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19 Avril 2005
 

Laudato si'", une encyclique trop argentine

Le 09 février 2016 - (E.S.M.) - Les effets du "préjugé" latino-américain sur les solutions proposées par le pape François pour assainir le monde, d’après l'analyse critique qu’un théologien et économiste australien fait de cette encyclique.

Laudato si'", une encyclique trop argentine

Le 09 février 2016 - E. S. M. - "C’est le magistère de l’Église. Et il faut obéir au magistère". Voilà en quels termes le prélat argentin Marcelo Sanchez Sorondo, chancelier de deux académies pontificales, celle des sciences et celle des sciences sociales, a répondu sèchement, le 5 décembre dernier, aux économistes et aux chercheurs qui avaient critiqué, à l’occasion d’un colloque organisé par l'Acton Institute à l’université pontificale de la Sainte-Croix, le manque de fondement des thèses environnementalistes mises en avant dans l’encyclique "Laudato si" :

Le texte ci-dessous est une autre analyse critique de cette encyclique du pape François, à la fois théologique et scientifique, aux points de vue des sciences économiques, politiques et de l’environnement.

Il a été rédigé par un prêtre australien, Paul Anthony McGavin, aumônier de l’Université de Canberra. Celui-ci réunit en sa personne d’une part la compétence due à ses études de théologie et de philosophie et d’autre part trente ans de travaux de recherche en économie et en ressources humaines, comme enseignant et doyen de l'Australian Defence Force Academy de Canberra. Son livre le plus récent, publié en 2015, est le fruit d’une recherche approfondie sur le terrain  ; il est intitulé “Grappling Afresh with Labour Resource Challenges”.

Le premier point sur lequel s’exerce la critique que le père McGavin fait de "Laudato si'" est l’optique typiquement latino-américaine selon laquelle Jorge Mario Bergoglio envisage l'écologie humaine et environnementale ainsi que des questions telles que la pauvreté, l'égalité et la justice. Un "préjugé" qui empêche le pape d’effectuer une analyse rationnelle des phénomènes et qui rend invalides les solutions qu’il propose.

D’autre part – toujours d’après le père McGavin – c’est précisément le formidable talent du pape François à établir des relations de personne à personne qui fait obstacle à sa capacité à s’engager sur des questions plus globales, de système, qui concernent l’humanité tout entière.

Une coïncidence fait que ces critiques apparaissent quelques jours seulement après que François a indiqué pour la énième fois - précisément alors qu’il s’exprimait en faveur d’"un nouveau mode de vie" écologique - quelle était sa réponse à la "relation entre la pauvreté et la fragilité de la planète". Cela dans la vidéo (photo) où l’on voit le pape indiquer l'intention de l'Apostolat de la Prière pour le mois de février :

"Creyentes y no creyentes…"

L'extrait que l’on peut lire ci-dessous représente à peu près la moitié de l'analyse critique de "Laudato si'" que le père McGavin a rédigée pour www.chiesa. Le texte complet de cette analyse est disponible en anglais sur cette autre page :

What's wrong with "Laudato si'"?

Le père McGavin est déjà bien connu des lecteurs de ce site, qui ne le considèrent certainement pas comme un "traditionnaliste".

Dans sa plus récente intervention il avait proposé que les divorcés remariés puissent accéder à la communion s’ils y étaient autorisés par un rescrit canonique émanant de leur évêque, après une évaluation de leur cas individuel :

Hypothèse. Un rescrit qui permettrait de communier (24.11.2015)

Par ailleurs, en de précédentes occasions, il n’a pas manqué d’exprimer et de motiver des jugements positifs à propos d’autres aspects du magistère et de la personnalité du pape actuel.

Qu’est-ce qui ne va pas dans "Laudato si"?

par Paul Anthony McGavin

D’une manière générale je prête attention aux interviews données par le Saint-Père au cours de ses voyages aériens, parce que je trouve intéressant de prendre connaissance d’un texte qui est moins revu et corrigé que d’habitude et où on ne trouve pas la main d’un "nègre", contrairement à ce qui se passe souvent pour les encycliques pontificales. Ces conversations aériennes sont souvent superficielles et quelquefois tendancieuses. Un paragraphe du compte-rendu "L’Afrique nous surprend" qui a été publié dans "L’Osservatore Romano" du 4 décembre 2015 a particulièrement attiré mon attention. Interrogé à propos du récent changement de régime qui venait de se produire en Argentine, le pape a répondu de la manière suivante :

"J’ai entendu quelques opinions, mais vraiment, je ne sais pas quoi dire en ce moment à propos de cette géopolitique. Vraiment, je ne sais pas. Parce qu’il y a des problèmes dans beaucoup de pays dans ce sens, mais je ne sais vraiment pas pourquoi ou comment cela a commencé, je ne sais pas pourquoi. Vraiment. Il est vrai que beaucoup de pays latino-américains se trouvent dans cette situation qui change un peu, mais je ne sais pas l’expliquer".

Je pense que cette déclaration est tendancieuse, parce que les relations de Jorge Mario Bergoglio avec le régime Kirchner semblent avoir été conflictuelles et que d’autre part il est peu probable que l’ascension du régime Macri puisse s’accorder avec la vision du monde, clairement de centre-gauche, qui est celle de Bergoglio. La vision du monde du pape et de son (ses) nègre(s) dans "Laudato si" est périmée, les rédacteurs ne se rendant apparemment pas compte de la dysfonctionnalité de leurs points de vue par rapport au programme qu’ils proposent. Si seulement le pape s’était borné à dire "Je ne sais vraiment pas", "Laudato Si'" aurait été un document plus crédible

On perçoit clairement la main de Bergoglio dans "Laudato si'" (par exemple, le texte non-ecclésial le plus cité est "La fin des temps modernes" de Romano Guardini, sur les ouvrages de qui Bergoglio avait commencé ses études en vue du doctorat). Toutefois mais le manque évident de cohérence entre les différentes parties donne à penser que plus d’un nègre a participé à la rédaction. Ce qui apparaît le plus nettement dans le document, c’est sa culture latino-américaine – qui l’amène à présenter les nations d’Amérique centrale et du sud nées de l’impérialisme ibéro-catholique comme étant "l’Amérique latine". D’une manière générale, l’Amérique latine est connue internationalement pour le caractère arriéré de son économie et pour les comportements opportunistes qui prédominent sous des régimes à gouvernance faible.

Le pape et ses nègres (à partir de maintenant je dirai simplement "le pape") n’apprécieraient pas une telle description de son environnement culturel, mais elle est malheureusement exacte. À l’époque où les six colonies britanniques autonomes qui formaient l’Australie se sont unies en une fédération, en 1901, le revenu par habitant était plus élevé en Argentine qu’en Australie. Les données internationales comparées du FMI pour l’année 2014 montrent que le revenu moyen de l’Argentine représente 48% de celui de l’Australie. Les plus récentes estimations de la Banque Mondiale concernant la dispersion de la distribution du revenu (le coefficient de Gini) fait apparaître pour l’Argentine un déséquilibre en faveur des revenus plus élevés qui est plus élevée de 39% que l’estimation pour l’Australie – ce qui signifie que, en termes relatifs "les pauvres" argentins sont désavantagés de plus d’un tiers par rapport à leurs homologues australiens. Si l’on prend en considération le taux d’homicides pour 100 000 habitants, les données les plus récentes fournies par les Nations Unies font apparaître que ce taux est cinq fois plus élevé en Argentine qu’en Australie – autrement dit, la société argentine est beaucoup plus violente.

Si je cite ces données, ce n’est pas dans le but de valoriser l’Australie (même si je considère que notre modèle de gouvernance de style britannique donne de meilleurs résultats que les systèmes concurrents), ni dans celui de dénigrer l’Argentine. Mon objectif est de montrer que le pape, en adoptant une position idéologique majoritairement latino-américaine, s’aligne sur un mode de pensée qui empêche une appréciation rationnelle de l’efficacité dans le traitement de questions pour lesquelles ces données servent de substituts – l’écologie humaine et environnementale ainsi que des questions telles que la pauvreté, l’égalité, et la justice.

Par moments, "Laudato si'" se présente comme une diatribe contre le type de rationalité qui conduit à une amélioration de l’homme. Le pape s’y déclare explicitement opposé à une rationalité instrumentale : "La rationalité instrumentale… qui fait seulement une analyse statique de la réalité en fonction des réalités du moment" (n° 195  ; voir aussi n° 106-109). Il exprime son opposition à un "paradigme techno-économique" en utilisant des expressions telles que "dominant", "écrasant", et "les diktats et le paradigme d’efficacité de la technocratie" (n° 53, 104, 109, 189). Et pourtant c’est une rationalité instrumentale qui – par exemple – a conduit à des augmentations de la productivité des récoltes, à des réductions des dégâts occasionnés aux récoltes par les ravageurs, à des mesures de santé publique permettant d’améliorer, aux points de vue quantitatif et qualitatif, la vie des populations les plus nécessiteuses partout dans le monde. […]

"Finance" est un autre mot pour lequel le manque de compréhension conduit le pape au dénigrement. […] Le pape pense que "la finance étouffe l’économie réelle" et que cette "finance" a provoqué la crise financière mondiale (n° 109). Mais la "finance" n’est qu’une composante de l’institution humaine que nous appelons "l’économie"  ; "la finance" est aussi "réelle" que la composante de l’économie qui concerne les produits tangibles ("l’économie réelle") – de même que les "signes" des œuvres de Jésus dans l’évangile de Jean, au chapitre 6, sont aussi "réels" que le pain dont la foule put "manger à satiété".

De nos jours, les financiers donnent le nom de "produits" à ce qui fait l’objet de leurs transactions, même dans le cas où ces produits sont uniquement la trace électronique de transactions qui n’ont pas de "réalité" sous forme de documents "papier". En termes institutionnels, la meilleure explication de la crise financière mondiale consiste peut-être à considérer que celle-ci a été provoquée par l’affaiblissement des dispositions réglementaires prudentielles en matière financière qui a eu lieu aux USA, résultant du paradigme idéologique en matière économique de l’administration Reagan ("Reaganomics"). Si des dispositions institutionnelles du même genre que celles existant en Grande-Bretagne ou en Australie avaient été mises en œuvre dans ce pays, il est peu probable que les fluctuations des marchés financiers et immobiliers auraient été aussi spectaculaires et à aussi grande échelle. Dans son exhortation apostolique "Evangelii gaudium", le pape François s’est élevé contre un message principalement moralisant. Les "marchés des subprimes" à l’américaine sont certainement fondés sur des aspirations insoutenables en matière d’immobilier privé ("avidité"). Mais en termes d’action gouvernementale, le remède n’est pas la moralisation, mais une bonne gouvernance qui vient appuyer une sérieuse surveillance réglementaire prudentielle en matière de finance.

Tout au long de "Laudato si'", le pape s’en prend au "consumérisme" (nos 34 et 215), qui est selon lui un comportement "qui donne la priorité au gain à court à court terme et à l’intérêt privé" (n° 184), dans lequel "le marché… tend à créer un mécanisme extrêmement consumériste pour placer ses produits [de telle sorte que] les personnes finissent par être submergées par une spirale d’achats et de dépenses inutiles" (n° 203). Les paysans sont des "consommateurs" : ils consomment ce qu’ils produisent. Dans les systèmes de production sophistiqués, la consommation est principalement celle de biens et services faisant l’objet d’un commerce ("biens" ou "produits"). Il est évident que le pape est favorable à des activités de production moins spécialisées et à une moindre activité du marché. Ce qui implique une diminution de la production générale de biens et un accès plus limité aux diverses catégories de biens.

Il est certain que l’on constate malheureusement une moindre appréciation des plaisirs simples de la vie, auxquels on a souvent accès en dehors des systèmes de marché (ou, plus exactement, de manière complémentaire par rapport aux systèmes de marché). Mais il est probable que les valeurs qui conduisent à des changements dans les choix que font les gens soient davantage influencées par l’attirance et par une attente  que par une prédication (comme le pape l’a affirmé dans "Evangelii gaudium", n° 35, 38). La fourniture à grande échelle de services tels que l’électricité, l’eau et les systèmes sanitaires aux ménages n’est possible que s’il y a un vaste engagement dans des activités à caractère commercial qui assurent la base fiscale permettant d’assurer le fonctionnement des services publics – notamment dans le domaine de l’éducation au niveau nécessaire pour favoriser la mobilité sociale et dans celui des techniques sociales et techniques plus complexes nécessaires pour parvenir à des améliorations du niveau de vie. […]

Les bases en termes d’institutions et de gouvernance qui permettent une large amélioration du bien-être humain ne sont pas prises correctement en compte dans les très nombreuses impossibilités pratiques qui caractérisent "Laudato si'". Le pape est opposé à la "théologie de bureau". Et ayant depuis plus de vingt ans mené des travaux de recherche et rédigé des textes relatifs à la théologie pratique et appliquée, j’en viens à sympathiser avec les instincts de théologie pastorale et pratique qui s’expriment dans "Evangelii gaudium". […] Mais dans "Laudato si'", le pape pratique une théologie "de bureau", ou même "de fauteuil", parce qu’il ne peut pas s’appuyer sur une solide expérience d’engagement intellectuel et pratique intense dans des structures institutionnelles aux niveaux organisationnel et sociétal pour le progrès social. Trop souvent, dans cette encyclique, il ne reconnaît pas qu’il "ne sait pas" et il parle abondamment de sujets qu’il "ne connaît pas".

Le manque de compétence apparaît très clairement dans la diatribe centrale du pape à propos de la "pollution". L’encyclique inclut un passage que je n’attribue ni à Bergoglio ni à son principal nègre, dans lequel on lit, à propos des "causes humaines" qui provoquent le réchauffement de notre système climatique : " Il y a, certes, d’autres facteurs (comme le volcanisme, les variations de l’orbite et de l’axe de la terre, le cycle solaire), …" (n° 23). Cette perception du changement climatique comme quelque chose de complexe ne se maintient pas ; bien au contraire le pape soutient la manière de voir de certains journalistes et bureaucrates politisés qui attribuent le changement climatique à une cause récente et unique. C’est étrange de la part d’un pape. Les textes de l’Ancien Testament témoignent clairement de l’impact qu’a l’homme sur l’environnement et de l’expérience des variations du climat, y compris des variations extrêmes.

Le phénomène qu’est le changement climatique est peut-être en train de se développer, mais il n’est pas nouveau et il n’a pas qu’une seule cause. Au cours de la décennie qui a précédé l’union des colonies d’Australie en une fédération, le pays a connu de mauvaises années au point de vue des récoltes et du bétail en raison d’une expansion de l’agriculture et de l’élevage à laquelle manquait une expérience de longue durée à propos des variations climatiques qui sont caractéristiques du continent australien. Le pays a connu récemment des expériences similaires et l’Australian Bureau of Meteorology indique que 2015 a été la cinquième année la plus chaude depuis le début des relevés en 1910. Mais il reconnaît aussi que c’est largement dû à l’influence actuelle d’El Niño, mais celle-ci est en train de s’atténuer. […]

La dégradation de l’environnement est une affaire de degré, et l’évaluation pratique de ce degré ne peut pas être simple et faite en une seule mesure ; de plus, les estimations au niveau mondial peuvent être inapplicables à certaines régions géographiques ou à certaines situations économiques et sociales. En dépit de l’approbation donnée par le pape au "principe de subsidiarité" (n° 157, 183, 196) et de cette phrase : "On ne peut pas penser à des recettes uniformes, parce que chaque pays ou région a des problèmes et des limites spécifiques" (n° 180), l’encyclique met, dans l’ensemble, l’accent sur des généralités simplistes et sur des solutions universelles évoquées comme "des accords internationaux qui soient respectés" et "autorité politique mondiale" (n° 173, 175).

L’Australie augmente de plus en plus ses exportations de combustibles fossiles, charbon et gaz naturel, en particulier vers la Chine et l’Inde. Lors de la Conférence internationale sur le Climat qui a eu lieu récemment à Paris, le premier ministre indien, M. Modi, a insisté sur le fait que le développement de la fourniture d’électricité dans son pays est essentiel pour améliorer le bien-être humain du peuple indien et que ce développement dépend d’une utilisation accrue de combustibles fossiles. Les combustibles fossiles diffèrent les uns des autres quant à leur impact sur l’environnement : le charbon exporté par l’Australie est un charbon noir relativement "propre", pas du lignite "sale". Le gouvernement Modi, comme le gouvernement précédent dirigé par M. Singh, comprend que les politiques visant à l’emploi d’"énergie propre" nécessitent des financements – financements qui ne sont rendus possibles que par une augmentation des revenus. Ce qui implique que l’on admette que les politiques environnementales sont, pour employer le jargon des économistes, des "biens supérieurs" – ce qui veut dire que lorsque les revenus augmentent, il en est de même pour la demande de "biens supérieurs" et pour la capacité à fournir ceux-ci, tandis que la demande de "biens inférieurs", tels que les aliments de base, représente une moindre part de la demande totale.
 
En bref, le schéma journalistique populiste – et fréquemment aussi les schémas réalisés par des chercheurs – d’une relation défavorable entre la croissance économique et le bon état de l’environnement n’incluent pas les dynamiques économiques et sociales complexes qui sont impliquées dans la gestion de l’environnement. Avec des estimations plus sérieuses et avec une bonne gouvernance, il est probable que la relation sera positive – la croissance économique étant associée à des environnements plus propres. On peut nager en toute sécurité dans la plupart des cours d’eau australiens, alors que, habituellement, les cours d’eau des pays "en voie de développement" sont gravement polluées.

L’expression essentielle est "avec une bonne gouvernance". Le pape pense que le "capitalisme" et le "consumérisme" comportent de l’avarice, de la rapacité et une dégradation de l’environnement. Une évaluation plus sérieuse considère que les régimes socialistes associent l’opulence des classes dirigeantes à une baisse du niveau de vie pour la population en général – parce que l’avarice et la rapacité sont des vices humains présents partout. Des dégradations environnementales et humaines telles que celles qui sont si souvent mentionnées à propos de la Chine et de l’Amérique Latine sont mieux comprises si elles sont indiquées comme le fruit d’une gouvernance faible, inefficace, incompétente, et corrompue. Le pape reconnaît faiblement que les échecs institutionnels sont les principales causes des résultats non désirés : les effets débilitants de "systèmes institutionnels précaires" sont mentionnés seulement aux nos 142, 179. […]

Alors le pape François est-il complètement dans l’erreur ou même hérétique ? Non. Le fait qu’il faut prendre soin du monde dans lequel nous vivons est un précepte chrétien fondamental qui découle du récit de la création qui se trouve dans la Genèse (n° 66). La perspective du pape n’est pas correctement alignée parce qu’il interprète ce soin principalement en termes de "conservation", dans une perspective statique, alors que la conception chrétienne la plus répandue de la "gestion" du monde propose une perspective dynamique. Dans le Nouveau Testament, saint Luc est le plus grand représentant de cette manière de voir, comme j’ai essayé de le montrer dans mon travail de recherche qui a été publié sous le titre "Economic Language in Luke-Acts" [Le langage économique dans l’évangile de Luc et dans les Actes des Apôtres].

Le pape se trompe-t-il dans sa préoccupation à propos de la justice ? Non. Les bases d’une perspective de justice chrétienne se trouvent dans l’Ancienne Alliance (par exemple en Dt 24:14), dans laquelle, en principe, la justice distributive est clairement énoncée, ainsi que l’inclusion des personnes marginalisées dans les systèmes de production (par exemple, Lv 23:22) (n° 71). Je partage la prémisse du pape : "L’authentique développement humain a un caractère moral" et "la nécessaire relation entre la vie humaine et la loi morale… est inscrite dans notre nature [humaine] " (nos 5 et 115, 155). Le problème de "Laudato si'" ne réside pas dans l’aspiration à un développement humain intégral dans notre environnement créé. Le problème, c’est le manque général de compétence technique en ce qui concerne les problèmes pratiques connexes.

Le pape se montre ambitieux lorsqu’il cherche "à entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune" (n° 3). Mais cette ambition fait naître des dangers particuliers, parce qu’elle le conduit à faire appel à des conceptions humaines communes, y compris à certaines qui sont populistes. Le risque que comporte cet appel qu’il lance est que des conceptions humaines communes ne peuvent pas fournir un remède. Les arguments que j’ai brièvement présentés ici pourraient donner l’impression que je pense que des conceptions techniques moins-communes et plus-complexes peuvent fournir un remède. Ce serait une perception erronée. Ma vie n’est pas limitée à mon activité de professeur d’économie spécialisé en développement des ressources humaines avec un vaste champ d’études et de nombreuses publications en ce domaine. J’ai aussi été et je suis toujours un prêtre catholique – et je suis un prêtre parce que je crois profondément que l’homme ne peut pas porter remède à lui-même.

Lorsque le concept du péché dans la condition humaine n’est pas au premier plan, différentes formes d’auto-amélioration humaine ou de pélagianisme prévalent. Ce danger est présent dans "Laudato si'". J’ai été soulagé de constater que le mot "péché" apparaissait dans la seconde prière de clôture de l’encyclique parce que, d’une manière générale, celle-ci fait appel à des conceptions humaines communes – des conceptions humaines populistes – qui paraissent renforcer une approche humaniste simpliste de la "sauvegarde de notre maison commune".

À plusieurs reprises l’encyclique reconnaît que les systèmes écologiques et sociaux sont "complexes" et que de "multiples causes" y interviennent, ce qui a comme conséquence "que des solutions ne peuvent pas venir d’une manière unique d’interpréter et de transformer" les problèmes qui sont posés (n° 63). Cependant le fait qu’elle le reconnaisse ne débarrasse pas l’encyclique d’une approche générale simpliste qui utilise et promeut des conceptions populistes et idéologiques. Dans une perspective théologique, les lecteurs de l’encyclique qui n’appartiennent pas à l’Église vont probablement être confirmés dans des idées humanistes qui ne conduisent pas à la vision du monde présentée dans les évangiles. Dans une perspective intellectuelle plus complète, les personnes n’appartenant pas à l’Église (ainsi que ceux qui en font partie) qui lisent l’encyclique en s’appuyant sur des compétences techniques vont probablement l’abandonner parce qu’ils y verront une manifestation de romantisme franciscain.

En bref, je pense que cette initiative du pape Francis part d’une bonne intention et qu’elle émane d’un homme qui se considère comme "un pécheur". Toutefois sa culture et sa formation sont limitées. Sa personnalité comporte un formidable talent pour les relations de personne à personne mais celui-ci ne lui est pas d’une grande utilité pour aborder des idées générales, en s’adressant à "l’humanité" plutôt qu’à des individus et en utilisant les concepts abstraits et systémiques qui sont nécessaires pour étudier rationnellement des problèmes d’un ordre différent de ceux qui correspondent au génie du pape et peut-être aussi à sa mission.

À mon avis, une encyclique très différente, beaucoup plus courte, mieux informée au point de vue technique et plus précise au point de vue théologique aurait été plus utile et elle aurait fourni une meilleure base pour "entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune ".

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Traduction française par Antoine de Guitaut, Paris, France.
 

Sources : Sandro magister -  E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 09.02.2016

 

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