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Le texte intégral de la lettre pré-synodale du cardinal Zen
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Le 06 octobre 2023 -
E.S.M.
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Hier nous publions une synthèse de la lettre du
cardinal Joseph Zen-Zekiun adressée à plusieurs
cardinaux et évêques sur les questions ouvertes par la
convocation du Synode. Voici le texte intégral publié
par Sandro Magister.
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Cardinal
Zen -
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Le texte intégral de la lettre pré-synodale du cardinal Zen
Le 06 octobre 2023 -
E.S.M. -
(s.m.) Largement citée par le site américain « The
Pillar », la lettre envoyée fin septembre par le cardinal Joseph
Zen-Zekiun a plusieurs cardinaux et évêques sur les questions
ouvertes par la convocation du Synode en cours du 4 octobre est
désormais sortie du domaine du « confidentiel » et il est bon
qu’elle soit lue dans son intégralité.
Le cardinal Zen lui-même s’y attendait, quand il écrit à la fin de sa
lettre : « Je l’entends comme confidentielle, mais il sera difficile qu’elle
ne tombe pas entre les mains des médias de masse. À mon âge, je n’ai plus
rien à gagner et plus rien à perdre. Je serai heureux d’avoir fait ce que je
crois être en devoir de faire ».
Du haut de ses 91 ans, mais surtout d’une vie consacrée à la défense
héroïque de la « libertas ecclesiae » dans une terre hostile telle que la
Chine, ancien évêque de Hong Kong et récemment condamné pour avoir soutenu
la résistance de cette ville face au abus de pouvoir du régime de Pékin, le
cardinal Zen se révèle dans cette lettre être aussi un combattant passionné
et franc pour préserver le Synode et l’Église de ce qu’il estime être une
dérive désastreuse.
Voici donc la lettre du cardinal.
*
Chère Éminence, Chère Excellence,
Je suis votre confrère Joseph Zen de l’île lointaine de Hong Kong, un
vieil infirme de 91 ans, ordonné évêque il y a plus de 26 ans déjà. Je vous
écris cette lettre parce que, conscient d’être encore en possession de mes
facultés mentales, je sens le devoir de préserver, en tant que membre du
Collège des Successeurs des Apôtres, la sacrosainte tradition de la foi
catholique.
Je vous adresse cette lettre à vous, membres du prochain Synode sur la
synodalité, parce que je devine que vous êtes préoccupés, comme je le suis,
par l’issue de ce même synode.
Le mot « Synodalité » est plutôt nouveau. On peut comprendre de son
étymologie qu’il s’agit d’un esprit, d’un « parler et cheminer ensemble » ;
pour l’Église catholique, cela signifie certainement « communion et
participation de tous les membres de l’Église dans la mission
évangélisatrice ». Compris comme cela, le thème de ce synode semble utile et
toujours actuel, et ce sera une bonne occasion de clarifier la manière de
vivre cette synodalité dans l’Église.
Or il existe un document très récent intitulé «
La Synodalité dans la vie et la mission de l’Église », fruit du travail
(dans les années 2014-2017) d’une sous-commission de la Commission
Théologique Internationale, dont le président de droit est le Préfet de la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi. La sous-commission a conclu son
travail en 2017, le texte a été approuvé par les membres de la Commission au
cours de la session plénière de cette année, et finalement approuvé par le
Préfet de la Congrégation en 2018, après avoir reçu l’avis favorable du Pape
François.
Ce document commence dans sa première partie par énumérer les faits
historiques des synodes et des conciles (le sens de ces deux termes est
convergeant), en particulier le Concile apostolique de Jérusalem (Actes 15),
qui fait figure de modèle des synodes célébrés par l’Église.
La description de ce Synode, dans les paragraphes 20-21 du document, peut
se résumer comme suit. Dans la diffusion de l’Évangile, un problème
survient : pour devenir membre de l’Église, les non-Juifs doivent-ils passer
par la circoncision et l’acceptation de la loi de Moïse ? Le problème, qui
s’est fait ressentir très fort à Antioche, est déféré à l’Église de
Jérusalem, qui s’engage tout entière dans le processus de résolution du
problème. « La diversité initiale d’opinions et la vivacité des débats, à la
lumière de la parole prophétique (voir Amos 9, 11-12) dans l’écoute
réciproque de l’Esprit Saint à travers le témoignage de son action (voir
Actes 15, 14-18) aboutirent à ce consensus et à cette unanimité qui est le
fruit du discernement communautaire ». Les Apôtres et les Anciens
communiquèrent le résultat du Concile aux Églises par une lettre qui
disait : « L’Esprit saint et nous avons décidé ».
Au paragraphe 5 du texte de la Commission, on peut lire : « Le langage
nouveau du mot synodalité exige une soigneuse mise au point théologique ».
Au paragraphe 7, on peut lire : « Alors que le concept de synodalité se
réfère à l’implication et à la participation de tout le peuple de Dieu, […]
le concept de collégialité précise le sens théologique et la forme
d’exercice du ministère des évêques […] moyennant la communion hiérarchique
du collège des évêques avec l’évêque de Rome. » Et plus loin : « Toute
manifestation authentique de synodalité implique, par sa nature, l’exercice
du ministère collégial des évêques. ».
Dans sa seconde partie, le document expose les racines théologiques de
cette doctrine, que l’on retrouve particulièrement dans « Lumen gentium »,
où l’on précise qu’au service du peuple, sacerdotal et prophétique dans son
ensemble, il y a un sacerdoce ministériel, ordonné, qui sert ce peuple et le
conduit par le service de l’autorité.
Quelle ne fut donc pas ma surprise, en lisant les documents-fleuves issus
de la Secrétairerie du Synode, de ne retrouver que si peu de références au
document qui vient d’être mentionné.
De plus :
1. Je reste perplexe devant le fait que, d’un côté on me
dit que la synodalité est un élément constitutif de l’Église mais que, de
l’autre, on me dit que c’est ce que Dieu attend de nous pour ce siècle
(comme une nouveauté ?). Comment Dieu peut-il avoir oublié de faire vivre
cet élément constitutif de l’Église pendant les vingt siècles de son
histoire ? Ne confessons-nous pas que l’Église est une, sainte, catholique
et apostolique, en entendant par là qu’elle a toujours également été
synodale ?
2. Je ressens encore davantage d’inquiétude en
remarquant que, alors que ce Synode est convoqué (et qu’il nous est présenté
comme un événement sans précédent), en Allemagne un « chemin synodal » est
déjà en cours où, officiellement au nom d’un « mea culpa » pour les abus
sexuels, la hiérarchie et un groupe de laïcs (le Comité Central des
Catholiques Allemands, ou ZdK, on ne sait pas combien de personnes ils
représentent mais il semblerait que ce ne soient quasiment que des employés
de l’Église) proposent un changement révolutionnaire de la constitution de
l’Église et de l’enseignement moral concernant la sexualité. Plus d’une
centaine de cardinaux et d’évêques issus de plusieurs régions du monde ont
envoyé une lettre d’avertissement à l’épiscopat d’Allemagne, mais ces
derniers ne reconnaissent pas être dans l’erreur.
Le Pape n’a jamais ordonné que ce processus de l’Église en Allemagne
s’arrête. À l’occasion de leur visite « ad limina », on sait que le Pape a
discuté pendant deux heures avec les évêques allemands, mais « l’Osservatore
romano » n’a publié aucun discours du Pape, comme c’est pourtant la coutume
lors de ces visites. En revanche, on a publié un discours du Préfet de la
Congrégation pour les Évêques, le cardinal Marc Ouellet, dans lequel il les
prie de ne pas poursuivre, mais d’attendre les conclusions du Synode. En
guise de réponse, il a essuyé un refus clair et net parce que, selon eux «
il y a urgence pastorale d’aller de l’avant » ( !?).
La baisse numérique continue du nombre des fidèles en Allemagne est un
symptôme alarmant. Selon les données officielles, la chute a dépassé le
demi-million en 2022. Leur Église est à l’agonie.
Cela nous rappelle l’histoire pénible de l’Église en Hollande qui, alors
qu’elle comptait 40% de la population nationale, s’est effondrée jusqu’à
disparaître presque totalement aujourd’hui. Il n’est pas difficile d’en
connaître la cause : un mouvement, quasi identique à celui qui a lieu
aujourd’hui en Allemagne, qui a commencé chez eux presque tout de suite
après le Concile Vatican II.
Il ne me semble pas hors de propos de mentionner le grand schisme qui a
frappé la Communion Anglicane. Les archevêques de la Global Anglican Future
Conference (GAFCON) ont envoyé une lettre à l’Archevêque de Canterbury, en
lui disant que, si elle ne convertissait pas (l’Église anglicane a approuvé
le mariage homosexuel) ces derniers (qui constituent 85% des Anglicans dans
le monde) ne reconnaîtront plus son autorité en tant que « primus inter
pares ».
3. Les documents de la Secrétairerie citent la Bible, et
pas toujours à propos. On y parle en long et en large de l’épisode de Pierre
et de Corneille (Actes 10-11), comme pour démontrer que le Seigneur peut
ordonner n’importe quel changement dans l’agir des fidèles. Mais le récit du
Concile de Jérusalem (Actes 15) montre bien qu’il ne s’agit pas d’un
changement quelconque, mais d’un développement qui comporte des périodes
diverses dans la réalisation du salut. La phase universelle du salut, que
l’on pouvait déjà entrevoir dans l’Ancien testament, se réalise enfin
aujourd’hui après la résurrection de Jésus. De la même manière, Jésus a dit
qu’il n’a pas aboli la loi mais qu’il l’a portée à son accomplissement.
L’Esprit procède graduellement, mais il ne se contredit jamais. Saint Henry
Newman disait que le véritable développement de la doctrine est homogène.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire de m’étendre sur les raisons pour
lesquelles vous devrez aborder ce Synode avec grande préoccupation. Je
voudrais en revanche attirer votre attention sur certains problèmes de
procédure du Synode. La Secrétairerie du Synode est particulièrement
aguerrie dans l’art de la manipulation.
On pourra facilement taxer ce que je vais dire de « théorie du complot »
mais je vois clairement que tout un plan de manipulation est en place.
Ils commencent par dire qu’il faut écouter tout le monde. Puis, petit à
petit, ils font comprendre que parmi ce « tout le monde », certains sont
davantage « exclus » par nous. Enfin, on comprend qu’il s’agit de personnes
qui optent pour une morale sexuelle différente de celle de la tradition
catholique.
Dans les petits groupes de dialogue de la phase continentale, on insiste
souvent sur le fait que « nous devons laisser une chaise vide pour ceux qui
sont absents, ceux que nous avons mis de côté ». On dit également que : « Le
Synode doit déboucher sur une inclusion universelle, il doit élargir la
tente, tout le monde est bienvenu, sans les juger, sans les inviter à la
conversion ».
Ils prétendent souvent qu’ils n’ont pas d’agenda. C’est une véritable
insulte à notre intelligence, puisqu’on voit tous bien quelle conclusion ils
visent.
Ils parlent de la « conversation dans l’Esprit » comme d’une chose
magique. Et ils invitent chacun à s’attendre aux « surprises » de l’Esprit
(naturellement, ils sont quant à eux déjà bien au courant de ces surprises).
« Converser mais ne pas discuter ! La discussion crée la division ». Mais
alors le consensus et l’unanimité adviennent miraculeusement ? Il me semble
qu’au Concile Vatican II, avant de parvenir à la conclusion quasi unanime,
les Pères ont passé beaucoup de temps dans des débats animés. C’est là que
l’Esprit saint a travaillé. Éviter les discussions, c’est éviter la vérité.
Vous ne devez pas leur obéir quand ils vous diront d’aller prier pour
interrompre les travaux. Répondez qu’il est ridicule de penser que l’Esprit
saint attende vos prières de dernière minute. Vous devez déjà avoir accumulé
une montagne de prière, les vôtres et celles de vos fidèles, comme le Pape
Jean XXIII l’avait fait avant le Concile, en partant en pèlerinage avec de
nombreux fidèles vers différentes églises, afin de prier pour le Concile.
Pendant le synode, l’Esprit saint sera en train de travailler dans vos
cœurs, en espérant que chacun accepte ses inspirations.
« Commençons, disent-ils, par de petits groupes ». C’est de toute
évidence une erreur. Il faut d’abord que tout le monde puisse parler et
s’entendre en Assemblée. C’est ainsi que l’on identifie les problèmes les
plus controversés et qui nécessitent un débat adéquat. Ensuite, dans les
petits groupes « linguistiques », on peut, en parlant sa propre langue,
disséquer les problèmes plus à son aise et finir par la formulation de
délibérations concises. Il faut insister sur la procédure suivie par tant de
Synode, non pas parce qu’ « on a toujours fait comme ça », mais parce
qu’elle est raisonnable (procéder autrement justifie la suspicion que l’on
voudrait éviter de découvrir la véritable inspiration de l’Esprit saint).
Sur les réseaux, il me semble qu’on parle beaucoup de « voter ou ne pas
voter ». Mais si l’on ne vote pas, comment peut-on connaître le fruit de
tant de dialogues ? Éviter les votes c’est encore une fois éviter la vérité.
Toujours concernant les votes : sans aucune consultation, à la veille du
Synode, le Saint-Père ajoute un certain nombre de membres laïcs avec droit
de vote. Si je faisais partie des membres, je protesterais vigoureusement,
parce que cela change de manière substantielle le Synode des Évêques, que le
Pape Paul VI avait institué comme un instrument de collégialité, même si
dans un esprit de synodalité, des observateurs laïcs sont admis avec droit
de parole. Je ne vous conseille pas d’introduire une plainte, mais à tout le
moins une douce lamentation avec une demande : celle qu’au moins les votes
des Évêques et ceux des laïcs soient comptés séparément (ce que même le «
chemin synodal » d’Allemagne a permis aux évêques). Il convient de donner un
poids différent aux votes des deux groupes. Faire voter les laïcs semble
revenir à dire que l’on veut respecter le « sensus fidelium », mais sont-ils
certains que ces laïcs invités soient des « fidèles » ? Qu’à tout le moins
ils vont encore à l’église ? On remarquera que ces laïcs n’ont pas été élus
par le peuple chrétien pratiquant.
On ne m’a jamais expliqué l’ajout (en cours de route) d’une autre session
pour 2024. Ce que je suspecte malicieusement, c’est que les organisateurs ne
sont pas certains d’atteindre leur but et qu’ils cherchent à se donner le
temps de préparer d’autres manœuvres. Mais si les votes éclaircissent déjà
ce que l’Esprit a voulu dire à travers le vote des évêques, une session
supplémentaire sera-t-elle encore nécessaire ?
Cette lettre que je vous envoie, je l’entends comme confidentielle, mais
il sera difficile qu’elle ne tombe pas entre les mains des médias de masse.
À mon âge, je n’ai plus rien à gagner et plus rien à perdre. Je serai
heureux d’avoir fait ce que je crois être en devoir de faire.
Je sais que lors du Synode sur la famille, le Saint-Père avait déjà
refusé des suggestions présentées par plusieurs cardinaux et évêques
concernant la procédure, mais si vous présentez une demande respectueuse
avec un soutien nombreux, peut-être celle-ci pourra-t-elle être accueillie.
Quoi qu’il en soit, vous aurez fait votre devoir. Accepter une procédure
qui n’est pas raisonnable, c’est condamner le synode à l’échec.
Je vous demande de m’excuser pour le retard de cette lettre, parce que
peut-être le temps manquera-t-il pour présenter nos demandes aux
organisateurs avant le début du synode.
Je vous souhaite à tous une fructueuse et, si nécessaire, courageuse
participation à ce synode qui d’une manière ou d’une autre, sera sans
précédent.
Votre humble frère,
Joseph Zen
le 21 septembre 2023
En la fête de saint Mathieu apôtre (« miserando et eligendo »).
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.

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Sources
: diakonos.be
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.10.2023
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