Benoît XVI se demande si le Christ
est-il encore lumen gentium, aujourd'hui? |
 |
CITE DU VATICAN, le 09 Janvier 2007 -
(E.S.M.) - Synthèse et texte de l’homélie que le pape Benoît XVI a
prononcée lors de la messe qu’il a présidée dans la Basilique
Saint-Pierre, en la solennité de l’Épiphanie.
|
Le pape Benoît XVI lors en la solennité de
l’Épiphanie
Synthèse de l'homélie du Saint Père Benoît XVI (le texte
intégral est en seconde partie)
“Le Christ est lumière, et la lumière ne peut obscurcir, mais
seulement éclairer, éclaircir, révéler. Que personne par conséquent n’ait
peur du Christ et de son message ! » : L’homélie du Saint-Père Benoît XVI
pour la solennité de l’Épiphanie
«En quel sens, aujourd’hui, le Christ
est-il encore lumen gentium, lumière des gentils ? Qui sont aujourd’hui les
Mages ? Comment pouvons-nous interpréter, en pensant au monde actuel, ces
mystérieuses figures évangéliques ?» Ce sont les questions posées par le Saint-Père Benoît XVI, lors de l’homélie de la messe célébrée dans la
Basilique Vaticane le jour de la Solennité de l’Epiphanie du Seigneur,
samedi 6 janvier. Pour répondre à ces interrogations, le Pape s’est référé
au Concile Vatican II et à l’encyclique "Populorum
Progressio" du Pape Paul VI, publiée il y a 40 ans.
« Tout le Concile Vatican II a été mû par le désir d’annoncer à l’humanité
contemporaine le Christ, lumière du monde » a expliqué le Pape Benoît XVI,
rappelant les profondes transformations subies par le monde à cette époque.
« L’exigence d’élaborer un nouvel ordre mondial politique et économique,
mais en même temps et surtout, spirituel et culturel, c’est-à-dire un
humanisme renouvelé, émergeait. Avec une évidence croissante, une
constatation s’imposait : un nouvel ordre mondial économique et politique ne
fonctionne pas s’il n’y a pas un renouvellement spirituel, si nous ne
pouvons pas nous rapprocher de nouveau de Dieu et trouver Dieu au milieu de
nous ». Encore aujourd’hui, « au début du troisième millénaire nous nous
trouvons dans le vif de cette phase de l’histoire humaine, qui a été
désormais thématisée autour du mot ‘mondialisation’. D’autre part,
aujourd’hui nous apercevons combien il est facile de perdre de vue les
termes mêmes de ce défi, à cause du risque fortement renforcé par l’immense
expansion des médias, qui, si d’une part ils multiplient indéfiniment les
informations, de l’autre ils semblent affaiblir nos capacités d’une synthèse
critique ». La solennité de l’Épiphanie peut aider l’humanité à comprendre «
que nous ne pouvons, par nous seuls, promouvoir la justice et la paix, s’il
ne s’y manifeste pas la lumière d’un Dieu qui nous montre son visage, qui
nous apparaît dans la mangeoire de Bethléem, qui nous apparaît sur la Croix
».
Pour répondre à la question « qui sont les Mages d’aujourd’hui », le Pape
Benoît XVI a rappelé les « messages » envoyés par les Pères Conciliaires en
conclusion du Concile Vatican II : le premier adressé « aux gouvernants » et
le second « aux hommes de pensée et de science ». « Ce sont deux catégories
de personnes que nous pouvons voir représentées, en quelque sorte, dans les
figures évangéliques des Mages - a expliqué le Pape. Je voudrais ensuite en
ajouter une troisième, je me réfère aux guides spirituels des grandes
religions non chrétiennes. A deux mille ans de distance, nous pouvons donc
reconnaître dans les figures des Mages une sorte de préfiguration de ces
trois dimensions constitutives de l’humanisme moderne : la dimension
politique, celle scientifique, et celle religieuse ». L’Épiphanie nous
montre l’humanisme en « pèlerinage », c’est-à-dire dans un mouvement de
recherche, qui a son point d’arrivée dans le Christ. En même temps Dieu
aussi est en pèlerinage vers l’homme. « Qui est en effet Jésus, sinon Dieu
sorti, pour ainsi dire, de lui-même pour venir à la rencontre de l’humanité
? Par amour Il s’est fait histoire dans notre histoire ; par amour il est
venu nous apporter le germe de la vie nouvelle et la semer dans les sillons
de notre terre, pour qu’elle germe, fleurisse, et porte du fruit ».
Les Messages conciliaires « n’ont nullement perdu leur actualité » a rappelé
le Saint-Père. « Aux chefs des peuples, aux chercheurs et aux scientifiques,
aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire d’associer les représentants
des grandes traditions religieuses chrétiennes, les invitant à rencontrer la
lumière du Christ, qui est venu non pas abolir, mais porter à son
accomplissement tout ce que la main de Dieu a écrit dans l’histoire
religieuse des civilisations, spécialement dans les « grandes âmes », qui
ont contribué à édifier l’humanité par leur sagesse et leur vertu
exemplaire. Le Christ est lumière, et la lumière ne peut obscurcir, mais
seulement éclairer, éclaircir, révéler. Que personne, par conséquent, n’ait
peur du Christ et de son message ! Et si au cours de l’histoire, les
chrétiens, étant des hommes limités et pécheurs, ont parfois pu le trahir
par leurs comportements, cela fait ressortir encore plus que la lumière est
le Christ et que l’Eglise la reflète seulement en restant unie à Lui. »
Texte intégral de l’homélie de Benoît XVI
Chers frères et sœurs,
Nous célébrons avec joie la solennité de l'Épiphanie, « manifestation » du
Christ aux nations, qui sont représentées par les Mages, mystérieux
personnages venus d'Orient. Nous célébrons le Christ, but du pèlerinage des
peuples à la recherche du salut. Dans la première Lecture, nous avons écouté
le prophète, inspiré par Dieu, contempler Jérusalem comme un phare de
lumière qui, au milieu des ténèbres et des brumes de la terre, oriente le
chemin de tous les peuples. La gloire du Seigneur resplendit sur la Ville
sainte et attire tout d'abord ses enfants exilés et dispersés, mais en même
temps les nations païennes également, qui viennent de toute part à Sion
comme vers une patrie commune, l'enrichissant de leurs biens (cf. Is 60,
1-6). Dans la deuxième lecture nous a été reproposé ce que l'Apôtre Paul
écrivait aux Éphésiens, c'est-à-dire que précisément la convergence des
Juifs et des Païens, grâce à l'initiative pleine d'amour de Dieu, dans
l'unique Eglise du Christ était le « mystère » manifesté dans la plénitude
du temps, la « grâce » dont Dieu l'avait fait le ministre (cf. Ep 3,
2-3a.5-6). Tout à l’heure, dans la Préface, nous chanterons : « Aujourd'hui
dans le Christ, lumière du monde /tu as révélé aux peuples le mystère du
salut ».
Vingt siècles se sont écoulés depuis que ce mystère a été révélé et s’est
réalisé dans le Christ, mais celui-ci n'est pas encore parvenu à son
accomplissement. Mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II, ouvrant son
encyclique sur la mission de l'Eglise, a écrit que « au terme du deuxième
millénaire après sa venue, un regard d'ensemble porté sur l'humanité montre
que cette mission en est encore à ses débuts » (Redemptoris
Missio, n. 1). Plusieurs questions se posent alors
spontanément : dans quel sens, aujourd'hui, le Christ est-il encore lumen
gentium, lumière des nations ? A quel point se trouve - si l'on peut ainsi
dire - cet itinéraire universel des peuples vers Lui ? Est-il dans une phase
de progrès ou de recul ? Et encore : qui sont aujourd'hui les Mages ?
Comment pouvons-nous interpréter, en pensant au monde actuel, ces
mystérieuses figures évangéliques ? Pour répondre à ces interrogations, je
voudrais revenir à ce que les Pères du Concile Vatican II dirent à ce
propos. Et j'ai plaisir à ajouter que, immédiatement après le Concile, le
Serviteur de Dieu Paul VI, il y a quarante ans, précisément le 26 mars 1967,
consacra l'Encyclique
Populorum Progressio au développement des peuples.
En vérité, tout le Concile Vatican II fut inspiré par la volonté d'annoncer
le Christ, lumière du monde, à l'humanité contemporaine. Au cœur de
l'Eglise, à partir du sommet de sa hiérarchie, apparut de manière
impérieuse, suscité par l'Esprit Saint, le désir d'une nouvelle épiphanie du
Christ au monde, un monde que l'époque moderne avait profondément transformé
et qui, pour la première fois dans l'histoire, se trouvait face au défi
d'une civilisation mondiale, où le centre ne pouvait plus être l'Europe, pas
plus que ce nous appelons l'Occident et le Nord du monde. Apparaissait
l'exigence d'élaborer un nouvel ordre mondial politique et économique, mais,
dans le même temps et surtout, spirituel et culturel ; c'est-à-dire un
humanisme renouvelé. Cette constatation s'imposait avec une évidence
croissante. Un nouvel ordre mondial économique et politique ne fonctionne
pas s'il n'y a pas de renouveau spirituel, si nous ne pouvons pas nous
approcher à nouveau de Dieu et trouver Dieu parmi nous. Avant le Concile
Vatican II, des consciences éclairées et des penseurs chrétiens avaient déjà
eu l'intuition de ce défi historique et l'avaient affronté. Eh bien, au
début du troisième millénaire, nous nous trouvons au cœur de cette phase de
l'histoire humaine, qui a désormais été classifiée autour du terme «
mondialisation ». D'autre part, nous nous apercevons aujourd'hui à quel
point il est facile de perdre de vue les termes de ce même défi, précisément
parce que l'on est concerné par ce défi : un risque fortement renforcé par
l'immense expansion des mass media, qui, d'une part, s'ils multiplient
indéfiniment les informations, de l'autre, semblent affaiblir nos capacités
de réaliser une synthèse critique. La solennité d'aujourd'hui peut nous
offrir cette perspective, à partir de la manifestation d'un Dieu qui s'est
révélé dans l'histoire comme lumière du monde, pour guider et introduire
finalement l'humanité dans la terre promise, où règnent la liberté, la
justice et la paix. Et nous voyons toujours davantage que nous ne pouvons
pas promouvoir seuls la justice et la paix, si ne se manifeste pas à nous la
lumière d'un Dieu qui nous montre son visage, qui nous apparaît dans la
mangeoire de Bethléem, qui nous apparaît sur la Croix.
Qui sont donc les « Mages » d'aujourd'hui, et où en est leur « voyage » et
notre « voyage » ? Chers frères et sœurs, revenons à ce moment de grâce
spéciale que fut la conclusion du Concile Vatican II, le 8 décembre 1965,
quand les Pères conciliaires adressèrent à l'humanité tout entière plusieurs
« Messages ». Le premier était adressé « Aux gouvernants », le deuxième «
Aux hommes de la pensée et de la science ». Il s'agit de deux catégories de
personnes que, d'une certaine manière, nous pouvons voir représentées dans
les figures évangéliques des Mages. Je voudrais ensuite en ajouter une
troisième, à laquelle le Concile n'adressa pas de message, mais qui fut bien
présente à son esprit dans la Déclaration conciliaire
Nostra Aetate.
Je fais référence aux guides spirituels des grandes religions non
chrétiennes. Plus de deux mille ans après, nous pouvons donc reconnaître
dans les figures des Mages une sorte de préfiguration de ces trois
dimensions constitutives de l'humanisme moderne : la dimension politique, la
dimension scientifique et la dimension religieuse. L'Epiphanie nous le
montre dans un état de « pèlerinage », c'est-à-dire dans un mouvement de
recherche, souvent un peu confuse, qui, en définitive, possède son point
d'arrivée dans le Christ, même si parfois l'étoile se cache. Dans le même
temps, elle nous montre Dieu qui, à son tour, est en pèlerinage vers
l'homme. Ce n'est pas seulement le pèlerinage de l'homme vers Dieu ; Dieu
lui-même s'est mis en marche vers nous : en effet, qui est Jésus, sinon Dieu
qui est sorti, pour ainsi dire, de lui-même pour venir à la rencontre de
l'humanité ? Par amour, Il s'est fait histoire dans notre histoire ; par
amour, il est venu nous apporter le germe de la vie nouvelle (cf. Jn 3, 3-6)
et la semer dans les sillons de notre terre, afin qu'elle germe, qu'elle
fleurisse et qu'elle porte du fruit.
Je voudrais aujourd'hui faire miens ces Messages conciliaires, qui n'ont
rien perdu de leur actualité. Comme par exemple là où, dans le Message
adressé aux gouvernants, on peut lire : « C'est à vous qu'il revient d'être
sur terre les promoteurs de l'ordre et de la paix entre les hommes. Mais, ne
l'oubliez pas : c'est Dieu, le Dieu vivant et vrai, qui est le Père des
hommes. Et c'est le Christ, son Fils éternel, qui est venu nous le dire et
nous apprendre que nous sommes tous frères. C'est lui, le grand artisan de
l'ordre et de la paix sur la terre, car c'est lui qui conduit l'histoire
humaine et qui seul peut conduire les cœurs à renoncer aux passions
mauvaises qui engendrent la guerre et le malheur ». Comment ne pas
reconnaître dans ces paroles des Pères conciliaires la trace lumineuse d'un
chemin qui, seul, peut transformer l'histoire des nations et du monde ? Et
encore, dans le « Message aux hommes de la pensée et de la science », nous
lisons : « Continuez à chercher sans vous lasser, sans désespérer jamais de
la vérité ! » - tel est, en effet, le grand danger : perdre intérêt pour la
vérité et chercher seulement l'action, l'efficacité, le pragmatisme ! - «
Rappelez-vous, continuent les Pères conciliaires, la parole d'un de vos
grands amis, saint Augustin : « Cherchons avec le désir de trouver et
trouvons avec le désir de chercher encore ». Heureux ceux qui, possédant la
vérité, continuent de la chercher, pour la renouveler, pour l'approfondir,
pour l'offrir aux autres. Heureux ceux qui, ne l'ayant pas trouvée, marchent
vers elle d'un cœur sincère : qu'ils cherchent la lumière de demain avec les
lumières d'aujourd'hui, jusqu'à la plénitude de la lumière !».
Voilà ce qui était dit dans les deux Messages conciliaires. Aux chefs des
peuples, aux chercheurs et aux scientifiques, il est aujourd'hui plus que
jamais nécessaire d'ajouter les représentants des grandes traditions
religieuses non chrétiennes, en les invitant à se confronter à la lumière du
Christ, qui n'est pas venu pour abolir, mais pour mener à bien ce que la
main de Dieu a inscrit dans l'histoire religieuse des civilisations, en
particulier dans les « grandes âmes », qui ont contribué à édifier
l'humanité par leur sagesse et leurs exemples de vertu. Le Christ est
lumière, et la lumière ne peut pas obscurcir, mais seulement illuminer,
éclairer, révéler. Que personne n'ait donc peur du Christ et de son message
! Et si, au cours de l'histoire, les chrétiens, qui sont des hommes limités
et pécheurs, ont parfois pu le trahir par leurs comportements, cela met
encore davantage en évidence que la lumière est le Christ et que l'Eglise ne
la reflète qu'en restant unie à Lui.
« Nous avons vu l'étoile en Orient et nous sommes venus pour adorer le
Seigneur » (Acclamation à l'Evangile, cf. Mt 2, 2). Ce qui chaque fois nous
étonne, en écoutant ces paroles des Mages, est que ces derniers se
prosternèrent en adoration devant un petit enfant dans les bras de sa mère,
non pas dans le cadre d'un palais royal, mais dans la pauvreté d'une
bergerie à Bethléem (cf. Mt 2, 11). Comment cela a-t-il été possible ?
Qu'est-ce qui a convaincu les Mages que cet enfant était « le roi des Juifs
» et le roi des peuples ? Ils ont certainement été persuadés par le signe de
l'étoile, qu'ils avaient vu « se lever » et qui s'était arrêtée précisément
au-dessus du lieu où se trouvait l'Enfant (cf. Mt 2, 9). Mais même l'étoile
n'aurait pas suffi, si les Mages n'avaient pas été des personnes
profondément ouvertes à la vérité. A la différence du roi Hérode, absorbé
par son intérêt pour le pouvoir et la richesse, les Mages étaient tendus
vers l'objectif de leur recherche, et lorsqu'ils le trouvèrent, bien qu'ils
fussent des hommes cultivés, ils se comportèrent comme les bergers de
Bethléem : ils reconnurent le signe et adorèrent l'Enfant, en lui offrant
les dons précieux et symboliques qu'ils avaient apportés avec eux.
Chers frères et sœurs, arrêtons-nous nous aussi en esprit face à l'icône de
l'adoration des Mages. Celle-ci contient un message exigeant et toujours
actuel. Exigeant et toujours actuel en particulier pour l'Eglise qui, se
reflétant en Marie, est appelée à montrer Jésus aux hommes, rien d'autre que
Jésus. En effet, Il est Tout et l'Eglise n'existe que pour rester unie à Lui
et le faire connaître au monde. Que la Mère du Verbe incarné nous aide à
être des disciples dociles de son Fils, Lumière des nations. L'exemple des
Mages d'alors constitue également une invitation pour les Mages
d'aujourd'hui à ouvrir les esprits et les cœurs au Christ et à lui offrir
les dons de leur recherche. A eux, à tous les hommes de notre temps, je
voudrais aujourd'hui répéter : n'ayez pas peur de la lumière du Christ ! Sa
lumière est la splendeur de la vérité. Laissez-vous illuminer par Lui,
peuples de toute la terre ; laissez-vous envelopper par son amour et vous
trouverez le chemin de la paix. Ainsi soit-il.
Tous les
textes du temps de l'Avent et de Noël :
►
Table Noël
Toutes les
photos des célébrations
►Album photos
(pages 26 à 29)
Sources:
www.vatican.va -
E.S.M.
© Copyright 2006 - Libreria Editrice Vatican
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.01.2007 - BENOÎT XVI |