Benoît XVI célèbre la messe in Cœna
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Le 09 avril 2009 -
(E.S.M.)
- C'est dans la basilique Saint-Jean-du-Latran que le pape Benoît
XVI a célébré la messe in Cœna Domini
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Le pape Benoît XVI lors
de la messe de la dernière Cène
Benoît XVI célèbre la messe in Cœna
Domini
Le 09 avril 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- C'est dans la basilique Saint-Jean-du-Latran que le pape Benoît XVI
a célébré la messe in Cœna Domini qui donne le coup d’envoi du triduum
pascal, sommet de l’année liturgique. Au cours de cette messe, qui commémore
le dernier repas du Christ avant sa passion, le célébrant lave
symboliquement les pieds de 12 personnes, comme Jésus le fit pour ses
disciples, afin que chacun devienne à son tour serviteur. Un geste fortement
symbolique que le Pape a reproduit cette année encore. Le Pape qui a
longuement commenté le récit de l’institution de l’eucharistie.
La quête de cette messe a été faite, cette année, au profit de la toute
petite communauté catholique de Gaza, ce territoire durement éprouvé il y a
3 mois par une offensive israélienne et que Benoît XVI ne pourra pas visiter
pendant son prochain voyage en Terre Sainte, du 8 au 15 mai.
Homélie du Saint-Père
Chers frères et sœurs,
Qui, pridie quam pro nostra omniumque salute pateretur, hoc est hodie,
accepit panem : ainsi dirons-nous aujourd'hui dans le Canon de la Messe.
« Hoc est hodie » - la Liturgie du Jeudi Saint insère dans le texte
de la prière la parole « aujourd'hui », soulignant ainsi la dignité
particulière de cette journée. C'est aujourd'hui qu'Il l'a fait : pour
toujours, il s'est donné lui-même à nous dans le Sacrement de son Corps et
de son Sang. Cet « aujourd'hui » est avant toute chose le mémorial de
la Pâques d'alors. Mais il est davantage encore. Avec le Canon, nous entrons
dans cet « aujourd'hui ». Notre aujourd'hui rejoint son aujourd'hui.
Il fait cela maintenant. Par la parole « aujourd'hui », la Liturgie de
l'Église veut nous amener à porter une grande attention intérieure au
mystère de ce jour, aux mots dans lesquels il est exprimé. Cherchons donc à
écouter de façon neuve le récit de l'institution comme l'Église l'a formulé
sur la base de l'Écriture, tout en contemplant le Seigneur.
En premier lieu, il est frappant que le récit de l'institution ne soit pas
une phrase autonome, mais qu'il débute par un pronom relatif : qui pridie.
Ce « qui » rattache le récit entier aux paroles précédentes de la
prière, « ... qu'elle devienne pour nous le corps et le sang de ton Fils
bien-aimé, Jésus Christ, notre Seigneur ». De cette façon, le récit de
l'institution est lié à la prière précédente, à l'ensemble du Canon, et il
devient lui-même une prière. Ce n'est pas simplement un récit qui est ici
inséré, et il ne s'agit pas davantage de paroles d'autorité indépendantes,
qui viendraient interrompre la prière. C'est une prière. C'est seulement
dans la prière que s'accomplit l'acte sacerdotal de la consécration qui
devient transformation, transsubstantiation de nos dons du pain et du vin
dans le Corps et le Sang du Christ. En priant, en cet instant central,
l'Église est en accord total avec l'événement du Cénacle, puisque l'agir de
Jésus est décrit par ces mots : « gratias agens benedixit - il rendit
grâce par la prière de bénédiction ». Par cette expression, la Liturgie
romaine a énoncé en deux mots ce qui dans l'hébreu berakha n'est qu'un seul
mot et qui dans le grec apparaît en revanche à travers les deux termes
eucharistie et eulogie. Le Seigneur rend grâce. En rendant grâce, nous
reconnaissons que telle chose est un don que nous recevons d'un autre. Le
Seigneur rend grâce et par là il rend à Dieu le pain, « fruit de la terre et
du travail des hommes », pour le recevoir à nouveau de Lui. Rendre grâce
devient bénir. Ce qui a été remis entre les mains de Dieu, nous est retourné
par Lui béni et transformé. La Liturgie romaine a donc raison en
interprétant notre prière en ce moment sacré par les paroles : « offrons
», « supplions », « prions d'accepter », « de bénir ces
offrandes ». Tout cela est contenu dans le terme « eucharistie».
Il y a une autre particularité dans le récit de l'institution rapporté dans
le Canon romain, que nous voulons méditer en ce moment. L'Église priante
regarde les mains et les yeux du Seigneur. Elle veut comme l'observer, elle
veut percevoir le geste de sa prière et de son agir en cette heure
singulière, rencontrer la figure de Jésus, pour ainsi dire, même à travers
ses sens. "Il prit le pain dans ses mains très saintes...". Regardons
ces mains avec lesquelles il a guéri les hommes; les mains avec lesquelles
il a béni les enfants; les mains, qu'il a imposées aux hommes; les mains qui
ont été clouées à la Croix et qui pour toujours porteront les stigmates
comme signes de son amour prêt à mourir. Maintenant nous sommes chargés de
faire ce qu'Il a fait: prendre entre les mains le pain pour que, par la
prière eucharistique, il soit transformé. Dans l'Ordination sacerdotale, nos
mains ont reçu l'onction, afin qu'elles deviennent des mains de bénédiction.
Prions le Seigneur pour que nos mains servent toujours plus à porter le
salut, à porter la bénédiction, à rendre présente sa bonté!
De l'introduction à la prière sacerdotale de Jésus (cf. Jn
17, 1), le Canon reprend les paroles suivantes: "Les yeux
levés au ciel, vers toi, Dieu, son Père tout-puissant..." Le Seigneur
nous enseigne à lever les yeux et surtout le cœur. À élever le regard, le
détachant des choses du monde, à nous orienter vers Dieu dans la prière et
ainsi à nous relever. Dans une hymne de la prière des heures nous demandons
au Seigneur de garder nos yeux, afin qu'ils n'accueillent pas et ne laissent
pas entrer en nous les "vanitates" - les vanités, les futilités, ce
qui est seulement apparence. Nous prions pour qu'à travers nos yeux n'entre
pas en nous le mal, falsifiant et salissant ainsi notre être. Mais nous
voulons surtout prier pour avoir des yeux qui voient tout ce qui est vrai,
lumineux et bon; afin que nous devenions capables de voir la présence de
Dieu dans le monde. Nous prions afin que nous regardions le monde avec des
yeux d'amour, avec les yeux de Jésus, reconnaissant ainsi les frères et les
sœurs, qui ont besoin de nous, qui attendent notre parole et notre action.
En bénissant, le Seigneur rompit ensuite le pain et le distribua à ses
disciples. Rompre le pain est le geste du père de famille qui se préoccupe
des siens et leur donne ce dont ils ont besoin pour la vie. Mais c'est aussi
le geste de l'hospitalité par lequel l'étranger, l'hôte est accueilli dans
la famille et il lui est consenti de prendre part à sa vie. Partager -
partager avec, c'est unir. Par le fait de partager une communion se crée.
Dans le pain rompu, le Seigneur se distribue lui-même. Le geste de rompre
fait aussi mystérieusement allusion à sa mort, à son amour jusqu'à la mort.
Il se distribue lui-même, le vrai "pain pour la vie du monde"
(cf. Jn 6, 51). La nourriture dont l'homme a besoin au plus
profond de lui-même est la communion avec Dieu lui-même. Rendant grâce et
bénissant, Jésus transforme le pain, il ne donne plus du pain terrestre,
mais la communion avec lui-même. Cette transformation, cependant, veut être
le commencement de la transformation du monde. Afin qu'il devienne un monde
de résurrection, un monde de Dieu. Oui, il s'agit d'une transformation. De
l'homme nouveau et du monde nouveau qui prennent leur commencement dans le
pain consacré, transformé, transsubstantié.
Nous avons dit que le fait de rompre le pain est un geste de communion,
d'union par le fait de partager. Ainsi, dans le geste même est déjà indiquée
la nature profonde de l'Eucharistie: elle est agape, elle est amour rendu
corporel. Dans le mot "agape" les significations d'Eucharistie et
d'amour s'interpénètrent. Dans le geste de Jésus qui rompt le pain, l'amour
auquel nous participons a atteint sa radicalité extrême: Jésus se laisse
rompre comme pain vivant. Dans le pain distribué nous reconnaissons le
mystère du grain de blé, qui meurt et qui ainsi porte du fruit. Nous
reconnaissons la nouvelle multiplication des pains, qui vient de la mort du
grain de blé et qui continuera jusqu'à la fin du monde. En même temps nous
voyons que l'Eucharistie ne peut jamais être seulement une action
liturgique. Elle est complète seulement si l'agape liturgique devient amour
dans le quotidien. Dans le culte chrétien les deux choses deviennent une -
le fait d'être comblés par le Seigneur dans l'acte cultuel et le culte de
l'amour à l'égard du prochain. Demandons en ce moment au Seigneur la grâce
d'apprendre à vivre toujours mieux le mystère de l'Eucharistie si bien que
de cette façon la transformation du monde trouve son commencement.
Après le pain, Jésus prend la coupe remplie de vin. Le Canon romain qualifie
la coupe que le Seigneur donne à ses disciples, de "praeclarus calix"
(de coupe glorieuse), faisant allusion ainsi au
Psaume 22 [23], ce Psaume qui parle de Dieu comme du Pasteur puissant et
bon. On y lit: "Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis... ma coupe
est débordante" - calix praeclarus. Le Canon romain interprète ces paroles
du Psaume comme une prophétie qui se réalise dans l'Eucharistie: Oui, le
Seigneur nous prépare la table au milieu des menaces de ce monde, et il nous
donne la coupe glorieuse - la coupe de la grande joie, de la vraie fête, à
laquelle tous nous aspirons ardemment - la coupe remplie du vin de son
amour. La coupe signifie les noces : maintenant est arrivée l'«heure », à
laquelle les noces de Cana avaient fait allusion de façon mystérieuse. Oui,
l'Eucharistie est plus qu'un banquet, c'est un festin de noces. Et ces noces
se fondent dans l'auto-donation de Dieu jusqu'à la mort. Dans les paroles de
la dernière Cène de Jésus et dans le Canon de l'Église, le mystère solennel
des noces se cache sous l'expression « novum Testamentum ». Cette
coupe est le nouveau Testament - « la nouvelle Alliance en mon sang », tel
que Paul rapporte les paroles de Jésus sur la coupe dans la deuxième lecture
d'aujourd'hui (1 Co 11, 25). Le Canon romain
ajoute : « de l'alliance nouvelle et éternelle » pour exprimer
l'indissolubilité du lien nuptial de Dieu avec l'humanité. Le motif pour
lequel les anciennes traductions de la Bible ne parlent pas d'Alliance mais
de Testament, se trouve dans le fait que ce ne sont pas deux contractants à
égalité qui ici se rencontrent, mais entre en jeu l'infinie distance entre
Dieu et l'homme. Ce que nous appelons nouvelle et ancienne Alliance n'est
pas un acte d'entente entre deux parties égales, mais le simple don de Dieu
qui nous laisse en héritage son amour - lui-même. Certes, par ce don de son
amour, abolissant toute distance, il nous rend finalement vraiment «
partenaire » et le mystère nuptial de l'amour se réalise.
Pour pouvoir comprendre ce qui arrive là en profondeur, nous devons écouter
encore plus attentivement les paroles de la Bible et leur signification
originaire. Les savants nous disent que, dans les temps lointains dont nous
parlent les histoires des Pères d'Israël, « ratifier une alliance »
signifie « entrer avec d'autres dans un lien fondé sur le sang », ou
plutôt accueillir l'autre dans sa propre fédération et entrer ainsi dans une
communion de droits l'un avec l'autre. De cette façon se crée une
consanguinité réelle bien que non matérielle. Les partenaires deviennent en
quelque sorte « frères de la même chair et des mêmes os ». L'alliance
réalise un ensemble qui signifie paix (cf. ThWNT II,
105-137). Pouvons-nous maintenant nous faire au moins une idée de
ce qui arrive à l'heure de la dernière Cène et qui, depuis lors, se
renouvelle chaque fois que nous célébrons l'Eucharistie ? Dieu, le Dieu
vivant établit avec nous une communion de paix, ou mieux, il crée une «
consanguinité » entre lui et nous. Par l'incarnation de Jésus, par son
sang versé, nous avons été introduits dans une consanguinité bien réelle
avec Jésus et donc avec Dieu lui-même. Le sang de Jésus est son amour, dans
lequel la vie divine et la vie humaine sont devenues une seule chose. Prions
le Seigneur afin que nous comprenions toujours plus la grandeur de ce
mystère ! Afin qu'il développe sa force transformante dans notre vie intime,
de façon que nous devenions vraiment consanguins de Jésus, pénétrés de sa
paix et également en communion les uns avec les autres.
Maintenant, cependant, une autre question se pose encore. Au Cénacle, le
Christ a donné aux disciples son Corps et son Sang, c'est-à-dire lui-même
dans la totalité de sa personne. Mais a-t-il pu le faire ? Il est encore
physiquement présent au milieu d'eux, il se trouve devant eux ! La réponse
est : en cette heure Jésus réalise ce qu'il avait annoncé précédemment dans
le discours sur le Bon Pasteur : « Personne ne m'enlève ma vie : je la donne
de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre...
» (Jn 10, 18). Personne ne peut lui enlever la
vie : il la donne par sa libre décision. En cette heure il anticipe la
crucifixion et la résurrection. Ce qui se réalisera là, pour ainsi dire,
physiquement en lui, il l'accomplit déjà par avance dans la liberté de son
amour. Il donne sa vie et la reprend dans la résurrection pour pouvoir la
partager pour toujours.
Seigneur, aujourd'hui tu nous donnes ta vie, tu te donne toi-même à nous.
Pénètre-nous de ton amour. Fais-nous vivre dans ton « aujourd'hui ». Fais de
nous des instruments de ta paix ! Amen.
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Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.04.09 -
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