 |
Catéchèse de Benoît XVI: texte intégral
|
Rome, le 6 septembre 2006 - C'est la foule des grands jours qui
était présente pour assister à l'audience de Benoît XVI. Nous
publions le texte intégral de la catéchèse du Saint Père.
|
|
Le saint Père Benoît XVI
Catéchèse de
Benoît XVI: texte intégral
C'est la foule des grands jours qui était présente pour entendre la
catéchèse de Benoît XVI. L'audience a commencé par la lecture en différentes
langues du texte de l'évangile qui fera l'objet de son développement.
Lecture de l'Evangile selon St Jean 43-47
Jésus décida de partir pour la
Galilée. Il rencontre Philippe, et lui dit : « Suis-moi. » 44 (Philippe
était de Bethsaïde, comme André et Pierre.) 45 Philippe rencontre Nathanaël
et lui dit : « Celui dont parlent la loi de Moïse et les Prophètes, nous
l'avons trouvé : c'est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. » 46 Nathanaël
répliqua : « De Nazareth ! Peut-il sortir de là quelque chose de bon ? »
Philippe répond : « Viens, et tu verras. »
Texte intégral de la catéchèse
Chers frères et sœurs,
Poursuivant les descriptions des figures des
différents Apôtres, comme nous le faisons depuis quelques semaines, déclare
Benoît XVI, nous rencontrons aujourd'hui Philippe. Dans la liste des Douze,
il est toujours placé à la cinquième place (comme dans Mt 10,
3; Mc 3, 18; Lc 6, 14; Ac 1, 13), et donc substantiellement parmi les
premiers. Bien que Philippe soit d'origine juive, son nom est grec, comme
celui d'André, et cela constitue un petit signe d'ouverture culturelle qui
ne doit pas être sous-évalué. Les informations à son sujet nous sont
fournies par l'Evangile de Jean. Il provenait du même lieu d'origine que
Pierre et André, c'est-à-dire de Bethsaïde (cf. Jn 1, 44),
une petite ville appartenant à la tétrarchie de l'un des fils d'Hérode le
Grand, lui aussi appelé Philippe (cf. Lc 3, 1).
Le Quatrième Evangile rapporte que, après avoir été appelé par Jésus,
Philippe rencontre Nathanaël et lui dit: « Celui dont parlent la loi de
Moïse et les Prophètes, nous l'avons trouvé: c'est Jésus fils de Joseph, de
Nazareth » (Jn 1, 45). Philippe ne se rend pas à la
réponse plutôt sceptique de Nathanaël (« De Nazareth ! Peut-il sortir de là
quelque chose de bon ? »), et riposte avec décision: « Viens, et tu verras !
» (Jn 1, 46). Dans cette réponse, sèche mais claire,
Philippe manifeste les caractéristiques du véritable témoin: il ne se
contente pas de proposer l'annonce, comme une théorie, mais interpelle
directement l'interlocuteur en lui suggérant de faire lui-même l'expérience
personnelle de ce qui est annoncé. Les deux mêmes verbes sont utilisés par
Jésus lui-même quand deux disciples de Jean-Baptiste l'approchent pour lui
demander où il habite (cf. Jn 1, 39). Jésus répondit:
« Venez et voyez » (cf. Jn 1, 38, 39).
Nous
pouvons penser que Philippe s'adresse également à nous avec ces deux verbes
qui supposent un engagement personnel. Il nous dit à nous aussi ce qu'il dit
à Nathanaël: « Viens et vois ». L'Apôtre nous engage à connaître Jésus de
près. En effet, l'amitié, la véritable connaissance de l’autre, a besoin de
la proximité, elle vit même en partie de celle-ci. Du reste, il ne faut pas
oublier que, selon ce qu’écrit saint Marc, Jésus choisit les Douze dans le
but primordial qu'« ils soient avec lui » (Mc 3, 14),
c'est-à-dire qu'ils partagent sa vie et apprennent directement de lui non
seulement le style de son comportement, mais surtout qui Il est
véritablement. Ce n'est qu'ainsi, en effet, en participant à sa vie, qu'ils
pouvaient le connaître et ensuite l'annoncer. Plus tard, dans la Lettre de
Paul aux Ephésiens, on lira que l'important est d'« apprendre le Christ »
(4, 20), et donc pas seulement et pas tant écouter ses
enseignements, ses paroles, mais davantage encore, Le connaître en personne;
c'est-à-dire connaître son humanité et sa divinité, son mystère, sa beauté.
En effet, il n'est pas seulement un Maître, mais un Ami, et même un Frère.
Comment pourrions-nous le connaître à fond en restant éloignés ? L'intimité,
la familiarité, l'habitude nous font découvrir la véritable identité de
Jésus Christ. Voilà: c'est précisément cela que nous rappelle l'apôtre
Philippe. Et ainsi, il nous invite à « venir », à « voir », c'est-à-dire à
entrer dans une relation d'écoute, de réponse et de communion de vie avec
Jésus, jour après jour.
Ensuite, à l'occasion de la multiplication
des pains, Jésus lui fit une demande précise, pour le moins surprenante,
poursuit Benoît XVI: savoir où il était possible d'acheter du pain pour
nourrir tous les gens qui le suivaient (cf. Jn 6, 5).
Philippe répondit alors avec un grand réalisme: « Le salaire de deux cents
journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain »
(Jn 6, 7). On voit ici le caractère concret et le réalisme de
l'Apôtre, qui sait juger les revers réels d'une situation. Nous savons
comment les choses se sont passées ensuite. Nous savons que Jésus prit les
pains et, après avoir prié, les distribua. Ainsi se réalisa la
multiplication des pains. Mais il est intéressant que Jésus se soit adressé
précisément à Philippe, pour avoir une première indication sur la façon de
résoudre le problème: signe évident qu'il faisait partie du groupe restreint
qui l'entourait. A un autre moment, très important pour l'histoire future,
avant la Passion, plusieurs Grecs qui se trouvaient à Jérusalem pour la
Pâque « abordèrent Philippe... Ils lui firent cette demande: “Nous voudrions
voir Jésus”. Philippe va le dire à André; et tous deux vont le dire à Jésus
» (Jn 12, 20-22). Nous avons une fois de plus le signe
de son prestige particulier au sein du collège apostolique. Dans ce cas, il
sert surtout d'intermédiaire entre la demande de plusieurs Grecs — il
parlait probablement grec et put servir d'interprète — et Jésus; même s'il
s'unit à André, l'autre Apôtre qui porte un nom grec, c'est, quoi qu'il en
soit, à lui que ces étrangers s'adressent. Cela nous enseigne à être nous
aussi toujours prêts à accueillir les demandes et les invocations, d'où
qu'elles proviennent, ainsi qu'à les orienter vers le Seigneur, le seul qui
puisse les satisfaire pleinement. Il est en effet important de savoir que
nous ne sommes pas les destinataires ultimes des prières de ceux qui nous
approchent, mais que c'est le Seigneur: c'est à lui que nous devons adresser
quiconque se trouve dans le besoin. Voilà: chacun de nous doit être une
route ouverte vers lui!
Il y a ensuite une autre occasion, toute
particulière, où Philippe entre en scène. Au cours de la Dernière Cène,
Jésus ayant affirmé que Le connaître signifiait également connaître le Père
(cf. Jn 14, 7), Philippe presque naïvement lui
demanda: « Seigneur, montre-nous le Père; cela nous suffit »
(Jn 14, 8). Jésus lui répondit avec un ton de reproche bienveillant:
« Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas,
Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire: “Montre-nous
le Père?”. Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est
en moi?... Croyez ce que je vous dis: je suis dans le Père, et le Père est
en moi » (Jn 14, 9-11). Ces paroles se trouvent parmi
les plus importantes de l'Evangile de Jean. Elles contiennent une véritable
révélation. Au terme du prologue de son Evangile, Jean affirme: « Dieu,
personne ne l'a jamais vu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père,
c'est lui qui a conduit à le connaître » (Jn 1, 18).
Et bien, cette déclaration, faite par l'évangéliste, est reprise et
confirmée par Jésus lui-même. Mais avec une nouvelle nuance. En effet, alors
que le prologue de Jean parle d'une intervention explicative de Jésus, à
travers les paroles de son enseignement, dans la réponse à Philippe, Jésus
fait référence à sa propre personne comme telle, laissant entendre qu'il est
possible de le comprendre non seulement à travers ce qu'il dit, mais encore
plus à travers ce qu'Il est simplement. Pour nous exprimer selon le paradoxe
de l'Incarnation, nous pouvons dire que Dieu s'est donné un visage humain,
celui de Jésus, et qu’en conséquence dès à présent, si nous voulons vraiment
connaître le visage de Dieu, nous n'avons qu'à contempler le visage de Jésus
! Dans son visage, nous voyons réellement qui est Dieu et comment est Dieu !
L'évangéliste ne nous dit pas si Philippe comprit pleinement la
phrase de Jésus. Il est certain qu'il consacra entièrement sa vie à Jésus.
Selon certains récits postérieurs (Actes de Philippe et autres), notre
Apôtre aurait évangélisé tout d'abord la Grèce, puis la Phrygie où il aurait
trouvé la mort, à Hiérapolis, à travers un supplice décrit diversement comme
crucifixion ou lapidation. Nous voulons conclure notre réflexion en
rappelant le but auquel doit tendre notre vie: rencontrer Jésus comme
Philippe le rencontra, en cherchant à voir en lui Dieu lui-même, le Père
céleste. Si cet engagement venait à manquer, nous serions toujours renvoyés
uniquement à nous-mêmes, comme dans un miroir, et nous serions toujours plus
seuls ! Philippe, en revanche, nous enseigne à nous laisser conquérir par
Jésus, à être avec lui, et à inviter également les autres à partager cette
indispensable compagnie. Et, en voyant, en trouvant Dieu, trouver la vie
véritable.
Sources: © Copyright du texte original en italien : Libreria editrice
vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde - 06.09.2006 - BENOÎT XVI |