IL Y A QUARANTE ANS : MAI 1968 ! ON
NE S'EN REMET TOUJOURS PAS ! |
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Le 08 mai 2008 - Il appartient aux intellectuels catholiques de
répandre leur enseignement et d'apporter aux générations d'aujourd'hui,
dans ces heures pénibles les moyens de leur discernement afin qu'elles
puissent décider le meilleur de leur devenir sur cette terre dans
l'espérance renouvelée de leur foi.
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Il y a 40 ans débutait
Mai 68 -
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ANNIVERSAIRE !
IL
Y A QUARANTE ANS : MAI 1968 ! ON NE S'EN REMET TOUJOURS PAS !
Pierre-Charles Aubrit Saint Pol
Mai 68 n'aurait-il été que l'expression du simple et animal désir de
jouir d'une société en expansion économique ?
Résumés en ces termes, ces événements expliqueraient à eux seuls la cause du
déclin moral, culturel et spirituel de l'Europe et de tout le monde occidental.
La Révolte de mai 68, envisager sous cette
explication exclusive, reviendrait à la mettre en accusation et aboutirait à
lui faire porter une fatale responsabilité dans le but de décharger la
conscience des acteurs face à l'histoire et surtout les deux générations
précédentes, c'est-à-dire les "parents-géniteurs".
Si on prend le temps de la réflexion et que l'on fait abstraction des médias toujours prêts à sacraliser les désastres
pour peu qu'ils en tirent un avantage, on
aperçoit dans leur fond ténébreux des éclats de lumière argent ; ils nous
invitent à sortir du prisme soixante-huitard et à quitter nos
conforts intellectuels. Prenons le risque d'abandonner nos conforts, nos
points de force pour entrer justement désarmés dans l'apparent désordre et peu
rassurante explosion de colère et de désespoir que fut 1968. Nous essayerons de
démontrer les causes profondes de ces événements irrationnels en apparence.
Acceptons de suspendre nos certitudes et de sortir d'une logique cartésienne. Ne craignons
de nous laissez aspirer par les couloirs obscurs qui se logent entre les cris de souffrance, là où il n'y
a plus que silence douloureux. Et si nous acceptions l'évidence : nous
n'avons rien compris à cette Révolte parce que nous ne voulions pour rien au
monde remettre en cause nos certitudes confortables, nos boucliers de lâcheté.
Ne serait-elle pas qu'une grosse crise de fin d'adolescence ?
Les générations qui furent majoritairement actrices de ces événements
furent conçues
entre 39 et 50. Générations qui auront été bercées par les récits de la Seconde
Guerre mondiale et de la Première. Ceux qui naîtront entre 39-45 se
confrontèrent à la guerre civile d'Algérie et aux récits des guerres de
Corée, d'Indochine pour ce qui est de la France ; pour l'ensemble du monde
libre, selon le schéma de cette époque, se greffera la Guerre du Vietnam,
l'oppression de la Guerre Froide, la course aux armements avec l'effroi des
bombardements d'Hiroshima et Nagasaki et l'accès à l'indépendance des colonies, ce qui posera les problèmes des famines, de justice économique
mondiale. Le souci de la justice économique entre les nations sera urgé par le
boum économique des Trente Glorieuses. A tout cet ensemble de bouleversements,
s'ajoutent les événements de Hongrie et l'humiliant et désastreux Printemps de
Prague. Il faut y joindre les débuts des témoignages sur les camps d'internement
nazis dès les années 59, 60. Et que fallait-il faire des bouleversements
technologiques, de la recherche fondamentale, des moyens de communication, dans
quel terreau s'enracinaient-ils ?
Ces générations n'ont eu d'autre berceau que la violence, une authentique
angoisse existentielle, une perspective aléatoire de paix, le sentiment diffus
d'un effroyable mensonge :
Ces générations nées entre 1939 et 1950 sont éduquées dans une logique de survie
; moi-même, je fus contrains de faire des choses répugnantes pour moi parce
qu'il fallait devenir un homme : je dus manger de tout ! On m'obligea à manger le gras des
viandes et surtout le gras de porc issu des soupes au lard, ce qui était atroce. Cela peut aujourd'hui sembler
dérisoire, je fus pourtant élevé dans une logique de survie en prévention d'une
guerre qui semblait toujours imminente. L'enfant
de ma génération se préparait à faire face à tout, nos parents n'avaient-ils pas
été exposés à de terribles dangers d'extermination du genre humain ! Un sentiment
permanent d'insécurité polluait leur vie et marquait radicalement la nôtre.
Personne ne croyait à la paix.
Mes parents et mes grands-parents vivaient dans le souvenir de la Grande Récession
conséquence de la crise financière de 1929 : on nous inculquait, que nous
devions faire des études non pas tant pour avoir une belle situation que pour être
assurés de ne manquer de rien.
On recevait une éducation de survie ! Nous
n'étions pas élevés dans une perspective d'espoir encore moins d'espérance pas
plus qu'on nous formait à l'idée juste de collaborer à l'émergence d'une cité
nouvelle ! On
n'a pas cessé de présenter l'avenir dans une logique de hauts risques, car de
cette inquiétude pathologique, s'ourdissait un sentiment diffus que la vie
n'avait en fait rien de sacré.
Dans les milieux de la Résistance, j'écoutais du haut de mes dix ans, des récits sur les camps d'internement
nazis, on en parlait parce qu'on commençait à être informés plus largement
sur les
camps d'internement du bloc communiste. On murmurait ce qui c'était passé pour
les juifs et les déportés pour fait de résistance. On nous parlait du
bombardement atomique du Japon parce que les médias vantaient les essais
nucléaires de la France et d'ailleurs. L'envoi d'engins spatiaux renforçait
cette sourde inquiétude. Nul n'osait à haute voix poser la question : à quand la
prochaine guerre ! Mais tous les parents se la murmuraient dans toute leur attitude.
Ces générations ont vécu dans des maisons dont le toit était fait d'une chape
composée d'événements écrasants que rien ne semblait pouvoir soulever. Il n'apparaissait pas de forces morales ou intellectuelles qui puissent
les
secourir...
La charge était si écrasante que les propositions religieuses,
spirituelles nous étaient irréelles, impalpables, désuètes, leurs institutions
humaines étaient inconsciemment regardées comme complices de cette situation que
nos générations ne parvenaient pas à s'expliquer, elles en étaient aliénées.
Vers qui se tourner ?
Si on devait illustrer, éclairer le contenu
intellectuel susceptible de faire face aux conséquences de la Seconde Guerre
mondiale, nous dessinerions un puits noir sans fond ; il n'y a eu aucun discours
intellectuel, une terrible absence, si inimaginable qu'elle est aujourd'hui
perçue par ma génération comme une invraisemblable dérision de l'absurde. Il ne
s'est trouvé aucun penseur, aucun auteur pour s'arrêter sur la charge morale,
psychologique et spirituelle de cette guerre inhumaine.
On a beaucoup écrit sur
l'exaltation de la Résistance, sur le contexte historique, sur les faits de
courage militaire ou civil. Mais personne, non personne des élites n'aura posé
les questions sur les conséquences morales et diverses de ce conflit, pas plus
qu'on s'est demandé qu'elles furent les causes autres que politiques qui avaient
amené une seconde guerre mondiale. On a
laissé notre génération s'en débrouiller... Nos aînés avaient une excuse, il
fallait reconstruire, établir son confort, se rassurer matériellement pour
échapper à l'angoisse qui, tel un serpent constrictor, enserre doucement sa proie.
Ce sont nos générations qui supporteront les premières ondes de choc de
ces conflits et de l'insécurité en général. L'expansion économique, sociale,
scientifique a reposé sur de solides rouages mais ceux-ci, en définitif, ne
reposaient sur rien de solide. L'appétit d'enrichissement et de puissance ne pouvait combler les
sourdes interrogations, ni nous consoler des assauts des angoisses
existentielles. Nos générations furent abandonnées aux carrefours des ombres désespérantes, héritage tragique du laisser pour
compte de tout solde. On a éteint nos regards, on a endeuillé nos
sourires. Générations de blousons noirs, blousons dorés... Générations d'enfance
en berne !
C'est cet état d'effondrement psychologique qui,
après 68, donnera la possibilité de voter des lois qui s'opposeront radicalement à la dignité de la personne, aux principes les plus nobles de la vie
et des fondements naturels de toute société.
On nous demanda d'obéir ! Pourquoi faire ? Mais pourquoi faire ?
Nos générations ont-elles appris à aimer ? Rien n'est moins sûr ! Notre
éducation fut davantage un capital d'interdits à porter sans qu'on n'ait jamais
pris le temps de nous expliquer comment respecter ces interdits ni pourquoi.
Nous reçûmes une éducation selon les formes sociales dans le seul but de se
construire une situation, d'être un homme convenable. On nous envoyait au
catéchisme ou dans les jeunesses communistes dans le même esprit, cela faisait parti des formes sociales convenues.
Notre enfance ne fut pas ménagée, elle fut emprise directe avec la charge
parentale d'une société qui déjà s'effondrait en elle-même. Nous nous sentions
abandonnés dans l'effroi d'un monde qui ne semblait pas nous avoir désirés, nous
étions l'une des conséquences convenues de la société, de ses codes.
L'autorité
s'exerçait quasi sans aucune limite, qui eut osé la remettre en cause tant dans
sa forme que dans sa légitimité ? L'autorité des parents était sacrée, celle des
enseignants, celle du prêtre, celle du gendarme et après ? Parce qu'obéir
formait l'homme de demain mais de quel homme s'agissait-il ? Et quel était ce
demain ? La perception de notre avenir n'était rien de moins qu'un mur.
Il n'y
avait pas de sens à notre vie, il n'y en avait pas non plus pour ce demain que
nos parents nous voulaient comme des forcenés du désespoir. On nous
proposait de faire choix entre deux idéologies matérialistes. Il fallait
choisir, il fallait que l'on choisisse pour nous; car il convenait que nous ayons
une forme de vie sociale reconnaissable, identifiable et bien rassurante. On ne pouvait déroger à la norme. Mais où donc était l'Église ? Où se
trouvaient-ils nos intellectuels catholiques, voyaient-ils ce qui s'annonçait ?
Société communiste ? Société libérale ? Société chrétienne ?
Notre génération se retrouvait devant un dilemme, le même principe de dualité
que celles qui se confrontèrent dans cette Seconde Guerre : choisir entre la peste
et le choléra ! Choisir entre la jouissance consumériste avec ses codes
individualistes et le matérialisme ordonné avec sa négation de la personne !
L'Église
Catholique n'était déjà plus audible dans de larges pans des différentes couches
sociales.
Certains optèrent, dans un élan pseudo-mystique, pour la justice et
s'engagèrent derrière les aboyeurs marxistes-léninistes puis, plus tard, derrière
l'invraisemblable maoïsme. D'autres optèrent pour l'individualisme libéral et
urgèrent une société de consommation sans âme, sans morale, sans honneur. En
présence de ce dilemme, il n'y avait que peu de moyens de s'en arracher, les
espoirs qu'on nous présentait, étaient si fortement coiffés d'ombres qu'on ne
parvenait pas à déceler l'espérance. Les prêtres eux-mêmes ne nous faisaient pas
entrevoir l'amitié possible avec ce Dieu Sauveur ! Ils nous bombardaient
d'interdits, de codes, ils n'étaient plus les témoins de la libération évangélique, ils
étaient les collabos d'une société perdue, déjà moribonde, ensevelie... Les
enfants de divorcés étaient montrés du doigt, il n'est pas certain que ce
reproche était la conséquence de la faute par rapport à Dieu plutôt que par
rapport aux convenances sociales.
Qu'il s'agisse des droites ou des gauches, on
nous aliénait de convenances, de codes, d'espoirs ternes... On nous éduquait à
l'ombre des cimetières défleuris...
La colère, la révolte : un cri d'amour bien plus qu'une exorbitante
exigence de jouissance !
Lors d'une des émissions commémoratives sur le général de Gaulle, l'un de ses
petits-fils, fils de l'amiral, a dit au sujet de mai 68 : "nous voulions jouir
des biens de consommation, nous voulions tout simplement jouir !" Plus je
réfléchis sur ce propos et plus j'ai une forte envie d'aller botter les fesses de ce de
Gaulle, tant résonne le conformisme, le besoin anecdotique de se rassurer de
l'irrationalité de ces événements. Ce petit-fils est la copie conforme de tous
les non-dits mensongers de notre société moribonde, elle ne sait plus vivre !
Les mouvements d'humeur qui amenèrent ces événements et qui se cherchaient des
supports objectifs pour les légitimer étaient poussés par une inquiétude de
l'existence dans laquelle se dissimulait une angoisse bien plus dramatique,
forgée par l'accumulation de tout ce que je viens de décrire plus haut. Une
angoisse métaphysique que personne n'a voulu entendre. Réduire ces événements,
aussi désastreux qu'ils aient été, à cette seule jouissance est une injure
imbécile pour bourgeois à la lente digestion.
La première chose que nous voulions, était d'être considérés pour nous-mêmes,
être aimés pour nous-mêmes ; nous demandions de ne plus porter des ombres qui ne
nous étaient pas destinées. Nous voulions qu'on nous rende la grâce et la
liberté de sourire, tout ce qui suivit à la suite fut la conséquence de la
surdité des aînés quelles que soient par ailleurs leurs convictions, la gauche
ne fut pas plus clairvoyante que la droite. On s'est joué de nous ! On nous a
menti de nouveau ! Nous avons été profanés dans l'essence spirituelle et
intellectuelle de notre jeunesse.
De la manipulation à l'activisme révolutionnaire !
Le tournant révolutionnaire fut activité dans les violences de
Nanterre et de la Sorbonne, on peut parler d'agitateurs révolutionnaires venant
des courants trotskistes et des internationales des jeunesses communistes. Il faut ajouter les agents du bloc communiste d'URSS ; il faut aussi rappeler les
contre-révolutionnaires de tous les extrêmes de la droite et les agents libéraux
financés par les États Unis.
La révolte fut d'abord estudiantine en quoi cela devait-elle étonner ? Les
étudiants étaient au front de toutes nos angoisses, les connaissances qu'ils
accumulaient, les rendaient sensibles à toutes ces interrogations qu'ils
n'osaient pas publier. Les conditions sociales de leurs études dues aux réformes
scolaires et à l'explosion de la natalité contribuèrent comme supports objectifs
parce qu'il fallait bien un support évident pour exploser. Les violences qui
s'en suivirent restent inexcusables mais elle sont toutes pardonnables. C'est
alors qu'à celles-ci, on opposa toutes les peurs, car après quelques
hésitations, tous les renforts idéologiques revinrent à la surface et les
syndicats entrèrent dans la danse comme des prédateurs ténébreux.
On a dit et écrit, qu'en son début, la Révolte était celle des enfants
financièrement favorisés, pourquoi s'en étonner; on les surprotégeait, on les
gavait. Ils ne devaient pas penser mais se laisser vivre dans le pas de papa et
maman ; je sais par témoignage que cette élite était la plus malheureuse. On la
poussa dans une succession de fuites en avant, on l'enferma dans tous les
conformismes.
Dans une émission sur la chaîne parlementaire, au sujet du gaullisme, on
prétendit que la question sociale n'était pas aussi bien abordée que l'aurait
souhaitée de Gaulle ! De qui se moque-t-on ? Où alors, c'est que les syndicats
ne faisaient pas leur boulot ! De Gaulle initia une politique sociale
d'équilibre en collant toujours à la réalité, beaucoup du patronat voyait en lui
le plus grand des dangers pour leurs intérêts. Sous sa présidence, la France fit
des avancées sociales qui ne se reproduisirent plus jamais, elles furent
fructueuses car elles collaient à la réalité économique et culturelle. On me
rétorquera mais que faites-vous du gouvernement de la Gauche, rien, car il n'y a
rien à en faire ! Elle ne sait pas coller aux réalités objectives du peuple dont
elle ignore jusqu'à son visage réel et son âme.
Les partis de gauche et certains de leurs
syndicats virent là la possibilité de régler des comptes réels ou imaginaires
qu'ils n'avaient pu régler lors de la libération. La révolte fut détournée,
habitée par des petitesses, des médiocrités avec leur traîneau de haine ; des
familles se virent menacées dans leur vie par ces agents : "on vous a ratés à la
libération, maintenant on va vous avoir !". Ils furent et restent
incapable de construire l'avenir, à l'époque comme maintenant - particularisme
français - ils sont crispés sur des options idéologiques dépassées et des
rancune de personne à la petite semaine. Ils ne savent pas être grands.
La Révolte de mai 68 devint le lieu dans lequel se projetait tous les projets de
vengeance, de sentiments malpropres. Souvenons-nous du rassemblement au stade Charléty
où se pavanèrent tous les politiques qui furent incapables de dessiner l'avenir
de l'après guerre mais ils se voyaient à l'Élysée : qu'on se souvienne
de la pose du paon qu'avait prise sans vergogne François Mitterrand ! La vanité
est le ridicule des prévaricateurs d'espoir et des enfantins. Pour
l'anecdote, Mitterrand aura l'impudeur de
demander à l'archevêché de Paris de pouvoir garer sa voiture à l'intérieur de
leur cour afin de la protéger des émeutiers.
Qu'il y ait eu des ajustements sociaux et économiques à faire, c'était évident,
pour autant, de quelle initiative pouvait prétendre la CGT après le désastre des
grèves minières qui désespérèrent les mineurs tant la déconvenue fut grande
après des promesses mensongères.
( je fus témoin du désarrois des mineurs, mes grands-parents
maternels vivaient dans la cité de la Sucrerie à Sin le Noble, je reçus le
témoignage de mon grand-père et de ses camarades qui furent nombreux à déchirer
leur carte syndicale.)
Les violences furent telles qu'on ne vit plus que cela et l'inconfort que
produisaient les grèves, il fallait donc de l'ordre ! Même toute la gauche,
après avoir satisfait ses gourmandises pas toujours avouables, en vint à
demander de l'ordre. Mais qui avait répondu aux angoisses qui suscitèrent cette
explosion ? Une chape de silence impudique les ensevelit, tapissée par tous les
désordres moraux et le rejet pathologique de tout ce qui jusque-là avait
contribué à la stabilité de toute société.
Il n'y eut pas de réponse ! Mais le vide silencieux s'emplit du fracas
désordonné de tous les égoïsmes, on rejeta tout interdit.
Dans la minorité des agitateurs, s'infiltra les murmures des sociétés occultes
qui poussèrent à réclamer des avancées substantielles dans la perspective du
paradis humain sur la Terre. Les tenants d'un humanisme sans Dieu se tenaient
aux aguets de toutes les opportunités à seule fin de faire reculer la culture
chrétienne et d'exalter la personne dans tout ce qu'elle a d'égoïste. Le pouvoir
culturel se trouva renforcé dans les mains de toutes les gauches et dans les
courants coercitifs des libéralismes religieux si impérieux dans l'Église de
France. Faute d'avoir voulu répondre aux interrogations angoissantes de
notre génération, on appâta par la libération sexuelle, la libération de toutes
les jouissances et se creusa la fausse à purin qui, depuis, ne cesse d'infester
la société dans ce qu'elle a de plus sacrée : l'intelligence de la
vie et son respect ; l'accueil de l'enfant, de l'innocence.
Les agitateurs de tout poil ne manquèrent pas et voulurent en bornes exister
dans la nuit qu'ils forgeaient; certains d'entre eux signèrent des articles, des
ouvrages vantant la liberté de jouer avec l'innocence de l'enfance, on les
retrouvent dans les allées du pouvoir et ne furent jamais inquiétés. Ont-ils
œuvré au soulagement de leur génération ? Il n'est pas certain que les ânes
aient envie d'en rire !
Oui, en
tenant compte du développement ci-dessus, on peut dire, avec toute la nuance
nécessaire à la rigueur intellectuelle, que la Révolte de 68 se transforma
en volonté de jouir ! Mais à qui la faute ?
Jean-Paul Sartre qui fit parti des plus grands fautifs, promoteur de la
désespérance, termina sa carrière sur l'un des tonneaux des grilles de l'usine
Renault... Quant à ses jeunes émules, ils s'affranchirent de son aura pour se
projeter au devant de la scène et saisir les commandes de la culture,
[Les nouveaux philosophes ou la dérision et le ridicule de la vie
intellectuelle] ; que restera-t-il de leur oeuvre ? Des pans entiers de la pensée laissés
en jachère, exclus du soleil par leurs ombres médiocres.
Le vide intellectuel de cette agitation fut terrible, il n'y eut aucun
manifeste, le seul document qui sortit fut les reproductions des graffitis
orduriers dégradant les murs de la Sorbonne.
La hiérarchie de l'Église catholique de France fut d'une absence indicible,
enfoncée qu'elle était dans ses propres contradictions, elle jouissait des
nouveautés sans plus se soucier de la famine spirituelle. Elle ne répondit
à aucune des attentes angoissées de cette génération. Il n'y
avait personne au bout du fil ! Ses aliénations crypto-idéologiques se
manifestaient en plein jour avec ses traînes désespérantes, multipliant les
laisser pour compte d'une société sans repaires, ni renouvellement d'espérance.
Elle se laissa entraîner dans tous les compromis inimaginables avec l'esprit du
monde ouvrant la voie à une apostasie tranquille.
La deuxième roue révolutionnaire s'accomplissait, la troisième s'ouvrait
sur les espaces abandonnés par ceux-là mêmes qui auraient du les défendre de
leur vie... L'ordre revint assuré qu'il serait là pour réguler un désordre plus
profond. Les enfers pouvaient danser.
L'avenir pour les générations qui nous suivent est encore plus lourd de menaces,
de désespoirs que l'on fuit avec une volonté féroce dans tous les égoïsmes
possibles avec l'apparence de la générosité et, c'est ainsi qu'on voit des
gamins manifester contre le réforme scolaire nécessaire parce que des enseignants,
fleuris dans les ombres soixante-huitardes, les manipulent, sans aucun respect.
Leur crainte étant de se retrouver nus devant leur conscience en présence d'une
de ces générations qui leur criera qu'avez-vous fait de notre sourire ?
Dieu, face à cette volonté de jouir, laisse se produire les chocs pétroliers
qui ébranlent nos économies et commencent à ébranler nos
démocraties. Vous avez décidé de vous passer de Dieu, Dieu le Père
a retiré à l'Esprit Saint la mission d'inspirer les gouvernants et les peuples
; qu'ils aillent au bout de leur orgueil !
Je laisse à Georges Pompidou le soin d'apporter sa part à cet article, en
insérant une partie de son discours qu'il prononça à la chambre le 14 mai 1968,
car de tous les Présidents de la Cinquième République, il est le plus grand,
tant il fut humble, courageux et riche d'une humanité pleine de bon sens et de
noblesse vraie :
" Mesdames et Messieurs,
Rien ne serait plus illusoire que de croire que les événements que nous venons
de vivre constituent une flambée sans lendemain. Rien ne saurait plus illusoire
également que de croire qu'une solution valable et durable puisse naître du
désordre et de la précipitation. La route est longue et difficile. Il ne sera
pas trop de la collaboration de tous pour atteindre le but. Le Gouvernement,
pour sa part, est prêt à recueillir les avis, à étudier les suggestions, à en
tirer les conséquences pour ses décisions. Mais il demande qu'on veuille bien
mesurer les difficultés de la tâche.
C'est qu'il ne s'agit pas simplement de réformer l'Université. À travers les
étudiants, c'est le problème même de la jeunesse qui est posé, de sa place dans
la société, de ses obligations et de ses droits, de son équilibre moral même.
Traditionnellement, la jeunesse était vouée à la discipline et à l'effort, au
nom d'un idéal, d'une conception morale en tout cas.
La discipline a en grande partie disparu. L'intrusion de la radio et de la
télévision a mis les jeunes dès l'enfance au contact de la vie extérieure.
L'évolution des mœurs a transformé les rapports entre parents et enfants comme
entre maîtres et élèves. Les progrès de la technique et du niveau de vie ont,
pour beaucoup, supprimé le sens de l'effort. Quoi d'étonnant enfin si le besoin
de l'homme de croire à quelque chose, d'avoir solidement ancrés en soi quelques
principes fondamentaux, se trouve contrarié par la remise en cause constante de
tout ce sur quoi l'humanité s'est appuyée pendant des siècles: la famille est
souvent dissoute, ou relâchée, la patrie discutée, souvent niée, Dieu est mort
pour beaucoup et l'Église elle-même s'interroge sur les voies à suivre et
bouleverse ses traditions.
Dans ces conditions, la jeunesse, non pas tant peut-être la jeunesse ouvrière ou
paysanne qui connaît le prix du pain et la rude nécessité de l'effort, mais qui
est plus inquiète que d'autres aussi pour son avenir professionnel, la jeunesse
universitaire en tout cas, se trouve désemparée. Les meilleurs s'interrogent,
cherchent, s'angoissent, réclament un but et des responsabilités. D'autres, et
qui ne sont pas toujours les pires, se tournent vers la négation, le refus total
et le goût de détruire.
"Détruire quoi ?"
Détruire quoi ? Ce qu'ils ont sous la main d'abord, et, pour les étudiants,
c'est l'Université. Et puis la société, non pas la société capitaliste comme le
croit M. Juquin (qu'il demande donc l'avis des étudiants de Varsovie, de Prague
ou même de Moscou), mais la société tout court, la société moderne, matérialiste
et sans âme. (Juquin était un élu communiste)
Je ne vois de précédent dans notre histoire qu'en cette période désespérée que
fut le XVe siècle, où s'effondraient les structures du Moyen Age et où, déjà,
les étudiants se révoltaient en Sorbonne.
À ce stade, ce n'est plus, croyez-moi, le Gouvernement qui est en cause, ni les
institutions, ni même la France. C'est notre civilisation elle-même. Tous
les adultes et tous les responsables, tous ceux qui prétendent guider les hommes
se doivent d'y songer, parents, maîtres, dirigeants professionnels ou syndicaux,
écrivains et journalistes, prêtres et laïcs. Il s'agit de recréer un cadre de
vie accepté de tous, de concilier ordre et liberté, esprit critique et
conviction, civilisation urbaine et personnalité, progrès matériel et sens de
l'effort, libre concurrence et justice, individualisme et solidarité.
Je ne cherche pas, Mesdames et Messieurs, à éviter le débat politique. Nous
aurons l'occasion d'ici peu d'en parler et d'en parler complètement. Mais,
en évoquant rapidement le fond des problèmes qui sont en fin de compte d'ordre
philosophique plus encore que politique ou du moins relèvent de la politique au
sens le plus élevé du terme, je ne crois pas m'éloigner de la question
immédiate, qui est celle de notre jeunesse. Il y a trois jours, au
lendemain d'une nuit d'émeute, j'ai délibérément choisi avec l'accord du général
de Gaulle, l'apaisement et j'ai fait les gestes nécessaires. Aujourd'hui, je
fais appel à la coopération de tous, et d'abord des étudiants, et je ferai les
gestes nécessaires. Notre pays veut la paix. Notre peuple veut être heureux. Ce
n'est que dans le calme et dans la collaboration de tous qu'il en trouvera la
voie. Puisse, cette fois aussi, mon appel être entendu."
L'analyse de Pompidou reste d'une actualité étonnante, sa perspicacité à
comprendre et intérioriser les angoisses de notre génération nous le rend plus
sympathique ; malheureusement son appel ne fut pas entendu. Mais Dieu suscita
Jean-Paul II le Grand et aujourd'hui Benoît XVI, ils ont pris la mesure du drame
métaphysique qui saisit notre société et tendent avec un courage inégalé et une
rigueur intellectuelle sans pareil de répondre à toutes les attentes par une
charité jamais prise en défaut. Il appartient aux intellectuels
catholiques de répandre leur enseignement et d'apporter aux générations
d'aujourd'hui, dans ces heures pénibles les moyens de leur discernement afin
qu'elles puissent décider le meilleur de leur devenir sur cette terre
dans l'espérance renouvelée de leur foi. N'oublions pas que tout homme
est aimé de Dieu et que cet amour l'appelle à le rencontrer, Lui en qui tout de
l'homme se réalise et prend sens.
Puisse l'Esprit Saint nous conforter dans notre mission, nous intellectuels
catholiques: témoigner, sans faiblesse ni concession au monde, de l'amour de
Dieu et de la grandeur indépassable de l'homme, temple vivant de Dieu.
Sources :
http://lalettrecatholique.free.fr
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
08.05.08 -
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