la contemplation offertes non seulement aux moines, mais à tous les disciples du Christ.
    La contemplation nous entraîne vers le divin dans un mouvement sans retour. L'homme qui contemple et rencontre son créateur ne sera plus jamais le même ; il pourra cent fois chuter, cent fois pécher, cent fois renier Dieu, une partie de son âme a déjà rejoint définitivement le Ciel.
    Il serait regrettable que la prière se transforme en longs bavardages indistincts qui nous éloignent de la contemplation authentique. La prière volubile ne permet pas d'entendre Dieu. Il s'agit d'un danger de la vie moderne où le silence se fait parfois gênant. Nous avons sans cesse besoin d'entendre le bruit du monde : aujourd'hui, la logorrhée est une forme de règle impérieuse, et le silence se rapporte à un échec...
    La contemplation représente un moment précieux de la rencontre entre l'homme et Dieu. La lutte demeure constante mais la victoire, superbe, est à ce prix.

Peut-être est-ce une gageure, mais pourriez-vous résumer en quelques mots la recherche de Dieu dont vous parlez si souvent ?

    Le psaume 42 dit : « Comme languit une biche auprès de l'eau vive, ainsi languit mon âme vers toi, mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand pourrai-je entrer et paraître face à Dieu ? » Je pense que ces phrases expriment le désir qui est au fond de nous de manière permanente ; l'homme a absolument besoin de Dieu, comme un nouveau-né a besoin de sa mère.
    Le Père nous a faits pour lui, mais notre cœur est angoissé, divisé par une sourde inquiétude. En fait, il attend simplement de reposer en Dieu ; Lui seul peut nous satisfaire. Voilà pourquoi, consciemment ou non, nous sommes constamment en recherche du Père.
    Il ne faut pas avoir peur de Le chercher toujours, car Dieu est caché par tant d'événements dans notre vie, tant de tentations, tant de fausses lumières qui nous aveuglent ; nous pouvons Le perdre facilement.
    Pourtant, le désir de Dieu reste inscrit dans le cœur de l'homme. Oui, l'homme a été créé par Dieu, pour Dieu, et Dieu ne cesse de l'attirer. Ce n'est qu'en Dieu que l'homme trouvera la vérité et le bonheur qu'il cherche avec fièvre. Saint Augustin a magnifiquement parlé de cette attirance éperdue de l'homme vers la cité de Dieu, et à l'opposé de tous les charmes périssables de la cité terrestre.
    L'homme souhaite l'exceptionnel, qui est Dieu, mais il ne l'a jamais rencontré vraiment. Dans notre temps d'indifférence religieuse, la recherche est encore plus vive. Car les choses du temps sont de connivence avec l'éternité. Si la sécheresse de l'époque semble effrayante, il ne faut pas oublier que la source divine reste plus présente que jamais. L'homme peut chercher sans savoir pourquoi, ou même refuser le chemin vers Dieu ; mais sa quête existe en profondeur. Comment savoir déceler cette soif intérieure, pour aider l'humanité à dépasser le voile des apparences sensibles ?
     Je pense que l'homme ne sera jamais indifférent devant Dieu. Il peut vouloir l'oublier, par mode ou par esprit idéologique. Mais ce repli frileux est circonstanciel. En ce sens, l'athéisme n'existe pas. Paradoxalement, le fait même de ne pas croire est déjà la proclamation d'une foi refoulée.

L'Eglise parle du bonheur surnaturel. Quelle est la signification de cette expression ?

    Pour les théologiens, la béatitude consiste à voir et à posséder Dieu. Sur la terre, nous ne voyons pas Dieu ; nous savons qu'il existe, mais nous ne Le voyons pas. D'après saint Thomas, la vision de Dieu dans le Ciel sera immédiate.
    Sur la terre, nous voudrions aimer de tout notre cœur, mais nous n'y arrivons pas. Pourquoi ? Parce que nous ne voyons pas Dieu. Au Ciel, notre âme sera silencieuse, parfaitement docile et transparente à la lumière. L'âme sera immobile. La perpétuelle inquiétude de l'homme sur la terre le conduit à la poursuite de fugitives apparences. Au Ciel, nous posséderons l'être.
La promesse d'une transformation et d'une résurrection ne cesse d'étonner depuis plus de deux mille ans. Il est certes difficile de se préparer sur cette terre au véritable bonheur du Ciel. La seule méthode sûre est de rester uni à Dieu présent dans notre cœur. La vision de l'éternité ne nous est pas donnée pendant notre vie présente, mais nous avons la foi qui est une possession dans les ténèbres.
    En ce monde, la certitude de la perfection de Dieu doit nous suffire. Saint Augustin a exprimé ce sentiment dans une formule paradoxale et célèbre. Dans les Confessions, il écrit : « Mon Dieu, si vous me proposiez de changer, de faire que moi, je devienne Dieu, et Vous Augustin, je dirais : Non ! J'aime mieux que vous soyez Dieu et moi Augustin ou n'importe quoi, qu'est-ce que ça fait ? C'est Vous qui êtes mon bonheur, ce n'est pas moi. »
    Les chrétiens savent qu'à la fin des temps le Christ reviendra dans la gloire. Selon la Bible, il sera escorté de tous les anges, et devant lui se rassembleront les peuples. Il séparera les hommes, comme le berger sépare les brebis des boucs. Il placera les uns à sa droite, pour vivre avec lui dans l'éternité, et les autres, qui ont choisi leur position, resteront éloignés de sa lumière. La cité terrestre n'est pas notre véritable patrie ; elle est un moment transitoire. Nous sommes nés pour faire un grand voyage vers la cité de Dieu et devenir « concitoyen des saints, habitants de la maison de Dieu » (Ep 2, 19).
    Malgré cette destination sublime, nous sommes appelés ici-bas à être les artisans de Dieu, pour que des gouttes de l'éternité descendent déjà dans ce monde. La vision du Ciel ne peut pas nous faire oublier que nous devons combattre les puissances du mal qui cherchent sans relâche à corrompre l'humanité créée par Dieu. Le règne de Dieu doit commencer hic et nunc.
    Sur terre, nous avons le trésor de la prière, qui est la langue du Ciel.
    Dans cette langue, tous les mots ne font que traduire une seule pensée, une seule vérité qui bientôt envahit l'âme et la pénètre entièrement pour la diriger et l'ennoblir ; cette vérité, le Christ lui-même l'annonce : je suis l'amour infini ; tout ce qui est à moi je vous le donne en sorte que nous soyons unis comme le Père et le Fils sont unis (Jn 17, 22-23).

Le latin dit : « Soli Deo ». Dieu seul doit toujours aimanter l'homme ?


    L'homme ne doit pas être tourné vers lui-même. C'est l'orientation exactement inverse qui lui assure l'équilibre et la vie. Il faut que l'homme s'arrache à lui-même. Tant qu'il est enfermé dans son ego, sa propre prison intérieure reste un véritable enfer.
    Dieu seul est la voie ouverte par laquelle nous pouvons échapper à nous-mêmes.
    C'est la pensée de Dieu seulement qui peut nous donner à la fois la liberté et la pureté, et l'équilibre entre l'une et l'autre. Ce n'est pas en prenant modèle sur les hommes, même sur les meilleurs, que nous saurons ce que nous devons faire, mais en nous tournant vers Dieu ; c'est Lui qui nous montrera quels sont les sacrifices qui nous sont demandés, et c'est Lui seul aussi qui nous donnera la force de les faire.
    Lorsque nous sommes dans l'obscurité et que nous ne parvenons plus à voir Dieu, ni même son idéal, il faut avoir un peu de courage en restant patiemment tournés vers Lui. Dans ces heures sombres, nous avançons plus rapidement vers le but. Les tunnels de la foi sont des raccourcis vers Dieu ; se distraire alors, c'est perdre de grandes grâces. Tant de saints en ont fait l'expérience...
    Si nous sommes fidèles à diriger toujours patiemment notre âme vers la lumière divine, nous deviendrons lumineux à notre tour, comme les fleurs prennent la ressemblance du soleil.
    L'orientation normale produira l'ordre, l'équilibre, la tranquillité et la paix. Alors, nous serons sur le chemin de la sainteté qui consiste à s'intéresser à Dieu plus qu'à soi-même et à vivre de sa beauté éternelle.
    Il s'agit du testament spirituel de Mère Teresa de Calcutta, qui pouvait écrire à la fin de sa vie : « Efforcez-vous de marcher dans la présence de Dieu, de voir Dieu en tous ceux que vous rencontrez, particulièrement dans les rues, irradiez la joie d'appartenir à Dieu, de vivre avec Dieu, d'être de Lui. »

 


 

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Sources : Extraits de la deuxième partie  "Dieu ou rien" - Entretien du cardinal Sarah avec Nicolas Diat -  E.S.M
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Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 09.10.2023

 

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