Le père André Feuillet, un exégète
biblique |
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Le 08 février 2009 -
(E.S.M.)
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Le père André Feuillet, un des plus grands exégètes du XXe siècle, nous quittait, il y a un peu plus de dix ans, au
terme d’une longue vie entièrement au service de la Parole de Dieu et de
l’Église.
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Le pape Paul VI salue
le père André Feuillet lors d’une audience le samedi 25 février 1974
Le père André Feuillet, un exégète biblique
Le 08 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Cette année fertile en jubilés verra aussi le centenaire de la naissance du
père André Feuillet, p.s.s., un des plus grands exégètes du XXe siècle. La
liste impressionnante de ses publications témoigne d’un travail sans relâche
au service de l’approfondissement de la foi vécue, alliée à la raison, d’une
richesse doctrinale très sûre, d’une spiritualité très haute, en même temps
que d’une grande rigueur scientifique.
Denise Nouailhat
Le père André Feuillet nous quittait, il y a un peu plus de dix ans, au
terme d’une longue vie entièrement au service de la Parole de Dieu et de
l’Église.
Né en 1909 à la Chapelle-Enjuger, dans le diocèse de Coutances, il est
ordonné prêtre en 1932, entre dans la Compagnie de Saint-Sulpice en 1934,
étudie à Rome de 1934 à 1937. Docteur en théologie, il enseigne au Grand
Séminaire d’Angers de 1937 à 1947. De 1945 à 1950, il connaît de graves
ennuis de santé et une longue immobilisation forcée. Il parvient toutefois à
la faveur d’une légère amélioration de son état à publier plusieurs articles
importants. Il est nommé alors au Centre national de la recherche
scientifique, puis en 1952, devient professeur d’exégèse du Nouveau
Testament à l’Institut Catholique de Paris où il exerce jusqu’en 1974. Il
continue, à la retraite, de publier comme un jeune professeur jusqu’à un âge
avancé et reste très présent dans le monde exégétique. Il devient en 1983
membre de l’Académie pontificale romaine de Théologie et offre, en
particulier, jusqu’à vingt articles à la revue Divinitas de cette Académie
vaticane.
Un spécialiste international
La très longue bibliographie des œuvres du père Feuillet donne une idée de
la contribution exceptionnelle apportée aux études bibliques par ce
spécialiste d’audience internationale, comme en témoignent ses publications
maintes fois traduites en plusieurs langues. Ce sont 25 ouvrages et 275
articles écrits dans des revues spécialisées du monde entier mettant à
profit le progrès de l’exégèse scientifique contemporaine telle que
l’encouragent l’encyclique
Divino Afflante Spiritu (1943) et la Constitution du concile Vatican II
Dei Verbum.
Gardant une totale indépendance d’esprit, en même temps qu’une sérénité
paisible dans la rigueur d’enquêtes éloignées de toute polémique, le père
Feuillet restaure la confiance en la Parole de Dieu et en fait progresser
l’intelligence. Ayant enseigné l’exégèse de l’Ancien et du Nouveau
Testament, il se montre particulièrement compétent pour appliquer cette
méthode du comparatisme intrabiblique aux résultats si convaincants. Il met
en valeur la cohésion interne profonde et souvent cachée de la Sainte
Écriture, son merveilleux christocentrisme et l’unité doctrinale du Nouveau
Testament. C’est ainsi, par exemple, qu’il démontre le caractère religieux
et prophétique du Cantique des Cantiques et la solidité historique de
l’Évangile de saint Jean. Il sait pénétrer comme de l’intérieur la
conscience même qu’avait Jésus de sa Personne et de sa mission et contempler
le dessein d’amour de la Trinité Sainte sur l’humanité et le monde. De
manière particulièrement remarquable, son ouvrage magistral
L’Accomplissement des prophéties (1) rassemble les conclusions de très
nombreuses études de détail pour présenter une impressionnante synthèse
d’une haute portée exégétique et spirituelle. Son livre Le sacerdoce du
Christ et de ses ministres apporte une analyse précieuse de Jean
chapitre 17 comme fondement du sacerdoce ministériel.
Le père Feuillet s’exprime dans une langue claire et précise, dense et
concise et n’entend pas écrire pour les seuls spécialistes. Il bannit toute
érudition inutile et poursuit sa démonstration de manière limpide en allant
droit au but. Il veut toucher un large public cultivé, prêtres et
séminaristes, personnes consacrées, communautés nouvelles, catéchistes. À
tous il désire faire partager la joie et la consolation que donnent les
Écritures. Ses nombreux lecteurs lui sont immensément reconnaissants d’avoir
reçu de lui cet « aliment scripturaire qui éclaire les esprits, affermit
les volontés et embrase d’amour de Dieu le cœur des hommes »
(Dei
Verbum, n. 23). Les personnes qui connaissaient le père
Feuillet apprenaient encore beaucoup par la seule personnalité de ce prêtre
si spirituel, tout abandonné à la volonté divine, ne se voulant qu’un simple
instrument au service de la grande cause de l’exégèse et d’une mission
doctrinale providentielle, en notre temps de si douloureuses incertitudes.
Il puisait sa force dans une vie de prière intense qui culminait dans sa
messe quotidienne. Les derniers mois, il n’était plus que pur regard tourné
vers Dieu qui était toute sa vie.
Le roc de la Parole de Dieu
Plus que d’autres, le père Feuillet savait présenter la Parole de Dieu comme
« le roc inébranlable » « qui ne se trompe ni ne trompe »
(Jean Paul II,
Catechesi Tradendae n. 60). Il le démontrait de manière
scientifique par une accumulation de preuves convergentes. Après de
patientes analyses de détail venaient de convaincantes synthèses
particulièrement nourrissantes pour la foi. Il prouvait que notre
connaissance du Jésus de l’Évangile était bien la connaissance du « Jésus de
l’histoire ». Il soulignait ainsi les bienfaits d’une exégèse
historico-critique menée avec la rigueur scientifique nécessaire. Selon lui,
les erreurs et déviations de certains exégètes contemporains provenaient le
plus souvent d’a priori philosophiques incompatibles avec la tradition en
laquelle les textes bibliques étudiés avaient pris naissance. Dès 1971, le
père Feuillet avait publié sur ce sujet un article très éclairant dans la
Revue Thomiste (hommage au cardinal Journet) :
« Réflexions d’actualité sur les recherches exégétiques » montrant que la
science critique n’impliquait nullement certaines positions à la mode
démolissant la Parole de Dieu.
Le père Feuillet affirmait sa parfaite liberté dans l’exégèse catholique.
Nous pensons, par exemple, à son livre Christologie paulinienne et
Tradition biblique, reprenant certains éléments de ses recherches
antérieures dans Le Christ, Sagesse de Dieu. Le père Feuillet ne
craignait pas d’avancer de manière très neuve dans la compréhension des
textes de saint Paul. Il commence par écarter les interprétations des textes
pauliniens contraires à la foi chrétienne, les éclairant à l’aide de toute
la Tradition, à commencer par la Tradition biblique. Il cite le père
Lagrange : « Nous poursuivons nos études (…) sous la double lumière de la
Révélation et de la raison (…). Nous suivons une excellente méthode en
pratiquant la critique sans jamais perdre de vue l’autorité de l’Église
parce que la règle même de la critique, c’est de tenir compte du milieu, et
que l’Église est précisément le milieu où a paru l’Écriture » (2).
Les dernières années de sa vie, le père Feuillet avait pu rééditer
quelques-unes de ses œuvres majeures épuisées. Le Cantique des Cantiques
parut même après sa mort, début 1999, après la réédition du livre Le
sacerdoce du Christ et de ses ministres (1997).
Amis et lecteurs du père Feuillet déplorent aujourd’hui l’arrêt total de
toutes rééditions depuis la mort de l’exégète. Celles-ci incomberaient sans
doute à la Compagnie de Saint-Sulpice. Il y aurait à rééditer, par exemple,
de grands et beaux livres comme Jésus et sa Mère, Le Mystère de l’Amour
divin dans la théologie johannique. En outre le père Feuillet, membre de
l’Académie pontificale romaine de Théologie, a écrit de très nombreux et
substantiels articles dans les années 1980 et au début des années 1990, pour
la revue de cette Académie, Divinitas, publiée alors à la Cité du
Vatican par Mgr Piolanti. Ce dernier en avait publié deux des plus
importants sous forme de petits volumes. Un seul de ces articles fut édité
en France et les autres restent peu accessibles aux lecteurs français. Or ce
sont des articles de fin de carrière, faisant usage de conclusions d’études
antérieures et aboutissant à de très utiles synthèses. Le père Feuillet,
saint prêtre de l’Église de Dieu, fut un travailleur infatigable. Ses études
scientifiques alliant merveilleusement foi et raison rendent un service
providentiel pour restaurer le sens et le respect de la Parole de Dieu. Ses
obsèques furent célébrées le jour même de la Saint André, le 30 novembre
1998, en la chapelle Saint-Joseph-des-Carmes, rue de Vaugirard à Paris. Le
cardinal Jean-Marie Lustiger, alors archevêque de Paris, dans une lettre au
père Michel Dupuy, p.s.s., lue au début de la messe de sépulture, s’exprime
ainsi à propos du père Feuillet : « … Son œuvre, originale et forte, n’a
pas encore eu le retentissement qu’elle méritait. À bien des égards, elle
anticipe sur l’évolution présente de l’exégèse du Nouveau Testament. La
sûreté de son jugement théologique et spirituel a permis à la rigueur de son
travail scientifique de produire les fruits de véritable intelligence de la
Parole de Dieu qu’il nous a partagés. Je demande au Seigneur de lui donner
de contempler Celui qu’il n’a cessé de chercher, d’aimer et de servir. »
1. Les références des livres cités se trouvent dans la
bibliographie ci-dessous.
2. Christologie paulinienne et Tradition biblique, pp. 178-179.
Sources : hommenouveau
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 08.02.2009 -
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