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Benoît XVI s'est adressé aux prélats de la C.E.C. de l'Ontario
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CITE DU VATICAN, 8 SEPTEMBRE 2006. Le Saint-Père Benoît XVI a reçu
ce matin les prélats de la Conférence épiscopale canadienne de
l'Ontario, ayant achevé leur visite Ad Limina. Synthèse de
l'intervention du Saint Père.
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Mgr Richard Smith, évêque de Pembroke, Ontario
REUSSITE DE LA
DEMOCRATIE FONDEE SUR LA VERITE
Le Saint-Père a reçu ce matin 8 septembre les prélats de la Conférence
épiscopale canadienne de l'Ontario, achevant leur visite Ad Limina. Devant
ses hôtes, Benoît XVI a souligné "la mission fondamentale qu'il y a à
évangéliser la culture et à rendre perceptible Dieu dans la figure humaine
de Jésus", leur demandant d'aider les fidèles à "voir et vivre l'amour du
Christ... et à désirer vivre dans la maison du Seigneur qu'est l'Église".
Benoît XVI a dénoncé le relativisme présent dans la société canadienne en
critiquant la vision biaisée du mariage et l’avortement permis “au nom de
‘la tolérance’“.
"Le divorce entre Évangile
et culture, qui repousse Dieu dans la sphère privée, constitue un obstacle à
la diffusion du Royaume", a ensuite constaté le Pape, pour qui
"le Canada a une réputation méritée en matière de justice et de paix. En
même temps, cependant, certaines valeurs ont évolué dans des voies les plus
inquiétantes. Au nom de la “tolérance” votre pays a dû subir la folie de la
redéfinition de l'époux, et au nom de “la liberté de choix” il est confronté
à la destruction quotidienne d'enfants à naître.
Lorsqu'on ignore le projet divin du Créateur, c'est la vérité sur la nature
humaine qui se perd".
"L’avertissement de saint Jean
demeure cependant toujours actuel, poursuit Benoît XVI. Dans les sociétés de
plus en plus sécularisées, vous en faites vous-mêmes l’expérience, l’amour
qui jaillit du cœur de Dieu en direction de l’humanité peut passer inaperçu
ou même être repoussé. En imaginant que se soustraire à cette relation
constitue, d’une manière ou d’une autre, une solution pour sa propre
libération, l’homme devient en fait étranger à lui-même, parce qu’ "en
réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du
Verbe incarné" (Gaudium et spes, n. 22). Par le peu d’intérêt qu’ils portent
à l’amour qui révèle la plénitude de la vérité de l’homme, de nombreux
hommes et femmes continuent de s’éloigner de la demeure de Dieu pour vivre
dans le désert de l’isolement individuel, de la fracture sociale et de la
perte d’identité culturelle."
Puis le Pape a rappelé que "la
démocratie ne réussit seulement que dans la mesure où elle est fondée sur la
vérité et sur une compréhension correcte de la personne humaine.
L'engagement des catholiques dans la vie politique ne peut accepter de
compromis avec ce principe. Et c'est pourquoi les élus catholiques eux-mêmes
ne peuvent "sacrifier l'unité de la foi et entériner la désagrégation de la
raison et des principes de la morale naturelle en cédant à d'éphémères
tendances sociales et aux réclamations spécieuses des sondages d'opinion".
"Dans vos discussions avec les responsables politiques - a poursuivi
Benoît XVI - je vous encourage à démontrer que notre foi chrétienne, loin
d'être un loin d'être un obstacle au dialogue, est un pont, précisément
parce qu'elle réunit la raison et la culture."
Benoît XVI a aussi
noté que la communauté chrétienne elle-même connaissait de “fausses
dichotomies“. Elles sont particulièrement graves, lorsque des “leaders
civils chrétiens sacrifient l’unité de la foi“ et valident “la
désintégration de la raison et les principes de l’éthique naturelle“, en se
livrant “à des modes sociales éphémères“ et aux sondages d’opinion.
Dans le cadre encore de l'évangélisation de la culture, Benoît XVI a salué
"l'excellent réseau scolaire catholique" de l'Ontario, rappelant notamment
que "le catéchisme et l'enseignement religieux constituent un apostolat
délicat". C'est pourquoi il a tenu à encourager catéchistes et enseignants,
qui s'appliquent "à faire mieux apprécier aux jeunes le don de la foi"
Enfin, le Pape Benoît XVI a rappelé que la relativisme étant "un
dangereux obstacle à l'éducation [...] Il faut absolument disposer d'un
apostolat intellectuel, capable de soutenir tout à la fois l'unité des
connaissances, l'élan des jeunes vers une liberté liée à la vérité, et le
lien direct entre la foi et chacun des aspects de la vie familiale et
civile".
Texte intégral du discours du Saint Père
Eminence,
Chers frères dans l'épiscopat,
1. "Dieu est amour: celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu
demeure en lui" (1 Jn 4, 16). Avec une affection fraternelle, je vous
souhaite une cordiale bienvenue, Evêques de l'Ontario, et je remercie Mgr
Smith pour les sentiments cordiaux qu'il m'a exprimés en votre nom. J'y
réponds avec plaisir et je vous assure, ainsi qu'à tous ceux qui sont
confiés à vos soins pastoraux, de mes prières et de ma sollicitude. Votre
visite ad limina Apostolorumet au Successeur de Pierre, est l'occasion
d'affirmer votre engagement en vue de rendre le Christ toujours plus visible
au sein de l'Eglise et de la société, à travers le témoignage joyeux de l'Evangile
qui est Jésus Christ lui-même.
Les nombreuses exhortations de l'évangéliste Jean à demeurer dans l'amour et
la vérité du Christ évoquent l'image émouvante d'une demeure certaine et
sûre. Dieu nous aime en premier (1 Jn 4, 10) et nous, attirés par ce don,
trouvons un lieu de repos où nous pouvons "boire toujours à nouveau à la
source première et originaire qui est Jésus Christ, du coeur transpercé
duquel jaillit l'amour de Dieu" (Deus caritas est, n. 7). Saint Jean fut
également poussé à exhorter ses communautés à demeurer dans cet amour.
Certains avaient déjà été affaiblis par les disputes et les distractions qui
conduisent à la fin à la division.
2. Chers frères, vos communautés diocésaines sont appelées à faire retentir
la profession de foi vivante: "Nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour
nous et nous y avons cru" (1 Jn 4, 16). Ces paroles, qui révèlent de façon
éloquente la foi comme adhésion personnelle à Dieu et l'assentiment à toute
la vérité révélée par Dieu qui en découle (cf. Dominus Iesus, n. 7), ne
peuvent être proclamées de façon crédible qu'à la suite d'une rencontre avec
le Christ. Attiré par son amour, le croyant se confie entièrement à Dieu et
ne fait ainsi plus qu'un avec le Seigneur (cf. 1 Co 6, 17). Dans
l'Eucharistie, cette union est renforcée et renouvelée en entrant dans la
dynamique même du don de soi du Christ afin de partager la vie divine: "Qui
mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui" (Jn 6, 56; cf.
Deus caritas est, n. 13).
L'avertissement de saint Jean demeure cependant toujours actuel. Dans les
sociétés de plus en plus sécularisées, vous en faites vous-mêmes
l'expérience, l'amour qui jaillit du coeur de Dieu en direction de
l'humanité peut passer inaperçu ou même être repoussé. En imaginant que se
soustraire à cette relation constitue, d'une manière ou d'une autre, une
solution pour sa propre libération, l'homme devient en fait étranger à
lui-même, parce qu'"en réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment
que dans le mystère du Verbe incarné" (Gaudium et spes, n. 22). Par le peu
d'intérêt qu'ils portent à l'amour qui révèle la plénitude de la vérité de
l'homme, de nombreux hommes et femmes continuent de s'éloigner de la demeure
de Dieu pour vivre dans le désert de l'isolement individuel, de la fracture
sociale et de la perte d'identité culturelle.
3. Dans cette perspective, on voit que la tâche fondamentale de
l'évangélisation de la culture est le défi de rendre Dieu visible dans le
visage humain de Jésus. En aidant les personnes à reconnaître et à faire
l'expérience de l'amour du Christ, vous réveillerez en elles le désir de
demeurer dans la maison du Seigneur, en embrassant la vie de l'Eglise. Telle
est notre mission. Elle exprime notre nature ecclésiale et assure que chaque
initiative d'évangélisation renforce dans le même temps l'identité
chrétienne. A cet égard, nous devons reconnaître que toute réduction du
message central de Jésus, c'est-à-dire du "Royaume de Dieu" à de vagues
discours sur les "valeurs du Royaume" affaiblit l'identité chrétienne et
atténue la contribution de l'Eglise au renouveau de la société. Lorsque la
croyance est remplacée par les "actes" et que le témoignage est remplacé par
les discours sur les "questions", alors apparaît le besoin urgent de
retrouver la joie profonde et la crainte révérentielle des premiers
disciples, dont les coeurs, en présence du Seigneur, "étaient tout brûlants
au dedans d'eux", les poussant à "raconter ce qui s'était passé" (cf. Lc 24,
32.35).
Aujourd'hui, les obstacles à la diffusion du Royaume du Christ se constatent
de façon dramatique dans la fracture entre Evangile et culture, avec
l'exclusion de Dieu de la sphère publique. Le Canada a acquis à juste titre
une réputation d'engagement généreux et concret en faveur de la justice et
de la paix, et il y règne un climat attrayant de vitalité et d'opportunités
à saisir dans vos villes multiculturelles. Dans le même temps, toutefois,
certaines valeurs détachées de leurs racines morales et de leur pleine
signification qui se trouve dans le Christ se sont développées de façon très
alarmante. Au nom de la "tolérance", votre pays a dû endurer l'absurdité de
la redéfinition du terme de "conjoint" et au nom de la "liberté de choix",
il doit faire face à l'élimination quotidienne d'enfants à naître. Lorsque
le projet divin du Créateur est ignoré, la vérité de la nature humaine se
perd.
L'on constate également de fausses dichotomies au sein de la communauté
chrétienne. Elles sont particulièrement nuisibles lorsque les responsables
chrétiens de la vie civile sacrifient l'unité de la foi et approuvent la
désintégration de la raison et les principes de l'éthique naturelle,
s'abandonnant à des tendances sociales éphémères et aux fausses exigences
des sondages d'opinion. La démocratie ne réussit que si elle est fondée sur
la vérité et sur une compréhension correcte de la personne humaine.
L'engagement catholique dans la vie politique ne peut pas accepter de
compromis sur ce principe; autrement, le témoignage chrétien de la splendeur
de la vérité dans le domaine public serait réduit au silence et l'on
proclamerait l'autonomie du système moral (cf. Note doctrinale La
participation des catholiques à la vie politique, 2-3; 6). Dans vos
discussions avec les hommes politiques et les responsables de la vie civile,
je vous encourage à démontrer que notre foi chrétienne, loin d'être un
obstacle au dialogue, est un pont, précisément parce qu'elle unit la raison
et la culture.
4. Dans le cadre de l'évangélisation de la culture, je souhaite mentionner
le riche réseau d'écoles catholiques au coeur de la vie ecclésiale dans
votre province. La catéchèse et l'éducation religieuse représentent un
apostolat exigeant. Je remercie et j'encourage les nombreux hommes et femmes
laïcs, ainsi que les religieux, qui se prodiguent chaque jour pour garantir
que les jeunes de votre pays apprécient chaque jour davantage le don de la
foi qu'ils ont reçu. Cela exige plus que jamais que le témoignage, nourri
par la prière, constitue le cadre de toute école catholique. Les
enseignants, en tant que témoins, répondent de l'espérance qui nourrit leur
vie (1 P 3, 15) en vivant la vérité qu'ils proposent à leurs élèves,
toujours en référence à celui qu'ils ont rencontré et dont ils ont éprouvé
avec joie la bonté certaine (cf. Discours lors de la rencontre ecclésiale
diocésaine de Rome, 6 juin 2005). C'est pourquoi, avec saint Augustin, ils
disent: "Nous qui parlons et vous qui écoutez nous reconnaissons comme
disciples d'un même enseignant" (saint Augustin, Sermons; 23, 2).
Un obstacle particulièrement insidieux à l'éducation aujourd'hui, dont vos
comptes-rendus font état, est la présence marquée dans la société du
relativisme qui, ne reconnaissant rien comme définitif, ne considère comme
critère ultime que soi-même et ses désirs. Dans un tel horizon relativiste,
l'éclipse des objectifs sublimes de la vie a lieu à travers un abaissement
des niveaux d'excellence, une timidité face au bien et la poursuite effrénée
mais insensée de la nouveauté, qui se présente comme la réalisation de la
liberté. De telles tendances nuisibles soulignent l'urgence particulière de
l'apostolat de la "charité intellectuelle", qui soutient l'unité essentielle
de la connaissance, guide les jeunes vers la satisfaction sublime d'exercer
leur liberté en rapport à la vérité, et organise le rapport entre la foi et
toutes les dimensions de la famille et de la vie civile. Introduits à un
amour de la vérité, je suis certain que les jeunes Canadiens seront heureux
d'explorer la maison du Seigneur qui "éclaire tout homme [qui] venait dans
le monde" (Jn 1, 9) et satisfait tous les désirs de l'humanité.
5. Chers frères, je vous offre ces réflexions avec affection et gratitude
fraternelle et je vous encourage dans votre proclamation de la Bonne
Nouvelle de Jésus Christ. Faites l'expérience de son amour et de cette
façon, faites en sorte que la lumière de Dieu entre dans le monde! (cf. Deus
caritas est, n. 39). En invoquant sur vous l'intercession de Marie, Siège de
la Sagesse, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, ainsi
qu'aux prêtres, aux religieux et aux fidèles laïcs de vos diocèses.
Sources: © Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde - 08.09.2006 - BENOÎT XVI -
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