Après la Lettre du Pape Benoît XVI,
les voies ouvertes du Céleste Empire |
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Le 09 janvier 2009 -
(E.S.M.)
- Au Séminaire national de Pékin, le parchemin portant la
bénédiction de Benoît XVI est accroché au mur, un peu à l’écart, mais en
un point stratégique. Plus d’un an après sa publication, la Lettre du
Pape aux catholiques chinois suscite elle aussi des réactions
ambivalentes et paradoxales. «Pour nous tous», dit le père Joseph Jinde
Lin, l’un des assistants spirituels du séminaire, « le Pape a prononcé
des paroles définitives sur beaucoup de questions qui étaient
controversées depuis des décennies.
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Une procession devant
la statue de Matteo Ricci, à Pékin [©
Associated Press/LaPresse]
Après la Lettre du Pape Benoît XVI, les voies ouvertes du Céleste Empire
Reportage de Chine
Le 09 janvier 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Voyage dans les églises de Pékin et de Shanghai, où les chrétiens vivent eux
aussi dans les nouveaux scénarios d’un pays qui, lancé vers l’avenir, doit
compter avec la récession globale. Entre incertitudes, occasions nouvelles
et proximités inattendues
par Gianni Valente
Il fait nuit depuis un bon moment déjà, quand, presque insensiblement, les
rues et les carrefours autour de Zhengyi Road se remplissent de gardes,
d’agents de ville, de voitures de police aux lumières bleues clignotantes,
d’hommes en civil qui, sourcils froncés, se déplacent avec des
talkies-walkies. À huit heures, c’est l’heure H: la circulation est bloquée
pendant quelques minutes. Une petite foule de curieux assiste au rapide rite
quotidien du retour chez lui de Wen Jiabao, le premier ministre de la
République populaire chinoise et donc, par statut, l’un des hommes les plus
puissants de la terre. Tout près de là, la Pékin la plus glamour de Wang Fu
Jing Avenue continue tranquillement à célébrer ses fastes post-olympiques. À
l’ombre du Beijing Hotel, l’hôtel historique de la nomenklatura maoïste,
relooké en hôtel extraluxe, la foule se promène entre des mégastores
toujours ouverts et des restaurants où se presse une humanité gaie et
satisfaite qui semble à mille lieues du désespoir.
Le père Jean est un voisin de Wen Jiabao: l’église Saint-Michel, dont il est
le curé, se trouve à quelques pas du compound où vit le premier ministre. Il
lui arrive à lui aussi de se faufiler au milieu des bicyclettes et des
vigiles, quand il rentre chez lui, emporté comme les autres par le mouvement
de la foule anonyme du soir, perdu au milieu de tant d’autres. Et pourtant,
un jour, il y a quelques mois, tous les yeux de la Chine se sont pendant
quelques instants fixés sur lui. La flamme olympique était arrivée dans la
capitale de l’Empire et il était, lui, l’un des derniers porte-flambeaux,
ceux qui sont chargés de porter la flamme olympique sur quelques dizaines de
mètres dans les rues de Pékin. Quand cela a été son tour, sans réfléchir, il
a saisi l’occasion au vol. Il a élevé la torche devant la ville en fête et
avec cet objet-symbole de la nouvelle grandeur chinoise, il a dessiné en
l’air, rapidement, sans emphase, le signe de la Croix. Le geste le plus
simple qui lui est venu à l’esprit pour exprimer toute sa sympathie à
l’immense foule qui se pressait sur le trajet de sa brève course.
Il y a quatre cents ans, le grand jésuite Matteo Ricci avait été
impressionné par la grandeur humaine du dessin politique sur lequel reposait
le Céleste Empire. Lui aussi avait cherché, en regardant la Chine de son
temps, un point d’insertion, une affinité minimale, un écho familier, même
lointain, d’où partir pour que la semence chrétienne germe dans cette terre,
sans être rejetée immédiatement comme un corps étranger.
Aujourd’hui comme alors, dans la grande transformation qu’est en train de
vivre la Chine, l’aventure des chrétiens dispersés dans ce grand pays passe
à travers des proximités occasionnelles. Des mouvements de sympathie
gratuite que Dieu peut susciter entre les paysans de Sichuan et les managers
de Shanghai, entre les étudiants aux vêtements griffés et les pêcheurs de
Fuzhou. Et aussi entre ceux qui ont le pouvoir.
Après la Lettre
Au Séminaire national de Pékin, le parchemin portant la bénédiction de
Benoît XVI est accroché au mur, un peu à l’écart, mais en un point
stratégique. On ne le voit que si l’on descend l’escalier qui mène de
l’église à la crypte, mais tout le monde passe par là, au moins une fois par
jour. Les presque quatre-vingt séminaristes, la quarantaine de prêtres et
les quinze sœurs mènent là une vie scandée par les horaires et la discipline
d’un séminaire modèle: réveil à cinq heures et demie, une heure de prière,
messe, petit déjeuner, matinée d’étude, gymnastique, lecture spirituelle
durant les repas jusqu’à la méditation commune sur l’Évangile et les Pères,
faite en silence, tous les soirs. La vie qui se déroule dans le séminaire
est un concentré de tous les paradoxes qui marquent l’histoire anomale de la
catholicité chinoise. Dans les dépliants d’information, il est dit et répété
que le séminaire est financé par le gouvernement et se trouve sous l’égide
de l’Association patriotique des catholiques chinois, l’instrument par
lequel le gouvernement veut assurer le total alignement de l’Église à son
leadership politique. Le gouvernement, pour ce faire, intervient, entre
autres, dans la sélection des évêques. Mais, ensuite, les prêtres et les
séminaristes étudient sans aucune censure le Code de Droit canonique, y
compris les canons où il est écrit que seul le Pape «nomme librement les
évêques ou confirme ceux qui ont été légitimement élus». Et si arrive en
visite au séminaire l’un des rares évêques chinois consacrés sans le mandat
pontifical, le vide se crée autour de lui et aucun des prêtres ne descend
dans la chapelle pour dire la messe avec lui.
Plus d’un an après sa publication, la
Lettre du Pape aux catholiques chinois
suscite elle aussi des réactions ambivalentes et paradoxales. «Pour nous
tous», dit le père Joseph Jinde Lin, l’un des assistants spirituels du
séminaire, « le Pape a prononcé des paroles définitives sur beaucoup de
questions qui étaient controversées depuis des décennies. La Lettre nous dit
qu’il n’est pas nécessaire de nous opposer à ceux qui nous gouvernent:
maintenant plus personne ne peut dire que ceux qui dialoguent avec le
gouvernement ne sont pas, pour cette raison, de bons chrétiens ». Ils sont
déjà une dizaine – et les demandes de ce type augmentent en permanence – les
séminaristes venant de communautés non enregistrées auprès des organismes
gouvernementaux, qui ont demandé à poursuivre leur formation au Séminaire
national de Pékin, sortant ainsi de la situation de clandestinité plus ou
moins tolérée dans laquelle avait mûrie leur vocation sacerdotale. C’est là
l’un des nombreux signaux de la réconciliation silencieuse qui, à
l’intérieur de la catholicité chinoise, est en train de guérir lentement les
blessures et de dissiper les rancœurs entre ceux qui avaient déjà accepté de
collaborer avec la politique religieuse du gouvernement et ceux qui avaient
refusé le contrôle de celui-ci sur la vie de l’Église.
Les réactions les
moins enthousiastes devant les indications ou suggestions contenues dans la
Lettre du Pape viennent – énième paradoxe – de quelques éléments isolés de
l’aire clandestine qui, éventuellement, ont fait pendant des décennies de
l’obéissance au pape la bannière de leur fidélité sans compromis au Siège
apostolique. Un raidissement qui n’est pas toujours lié à de nobles idéaux.
Certains des prêtres dits “clandestins” jouissent paradoxalement de quelques
privilèges: ils gèrent sans aucun contrôle les offrandes pour les messes
qu’ils reçoivent des fidèles, ils profitent des donations des organisations
américaines hostiles au gouvernement chinois, ils circulent dans les
diocèses assez librement. Mais il s’agit – dit-on au Séminaire de Pékin –
d’exceptions, d’individus isolés qui font beaucoup de bruit parce qu’ils
interviennent de façon désordonnée à travers des blogs sur Internet.
Ils
écrivent entre autres que le Pape Benoît XVI s’est trompé ou a été trompé. «
La
réconciliation des cœurs, celle qui compte, est déjà commencée », assure le
père Jean Tian de l’église Saint-Pierre à Shanghai. « Les clandestins
reconnaissent eux-mêmes qu’il y a pleine communion de foi avec les
catholiques qui fréquentent les église “ouvertes”. Ces gens-là, pour la
plupart, ne vont certainement pas chatter sur Internet pour critiquer le
Pape, auquel ils sont très dévoués. Il faut user à leur égard aussi de
compréhension et de miséricorde: les problèmes se résoudront avec le temps
et de la patience. S’il n’y a pas de pardon, les autres ne peuvent
s’apercevoir que, parmi nous, il y a Jésus ». En attendant, la paroisse du
père Jean est toute sens dessus dessous en raison de travaux de
restauration. Mais, dans la petite pièce qui sert de chapelle, le Saint
Sacrement est toujours exposé et il y a toujours quelqu’un qui prie en
silence, sans chaussures, devant la petite statue de Marie Rose Mystique, la
Vierge qui a trois roses sur la poitrine. Là, dehors, le cœur affairé de
Shanghai ne cesse de battre à un rythme précipité.
Un rêve à risque
Les gourous du Fonds monétaire international en visite à Hongkong déclarent,
pour rassurer les gens, que la Chine, grâce à ses fortes réserves
monétaires, garantira la sécurité du monde entier au sein de la tempête de
la récession globale qui va balayer la planète les deux prochaines années.
Mais à Pékin, on ne se fie pas trop à ces alchimistes financiers de l’autre
côté de l’Océan. Dans le Guangdong a déjà commencé à la fin d’octobre une
véritable hécatombe dans les fabriques de jouets. Celles-ci ont fermé par
dizaines, l’une après l’autre, et les travailleurs ont été renvoyés chez
eux. « Les facteurs allant à l’encontre de la stabilité sociale
augmenteront », pronostiquait justement Wen Jiabao, déjà au début de
novembre.
La Chine est une locomotive lancée à toute allure vers l’avenir. Dans les
dernières années, le taux global de croissance économique du pays était
constamment à deux chiffres. Si cette locomotive déraillait maintenant en
pleine course – tout le monde le sait – les conséquences seraient
désastreuses sur la planète entière. La classe dirigeante chinoise a devant
elle des problèmes cyclopéens. C’est ce dont il vaut mieux avoir conscience,
même quand on s’intéresse au petit troupeau des catholiques chinois – entre
dix et douze millions, une goutte d’eau dans la mer de la population
chinoise (un milliard et trois cent mille âmes).
Ces deux dernières années, à la façon graduelle qui les caractérise, les
dirigeants chinois avaient opéré, en ce qui concerne la question religieuse,
des passages théoriques intéressants. En 2007, au dernier congrès du Parti
communiste chinois, le mot “religion” avait été inséré dans la constitution
du PCC. Pour la première fois dans l’histoire de la Chine communiste, les
sujets religieux pratiquants étaient reconnus, entre autres, dans la
planification théorique des stratégies politiques, comme composante sociale
compatible avec le modèle de développement du pays, au même titre que les
minorités ethniques. Puis, à la fin de 2007, Hu Jintao lui-même avait
réhabilité devant les plus hautes autorités l’idée que les religions peuvent
redevenir utiles pour construire la société harmonieuse, expression-clef
dans le lexique récent du pouvoir chinois: « Nous devons unir solidement les
croyants et les figures religieuses présentes dans les masses autour du
parti et du gouvernement et lutter ensemble avec eux pour construire tout
autour une société prospère, tandis que la marche vers la modernisation du
socialisme se fait plus rapide », avait dit le président chinois en
conclusion d’une session d’étude du Politburo consacrée à la question
religieuse. C’est pourquoi il semblait, avant les Olympiades, que le nouveau
scénario théorique élaboré aux niveaux élevés de la nomenklatura chinoise
pouvait, par effet domino, faire progresser de quelques pas importants la
marche exténuante de la normalisation des rapports complexes entre
gouvernement communiste, Église catholique chinoise et Saint-Siège. Puis,
une fois passée l’excitation olympique, les signaux venant de l’autre côté
de la Grande Muraille se sont faits à nouveau plus rares et énigmatiques
(voir l’encadré). Les vieux problèmes non résolus ont refait surface, comme
la prétention des organismes gouvernementaux à piloter les nominations des
évêques. Mais le contexte a changé et il faut que tout le monde en tienne
compte pour comprendre vraiment la situation.
Le rapport entre l’Église et le Céleste Empire a toujours eu ses
complications spécifiques. Bien avant Mao, ceux qui commandaient en Chine
avaient toujours du mal à reconnaître que l’évêque de Rome n’est pas une
sorte de monarque spirituel universel et que les évêques dispersés dans le
monde ne sont pas ses mandarins. Aujourd’hui, dernier facteur de
complication, la “question catholique” est placée par les fonctionnaires
chinois dans le cadre du revival religieux multiforme qui traverse le pays:
phénomène à plusieurs facettes, contrôlé par le gouvernement qui, ces
dernières années, concentre son attention non seulement sur les “zones
critiques” traditionnelles – comme la question tibétaine ou celle des
Ouigours, l’inquiète population musulmane du Xinjiang – mais aussi sur
l’impressionnante expansion de la fluide galaxie de l’évangélisme
protestant. Les communautés évangéliques militantes, liées de façon plus ou
moins directe avec les Églises libres de type nord-américain, étendent, avec
leur flot d’émotions et de miracles, leur réseau d’“églises domestiques” à
un rythme et avec des méthodes qu’il est difficile de contrôler. Leur
prolifération est telle que le nombre des fidèles a certainement largement
dépassé les 16 millions que les statistiques gouvernementales attribuent aux
communautés protestantes “historiques” (luthériens, calvinistes, réformés).
Une croissance exponentielle célébrée comme une victoire par les centrales
d’information actives aux États-Unis comme la China Aid Association, qui
avance le chiffre invérifiable de 130 millions de Chinois déjà devenus
“chrétiens nés de nouveau” dans les house churches aguerries, et qui
les présente tous comme de potentiels meneurs de batailles
anti-gouvernementales au nom de la liberté religieuse et des droits de
l’homme.
Pour l’heure, le retour du “facteur religieux” comme phénomène
sociologiquement important est examiné avec attention dans les hautes
sphères du pouvoir chinois. Les organismes culturels pro-gouvernementaux,
comme l’Académie des Sciences sociales, ont reçu d’en haut une invitation
explicite à étudier ce phénomène. Si le critère-guide du gouvernement est,
comme on peut le prévoir, la stabilité politique et la cohésion sociale, les
signaux d’alarme sont prêts à se déclencher devant toute réalité religieuse
qui vise à produire un effet socio-politique non assimilable aux nouveaux
mots d’ordre sur la “société harmonieuse”, et qui est perçue comme une force
antagoniste. Et le niveau d’alerte ne peut que s’élever avec la récession
globale qui menace aussi le miracle économique chinois.
Ce n’est pas un hasard si, ces derniers temps, le réseau insaisissable des
églises domestiques evangelical est entré de façon stable dans le
collimateur des contrôles opérés par les appareils policiers. Et les
incertitudes du moment pourraient en partie expliquer les difficultés
temporaires de communication dans les relations sino-vaticanes, parmi
lesquelles le point le plus controversé reste celui de la nomination des
évêques, avec des fonctionnaires chinois qui temporisent et évitent
d’essayer des solutions de compromis acceptables par le Saint-Siège. « Si le
gouvernement ne lâche pas prise », explique à 30Jours un jeune prêtre
chinois, « c’est aussi parce qu’il est habitué à considérer l’évêque comme un
homme de pouvoir, un homme capable de dicter une ligne politique aux autres
baptisés ». Ainsi, dans une situation anomale et complexe comme l’est la
situation chinoise, la concentration paroxystique de l’attention sur le
problème des nominations épiscopales finit à la longue par déformer les
mentalités: de jeunes prêtres contaminés par un carriérisme paradoxal
«passent leur temps à passer entre eux des accords et à chercher des
soutiens ecclésiaux et politiques pour devenir évêques. Et ils perdent de
vue tout le reste».
Ceux du seuil
Joseph Xing doit être fatigué s’il s’endort comme un enfant au cours du bref
trajet qui le mène à Jiading, à quarante kilomètres de Shanghai. Le
changement de fuseau horaire se fait sentir: il revient tout juste de Terre
Sainte, pèlerinage qu’il a fait en compagnie des fonctionnaires du Bureau
des Affaires religieuses. Mais dans la petite ville de l’hinterland de
Shanghai, on l’attend: il doit célébrer plus de cent confirmations et – tout
le monde le sait – pour rien au monde il ne manquerait à un devoir de ce
genre. De vieilles femmes voûtées par les ans, des quinquagénaires tirées à
quatre épingles et vêtues de leurs plus beaux atours, des mères de famille
portant leur enfant dans les bras sont là, en file, pour recevoir l’onction
sur le front. Et il y a aussi beaucoup de garçons et de filles qui
s’approchent de l’autel, l’air léger et le cœur jeune comme celui de la
Chine urbaine et moderne dont ils sont les fils.
Personne ne prend au sérieux ici les théories fantaisistes de quelques
intellectuels nord-américains qui voient à l’horizon la conversion accélérée
au christianisme de la moitié du peuple chinois par voie “culturelle”. Mais
c’est un fait qu’à Pékin, Shanghai et dans quelques autres mégapoles
chinoises, sont célébrés tous les ans, dans les églises catholiques, des
milliers de baptêmes de jeunes et d’adultes. Il y en a parmi eux qui entrent
dans la vie chrétienne par hasard, attirés parfois par les aspects les plus
fortuits ou les plus extérieurs: les luminaires qui décorent les églises à
Noël, la musique de l’orgue et les chants liturgiques entendus en passant,
par hasard, devant une paroisse; ou même la curiosité de comprendre qui peut
bien être ce saint Valentin que les amoureux du monde entier fêtent le 14
février.
Il ne font pas de grands discours, ils n’arrivent pas à expliquer ce qui les
attire. Pour beaucoup, au début, c’est seulement l’émotion d’avoir entendu
des paroles de promesse et d’espoir qui ont touché leur cœur, l’émotion
précisément sur laquelle comptent les evangelicals d’importation. «Une fois
entrés dans l’église», ajoute le père Jean, « il y a d’autres choses qui
opèrent mystérieusement: la liturgie, les histoires de Jésus écoutées
pendant la messe, la vue des gens qui prient en silence, dans le calme ». Ils
ne savent rien de la grande histoire de témoignage et de martyre qui a
conservé en terre chinoise le don de la foi. Ce don qui pourrait arriver
jusqu’à eux sans effort de leur part et sans tension. C’est pourquoi il est
temps, pour ne pas scandaliser leur sympathie inconsciente de débutants –
ils le répètent tous – de mettre de côté les scories toxiques des conflits
ecclésiaux du passé et le carriérisme nouvelle mouture qui les alimente
encore.
Pour le reste, l’équipe de prêtres et d’évêques quadragénaires qui sont en
train d’assumer les responsabilités dans l’Église de Chine, ne sait pas très
bien sur quel pied danser. Et les conditions auxquelles continue à être
soumis le lien de communion avec le Pape ne sont qu’une partie du rébus
devant lequel ils se trouvent. « Tôt ou tard, d’une façon ou de l’autre
», dit
encore le père Jean, « la normalisation des rapports entre Pékin et le
Vatican se fera. Mais en attendant, ici, tout change trop vite. Les vieux
témoins s’en vont peu à peu, nous, nous nous trouvons devant un monde en
perpétuel mouvement. Nous ne savons pas bien quoi faire ». L’assimilation
chinoise de la post-modernité globale est en train de changer tous les
paradigmes sociaux et culturels du passé. Et les prêtres ont pour tâche
d’apporter le nom du Christ dans l’immense chantier chinois, au moment même
où le grand dragon est en train de changer de peau. Et cela, avec la
tentation d’être à la hauteur, d’imaginer des stratégies qui soient adaptées
au moment. Et avec le risque de ne pas s’apercevoir que, même maintenant, il
suffit comme toujours, pour saisir l’occasion qui passe, que l’Église soit
elle-même.
C’est, à sa manière, ce que le vieux vicaire général Ai Zuzhang voudrait
suggérer aux jeunes prêtres de Shanghai. Il le fait avec délicatesse, se
référant à sa propre histoire, pendant qu’il célèbre avec eux une messe pour
fêter les quatre cents ans du diocèse de Shanghai: « J’étais riche », dit-il,
« si riche que ma famille payait encore les domestiques pour s’occuper de
moi, alors que j’étais déjà devenu prêtre. J’avais des problèmes de santé,
je ne savais rien faire, je ne savais pas ce qu’était le travail. Quand je
me suis retrouvé dans un camp de rééducation, je me suis demandé comment
j’allais pouvoir résister. Mais, ensuite, c’est le don de Dieu qui a tout
fait pour moi. Ma santé elle-même s’est améliorée… La même chose pourrait
vous arriver maintenant devant la tâche qui vous attend. Le Seigneur mettra
la main à l’avenir que vous avez devant vous ».
Sources : 30giorni.it
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.01.2009 -
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