Jubilé de Lourdes : Homélie du
cardinal Paul Josef Cordes |
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Lourdes, le 07 décembre 2007 -
(E.S.M.)
- Dans le cadre de la seconde rencontre internationale des
hospitaliers sur le thème “Bénévoles au service des autres” qu’il
préside, le Cardinal Paul Josef Cordes vient de prononcer une homélie,
en l’église Sainte-Bernadette, dans les Sanctuaires Notre-Dame de
Lourdes, vendredi matin 7 décembre. Thème de l’homélie : “Réconciliation
et paix.
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Notre-Dame de Lourdes -
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Jubilé de Lourdes : Homélie du cardinal Paul Josef Cordes
Les festivités commencent dès ce vendredi 7 décembre avec la toute première
procession mariale aux flambeaux. L’ouverture solennelle du Jubilé a
cependant lieu demain, samedi 8 décembre quand, après la messe
internationale, en procession, les concélébrants et les pèlerins franchiront
la porte Saint-Michel des Sanctuaires pour se rendre à la Grotte. En
attendant, dès ce soir, les pèlerins sont donc invités à se rassembler place
Peyramale, dès 20h, dans le centre ville de Lourdes (les portes des
Sanctuaires seront exceptionnellement fermées de 19h à 22h ce soir pour que
tout le monde prenne part à la procession). A 20h20, un feu d’artifice sera
tiré depuis le château fort de la cité mariale. Puis, à 20h30, sur écran
géant - toujours depuis la place Peyramale - la foule verra une petite
délégation se rendre au baptistère de l’église paroissiale (c’est au-dessus
de ces fonts baptismaux que Bernadette Soubirous a été baptisée en 1844)
puis au Cachot (le lieu où vivaient Bernadette et sa famille au moment des
apparitions, en 1858). Ensuite, la procession aux flambeaux se mettra en
ordre de marche, direction les Sanctuaires. La foule se rassemblera
finalement dans la basilique Saint-Pie X pour vivre l’annonce de la fête de
l’Immaculée Conception.
Dans le cadre de la seconde rencontre internationale des hospitaliers sur le
thème “Bénévoles au service des autres” qu’il préside, le Cardinal Paul
Josef Cordes vient de prononcer une homélie, en l’église Sainte-Bernadette,
dans les Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes, vendredi matin 7 décembre. Thème
de l’homélie : “Réconciliation et paix” (2
Co 5, 17-20 ; Lc 19, 1-10).
Homélie du cardinal Paul Josef Cordes
“La réconciliation et la paix sont aujourd’hui très prisées chez les hommes
de bonne volonté, et cela de manière unanime. Les horreurs de la guerre ont
apporté et apportent encore tant de souffrances aux hommes et aux peuples
que chacun de nos contemporains se range spontanément dans le camp des
pacifistes. Les instituts se consacrant aux recherches sur la paix sont
aidées financièrement par les états et la société de manière remarquable.
Nous suivons avec beaucoup d’intérêt les efforts de l’ONU, en matière de
détente, et le prix Nobel de la paix jouit universellement du plus grand
prestige.
C’est ainsi qu’aujourd’hui la Béatitude biblique la plus populaire est
certainement cette louange adressée à ceux qui savent pardonner à leurs
ennemis : « Heureux ceux qui font régner la paix »
(Mt 5, 9), comme dit le Christ dans le Sermon sur la Montagne.
L’Histoire Sainte, traversant l’Ancien et le Nouveau Testament, fait de
cette aspiration aux rapports harmonieux et paisibles, un trait dominant du
Peuple élu. A propos du roi David, il est dit que, sous son règne, le peuple
vivait en paix ( voir 1 Chr 22,9).
Son fils Salomon comporte cette notion de « paix » (Shalom) au sein
même de son nom. Et l’évangéliste Luc présente l’Enfant nouveau né en face
de l’empereur Auguste, qui se prétendait « le pacificateur de l’univers ».
Bien sûr on ne peut nier que cette insatiable aspiration de l’humanité vers
la réconciliation et la paix ne se perde n’aboutisse souvent à rien du tout.
Tant d’interventions d’hommes politiques ne dépassent pas le niveau des
bonnes intentions, des milliers de voix proclament que l’homme doit être
capable, par se propres efforts, de construire la paix. Ce sont des
circonstances contraires qui font tout échouer. Pour réussir, il suffit de
changer son comportement extérieur. Jean-Jacques Rousseau a convaincu tout
le monde que l’homme est bon. C’est la société qui est la cause du mal, dit
Karl Marx. Frédéric Nietzsche se moque des méfaits de l’introspection : «
J’ai fait çà, me dit ma mémoire. Je ne peux pas avoir fait çà, me dit ma
fierté. A la fin, la mémoire finit par céder. » Enfin Sigmund Freud explique
le caractère illusoire, chez l’homme, de la culpabilité. Ainsi, les « Pères
fondateurs de la Modernité » considèrent comme un mythe la mauvaise
conscience, et réussissent à nous décourager et nous déstabiliser.
Il ne fait pas de doute que ces hommes ont apporté des vues intéressantes
sur l’homme et nos responsabilités en ce qui concerne la paix. Bien sûr, il
travaille pour la paix, celui qui tend volontairement la main à son frère ou
sa sœur. Bien sûr, une manière droite et juste de vivre ensemble, dans la
vie quotidienne, favorise le pardon. Le fait de se tourner vers Dieu ne
remplace pas la réconciliation entre les hommes, la recherche d’un nouveau
départ, une humble demande de pardon à son prochain. Mais
les prophètes de la Modernité, en conditionnant
totalement les hommes, ont détruit la réalité du mal moral et la conscience
de la faute. Ils ont enveloppé le péché dans des considérations
psychopathologiques, l’ont réduit à une résultante biologique. Les thèses de
ces nouveaux prédicateurs nous égarent tous encore aujourd’hui et nous
donnent le vertige. Blaise Pascal disaient d’eux
sévèrement, en faisant allusion à l’ancienne liturgie : « Ecce, patres,
qui tollunt peccata mundi : les voilà, les pères, qui enlèvent les
péchés du monde ! »
C’est tout autre chose que l’apôtre Paul a enseigné. Dans sa deuxième lettre
aux Corinthien, il fait appel à la conscience, en révélant les profondeurs
du drame sous-jacent à la paix : C’est Dieu qui dans le Christ se
réconciliait le monde…et qui a mis sur nos lèvres le message de
réconciliation…. Nous vous en supplions au nom du Christ : réconciliez-vous
avec Dieu ! » (2 Co 5, 19). La
racine des dissensions entre les hommes est le désaccord de l’homme avec
Dieu. Voilà ce qui empoisonne les relations entre les hommes ! C’est
seulement quand l’homme se laisse saisir par Dieu que la paix peut advenir
dans le monde. « Seul l’homme réconcilié avec Dieu
peut se réconcilier aussi avec lui-même et entrer dans l’harmonie, et seul
l’homme réconcilié avec Dieu et lui-même peut faire régner la paix autour de
lui et dans le vaste monde. » Déjà au moment de la naissance de
Jésus, les anges annoncent que la paix correspond au désir divin et que les
hommes en deviennent responsables. Mais cette paix dépend du bon vouloir de
Dieu (Lc 2, 14).
A l’occasion de la Seconde rencontre des hospitaliers, le thème de la
Réconciliation a été proposé. La Sainte Ecriture et, aussi, notre expérience
nous mettent en garde contre le fait de rayer simplement d’un trait de plume
un tel sujet, de même que la tentation de dire : « Oublions tout cela ! N’en
parlons plus ! » Avec de tels conseils, on construit des solutions
illusoires, parfaitement fragiles. Chacun a sa part dans ce mur qui le
sépare des autre humains ; cette part doit être dégagée : mon éloignement,
mon aversion, ma haine doivent être reconnues et avouées. Le contester
reviendrait à faire naître entre les hommes un climat de mensonge. Un tel
refus de la confession aurait, en face de Dieu, un effet dévastateur.
L’Ecriture nous dit : Si nous nous prétendons sans
péché, nous nous trompons nous-mêmes
(1 Jn 1, 8).
Quand on jette un œil sur les perspectives bibliques, on voit bien, dans les
trois étapes de la naissance de l’Eglise, qu’il s’agit chaque fois du pardon
des péchés. Quand le Seigneur remet à Pierre, le Rocher, la clé du Royaume
et le pouvoir de lier et de délier, il lui donne ainsi la charge de ramener,
de faire revenir, de pardonner. (Mt 16,
19). Le Seigneur montre la même chose, à l’occasion de son
dernier Repas, à cette société nouvelle, invitée à devenir en vérité son
Corps, par le don de son Corps. Cela sera rendu possible parce que le
Seigneur répand son Sang, ce Sang répandu pour une multitudes, en vue de la
rémission des péchés (Mt 26, 28).
En troisième lieu, le Ressuscité rencontre pour la première fois les Onze et
leur parle de paix, en leur donnant le pouvoir de pardonner les péchés.
(Jn 20, 19-23)
La réconciliation n’est donc pas fictive, avec Dieu, ce n’est pas une pieuse
exhortation. Ceci nous montre avec force la manière dont Jésus traite les
pécheurs : le pardon des péchés n’est pas une
simulation, à base d’un simple oubli, ni une banalisation du mal. Il libère
d’un poids insupportable. Il suffit de se rappeler comment le père de
l’enfant prodigue, ouvre les bras à son fils, ou comment Jésus permet à
Pierre, qui vient de le renier, de libérer ses larmes. Cela permet à l’homme
d’avoir une idée de la grâce et de l’importance du
pardon pour Dieu. Le cardinal Ratzinger cherchait, il y a
quelques années, à l’occasion d’un rapport sur le renouveau de la vie
ecclésiale, les raisons de la crise spirituelle. On peut les trouver,
écrivait-il, dans l’affaiblissement de cette grâce du pardon. On veut une
société meilleure, on veut une morale plus solide, un homme nouveau… mais on
méconnaît le péché, on ne le voit pas comme s’opposant à Dieu, on ferme ses
oreilles aux appels à la conversion venus de la Bible.
Chers frères et sœurs, ces jours-ci commencent, dans ce célèbre Sanctuaire
de Notre Dame, source de tant de grâces, le 150ème anniversaire des
Apparitions. Vous êtes tous venus pour demander au Seigneur cette aide aux
malheureux, spécialement aux malades, aide qu’il donne par les mains de
Marie. Vous voulez assister tout particulièrement ceux qui, sur le plan
corporel ou spirituel, ont besoin d’être secourus. Ces besoins profonds de
l’âme et du corps invitent à se rendre à Lourdes. Vous faites bien de venir
en aide à ceux qui souffrent : nous ne pouvons sous-estimer cette souffrance
qui, en dépit des efforts des médecins, affectent tant de corps et d’âmes.
Peut-être me permettez-vous un petit exemple personnel : il y a quelques
années, à l’époque du communisme, je visitais en Pologne ce sanctuaire
marial si connu de Czestochowa. J’ai été impressionné par la piété profonde
des pèlerins que j’ai rencontrés, je me suis absorbé moi-même dans une
silencieuse contemplation, devant la Mère de Dieu à qui j’ai remis tous mes
soucis. Un peu plus tard, une question s’est posée à moi : j’avais fait
aussi l’expérience de Lourdes ; comment comparer Czestochowa et Lourdes ? Je
m’adressai à l’évêque auxiliaire polonais, Mgr Musiel, une homme sage, connu
pour sa lutte dans la défense de la foi. Peu de pasteurs de l’Eglise
polonaise avaient été, aussi souvent que lui, inquiétés, par les autorités
communistes. Je lui demandais donc si les aspirations et les espérances des
pèlerins de Czestochowa différaient de celles des pèlerins de Lourdes. Sa
réponse : « Nous n’attendons pas de miracle ». Tout d’abord, je suis resté
perplexe. Ensuite, j’ai mieux compris : il n’y avait là aucun manque de
confiance, comme si Dieu ne tenait pas notre destin dans sa main, il
s’agissait simplement d’une forme supérieure de foi : être prêt à accepter
la volonté de Dieu, comme il voulait. Cependant, vu la faiblesse de cette
foi, nous avons besoin de l’aide de la Mère de Dieu. Nous devons, pour
perfectionner notre foi, nous rendre à Lourdes, et, étant donnée notre
impuissance de petit enfant, lui demander son appui. Je dois vous avouer,
malgré tout, même si mon peu de foi me fait un peu rougir, que, plus tard,
dans des problèmes de santé sérieux, j’ai supplié la Mère de Dieu de venir à
mon aide, ce n’était pas à Czestochowa, mais à Lourdes.
A côté de cette puissance de guérison divine, il y a le premier message que
sainte Bernadette a été chargée par la Vierge Marie de porter à l’Eglise :
c’est l’appel de Marie : « Priez pour les pécheurs ! » La belle Dame insiste
sur le fait que le péché est à la racine de tout mal.
Elle fait manger de l’herbe à Bernadette, acte de pénitence « pour la
conversion des pécheurs ». On ne peut imaginer Lourdes sans le sacrement de
la Réconciliation, pour tous les pèlerins et aussi les hospitaliers. Il y a
quelques années, des prêtres de mon diocèse d’origine m’ont invité à venir à
Lourdes avec eux. Ils m’ont convaincu par leur expérience : « Les deux tiers
des pèlerins, au moins, vont se confesser pendant le pèlerinage » Les
chapelains aussi, tout en sauvegardant le secret de la confession, m’ont
fait part de leur émotion à la suite de leur expérience de confesseur.
Il ne faut donc pas passer sous silence la vérité
de la Réconciliation à une époque qui semble oublier ce sacrement.
Les paroissiens d’une paroisse italienne, le mois dernier, voulaient
renvoyer leur nouveau curé, dans une petite ville, parce qu’il se refusait à
pratiquer l’absolution générale, comme son prédécesseur, une absolution
dépréciée.
On pourrait faire appel, en face d’eux, à cette plainte, formulée par un
protestant célèbre, Adolf von Harnack, fort mal disposé vis à vis des
catholique mais fort clairvoyant, en ce qui concerne la grâce de la
confession : il écrit : « Nous donnons à nos enfants une éducation qui les
amène à reconnaître oralement leurs fautes et leurs péchés. De même, nous
nous efforçons, dans nos prisons, d’obtenir des aveux de la part des
criminels. Mais, en parlant des enfants et des prisonniers, nous avons perdu
le sens de la bénédiction attachée à la reconnaissance des péchés. C’est
pourquoi nous avons pris l’habitude d’un aveu général des fautes, en bloc.
Elles nous deviennent ainsi faciles à porter, si faciles que cela est bien
vu dans l’Eglise, à l’occasion d’une réunion où l’on va discuter d’un point
important, de faire précéder la chose par une sorte d’aveu général des
péchés. Curieuse et lamentable confusion. »
Comment les chrétiens peuvent-ils, sans l’expérience de la confession, vivre
une vraie libération, qui procure un regard franc et profond sur soi-même,
sans complaisance ? Peuvent-ils prétendre connaître cette joie éprouvée par
l’enfant prodigue dans les bras de son père ? Celui qui fait peu de cas de
la confession, dans son chemin de foi, se prive d’une aide très précieuse ;
il se prive d’une étreinte bouleversante, comme celle que le Sauveur, pour
moi, assoiffé de salut, a préparée, dans une rencontre toute personnelle.
Zachée a dû expérimenter cette proximité très concrète du Seigneur, d’après
le récit de Luc que nous lisons aujourd’hui, et il a profité de l’occasion
pour confesser ses fautes. Nous devrions, dans cette Eucharistie, avec lui
nous mettre intérieurement en chemin. Au premier abord, il se présente comme
poussé par un vague désir de voir le Seigneur. Jésus ne lui est plus
indifférent. D’une certaine manière, il l’a abordé. Voici un élément
essentiel dans notre cheminement de foi, que nous abandonnions une piété
routinière, paresseuse. Il s’agit de rencontrer une personne qui parle à
notre cœur, qui suscite notre intérêt, nous fascine, à qui nous proposons
notre amitié et notre amour. Pour Zachée, son désir d’approcher le Seigneur
comporte une espérance, celle de voir ce mur de fautes, d’erreurs et de
péchés, tomber, grâce à Jésus. Son désir le rend inébranlable : il ne
s’arrête pas au fait que sa petite taille lui donne peu de chances de voir
le Seigneur. Il monte sur un sycomore, avec ses branches couvertes de
feuilles, solides. Il pouvait s’y cacher. Mais Jésus, depuis longtemps avait
perçu l’ardeur de Zachée. Il regarde, comme dit l’Evangile, vers le haut. Il
connaît le désir du cœur du publicain, comme il connaît toutes nos
souffrances à propos de notre imperfection et notre égoïsme. Avec l’appel de
Jésus : « Descends vite ! » ce pécheur notoire entre pleinement dans la
lumière du Seigneur. Il se montre tel qu’il est, reconnaît ses fautes
ouvertement. Il s’engage à changer, en allant au-delà de ce que la loi juive
exigeait : le don de la moitié de sa fortune ; le remboursement de ses abus
criminels.
Et il est plein de joie, c’est clair. Lui, l’ennemi du peuple, le parasite
d’Israël, qui, aux yeux des gens, n’avait pas la moindre chance d’obtenir la
bienveillance divine. Maintenant, grâce à cette rencontre avec Jésus et
grâce à l’aveu de ses fautes, il reçoit la grâce du salut”.
Cardinal Paul Josef Cordes, président du
Conseil pontifical “Cor Unum”,
à Lourdes, ce vendredi 7 décembre 2007
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(E.S.M.) 07.12.2007 - Jubilé de
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