Les
révélations sur qui fut réellement Pie XII |
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Le 08 juin 2009 -
(E.S.M.)
- L’ouverture partielle des archives secrètes du Vatican comme
récemment la série de conférences de l’historien Thomas Brechenmacher montrent la continuité de l’action d’Eugenio
Pacelli comme nonce, puis cardinal secrétaire d’État et enfin
comme pape, en faveur des Juifs.
L'homme nouveau
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Le pape Pie XII
Les
révélations sur qui fut réellement Pie XII
Le 08 juin 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du pape Pie XII
(1939-1958) en octobre dernier, des voix se sont à nouveau élevées dans les
media allemands pour prétendre que le Vatican ne se serait pas engagé en
faveur des Juifs persécutés et que le pape aurait gardé le silence face au
massacre de millions de Juifs européens pendant la Seconde Guerre mondiale.
La grossière falsification historique de l’écrivain allemand Rolf Hochhuth
continue, en effet, à jeter de l’ombre sur la figure de Pie XII. Sa pièce Le
Vicaire (1963), qui fit scandale, donne l’image d’un pape aidant
complaisamment le national-socialisme. La recherche historique
internationale arrive cependant à une autre conclusion. Les faits
historiques – que l’ouverture partielle des archives secrètes du Vatican
permet d’établir plus précisément – livrent, en effet, un tout autre
message. En soi, il n’a jamais été mis en doute qu’Eugenio Pacelli avait
rejeté catégoriquement le national-socialisme, que ce soit en tant que nonce
dans le Reich allemand (1917-1929), dans les années suivantes en tant que
cardinal Secrétaire d’État, ou bien enfin en tant que pape. Thomas Brechenmacher, professeur d’histoire moderne à l’université de Potsdam et
disciple de l’historien juif Michael Wolff sohn, a mis au clair récemment,
dans le cadre d’une série de conférences sur ce thème organisées par les
archives archiépiscopales de Munich, que Pacelli, déjà pendant sa nonciature
à Berlin, s’était opposé à l’antisémitisme populaire et s’était engagé en
faveur d’intérêts sionistes. Thomas Brechenmacher est l’un des spécialistes
mondiaux de la recherche historique autour de Pacelli. Il a rappelé que ce
pape italien avait œuvré en Allemagne après la Première Guerre mondiale, ce
qui marqua profondément le reste de sa vie.
Un pape prudent
Brechenbacher a montré également comment l’attitude de la théologie
vis-à-vis des Juifs avait évolué sous les papes Pie XI (1922-1939) et Pie
XII. Comme cardinal Secrétaire d’État, Pacelli eut dès les années trente une
conscience de plus en plus aiguë de ces questions théologiques : il saisit
la nécessité d’une nouvelle théologie du judaïsme, se trouvant ainsi dans le
mouvement qui conduirait à la Constitution «
Nostra
Aetate ». Pacelli rejeta,
à cause de leur insuffisance théologique, les projets d’une encyclique sur
les Juifs préparés par les jésuites Gustav Gundlach et Gustave Desbuquois.
Ceux-ci s ’ appuyaient sur le principe du « double protectorat » - établi
par le IVe concile du Latran (1215) - selon
lequel l’Église devrait protéger à la fois les chrétiens face à «
l'influence corruptrice » des Juifs, et les Juifs face aux actes de
violence des chrétiens. Le refus par Pacelli d’une telle argumentation
montre qu’il savait aussi agir avec circonspection dans le domaine
politique, compétence qu’il avait acquise et développée en se confrontant
aux idées allemandes. Il savait en effet que cette argumentation théologique
aurait donné aux national-socialistes une occasion rêvée pour attiser la
haine contre les Juifs.
Dans l’histoire de l’Église, ce n’est pas l’'hostilité qui est le motif
dominant de attitude envers les Juifs. Le IVe concile du Latran avait
réprouvé à leur égard toute forme de violence et d’expulsion. L’Église
catholique combattit au cours de son histoire l’antisémitisme populaire et
condamna clairement le racisme. Dès 1928, Pie XI fit condamner
l’antisémitisme raciste dans un décret du Saint-Office : c’est aux Juifs
qu’a été adressée la promesse divine, et, malgré ou à cause de leur
aveuglement, l’Église prie pour eux.
(...)
Salué par les Juifs
Des Juifs eux-mêmes rendirent hommage à l’attitude de refus du Saint-Siège
face au national-socialisme. Moshe Waldmann, homme politique sioniste,
souligna que Pie XI et son cardinal Secrétaire d’État Pacelli étaient
positivement disposés à l’égard des Juifs. (Waldmann
rapportait par là un entretien qu’il avait eu en 1938 avec le Grand Rabbin
de Rome.) L’entrepreneur juif de Rotterdam Joseph Salomon,
conscient de la menace qui pesait à la fois sur les Juifs et sur les
catholiques, soumit à Pie IX dès 1936 la proposition d’une action conjointe
des deux « Églises » contre le régime de terreur. Et quelques années
auparavant, en 1933, le nonce à Berlin, Cesare Orsenigo, avait reçu de Pie
XI par l’intermédiaire de son Secrétaire d’État la directive de s’engager en
faveur des Juifs opprimés – à cause de la mission universelle de l’Église
envers tous les hommes, quelle que soit la religion à laquelle ils
appartiennent. Les messages des publications et communiqués du Vatican dans
le sens d’un antagonisme radical avec le national-socialisme furent reçus,
comme le montre par exemple le rapport de l’Office central de la sécurité du
Reich à Berlin après l’analyse de l’allocution de Noël du pape Pie XII en
1942. Dans la propagande nazie des années précédentes, il avait été déjà
question du « Judaïsme mondial avec ses confédérés rouges et noirs ».
Quand Pie XII, enfin, parla en faveur des Polonais et des Juifs, le ministre
allemand des Affaires étrangères, Joachim Ribbentrop, brandit la menace de
mesures de représailles au cas où le Vatican abandonnerait dans les affaires
de politique étrangère la neutralité à laquelle l’obligeaient les Accords du
Latran. Il est vrai que le Saint-Siège ne protesta pas contre les lois
raciales de 1935 et la Nuit de Cristal de 1938 ; il les commenta cependant
comme une injustice criante.
Protéger les catholiques
L’action du Vatican était guidée par plusieurs questions : Comment
pouvait-on protéger les catholiques en Allemagne ? Une prise de parti en
faveur des Alliés aurait-elle rendu impossible une mission en faveur de la
paix ? Est-ce qu’une protestation publique aurait aggravé le sort des Juifs
? Pendant l’été 1942, en effet, après des protestations catholiques et
protestantes aux Pays-Bas, les Juifs qui devaient être épargnés furent eux
aussi emprisonnés. L’expérience montrait que les mesures de répression ne
visaient pas les courageux évêques tels que von Galen (Munster), Faulhaber
(Munich) et von Preysing (Berlin), mais leurs subordonnés. C’est
ainsi qu’à la suite de déclarations de Mgr von Galen contre le programme
d’euthanasie des personnes handicapées, 30 prêtres furent arrêtés, dont
plusieurs moururent en camp de concentration. Récemment, la découverte dans
les archives du Vatican de documents selon lesquels une campagne
internationale d’information contre le national-socialisme avait été prévue
dès 1937 a fait sensation. Ce fut le cardinal Faulhaber, de Munich, qui
déconseilla la mise en œuvre de cette action – par crainte de nouveaux
procès spectaculaires contre des prêtres et religieux, ainsi que de
nouvelles fermetures d’écoles. Au-delà des déclarations et publications, il
y eut beaucoup d’initiatives d’aide concrète : le bureau d’information pour
les prisonniers de guerre, faisant partie de la Secrétairerie d’État du
Vatican, ne se contenta pas de recueillir des informations, il aida aussi
matériellement. À Rome, la moitié des 8 000 Juifs vivant dans la ville
furent cachés plusieurs mois durant dans des couvents, séminaires et jardins
d’enfants, ainsi qu’au sein même du Vatican. On estime réaliste le chiffre
de 100 000 Juifs qui auraient été sauvés par l’action du Vatican. Le Vatican
réussit également en intervenant auprès du président slovaque Jozef Tiso,
lui-même prêtre catholique, à retarder des déportations, ce qui sauva la vie
de nombreux Juifs slovaques. Le Rafaelswerk (1) aida l’émigration vers les
USA et l’Amérique latine en finançant les voyages. Et avant tout, de faux
certificats de baptêmes furent distribués en très grand nombre. « Le dogme
et le national-socialisme se tenaient inconciliables l’un en face de l’autre
», disait récemment Brechenma-cher. Le poids moral du Vatican ne lui fut pas
suffisant pour pouvoir s’élever contre les puissances réelles et leur
action. On ne peut cependant mettre en doute le sérieux et la sincérité de
l’action du Vatican face à la persécution des Juifs. La question de savoir
si l’on a toujours agi à temps et avec assez d’énergie reste à poser. Mais
jamais il n’y eut d’affinité entre l’Église catholique et le
national-socialisme.
Dr. Veit NEUMANN
1. Le Rafaelswerk est une œuvre de bienfaisance qui vient en
aide aux personnes voulant émigrer. Dans les années 1940 c’était souvent
l’unique recours pour émigrer et se sauver
Sources : Article complet sur L'homme nouveau
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 08.06.09 -
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