Benoît XVI s'est adressé au corps
diplomatique |
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CITE DU VATICAN, le 08 Janvier 2007 -
(E.S.M.) - Ce matin, Benoît XVI s'est adressé comme en chaque début
d'année au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, devant
lequel il a passé en revue les principaux moments de 2006.
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Le pape Benoît XVI adresse ses voeux au
corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège.
OEUVRER ENSEMBLE POUR UN HUMANISME
INTÉGRAL
Ce matin, Benoît XVI s'est adressé comme en chaque début d'année au corps
diplomatique accrédité près le Saint-Siège, devant lequel il a passé en
revue les moments principaux de 2006. Avant son discours, le Saint-Père a
été salué au nom de toutes les délégations par le Doyen, M.Giovanni Galassi,
Ambassadeur de San Marino. Le Saint-Siège entretient des relations
diplomatiques pleines avec 175 états, plus les institutions européennes et
l'Ordre souverain de Malte, auxquelles s'ajoutent des missions spéciales
avec la Fédération de Russie et l'OLP. Voici les passages saillants de
l'intervention de Benoît XVI:
Synthèse du discours du Saint Père Benoît XVI - texte
intégral en deuxième partie (2)
Le pape Benoît XVI a commencé en rappelant qu'en début d'année, "nous sommes
invités à porter un regard sur la situation internationale, pour envisager
les défis que nous sommes appelés à affronter ensemble.
Le scandale de la faim, qui tend à
s'aggraver, est inacceptable dans un monde qui dispose des biens, des
connaissances et des moyens d'y mettre un terme. Il nous pousse à changer
nos modes de vie; il nous rappelle l'urgence d'éliminer les causes
structurelles des dysfonctionnements de l'économie mondiale et de corriger
les modèles de croissance qui semblent incapables de garantir le respect de
l'environnement et un développement humain intégral pour aujourd'hui et
surtout pour demain".
J'invite à nouveau les responsables des pays les plus riches à prendre les
dispositions nécessaires pour que les pays pauvres, souvent détenteurs de
richesses naturelles, puissent bénéficier des fruits des biens qui leur
appartiennent. De ce point de vue, le retard dans la mise en ouvre des
engagements pris par la communauté internationale au cours des toutes
dernières années est aussi source de préoccupation. Il faut donc souhaiter
la reprise des négociations commerciales du Doha Development Round de
l'Organisation mondiale du commerce, ainsi que la poursuite et
l'accélération du processus d'annulation et de réduction de la dette des
pays les plus pauvres, sans que cela soit conditionné à des mesures
d'ajustement structurel, néfastes pour les populations les plus vulnérables.
Dans le domaine du désarmement
également, se multiplient les symptômes d'une crise progressive, liée aux
difficultés dans les négociations sur les armes conventionnelles aussi bien
que sur les armes de destruction massive, et, d'autre part, à l'augmentation
des dépenses militaires à l'échelle mondiale. Les questions de sécurité,
aggravées par le terrorisme, qu'il faut condamner fermement, doivent être
traitées dans une approche globale et clairvoyante.
En ce qui concerne les crises humanitaires,
il convient de noter que les organisations qui les affrontent ont besoin
d'un soutien plus fort, afin qu'elles soient en mesure de fournir aux
victimes protection et assistance. Une autre question qui prend toujours
davantage de relief est celle des mouvements de personnes: des millions
d'hommes et de femmes sont contraints à laisser leurs foyers ou leur patrie
à cause de violences ou bien pour rechercher des conditions de vie plus
dignes. Il est illusoire de penser que les phénomènes migratoires pourront
être bloqués ou contrôlés simplement par la force. Les migrations et les
problèmes qu'elles créent doivent être affrontés avec humanité, justice et
compassion.
Le pape Benoît XVI a exprimé sa préoccupation des continuelles
atteintes à la vie, de la conception jusqu'à la mort
naturelle. De telles atteintes n'épargnent même pas des régions
où la culture du respect de la vie est traditionnelle, comme en Afrique, où
l'on tente de banaliser subrepticement l'avortement, par le Protocole de
Maputo. Se développent également des menaces contre la structure naturelle
de la famille, fondée sur le mariage d'un homme et
d'une femme, et des tentatives de la relativiser en lui donnant
le même statut que d'autres formes d'union radicalement différentes.
D'autres formes d'agression à la vie sont commises parfois sous couvert de
recherche scientifique. La conviction se répand que la recherche n'est
soumise qu'aux lois qu'elle veut bien se donner et qu'elle n'a d'autre
limite que ses propres possibilités. C'est le cas par exemple dans les
tentatives de légitimer le clonage humain pour d'hypothétiques fins
thérapeutiques.
Puis le pape Benoît XVI a considéré la situation politique dans les
différents continents et a relevé des motifs de préoccupation et
d'espérance.
Nous constatons en premier lieu que la paix est bien souvent fragile et même
bafouée. Nous ne pouvons pas oublier le Continent africain. Le drame du
Darfour se poursuit et s'étend aux régions
frontalières du Tchad et de la République centrafricaine. La communauté
internationale semble impuissante depuis bientôt quatre ans, malgré les
initiatives destinées à soulager les populations en détresse et à apporter
une solution politique. C'est seulement par une collaboration active entre
les Nations-Unies, l'Union Africaine, les gouvernements en cause et d'autres
protagonistes que ces moyens pourront devenir efficaces.
Évoquant la situation en Afrique Benoît XVI a rappelé que la situation dans
la Corne d'Afrique s'est récemment
aggravée, avec la reprise des hostilités et l'internationalisation du
conflit. En Ouganda, il faut souhaiter
les progrès des négociations entre les parties, en vue de la fin d'un
conflit cruel qui voit même l'enrôlement de nombreux enfants contraints de
se faire soldats.
La Région des Grands Lacs a été
ensanglantée depuis des années par des guerres sans merci. C'est avec
intérêt et espérance qu'il convient d'accueillir les développements positifs
récents, en particulier la conclusion de la phase de transition politique au
Burundi et plus récemment en République
démocratique du Congo. Au
Rwanda, je souhaite que le long processus
de réconciliation nationale après le génocide trouve son aboutissement dans
la justice, mais aussi dans la vérité et le pardon. Enfin, je voudrais
mentionner la Côte-d'Ivoire, exhortant
les parties en présence à créer un climat de confiance réciproque qui puisse
conduire au désarmement et à la pacification, et d'autre part l'Afrique
australe: dans ces pays, des millions de personnes sont réduites à une
situation de grande vulnérabilité, qui exige l'attention et l'appui de la
communauté internationale.
Des signes positifs pour l'Afrique viennent également de la volonté exprimée
par la communauté internationale de maintenir ce continent au centre de son
attention, et aussi du renforcement des institutions continentales et
régionales, qui témoignent de l'intention des pays concernés de devenir
toujours davantage responsables de leur propre destin.
Puis le pape a confié que le voyage apostolique qu'il accomplira au mois de
mai prochain au Brésil lui donne
l'occasion de tourner son regard vers ce grand pays, qui a t'il dit:
"m'attend avec joie", et vers toute l'Amérique latine et les Caraïbes.
L'amélioration de certains indices économiques, l'engagement dans la lutte
contre le trafic de drogue et contre la corruption, les divers processus
d'intégration, les efforts pour améliorer l'accès à l'éducation, pour
combattre le chômage et pour réduire les inégalités dans la distribution des
revenus, constituent des indices à relever avec satisfaction. Si ces
évolutions se consolident, elles pourront contribuer de façon déterminante à
vaincre la pauvreté qui afflige de vastes secteurs de la population et à
accroître la stabilité institutionnelle.
Mon attention, a exprimé le pape, se tourne tout particulièrement vers
certains pays, notamment la Colombie, où
le long conflit interne a provoqué une crise humanitaire, surtout en ce qui
concerne les personnes déplacées. Tous les efforts doivent être faits pour
pacifier le pays, pour restituer aux familles leurs proches qui ont été
enlevés, pour redonner sécurité et vie normale à des millions de personnes.
Nos regards se tournent vers Cuba. En
souhaitant que chacun de ses habitants puisse réaliser ses aspirations
légitimes dans le souci du bien commun, permettez-moi de reprendre l'appel
de mon vénéré prédécesseur: 'Que Cuba s'ouvre au monde et le monde à Cuba'.
L'ouverture réciproque avec les autres pays ne pourra qu'être au bénéfice de
tous. Non loin de là, le peuple haïtien vit toujours dans une grande
pauvreté et dans la violence. Je forme des voeux pour que l'intérêt de la
communauté internationale, manifesté entre autres par les conférences des
donateurs qui ont eu lieu en 2006, conduise à la consolidation des
institutions et permette au peuple de devenir artisan de son propre
développement, dans un climat de réconciliation et de concorde.
L'Asie montre avant tout des pays qui
sont caractérisés par une population très nombreuse et un grand
développement économique. Je pense à la Chine
et à l'Inde, pays en pleine expansion,
souhaitant que leur présence croissante sur la scène internationale entraîne
des bénéfices pour les populations elles- mêmes et pour les autres nations.
De même, je forme des voeux pour le Vietnam,
rappelant sa récente adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Ma
pensée rejoint les communautés chrétiennes. Dans la plupart des pays d'Asie,
il s'agit souvent de communautés petites mais vivantes, qui désirent
légitimement pouvoir vivre et agir dans un climat de liberté religieuse.
C'est à la fois un droit primordial et une condition qui leur permettra de
contribuer au progrès matériel et spirituel de la société, et d'être des
éléments de cohésion et de concorde.
Au Timor oriental, l'Eglise catholique
entend continuer à offrir sa contribution notamment dans les secteurs de
l'éducation, de la santé et de la réconciliation nationale. La crise
politique traversée par ce jeune état, comme d'ailleurs par d'autres pays de
la région, met en évidence une certaine fragilité des processus de
démocratisation. De dangereux foyers de tension couvent dans la Péninsule de
Corée. L'objectif de la réconciliation
du peuple coréen et la dénucléarisation de la Péninsule, qui auront des
effets bénéfiques dans toute la région, doivent être poursuivis dans le
cadre de négociations. Il convient d'éviter les gestes qui puissent
compromettre les pourparlers, sans toutefois conditionner aux résultats les
aides humanitaires destinées aux couches de la population nord-coréenne les
plus vulnérables.
En Afghanistan, au cours des derniers
mois, il faut hélas déplorer une augmentation notable de la violence et des
attaques terroristes, qui rendent difficile le chemin vers la sortie de
crise et qui pèsent lourdement sur les populations locales. Au
Srilanka, l'échec des négociations de
Genève entre le gouvernement et le mouvement tamoul a entraîné une
intensification du conflit, qui provoque d'immenses souffrances parmi les
populations civiles. Seule la voie du dialogue pourra assurer un avenir
meilleur et plus sûr pour tous.
Le moyen-orient est aussi source de
grandes inquiétudes. Je renouvelle mon appel pressant à toutes les parties
en cause sur l'échiquier politique complexe de la région, avec l'espoir que
se consolideront les signes positifs entre
Israéliens et Palestiniens, enregistrés au cours des dernières
semaines. Le Saint-Siège ne se lassera jamais de répéter que les solutions
armées n'aboutissent à rien, comme on l'a vu au
Liban l'été dernier. L'avenir de ce pays passe nécessairement par
l'unité de toutes ses composantes et par des relations fraternelles entre
les différents groupes religieux et sociaux notamment, les Libanais ont
droit à voir respectées l'intégrité et la souveraineté de leur pays; les
Israéliens ont le droit de vivre en paix dans leur état". Quant aux
Palestiniens, ils "ont droit à une patrie libre et souveraine. Si chacun des
peuples de la région voit ses attentes prises en considération et se sent
moins menacé, la confiance mutuelle se renforcera.
Cette même confiance se développera si un pays comme l'Iran,
tout spécialement en ce qui concerne son programme nucléaire, accepte de
donner une réponse satisfaisante aux préoccupations légitimes de la
communauté internationale. Des pas accomplis dans ce sens auront sans aucun
doute un effet positif pour la stabilisation de toute la région, et de
l'Irak en particulier, mettant fin à l'épouvantable violence qui ensanglante
ce pays et offrant la possibilité de relancer sa reconstruction et la
réconciliation entre tous ses habitants.
Plus près de nous, en Europe, de nouveaux pays, la
Bulgarie et la Roumanie, nations de longue tradition chrétienne,
ont fait leur entrée dans l'Union européenne. Alors que l'on s'apprête à
célébrer le cinquantième anniversaire des Traités de Rome, une réflexion
s'impose sur le Traité constitutionnel. Je souhaite que les valeurs
fondamentales qui sont à la base de la dignité humaine soient pleinement
protégées, en particulier la liberté religieuse dans toutes ses dimensions
et les droits institutionnels des Églises. Le cinquantième anniversaire de
l'insurrection de Budapest, fêté au mois d'octobre dernier, nous a rappelé
les événements dramatiques du vingtième siècle qui incitent tous les
Européens à construire un avenir libre de toute oppression et de tout
conditionnement idéologique. De même, il importe de purifier les tensions du
passé, en promouvant la réconciliation à tous les niveaux, car c'est elle
seule qui permet de construire l'avenir et de consentir à l'espérance.
J'appelle aussi tous ceux qui, dans le continent européen, sont tentés par
le terrorisme, à cesser toute activité de ce genre, car de tels
comportements, qui font prévaloir la violence et qui engendrent la peur chez
les populations, constituent une voie sans issue. Je pense aussi aux divers
conflits gelés, souhaitant qu'ils trouvent rapidement une solution
définitive, et aux tensions récurrentes liées aujourd'hui surtout aux
ressources énergétiques.
Le pape a ensuite émis le souhait que la région des
Balkans parvienne à la stabilisation que
tous espèrent, en particulier grâce à l'intégration des nations qui la
composent dans les structures continentales et au soutien de la communauté
internationale. L'établissement de relations diplomatiques avec la
République du Monténégro, qui vient
d'entrer pacifiquement dans le concert des nations, et l'Accord de base
signé avec la Bosnie-Herzégovine sont
des marques de l'attention constante du Saint-Siège pour les Balkans. Alors
qu'approche le moment où sera défini le statut du
Kosovo, le Saint-Siège demande à tous ceux qui sont concernés un
effort de sagesse clairvoyante, de flexibilité et de modération, afin que
soit trouvée une solution qui respecte les droits et les attentes légitimes
de tous.
Les situations que j'ai évoquées - a conclu Benoît XVI - constituent un
défi, qui nous implique tous; il s'agit d'un défi qui consiste à promouvoir
et à consolider tout ce qu'il y a de positif dans le monde et à surmonter,
avec bonne volonté, sagesse et ténacité tout ce qui blesse, dégrade et tue
l'homme. C'est en respectant la personne humaine qu'il est possible de
promouvoir la paix et c'est en bâtissant la paix que sont jetées les bases
d'un authentique humanisme intégral. Dans son engagement au service de
l'homme et de la construction de la paix, l'Èglise est aux côtés de toutes
les personnes de bonne volonté et elle offre une collaboration
désintéressée. Qu'ensemble, chacun à sa place et avec ses propres talents,
nous sachions travailler à la construction d'un humanisme intégral qui peut
seul assurer un monde pacifique, juste et solidaire".
Discours intégral du Saint-Père Benoît XVI
Monsieur le Doyen,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
C’est avec plaisir que je vous accueille aujourd’hui, pour cette
traditionnelle cérémonie d’échange de vœux. Bien qu'elle se renouvelle
chaque année, il ne s’agit pas cependant d’une simple formalité, mais d’une
occasion pour affermir notre espérance et pour nous engager toujours
davantage au service de la paix et du développement des personnes et des
peuples.
En premier lieu, je désire remercier votre Doyen, Monsieur l’Ambassadeur
Giovanni Galassi, pour les aimables paroles par lesquelles il a exprimé vos
vœux. J’adresse aussi un salut particulier aux Ambassadeurs qui participent
pour la première fois à cette rencontre. Je vous offre à tous mes vœux les
plus cordiaux et je vous assure de mes prières, afin que 2007 vous apporte,
à vous-mêmes, à vos familles, à vos collaborateurs, à tous les peuples et à
leurs dirigeants, le bonheur et la paix.
Tout d'abord, le pape Benoît XVI a rappelé qu'en début d'année, nous sommes
invités à porter un regard sur la situation internationale, pour envisager
les défis que nous sommes appelés à affronter ensemble. Parmi les questions
essentielles, comment ne pas penser aux millions de personnes, spécialement
aux femmes et aux enfants, qui manquent d’eau, de nourriture, de toit ? Le
scandale de la faim, qui tend à s’aggraver, est inacceptable dans un monde
qui dispose des biens, des connaissances et des moyens d’y mettre un terme.
Il nous pousse à changer nos modes de vie; il nous rappelle l’urgence
d’éliminer les causes structurelles des dysfonctionnements de l’économie
mondiale et de corriger les modèles de croissance qui semblent incapables de
garantir le respect de l’environnement et un développement humain intégral
pour aujourd’hui et surtout pour demain. J'invite à nouveau les Responsables
des Nations les plus riches à prendre les dispositions nécessaires pour que
les pays pauvres, souvent pleins de richesses naturelles, puissent
bénéficier des fruits des biens qui leur appartiennent en propre. De ce
point de vue, le retard dans la mise en œuvre des engagements pris par la
communauté internationale au cours des toutes dernières années est aussi
source de préoccupation. Il faut donc souhaiter la reprise des négociations
commerciales du «Doha Development Round» de l’Organisation mondiale du
Commerce, ainsi que la poursuite et l’accélération du processus d’annulation
et de réduction de la dette des pays les plus pauvres, sans que cela soit
conditionné à des mesures d’ajustement structurel, néfastes pour les
populations les plus vulnérables.
Dans le domaine du désarmement également, se multiplient les symptômes d’une
crise progressive, liée aux difficultés dans les négociations sur les armes
conventionnelles aussi bien que sur les armes de destruction massive, et,
d’autre part, à l’augmentation des dépenses militaires à l’échelle mondiale.
Les questions de sécurité, aggravées par le terrorisme, qu’il faut condamner
fermement, doivent être traitées dans une approche globale et clairvoyante.
En ce qui concerne les crises humanitaires, il convient de noter que les
Organisations qui les affrontent ont besoin d’un soutien plus fort, afin
qu’elles soient en mesure de fournir aux victimes protection et assistance.
Une autre question qui prend toujours davantage de relief est celle des
mouvements de personnes: des millions d’hommes et de femmes sont contraints
à laisser leurs foyers ou leur patrie à cause de violences ou bien pour
rechercher des conditions de vie plus dignes. Il est illusoire de penser que
les phénomènes migratoires pourront être bloqués ou contrôlés simplement par
la force. Les migrations et les problèmes qu’elles créent doivent être
affrontés avec humanité, justice et compassion.
Comment ne pas se préoccuper non plus des continuelles atteintes à la vie,
de la conception jusqu’à la mort naturelle ? De telles atteintes n’épargnent
même pas des régions où la culture du respect de la vie est traditionnelle,
comme en Afrique, où l’on tente de banaliser subrepticement l’avortement,
par le Protocole de Maputo, ainsi que par le Plan d’action adopté par les
Ministres de la santé de l’Union Africaine, qui sera d’ici peu soumis au
Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement. Se développent également des
menaces contre la structure naturelle de la famille, fondée sur le mariage
d’un homme et d'une femme, et des tentatives de la relativiser en lui
donnant le même statut que d’autres formes d’union radicalement différentes.
Tout cela offense la famille et contribue à la déstabiliser, en en voilant
la spécificité et le rôle social unique. D’autres formes d’agression à la
vie sont commises parfois sous couvert de recherche scientifique. La
conviction se répand que la recherche n’est soumise qu’aux lois qu’elle veut
bien se donner et qu’elle n’a d’autre limite que ses propres possibilités.
C'est le cas par exemple dans les tentatives de légitimer le clonage humain
pour d’hypothétiques fins thérapeutiques.
Ce cadre préoccupant n'empêche pas de percevoir des éléments positifs qui
caractérisent notre époque. Je voudrais mentionner en premier lieu la prise
de conscience croissante de l’importance du dialogue entre les cultures et
entre les religions. Il s'agit d'une nécessité vitale, en particulier en
raison des défis communs concernant la famille et la société. Je relève
d’ailleurs les nombreuses initiatives en ce sens, qui visent à bâtir les
bases communes pour vivre dans la concorde.
Il convient aussi de noter le développement de la prise de conscience de la
communauté internationale face aux énormes défis de notre temps, ainsi que
les efforts pour qu'elle se traduise en actes concrets. Au sein de l’Organisation
des Nations unies, a été créé l’année dernière le Conseil des Droits de l’Homme,
dont il faut espérer qu’il centrera son activité sur la défense et la
promotion des droits fondamentaux de la personne, en particulier le droit à
la vie et le droit à la liberté religieuse. Évoquant les Nations unies, je
me sens le devoir de saluer avec gratitude Son Excellence Monsieur Kofi
Annan pour l’œuvre accomplie au cours de ses mandats de Secrétaire général.
Je formule les vœux les meilleurs pour son successeur Monsieur Ban Ki-moon,
au moment où il vient de prendre ses fonctions.
Dans le cadre du développement, diverses initiatives ont été également
lancées, auxquelles le Saint-Siège n’a pas manqué d’apporter son soutien,
rappelant en même temps que ces projets ne doivent pas supprimer
l’engagement des pays développés à destiner 0,7% de leur produit intérieur
brut à l’aide internationale. Un autre élément important dans l'effort
commun pour l’éradication de la misère requiert non seulement une
assistance, dont on ne peut que souhaiter l'expansion, mais aussi la prise
de conscience de l’importance de la lutte contre la corruption et la
promotion de la bonne gouvernance. Il faut aussi encourager et poursuivre
les efforts accomplis afin d'assurer l’application du droit humanitaire aux
personnes et aux peuples, pour une protection plus efficace des populations
civiles.
En considérant la situation politique dans les différents continents, nous
trouvons encore des motifs de préoccupation et d’espérance. Nous constatons
en premier lieu que la paix est bien souvent fragile et même bafouée. Nous
ne pouvons pas oublier le Continent africain. Le drame du Darfour se
poursuit et s'étend aux régions frontalières du Tchad et de la République
centrafricaine. La communauté internationale semble impuissante depuis
bientôt quatre ans, malgré les initiatives destinées à soulager les
populations en détresse et à apporter une solution politique. C’est
seulement par une collaboration active entre les Nations unies, l’Union
Africaine, les gouvernements en cause et d'autres protagonistes que ces
moyens pourront devenir efficaces. Je les invite tous à agir avec
détermination : nous ne pouvons pas accepter que tant d’innocents continuent
à souffrir et à mourir ainsi.
La situation dans la Corne de l’Afrique s’est récemment aggravée, avec la
reprise des hostilités et l’internationalisation du conflit. En appelant
toutes les parties à l’abandon des armes et à la négociation, qu’il me soit
permis d’évoquer la mémoire de Sœur Leonella Sgorbati qui a donné sa vie au
service des plus défavorisés, invoquant le pardon pour ses meurtriers. Que
son exemple et son témoignage inspirent tous ceux qui cherchent réellement
le bien de la Somalie.
En Ouganda, il faut souhaiter les progrès des négociations entre les
parties, en vue de la fin d’un conflit cruel qui voit même l'enrôlement de
nombreux enfants contraints de se faire soldats. Cela permettra aux nombreux
déplacés de revenir chez eux et de retrouver une vie digne. La contribution
des chefs religieux et la récente désignation d’un Représentant du
Secrétaire général des Nations unies sont de bonne augure. Je le redis:
n’oublions pas l’Afrique et ses nombreuses situations de guerre et de
tension. Il faut se rappeler que seules les négociations entre les
différents protagonistes peuvent ouvrir la voie à un règlement juste des
conflits et faire entrevoir des progrès vers la consolidation de la paix.
La Région des Grands Lacs a été ensanglantée depuis des années par des
guerres sans merci. C’est avec intérêt et espérance qu’il convient
d’accueillir les développements positifs récents, en particulier la
conclusion de la phase de transition politique au Burundi et plus récemment
en République démocratique du Congo. Il est cependant urgent que les pays
s'attachent à un retour au fonctionnement des institutions de l'état de
droit, pour endiguer tous les arbitraires et pour permettre le développement
social. Au Rwanda, je souhaite que le long processus de réconciliation
nationale après le génocide trouve son aboutissement dans la justice, mais
aussi dans la vérité et le pardon. La Conférence internationale sur la
Région des Grands Lacs, avec la participation d'une délégation du
Saint-Siège et des représentants de nombreuses conférences épiscopales
nationales et régionales de l'Afrique centrale et orientale, laisse
entrevoir de nouvelles espérances. Enfin, je voudrais mentionner la Côte d’Ivoire,
exhortant les parties en présence à créer un climat de confiance réciproque
qui puisse conduire au désarmement et à la pacification, et d’autre part
l’Afrique Australe: dans ces pays, des millions de personnes sont réduites à
une situation de grande vulnérabilité, qui exige l’attention et l’appui de
la communauté internationale.
Des signes positifs pour l’Afrique viennent également de la volonté exprimée
par la communauté internationale de maintenir ce continent au centre de son
attention, et aussi du renforcement des institutions continentales et
régionales, qui témoignent de l’intention des pays concernés de devenir
toujours davantage responsables de leur propre destin. De même, il faut
louer l'attitude digne des personnes, qui chaque jour, sur le terrain,
s'engagent avec détermination pour promouvoir des projets qui contribuent au
développement et à l'organisation de la vie économique et sociale.
Le voyage apostolique que j’accomplirai au mois de mai prochain au Brésil me
donne l’occasion de tourner mon regard vers ce grand pays, qui m’attend avec
joie, et vers toute l’Amérique Latine et les Caraïbes. L’amélioration de
certains indices économiques, l’engagement dans la lutte contre le trafic de
drogue et contre la corruption, les divers processus d’intégration, les
efforts pour améliorer l'accès à l'éducation, pour combattre le chômage et
pour réduire les inégalités dans la distribution des revenus, constituent
des indices à relever avec satisfaction. Si ces évolutions se consolident,
elles pourront contribuer de façon déterminante à vaincre la pauvreté qui
afflige de vastes secteurs de la population et à accroître la stabilité
institutionnelle. S’agissant des élections qui se sont déroulées l’année
dernière dans plusieurs pays, il convient de souligner que la démocratie est
appelée à prendre en compte les aspirations de l'ensemble des citoyens, à
promouvoir le développement dans le respect de toutes les composantes de la
société, selon les principes de la solidarité, de la subsidiarité et de la
justice. Il faut cependant mettre en garde contre le risque que l’exercice
de la démocratie se transforme en dictature du relativisme, proposant des
modèles anthropologiques incompatibles avec la nature et la dignité de
l’homme.
Mon attention se tourne tout particulièrement vers certains pays, notamment
la Colombie, où le long conflit interne a provoqué une crise humanitaire,
surtout en ce qui concerne les personnes déplacées. Tous les efforts doivent
être faits pour pacifier le pays, pour restituer aux familles leurs proches
qui ont été enlevés, pour redonner sécurité et vie normale à des millions de
personnes. De tels signes donneront confiance à tous, y compris à ceux qui
ont été impliqués dans la lutte armée. Nos regards se tournent vers Cuba. En
souhaitant que chacun de ses habitants puisse réaliser ses aspirations
légitimes dans le souci du bien commun, permettez-moi de reprendre l’appel
de mon vénéré Prédécesseur: «Que Cuba s’ouvre au monde et le monde à Cuba».
L’ouverture réciproque avec les autres pays ne pourra qu’être au bénefice de
tous. Non loin de là, le peuple haïtien vit toujours dans une grande
pauvreté et dans la violence. Je forme des vœux pour que l’intérêt de la
communauté internationale, manifesté entre autres par les conférences des
donateurs qui ont eu lieu en 2006, conduise à la consolidation des
institutions et permette au peuple de devenir artisan de son propre
développement, dans un climat de réconciliation et de concorde.
L'Asie montre avant tout des pays qui sont caractérisés par une population
très nombreuse et un grand développement économique. Je pense à la Chine et
à l’Inde, pays en pleine expansion, souhaitant que leur présence croissante
sur la scène internationale entraîne des bénéfices pour les populations
elles-mêmes et pour les autres nations. De même, je forme des vœux pour le
Viet-Nâm, rappelant sa récente adhésion à l’Organisation mondiale du
Commerce. Ma pensée rejoint les communautés chrétiennes. Dans la plupart des
pays d’Asie, il s’agit souvent de communautés petites mais vivantes, qui
désirent légitimement pouvoir vivre et agir dans un climat de liberté
religieuse. C'est à la fois un droit primordial et une condition qui leur
permettra de contribuer au progrès matériel et spirituel de la société, et
d’être des éléments de cohésion et de concorde.
Au Timor oriental, l’Église catholique entend continuer à offrir sa
contribution notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de
la réconciliation nationale. La crise politique traversée par ce jeune État,
comme d’ailleurs par d’autres pays de la région, met en évidence une
certaine fragilité des processus de démocratisation. De dangereux foyers de
tension couvent dans la Péninsule de Corée. L’objectif de la réconciliation
du peuple coréen et la dénucléarisation de la Péninsule, qui auront des
effets bénéfiques dans toute la région, doivent être poursuivis dans le
cadre de négociations. Il convient d'éviter les gestes qui puissent
compromettre les pourparlers, sans toutefois conditionner aux résultats les
aides humanitaires destinées aux couches de la population nord-coréenne les
plus vulnérables.
Je voudrais attirer votre attention sur deux autres pays asiatiques, qui
sont des motifs de préoccupation. En Afghanistan, au cours des derniers
mois, il faut hélas déplorer une augmentation notable de la violence et des
attaques terroristes, qui rendent difficile le chemin vers la sortie de
crise et qui pèsent lourdement sur les populations locales. Au Sri Lanka,
l’échec des négociations de Genève entre le Gouvernement et le Mouvement
Tamoul a entraîné une intensification du conflit, qui provoque d’immenses
souffrances parmi les populations civiles. Seule la voie du dialogue pourra
assurer un avenir meilleur et plus sûr pour tous.
Le Moyen-Orient est aussi source de grandes inquiétudes. Aussi ai-je voulu
adresser une lettre aux catholiques de la région à l’occasion de Noël, pour
exprimer ma solidarité et ma proximité spirituelle avec tous, et pour les
encourager à poursuivre leur présence dans la région, sûr que leur
témoignage sera une aide et un soutien en vue d’un avenir de paix et de
fraternité. Je renouvelle mon appel pressant à toutes les parties en cause
sur l'échiquier politique complexe de la région, avec l’espoir que se
consolideront les signes positifs entre Israéliens et Palestiniens,
enregistrés au cours des dernières semaines. Le Saint-Siège ne se lassera
jamais de répéter que les solutions armées n’aboutissent à rien, comme on
l’a vu au Liban l’été dernier. L’avenir de ce pays passe nécessairement par
l’unité de toutes ses composantes et par des relations fraternelles entre
les différents groupes religieux et sociaux. Cela constitue un message
d’espérance pour tous. Il n’est pas possible de se satisfaire non plus de
solutions partielles ou unilatérales. Pour mettre un terme à la crise et aux
souffrances qu'elle occasionne dans les populations, il importe de procéder
par une approche globale, qui n’exclue personne de la recherche d’une
solution négociée et qui tienne compte des aspirations et des intérêts
légitimes des différents peuples concernés; notamment, les Libanais ont
droit à voir respectées l’intégrité et la souveraineté de leur pays; les
Israéliens ont le droit de vivre en paix dans leur État ; les Palestiniens
ont droit à une patrie libre et souveraine. Si chacun des peuples de la
région voit ses attentes prises en considération et se sent moins menacé, la
confiance mutuelle se renforcera. Cette même confiance se développera si un
pays comme l’Iran, tout spécialement en ce qui concerne son programme
nucléaire, accepte de donner une réponse satisfaisante aux préoccupations
légitimes de la communauté internationale. Des pas accomplis dans ce sens
auront sans aucun doute un effet positif pour la stabilisation de toute la
région, et de l’Iraq en particulier, mettant fin à l’épouvantable violence
qui ensanglante ce pays et offrant la possibilité de relancer sa
reconstruction et la réconciliation entre tous ses habitants.
Plus près de nous, en Europe, de nouveaux pays, la Bulgarie et la Roumanie,
nations de longue tradition chrétienne, ont fait leur entrée dans l’Union
européenne. Alors que l’on s’apprête à célébrer le cinquantième anniversaire
des Traités de Rome, une réflexion s’impose sur le Traité constitutionnel.
Je souhaite que les valeurs fondamentales qui sont à la base de la dignité
humaine soient pleinement protégées, en particulier la liberté religieuse
dans toutes ses dimensions et les droits institutionnels des Églises. De
même, on ne peut faire abstraction de l’indéniable patrimoine chrétien de ce
continent, qui a largement contribué à modeler l’Europe des Nations et
l’Europe des peuples. Le cinquantième anniversaire de l’insurrection de
Budapest, fêté au mois d’octobre dernier, nous a rappelé les événements
dramatiques du vingtième siècle qui incitent tous les Européens à construire
un avenir libre de toute oppression et de tout conditionnement idéologique,
à tisser des liens d’amitié et de fraternité, et à manifester sollicitude et
solidarité envers les plus pauvres et les plus petits; de même, il importe
de purifier les tensions du passé, en promouvant la réconciliation à tous
les niveaux, car c’est elle seule qui permet de construire l’avenir et de
consentir à l’espérance. J’appelle aussi tous ceux qui, dans le continent
européen, sont tentés par le terrorisme, à cesser toute activité de ce
genre, car de tels comportements, qui font prévaloir la violence et qui
engendrent la peur chez les populations, constituent une voie sans issue. Je
pense aussi aux divers «conflits gelés», souhaitant qu’ils trouvent
rapidement une solution définitive, et aux tensions récurrentes liées
aujourd’hui surtout aux ressources énergétiques.
Je souhaite que la région des Balkans parvienne à la stabilisation que tous
espèrent, en particulier grâce à l’intégration des nations qui la composent
dans les structures continentales et au soutien de la communauté
internationale. L’établissement de relations diplomatiques avec la
République du Monténégro, qui vient d’entrer pacifiquement dans le concert
des nations, et l’Accord de Base signé avec la Bosnie Herzégovine sont des
marques de l’attention constante du Saint-Siège pour la région des Balkans.
Alors qu’approche le moment où sera défini le statut du Kosovo, le
Saint-Siège demande à tous ceux qui sont concernés un effort de sagesse
clairvoyante, de flexibilité et de modération, afin que soit trouvée une
solution qui respecte les droits et les attentes légitimes de tous.
Les situations que j’ai évoquées constituent un défi, qui nous implique
tous; il s’agit d’un défi qui consiste à promouvoir et à consolider tout ce
qu’il y a de positif dans le monde et à surmonter, avec bonne volonté,
sagesse et ténacité tout ce qui blesse, dégrade et tue l’homme. C’est en
respectant la personne humaine qu’il est possible de promouvoir la paix et
c’est en bâtissant la paix que sont jetées les bases d’un authentique
humanisme intégral. C’est ici que trouve réponse la préoccupation de tant de
nos contemporains face à l’avenir. Oui, l’avenir pourra être serein si nous
travaillons ensemble pour l’homme. L’homme, créé à l’image de Dieu, a une
dignité incomparable; l’homme, qui est si digne d’amour aux yeux de son
Créateur, que Dieu n’a pas hésité à donner pour lui son propre Fils. C’est
cela le grand mystère de Noël, que nous venons de célébrer et dont
l’atmosphère joyeuse se poursuit jusqu’à notre rencontre d’aujourd’hui. Dans
son engagement au service de l’homme et de la construction de la paix, l’Église
est aux côtés de toutes les personnes de bonne volonté et elle offre une
collaboration désintéressée. Qu’ensemble, chacun à sa place et avec ses
propres talents, nous sachions travailler à la construction d’un humanisme
intégral qui peut seul assurer un monde pacifique, juste et solidaire. Ce
souhait s’accompagne de la prière que je fais monter vers le Seigneur pour
vous-mêmes, pour vos familles, pour vos collaborateurs et pour les peuples
que vous représentez.
Merci a tous!
Sources:
www.vatican.va
- VIS (2670)-
E.S.M.
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 08.01.2007 - BENOÎT XVI |