Réflexion de Sa Sainteté Abuna
PAULUS, Patriarche de l'Église Orthodoxe Éthiopienne |
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Le 06 octobre 2009 -
(E.S.M.)
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Le Président délégué du jour, S. Ém. le Card. Wilfrid Fox NAPIER, O.F.M.,
Archevêque de Durban (AFRIQUE DU SUD), a présenté Sa Sainteté Abuna PAULUS,
Patriarche de l'Église Orthodoxe Éthiopienne Tewahedo.
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Le Patriarche de
l'Église Tewahedo Orthodoxe d'Éthiopie, Sa Sainteté Abuna Paulos
Réflexion de Sa Sainteté Abuna
PAULUS, Patriarche de l'Église Orthodoxe Éthiopienne
TROISIÈME CONGRÉGATION GÉNÉRALE (MARDI 6 OCTOBRE 2009 -
MATIN)
Le 06 octobre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Ce matin, mardi 6 octobre 2009, à 09h00, mémoire facultative de saint Bruno,
moine, en présence du Saint-Père Benoît XVI, avec le chant de l’Heure
Tierce, a eu lieu la Troisième Congrégation générale, pour l’élection de la
Commission pour le Message et pour le début des interventions des Pères
synodaux en salle sur le thème L’Église en Afrique au service de la
réconciliation, de la justice et de la paix. “Vous êtes le sel de la
terre ... Vous êtes la lumière du monde” (Mt 5, 13.14).
Le Président délégué du jour, S. Ém. le Card. Wilfrid Fox NAPIER, O.F.M.,
Archevêque de Durban (AFRIQUE DU SUD), a présenté Sa Sainteté Abuna PAULUS,
Patriarche de l'Église Orthodoxe Éthiopienne Tewahedo (ÉTHIOPIE), avec les
mots suivants: “Je suis certain d’exprimer les sentiments de vous tous en
disant que nous sommes très reconnaissants au Saint-Père d’avoir invité Sa
Sainteté Abuna Paulos, Patriarche de l’Église orthodoxe éthiopienne, à
s’adresser à cette Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques.
Au travers de Sa Sainteté Abuna Paulos, nous entendrons la voix d’une Église
qui, pendant près de deux mille ans, a vécu et rendu témoignage à l’Évangile
en Afrique, construisant une civilisation chrétienne de saints hommes et de
femmes, de valeurs sociales et culturelles et d’institutions qui ont formé
et informé le peuple et la nation en leur cœur.
Alors que le continent africain affronte d’énormes défis, l’Église en
Afrique doit elle aussi faire l’expérience d’épreuves et de procès
douloureux. Sa Sainteté a personnellement connu les rigueurs de la prison et
de l’exil. La riche vie monastique, spirituelle, liturgique et culturelle de
l’Église éthiopienne est un héritage de la tradition chrétienne qui doit
nous être cher et être aimé par chacun d’entre nous.
Sainteté, nous écouterons vos propos avec reconnaissance et gratitude.”
Ensuite, Sa Sainteté Abuna PAULUS a tenu la réflexion suivante que nous
publions ci-dessous.
Enfin, le Saint-Père Benoît XVI a salué le Patriarche, avec les mots
suivants
►
Le pape Benoît XVI répond au patriarche de l'Église Orthodoxe d'Éthiopie
À cette Congrégation générale, qui s’est conclue à 12h30 avec la prière de
l’Angelus Domini, étaient présents 226 Pères.
RÉFLEXION DU DÉLÉGUÉ FRATERNEL SA SAINTETÉ ABUNA PAULUS, PATRIARCHE DE
L’ÉGLISE ORTHODOXE ÉTHIOPIENNE TEWAHEDO (ÉTHIOPIE)
Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit un seul Dieu, Amen!
Chers participants à ce grand congrès des Cardinaux et des Évêques.
J’ai l’honneur et le privilège d’être invité à ce grand Synode et de vous
lire un bref discours sur l’Afrique et les Églises de ce continent. Je suis
particulièrement reconnaissant à Sa Sainteté, le Pape Benoît XVI, qui a
souhaité ma présence aujourd’hui parmi vous et qui m’a personnellement
témoigné son amour pour l’Afrique et son respect pour l’Église éthiopienne
orthodoxe Tewahedo, durant notre dernière réunion fraternelle à Rome, au
mois de juin dernier.
L’Afrique est le deuxième continent par sa taille. Il abrite tous les types
de population dans une grande variété de couleurs qui vivent en harmonie et
dans l’égalité.
Le spectre des couleurs est un don que Dieu a fait à l’Afrique et qui
enrichit le continent en beauté. C’est également la preuve que l’Afrique est
un continent où tous les peuples vivent dans l’égalité indifféremment de
leur couleur et de leur race.
Des anthropologues, des philosophes et des chercheurs ont confirmé que
l’Afrique, et l’Éthiopie en particulier, est le berceau de l’humanité. Et la
Sainte Bible confirme cette profonde conviction. L’histoire, selon le
calendrier éthiopien, part d’Adam et de Noé. C’est-à-dire que, pour les
Éthiopiens, le commencement de l’humanité, notre présent et notre avenir,
est marqué aujourd’hui et pour toujours par Dieu et par Son Salut.
L’Afrique, dont l’ancienne dignité du peuple est écrite aussi bien dans les
pierres de l’obélisque d’Axum, des pyramides égyptiennes, des monuments que
des manuscrits, n’était pas seulement une source de civilisation. Selon la
Sainte Bible, l’Afrique était aussi un refuge pour les populations qui
souffraient de la faim: c’est le cas des Juifs en Égypte au temps de Jacob
quand ils passèrent sept ans en Égypte. La Sainte Bible établit que les juifs
et le prophète Jérémie, qui avait beaucoup souffert de l’agression des
Babyloniens, furent sauvés en Éthiopie et en Égypte. Des peuples qui
vivaient dans la partie moyen-orientale du monde ont été soulagés de la
famine en Éthiopie et en Égypte.
Jésus Christ lui-même et la Sainte Vierge Marie ont été accueillis en
Égypte, fuyant la cruelle menace d’Hérode. Il est évident que les Africains
doivent prendre soin de l’humanité!
L’Afrique reste un continent religieux dont les peuples ont cru en Dieu
Tout-Puissant depuis des siècles. La Reine de Saba a enseigné à ses
compatriotes l’Ancien Testament qu’elle avait elle-même appris d’Israël.
Depuis lors, l’Arche d’Alliance est en Éthiopie, dans la ville d’Axum.
Le fils de la Reine de Saba, Menelik Ier, suivit son exemple et réussit à
apporter l’Arche de l’Alliance de Moïse en Afrique, en Éthiopie.
L’histoire de l’eunuque éthiopien, la puissante et bien organisée Loi de
Moïse, les pratiques religieuses et les cultures ancrées en Éthiopie
montrent que la Loi de Moïse a été davantage suivie en Éthiopie qu’en
Israël. Les études sur la culture et les modes de vie des Éthiopiens en
témoignent encore aujourd’hui.
C’est à Alexandrie, en Égypte, que la Sainte Bible a été traduite dans des
langues différentes de l’hébreu. Cette traduction africaine est connue sous
le nom de “Traduction des Soixante-Dix Érudits” (‘Sebea Likawunt’).
Les Saintes Écritures nous montrent – autant sous l’Ancien Testament qu’à
l’époque du Nouveau Testament – que les Africains ont l’habitude de
pratiquer leur religion en suivant la loi de leur conscience.
Le roi des rois d’alors, l’empereur Bazen, était un des rois qui s’étaient
rendus à Bethléem pour adorer l’enfant Jésus.
L’Évangile nous dit que c’est un africain, un Libyen du nom de Simon de
Cyrène, qui a porté la Croix de Jésus alors qu’il s’avançait vers le
Golgotha.
Avant cela, un eunuque éthiopien vint à Jérusalem en 34 ap. J.-C.pour adorer
Dieu suivant la Loi de Moïse. Sur ordre du Saint-Esprit, l’eunuque fut
baptisé par Philippe. De retour en Afrique, l’eunuque prêcha le
christianisme dans sa nation. L’Éthiopie devint alors la seconde nation
après Israël à croire au Christ; et l’Église éthiopienne devint ainsi la
première Église en Afrique.
De grands récits de foi ont marqué les premiers siècles de la chrétienté en
Afrique parce que les Africains ont toujours vécu une profonde charité et
une grande dévotion dans le Nouveau Testament.
L’Afrique est la région d’où de célèbres érudits et pères religieux, tels
que saint Augustin, saint Tertullien, saint Cyprien tout comme saint
Athanase et saint Kerlos sont originaires. Ces pères sont autant célébrés
sur le continent qu’ailleurs.
Saint Yared, qui a composé de très beaux hymnes d’église et dont le monde
entier reconnaît la remarquable créativité, était également originaire
d’Afrique. Saint Yared est un fils d’Éthiopie. Les hymnes de saint Yared
comptent parmi les merveilles du monde pour lesquelles l’Éthiopie est connue
dans le monde. Les actions de tous ces pères sont des caractéristiques de
l’Afrique.
D’après les érudits, c’est en Afrique que le premier Canon de la Bible a été
établi.
L’histoire nous rappelle aussi le martyre des chrétiens de l’Afrique du Nord
quand leur roi, un non-croyant, leva son épée contre eux dans l’espoir de
détruire toute la chrétienté. En même temps les chrétiens qui étaient
maltraités et persécutés dans les différentes parties du monde vinrent en
Afrique, notamment en Éthiopie, où ils vécurent en paix dans la région.
Des Éthiopiens dévoués ont également montré leur remarquable hospitalité aux
neuf saints et aux dix autres centaines de chrétiens qui étaient persécutés
en Europe de l’Est et qui vinrent en Afrique par groupes entiers. Les
résidences et les tombes de ces chrétiens persécutés ont été conservées
comme chapelles sacrées à différents endroits de l’Éthiopie.
En Afrique et en Éthiopie, nous possédons des morceaux de la Sainte Croix.
La partie droite de la Croix a été conservée en Éthiopie, à un endroit
appelé la montagne Goshen.
La Croix du Christ a également été portée par des chrétiens d’Afrique. Je
pense à mon Église qui a récemment subi une grave persécution pendant la
période communiste, avec de nombreux nouveaux martyrs parmi lesquels le
Patriarche Theophilos, et avant lui Abuna Petros, pendant la période
coloniale. Moi-même, en tant qu’évêque, j’ai passé de longues années en
prison avant d’être exilé. Lorsque je devins patriarche, après la fin du
communisme, il y avait beaucoup de choses à reconstruire. Cela a été notre
travail, avec l’aide de Dieu, les prières de nos moines et la générosité des
fidèles.
L’Afrique est un continent potentiellement sain, au sol fertile, riche de
ressources naturelles et d’une grande variété de plantes et d’espèces
animales. L’Afrique jouit d’un climat convenable et possède plusieurs
minerais précieux. Comme le continent possède toujours des ressources
naturelles inexploitées, beaucoup tournent encore leur regard vers elles. On
ne peut pas nier que les progrès des civilisations des autres parties du
monde sont le résultat du travail et des ressources venus d’Afrique.
Les Africains ont déjà tant travaillé pour le monde. Qu’est-ce que le monde
a fait pour eux?
L’Afrique a été violemment colonisée et ses ressources ont été exploitées.
Les pays riches qui ont contribué à exploiter les ressources africaines ne
se rappellent l’Afrique que quand ils ont besoin de quelque chose d’elle.
Ils n’ont pas du tout aidé le continent dans sa lutte pour le développement.
Tous les pays du continent doivent affronter différents problèmes et défis.
Les problèmes peuvent être d’ordre social, politique, économique, aussi bien
que spirituel.
Tandis que le niveau de vie des peuples africains est plus bas que celui de
tout le reste du monde, plusieurs raisons expliquent pourquoi ce niveau déjà
si bas se détériore et se répand sur tout le continent. Le manque d’accès à
l’éducation est le problème majeur dont souffrent les jeunes. Aucun pays et
aucun peuple ne peut se développer et prospérer sans éducation et
connaissance.
Comme nous le savons, la pandémie du Sida ne peut être évitée malgré des
efforts incessants. Cependant, nous devrions encourager toutes ces
expériences qui nous montre comment soigner et prévenir le mal, comment
redonner l’espoir en créant des synergies et en fournissant à l’Afrique les
mêmes traitements dont l’Europe a bénéficié. Dans le même temps, d’autres
types de maladies nous menacent lourdement. Nous appelons le monde à
travailler en harmonie à ce sujet. Le Conseil de toutes les Églises
africaines applique ses efforts pour limiter les problèmes qui affectent le
continent, notamment le chaos que créé actuellement les extrémistes. Les
responsables religieux chrétiens et les fidèles en général devraient s’unir
dans cet effort.
L’Afrique est enchaînée par des dettes mondiales que ni la génération
actuelles ni les générations à venir ne peuvent supporter.
Dans quels termes pourrions-nous condamner la guerre civile à laquelle
participent souvent des enfants-soldats, qui sont aussi les victimes de ces
actes de violence? Comment condamner le déplacement des populations –
ouvertement ou secrètement déclaré – et les migrations?
La Charte des Droits de l’Homme stipule clairement qu’aucun mineur de moins
de 18 ans ne peut être membre d’aucune organisation armée, au nom du respect
de l’enfance. Certains pays cependant enrôlent de force les enfants de moins
de 18 ans dans leur armée. C’est une claire violation des droits de l’homme.
Par conséquent, il est obligatoire que les responsables des Églises
africaines ne fassent qu’une seule voix pour que ces agissements cessent une
fois pour toutes.
Par conséquent, j’aimerais profiter de cette audience pour inviter tous les
responsables religieux à travailler pour la paix, à protéger les ressources
naturelles que Dieu nous a données et à défendre la vie et l’innocence des
enfants.
Dans de nombreux pays africains, les nécessités de base comme la nourriture,
l’eau potable, et le logement ne sont pas satisfaites. D’une façon générale,
la plupart des Africains vivent dans une situation de manque de services de
base. L’Afrique s’est libérée du colonialisme depuis longtemps, mais dépend
toujours trop des pays riches. L’énorme dette, l’exploitation de ses
ressources naturelles par quelques personnes, la pratique de l’agriculture
traditionnelle et l’introduction insatisfaisante de systèmes d’agriculture
moderne, l’impact négatif des pluies sur la sécurité alimentaire dont dépend
la sécurité alimentaire des peuples africains et la fuite des cerveaux hors
d’Afrique affectent dangereusement le continent.
J’ai l’espoir que les cardinaux et les évêques africains ayant déjà discuté
de ces problèmes précédemment, aujourd’hui ce grand Synode puisse donner
lieu à des conseils et des solutions éthiques.
Je crois qu’en tant que responsables religieux et chefs d’Églises nous avons
le devoir d’exercer notre responsabilité particulière: reconnaître et
soutenir, quand on le juge nécessaire, les suggestions qui nous viennent du
peuple, de la même manière que nous devons au contraire les rejeter quand
elles contredisent le respect et l’amour de l’homme, qui prend racine dans
l’Évangile.
On attend en effet des chrétiens qu’ils soient des messagers du changement
et qu’ils apportent la justice, la paix, la réconciliation et le
développement. C’est ce que j’ai vu faire avec détermination et humilité par
la communauté Sant’Egidio dans toute l’Afrique: des fruits de paix et de
guérison, qui sapent toute forme de violence avec la force et la
compréhension chrétienne de l’amour, sont possibles. Les responsables
religieux africains ne doivent pas seulement s’occuper de travail social,
mais doivent également répondre aux importants besoins spirituels des femmes
et des hommes d’Afrique.
L’apostolat et le travail social ne peuvent pas être envisagés séparément.
Le travail social est le sens de l’apostolat. Chaque mot doit être mis en
pratique. Ainsi, après chaque mot et chaque promesse, des actions pratiques
doivent être suivies. Les pères religieux doivent aussi améliorer la
conscience du peuple pour rendre honneur à la vie, à la paix et à la
justice. La société a besoin des enseignements de ses pères religieux de
façon à pouvoir les aider à résoudre leurs problèmes dans l’unité et ainsi à
les libérer. Les chefs des Églises africaines doivent donc, avec la force de
Dieu Tout-Puissant et du Saint-Esprit, exprimer le langage de l’Église. Il
faut également comprendre quand, comment et à qui parler.
Je suis très heureux de participer à ce Synode de l’Église catholique en
Afrique. Je suis africain. Mon Église est la plus vieille Église d’Afrique:
une Église de martyrs, de saints et de moines.
J’apporte mon soutien en tant qu’ami et frère à cet effort de l’Église
catholique en Afrique. Je remercie encore une fois Sa Sainteté pour son
invitation et je lui souhaite une longue vie et un ministère fécond.
Puisse l’Évangile de Jésus parler à travers nous au cœur des Africains afin
que Jésus revienne en Afrique, comme il le fit enfant avec la Vierge Marie.
Et que la paix, la miséricorde et la justice reviennent avec lui!
Que Dieu bénisse les Églises d’Afrique et leurs pasteurs! Amen!
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Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.10.2009 -
T/Synode Afrique |