La révélation publique du troisième secret de Fatima
"LE MESSAGE DE FATIMA" CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI
SOMMAIRE:
I. PRESENTATION historique
par Mgr TARCISIO BERTONE, sdb
Archevêque émérite de Verceil
Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
II. LE "SECRET" DE FATIMA
1. PREMIÈRE ET DEUXIÈME PARTIES DU «SECRET»
Dans la rédacion de Sr Lucie, dans le «TROISIÈME MÉMOIRE» du 31 AOÛT 1941
Destiné à l'évêque de Leiria-Fatima(texte original et traduction)
2. TROISIÈME PARTIE DU «SECRET» (texte original et traduction)
III. INTERPRETATION DU «SECRET» (pp. 22-44)
1. LETTRE DE JEAN-PAUL II À SOEUR LUCIE (texte original et traduction), pp.
2. RENCONTRE AVEC SOEUR MARIA LUCIA DE JESUS
Compte rendu de l'entretien de Soeur Lucie
avec Mgr Tarcisio Bertone
et Mgr Serafim de Sousa Ferreira e Silva, évêque de Leiria-Fatima
Jeudi 27 avril dernier, dans le Carmel de Sainte-Thérèse à Coimbra
3. COMMUNICATION DU CARDINAL ANGELO SODANO
Secrétaire d'Etat de Sa sainteté
4. COMMENTAIRE THÉOLOGIQUE DU CARDINAL JOSEPH RATZINGER
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
IV. NOTES
I. PRÉSENTATION
Dans le passage du deuxième au troisième millénaire, le Pape Jean-Paul II a
décidé de rendre public le texte de la troisième partie du «secret de
Fatima».
Après les événements dramatiques et cruels du vingtième siècle, un des
siècles les plus cruciaux de l'histoire de l'humanité, qui trouve son point
culminant avec l'attentat sanglant envers le «doux Christ sur la terre»,
s'ouvre donc un voile sur une réalité qui marque l'histoire et qui
l'interprète en profondeur, selon une dimension spirituelle à laquelle la
mentalité actuelle, souvent empreinte de rationalisme, est réfractaire.
Apparitions et signes surnaturels scandent l'histoire, elles entrent dans le
vif des vicissitudes humaines et accompagnent le chemin du monde, surprenant
croyants et non-croyants. Ces manifestations, qui ne peuvent pas contredire
le contenu de la foi, doivent converger vers l'objet central de l'annonce du
Christ: l'amour du Père qui suscite chez les hommes la conversion et qui
donne la grâce pour s'abandonner à Lui avec une dévotion filiale. Tel est
aussi le message de Fatima qui, avec l'appel déchirant à la conversion et à
la pénitence, porte en réalité au cœur de l'Évangile.
Fatima est sans aucun doute la plus prophétique des apparitions modernes. La
première et la deuxième parties du «secret» qui sont publiées dans l'ordre
pour l'intégralité de la documentation concernent avant tout la vision
épouvantable de l'enfer, la dévotion au Cœur immaculé de Marie, la deuxième
guerre mondiale, ainsi que la prédiction des très graves dommages que la
Russie, abandonnant la foi chrétienne et adhérant au totalitarisme
communiste, devait apporter à l'humanité.
En 1917, personne n'aurait pu imaginer tout cela; les trois pastorinhos de
Fatima voient, écoutent, gardent tout en mémoire, et Lucie, témoin
survivant, à partir du moment où elle en a reçu l'ordre par l'évêque et la
permission de Notre-Dame, le met par écrit.
En ce qui concerne la description des deux premières parties du «secret»,
déjà publiées par ailleurs et donc connues, on a choisi le texte écrit de
Soeur Lucie dans le troisième mémoire du 31 août 1941; dans le quatrième
mémoire du 8 décembre 1941, elle y a ajouté quelques annotations. La
troisième partie du «secret» fut écrite «sur l'ordre de Son Excellence
l'Évêque de Leiria et de la Sainte Mère» le 3 janvier 1944.
Il existe un seul manuscrit, qui est ici reproduit photographiquement.
L'enveloppe scellée fut gardée d'abord par l'évêque de Leiria.Pour mieux
conserver le «secret», l'enveloppe fut remise le 4 avril 1957 aux Archives
secrètes du Saint-Office.Soeur Lucie en fut avertie par l'évêque de Leiria.
Selon des notes d'archives, en accord avec le Cardinal Alfredo Ottaviani, le
17 août 1959, le Commissaire du Saint-Office, le Père Pierre-Paul Philippe,
op, porta à Jean XXIII l'enveloppe contenant la troisième partie du «secret
de Fatima». Sa Sainteté, «après certaines hésitations», dit: «Attendons, je
prierai. Je vous ferai savoir ce que j'ai décidé».(1)
En réalité, le Pape Jean XXIII décida de renvoyer l'enveloppe scellée au
Saint-Office et de ne pas révéler la troisième partie du «secret».
Paul VI lut le contenu avec le Substitut, Mgr Angelo Dell'Acqua, le 27 mars
1965, puis renvoya l'enveloppe aux Archives secrètes du Saint-Office,
décidant de ne pas publier le texte.
Pour sa part, Jean-Paul II a demandé l'enveloppe contenant la troisième
partie du «secret» après l'attentat du 13 mai 1981. Son Éminence le Cardinal
Franjo Seper, Préfet de la Congrégation, remit à Son Excellence Monseigneur
Eduardo Martinez Somalo, Substitut de la Secrétairerie d'État, le 18 juillet
1981, deux enveloppes: l'une blanche, avec le texte original de Soeur Lucie
en langue portugaise; l'autre de couleur orange, avec la traduction du
«secret» en langue italienne. Le 11 août suivant, Mgr Martinez a rendu les
deux enveloppes aux Archives du Saint-Office.(2)
Comme on le sait, le Pape Jean-Paul II pensa aussitôt à la consécration du
monde au Coeur immaculé de Marie et composa lui-même une prière pour ce
qu'il définit «un acte de consécration» à célébrer dans la Basilique
Sainte-Marie-Majeure, le 7 juin 1981, solennité de la Pentecôte, jour choisi
pour rappeler le 1600e anniversaire du premier Concile de Constantinople et
le 1550e anniversaire du Concile d'Éphèse. Le Pape étant par force absent,
on transmit son allocution enregistrée. Nous donnons le texte qui se réfère
exactement à l'acte de consécration:
«Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et
leurs espérances, toi qui ressens d'une façon maternelle toutes les luttes
entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le
monde, accueille l'appel que, dans l'Esprit Saint, nous adressons
directement à ton coeur, et embrasse dans ton amour de mère et de servante
du Seigneur, ceux qui ont le plus besoin de ta tendresse et aussi ceux dont
tu attends toi-même d'une façon particulière qu'ils s'en remettent à toi.
Prends sous ta protection maternelle toute la famille humaine que, dans un
élan affectueux, nous remettons entre tes mains, ô notre Mère. Que vienne
pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de la vérité, de la
justice et de l'espérance».(3)
Mais le Saint-Père, pour répondre plus complètement aux demandes de
«Notre-Dame», voulut expliciter au cours de l'Année sainte de la Rédemption
l'acte de consécration du 7 juin 1981, repris à Fatima le 13 mai 1982. Le 25
mars 1984, sur la place Saint-Pierre, en union spirituelle avec tous les
évêques du monde, «convoqués» précédemment, évoquant le fiat prononcé par
Marie au moment de l'Annonciation, le Pape consacre au Coeur immaculée de
Marie les hommes et les peuples, avec des accents qui rappellent des paroles
poignantes prononcées en 1981:
C'est pourquoi, ô Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes
leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d'une façon
maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et
les ténèbres qui secouent le monde contemporain, reçoit l'appel que, mus par
l'Esprit Saint, nous adressons directement à ton Coeur, et avec ton amour de
mère et de servante du Seigneur, embrasse notre monde humain, que nous
t'offrons et te consacrons, pleins d'inquiétude pour le sort terrestre et
éternel des hommes et des peuples. Nous t'offrons et te consacrons d'une
manière spéciale les hommes et les nations qui ont particulièrement besoin
de cette offrande et de cette consécration.
«Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu!»
«Ne rejette pas nos prières alors que nous sommes dans l'épreuve!».
Puis le Pape poursuit avec des références plus fortes et plus concrètes,
comme un commentaire du Message de Fatima dans sa triste réalisation:
«Devant toi, Mère du Christ, devant ton Coeur immaculé, nous voulons
aujourd'hui, avec toute l'Église, nous unir à la consécration que ton Fils a
faite de lui-même à son Père, par amour pour nous: "Pour eux, a-t-il dit, je
me consacre moi-même, afin qu'ils soient eux aussi consacrés en vérité" (Jn
17, 19). Nous voulons nous unir à notre Rédempteur en cette consécration
pour le monde et pour les hommes, laquelle, dans le coeur divin, a le
pouvoir d'obtenir le pardon et de procurer la réparation.
La puissance de cette consécrationdure dans tous les temps, elle embrasse
tous les hommes, peuples et nations, elle surpasse tout mal que l'esprit des
ténèbres est capable de réveiller dans le coeur de l'homme et dans son
histoire, et que, de fait, il a réveillé à notre époque.
Combien profondément nous sentons le besoin de consécration pour l'humanité
et pour le monde, pour notre monde contemporain, dans l'unité du Christ
lui-même! À l'oeuvre rédemptrice du Christ, en effet, doit participer le
monde par l'intermédiaire de l'Église.
C'est ce que manifeste la présente Année de la Rédemption, le Jubilé
extraordinaire de toute l'Église.
En cette Année sainte, bénie sois-tu par-dessus toute créature, toi, la
servante du Seigneur, qui as obéi de la manière la plus pleine à ce divin
appel!
Sois saluée, toi qui t'es entièrement unie à la consécration rédemptrice de
ton Fils!
Mère de l'Église! Enseigne au Peuple de Dieu les chemins de la foi, de
l'espérance et de la charité! Éclaire spécialement les peuples dont tu
attends de nous la consécration et l'offrande! Aide-nous à vivre dans la
vérité de la consécration du Christ pour toute la famille humaine du monde
contemporain!
En te confiant, ô Mère, le monde, tous les hommes et tous les peuples, nous
te confions aussi la consécration même du monde et nous la mettons dans ton
coeur maternel.
Ô Coeur immaculé! Aide-nous à vaincre la menace du mal qui s'enracine si
facilement dans le coeur des hommes d'aujourd'hui et qui, avec ses effets
incommensurables, pèse déjà sur la vie actuelle et semble fermer les voies
vers l'avenir!
De la faim et de la guerre, délivre-nous!
De la guerre nucléaire, d'une autodestruction incalculable, de toutes sortes
de guerres, délivre-nous!
Des péchés contre la vie de l'homme depuis ses premiers moments,
délivre-nous!
De la haine et de la dégradation de la dignité des fils de Dieu,
délivre-nous!
De tous les genres d'injustice dans la vie sociale, nationale et
internationale, délivre-nous!
De la facilité avec laquelle on piétine les commandements de Dieu,
délivre-nous!
De la tentative d'éteindre dans les coeurs humains la vérité même de Dieu,
délivre-nous!
De la perte de la conscience du bien et du mal, délivre-nous!
Des péchés contre l'Esprit Saint, délivre-nous! Délivre-nous!
Écoute, ô Mère du Christ, ce cri chargé de la souffrance de tous les hommes!
Chargé de la souffrance de sociétés entières!
Aide-nous, par la puissance de l'Esprit Saint, à vaincre tout péché: le
péché de l'homme et le "péché du monde", le péché sous toutes ses formes.
Que se révèle encore une fois dans l'histoire du monde l'infinie puissance
salvifique de la Rédemption, la puissance de l'amour miséricordieux! Qu'il
arrête le mal! Qu'il transforme les consciences! Que dans ton Coeur immaculé
se manifeste pour tous la lumière de l'espérance!».(4)
Soeur Lucie confirma personnellement que cet acte solennel et universel de
consécration correspondait à ce que voulait Notre-Dame («Sim, està feita,
tal como Nossa Senhora a pediu, desde o dia 25 de Março de 1984»: «Oui, cela
a été fait, comme Notre-Dame l'avait demandé, le 25 mars 1984»: lettre du 8
novembre 1989). C'est pourquoi toute discussion, toute nouvelle pétition est
sans fondement.
Dans la documentation ici présentée, on a ajouté aux manuscrits de Soeur
Lucie quatre autres textes: 1) la lettre du Saint-Père à Soeur Lucie datée
du 19 avril 2000; 2) une description de la rencontre avec Soeur Lucie du 27
avril 2000; 3) la communication lue par mandat du Saint-Père à Fatima le 13
mai dernier par Son Éminence le Cardinal Angelo Sodano, Secrétaire d'État;
4) le commentaire théologique de Son Éminence le Cardinal Joseph Ratzinger,
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Une indication pour l'interprétation de la troisième partie du «secret»
avait déjà été donnée par Soeur Lucie dans une lettre au Saint-Père le 12
mai 1982. Dans cette dernière, elle écrivait:
«La troisième partie du secret se réfère aux paroles de notre-Dame: "Sinon
la Russie répandra ses erreurs à travers le monde, favorisant guerres et
persécutions envers l'Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura
beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites" (13-VI-1917).
La troisième partie du secret est une révélation symbolique, qui se réfère à
cette partie du Message, conditionné par le fait que nous acceptions ou non
ce que le Message lui-même nous demande: "si on accepte mes demandes, la
Russie se convertira et on aura la paix; sinon elle répandra ses erreurs à
travers le monde, etc...".
Comme nous n'avons par tenu compte de cet appel du Message, nous constatons
qu'il s'est réalisé, la Russie a inondé le monde de ses erreurs. Et si nous
ne constatons pas encore la réalisation totale de la fin de cette prophétie,
nous voyons que nous nous y acheminons peu à peu à grands pas. Si nous ne
renonçons pas au chemin de péché, de haine, de vengeance qui viole les
droits de la personne humaine, d'immoralité et de violence, etc.
Et ne disons pas que c'est Dieu qui ainsi nous punit; au contraire, ce sont
les hommes qui préparent eux-mêmes leur châtiment. Dans sa sollicitude, Dieu
nous avertit et nous incite à prendre le bon chemin, respectant la liberté
qu'il nous a donnée; c'est pourquoi les hommes sont responsables».(5)
La décision du Pape Jean-Paul II de rendre publique la troisième partie du
«secret» de Fatima conclut une période de l'histoire, marquée par de
tragiques volontés humaines de puissance et d'iniquité, mais pénétrée de
l'amour miséricordieux de Dieu et de la vigilance prévenante de la Mère de
Jésus et de l'Église.
Action de Dieu, Seigneur de l'histoire, et coresponsabilité de l'homme, dans
sa dramatique et féconde liberté, tels sont les deux pivots sur lesquels se
construit l'histoire de l'humanité.
La Vierge Marie apparue à Fatima nous rappelle ces valeurs oubliées, cet
avenir de l'homme en Dieu, avenir dont nous sommes une part active et
responsable.
Tarcisio Bertone, sdb
Archevêque émérite de Vercelli
Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
II. LE «SECRET» DE FATIMA
1 PREMIÈRE ET DEUXIÈME PARTIES DU «SECRET»
DANS LA RÉDACTION QU'EN A FAITE SOEUR LUCIE
DANS LE «TROISIÈME MÉMOIRE» DU 31 AOÛT 1941
DESTINÉ A L'ÉVÊQUE DE LEIRIA-FATIMA
(traduction) (6)
«Je devrai, pour cela, parler un peu du secret et répondre à la première
question.
En quoi consiste le secret?
Il me semble que je peux le dire puisque le Ciel m'en a déjà donné la
permission. Les représentants de Dieu sur la terre m'ont eux aussi autorisée
à le faire, à plusieurs reprises, par lettres. Je crois que Votre Excellence
a conservé l'une d'elles, celle du Père José Bernardo Gonçalves, dans
laquelle il m'ordonne d'écrire au Saint-Père. Un des points qu'il m'indique
est la révélation du secret. J'en ai déjà dit quelque chose, mais pour ne
pas trop allonger cet écrit, qui devait être bref, je me suis limitée à
l'indispensable, laissant à Dieu l'occasion d'un moment plus favorable.
J'ai déjà exposé, dans le deuxième écrit, le doute qui m'avait tourmentée du
13 juin au 13 juillet, et qui disparut lors de cette dernière apparition.
Bien. Le secret comporte trois choses distinctes, et je vais en dévoiler
deux. La première fut la vision de l'Enfer. Notre-Dame nous montra une
grande mer de feu, qui paraissait se trouver sous la terre et, plongés dans
ce feu, les démons et les âmes, comme s'ils étaient des braises
transparentes, noires ou bronzées, avec une forme humaine. Ils flottaient
dans cet incendie, soulevés par les flammes, qui sortaient d'eux-mêmes, avec
des nuages de fumée. Ils retombaient de tous côtés, comme les étincelles
retombent dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, avec des cris
et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient
trembler de frayeur. Les démons se distinguaient par leurs formes horribles
et dégoûtantes d'animaux épouvantables et inconnus, mais transparents et
noirs. Cette vision dura un moment, grâce à notre bonne Mère du Ciel qui
auparavant nous avait prévenus, nous promettant de nous emmener au Ciel (à
la première apparition). Autrement, je crois que nous serions morts
d'épouvante et de peur.
Ensuite nous levâmes les yeux vers Notre-Dame, qui nous dit avec bonté et
tristesse:
-- Vous avez vu l'enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les
sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Coeur immaculé. Si
l'on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d'âmes seront sauvées et on
aura la paix. La guerre va finir. Mais si l'on ne cesse d'offenser Dieu,
sous le pontificat de Pie XI en commencera une autre pire encore. Lorsque
vous verrez une nuit illuminée par une lumière inconnue, sachez que c'est le
grand signe que Dieu vous donne, qu'Il va punir le monde de ses crimes par
le moyen de la guerre, de la faim et des persécutions contre l'Église et le
Saint-Père. Pour empêcher cette guerre, je viendrai demander la consécration
de la Russie à mon Coeur immaculé et la communion réparatrice des premiers
samedis. Si on accepte mes demandes, la Russie se convertira et on aura la
paix; sinon elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des
guerres et des persécutions contre l'Église. Les bons seront martyrisés, le
Saint-Père aura beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites. À la
fin, mon Coeur immaculé triomphera. Le Saint-Père me consacrera la Russie,
qui se convertira, et il sera concédé au monde un certain temps de paix».(7)
2 TROISIÈME PARTIE DU «SECRET»
(traduction) (8)
«J.M.J.
La troisième partie du secret révélé le 13 juillet 1917 dans la Cova de Iria-Fatima.
J'écris en obéissance à Vous, mon Dieu, qui me le commandez par
l'intermédiaire de son Exce Rév.me Monseigneur l'Évêque de Leiria et de
Votre Très Sainte Mère, qui est aussi la mienne.
Après les deux parties que j'ai déjà exposées, nous avons vu sur le côté
gauche de Notre-Dame, un peu plus en hauteur, un Ange avec une épée de feu
dans la main gauche; elle scintillait et émettait des flammes qui,
semblait-il, devaient incendier le monde; mais elles s'éteignaient au
contact de la splendeur qui émanait de la main droite de Notre-Dame en
direction de lui; l'Ange, indiquant la terre avec sa main droite, dit d'une
voix forte: Pénitence! Pénitence! Pénitence! Et nous vîmes dans une lumière
immense qui est Dieu: "Quelque chose de semblable à la manière dont se
voient les personnes dans un miroir quand elles passent devant" un Évêque
vêtu de Blanc, "nous avons eu le pressentiment que c'était le Saint-Père".
Divers autres Évêques, Prêtres, religieux et religieuses monter sur une
montagne escarpée, au sommet de laquelle il y avait une grande Croix en
troncs bruts, comme s'ils étaient en chêne-liège avec leur écorce; avant d'y
arriver, le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à
moitié tremblant, d'un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine, il
priait pour les âmes des cadavres qu'il trouvait sur son chemin; parvenu au
sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande Croix, il fut
tué par un groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à
feu et des flèches; et de la même manière moururent les uns après les autres
les Évêques les Prêtres, les religieux et religieuses et divers laïcs,
hommes et femmes de classes et de catégories sociales différentes. Sous les
deux bras de la Croix, il y avait deux Anges, chacun avec un arrosoir de
cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des Martyrs et avec
lequel ils irriguaient les âmes qui s'approchaient de Dieu.
Tuy - 3-1-1944».
III. INTERPRETATION DU «SECRET»
1 LETTRE DE JEAN-PAUL II
À SOEUR LUCIE
(traduction)
Révérende Sœur
Maria Lucia
Couvent de Coimbra
Dans la joie des fêtes pascales, je vous adresse le souhait de Jésus
ressuscité à ses disciples: «La paix soit avec vous!».
Je serai heureux de pouvoir vous rencontrer au cours du jour attendu de la
béatification de Francisco et Jacinta que, si Dieu le veut, je proclamerai
le 13 mai prochain.
Comme il n'y aura cependant pas de temps pour une rencontre mais seulement
pour une brève salutation, j'ai expressément chargé Monseigneur Tarcisio
Bertone, Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, de venir
s'entretenir avec vous. C'est la Congrégation qui collabore le plus
étroitement avec le Pape pour la défense de la vraie foi catholique et qui a
conservé, comme vous le savez, depuis 1957, votre lettre manuscrite
contenant la troisième partie du secret révélé le 13 juillet 1917 dans la
Cova de Iria, à Fatima.
Monseigneur Bertone, accompagné de l'évêque de Leiria, Monseigneur Serafim
de Sousa Ferreira e Silva, vient en mon nom pour vous poser quelques
questions sur l'interprétation de la «troisième partie du secret».
Révérende Soeur Maria Lúcia, parlez très ouvertement et sincèrement à
Monseigneur Bertone, qui me transmettra directement vos réponses.
Je prie ardemment la Mère du Ressuscité pour vous, pour la communauté de
Coimbra et pour toute l'Église. Que Marie, Mère de l'humanité en pèlerinage,
nous tienne toujours proches de Jésus, son Fils bien-aimé et notre Frère,
Seigneur de la vie et de la gloire.
Avec une particulière Bénédiction apostolique.
JEAN-PAUL II.
Du Vatican, le 19 avril 2000.
2 RENCONTRE AVEC
SŒUR MARIA LUCIA DE JESUS
E DO CORAÇÃO IMACULADO
Le rendez-vous de Soeur Lucie avec Monseigneur Tarcisio Bertone, Secrétaire
de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, envoyé du Saint-Père, et de
Monseigneur Serafim de Sousa Ferreira e Silva, Évêque de Leiria-Fatima, a eu
lieu le jeudi 27 avril dernier, dans le Carmel de Sainte-Thérèse à Coimbra.
Soeur Lucie était lucide et sereine; elle était très contente de la venue du
Saint-Père à Fatima, pour la béatification de Francisco et Jacinta, qu'elle
attendait depuis longtemps.
L'évêque de Leiria-Fatima lut la lettre autographe du Saint-Père qui
expliquait les motifs de la visite. Soeur Lucie s'est sentie honorée et elle
la relut personnellement, la contemplant dans ses mains. Elle s'est dite
disposée à répondre franchement à toutes les questions.
Monseigneur Tarcisio Bertone lui présente alors les deux enveloppes:
l'enveloppe extérieure et celle qui contient la lettre avec la troisième
partie du «secret» de Fatima, et elle affirme aussitôt, la touchant avec ses
doigts: «C'est mon papier», et puis en la lisant: «C'est mon écriture».
Avec l'aide de l'évêque de Leiria-Fatima, le texte original, qui est en
portugais, est lu et interprété. Soeur Lucie partage l'interprétation selon
laquelle la troisième partie du «secret» consiste en une vision prophétique,
comparable à celles de l'histoire sainte. Elle réaffirme sa conviction que
la vision de Fatima concerne avant tout la lutte du communisme athée contre
l'Église et les chrétiens, et elle décrit l'immense souffrance des victimes
de la foi du vingtième siècle.
À la question: «le personnage principal de la vision est-il le Pape?», Soeur
Lucie répond immédiatement par l'affirmative et elle rappelle que les trois
petits bergers étaient très tristes des souffrances du Pape, et que Jacinta
répétait: «Coitadinho do Santo Padre, tenho muita pena dos pecadores!»
(«Pauvre Saint-Père, il a beaucoup de peine pour les pécheurs!»). Soeur
Lucie continue: «Nous ne connaissions pas le nom du Pape, la Vierge ne nous
a pas donné le nom du Pape, nous ne savions pas s'il s'agissait de Benoît XV
ou de Pie XII ou de Paul VI ou de Jean-Paul II, mais c'était le Pape qui
souffrait et cela nous faisait aussi souffrir».
Quant au passage concernant l'évêque vêtu de blanc, à savoir le Saint-Père -
comme le perçurent immédiatement les petits bergers durant la «vision» - qui
est blessé à mort et qui tombe par terre, Sœur Lucie partage pleinement
l'affirmation du Pape: «Ce fut une main maternelle qui guida la trajectoire
du projectile et le Pape agonisant s'arrêta au seuil de la mort» (Jean-Paul
II, Méditation avec les évêques italiens depuis l'hôpital polyclinique
Gemelli, 13 mai 1994).
Alors que Sœur Lucie, avant de remettre à l'évêque de Leiria-Fatima de
l'époque la lettre scellée contenant la troisième partie du «secret», avait
écrit sur l'enveloppe extérieure qu'elle pouvait être ouverte seulement
après 1960, soit par le Patriarche de Lisbonne soit par l'évêque de Leiria,
Monseigneur Bertone lui demande: «Pourquoi l'échéance de 1960? Est-ce la
Vierge qui avait indiqué cette date? Sœur Lucie répond: «Ça n'a pas été
Notre-Dame, mais c'est moi qui ai mis la date de 1960, car, selon mon
intuition, avant 1960, on n'aurait pas compris, on aurait compris seulement
après. Maintenant on peut mieux comprendre. J'ai écrit ce que j'ai vu,
l'interprétation ne me regarde pas, elle regarde le Pape».
Enfin, est mentionné le manuscrit non publié que Soeur Lucie a préparé comme
réponse à de nombreuses lettres de fidèles de la Vierge et de pèlerins. L'oeuvre
porte le titre «Os apelos da Mensagen de Fatima» et contient des pensées et
des réflexions qui expriment ses sentiments et sa spiritualité simple et
limpide, sous forme catéchétique et parénétique. Il lui a été demandé si
elle était contente qu'elle soit publiée; elle répondit: «Si le Saint-Père
est d'accord, je suis contente, autrement j'obéis à ce que décide le
Saint-Père». Soeur Lucie désire soumettre le texte à l'approbation de
l'Autorité ecclésiastique, et nourrit l'espoir de contribuer, par son écrit,
à guider les hommes et les femmes de bonne volonté sur le chemin qui conduit
à Dieu, but ultime de toute attente humaine.
La rencontre se termine par un échange de chapelets: à Soeur Lucie est remis
celui qui a été donné par le Saint-Père, et elle, à son tour, remet quelques
chapelets qu'elle a personnellement confectionnés.
La Bénédiction donnée au nom du Saint-Père conclut l'entretien.
3 COMMUNICATION DE SON ÉMINENCE
LE CARDINAL ANGELO SODANO
SECRÉTAIRE D'ÉTAT DE SA SAINTETÉ
À la fin de la concélébration eucharistique solennelle présidée par
Jean-Paul II à Fatima, le Cardinal Angelo Sodano, Secrétaire d'État, a
prononcé en portugais les paroles que nous reproduisons ici en traduction
française:
Chers Frères et Sœurs dans le Seigneur!
Au terme de cette célébration solennelle, je ressens le devoir d'adresser à
notre bien-aimé Saint-Père Jean-Paul II les voeux les plus cordiaux de
toutes les personnes ici présentes pour son tout proche quatre-vingtième
anniversaire, le remerciant de son précieux ministère pastoral au bénéfice
de toute la sainte Église de Dieu.
À l'occasion de l'événement solennel de sa venue à Fatima, le Souverain
Pontife m'a chargé de vous faire une annonce. Comme vous le savez, le but de
sa visite à Fatima a été la béatification des deux petits bergers. Mais il
veut aussi donner à ce pèlerinage le sens d'un geste renouvelé de gratitude
envers la Madone, pour la protection qu'elle lui a accordée durant ses
années de pontificat. C'est une protection qui semble concerner aussi ce
qu'on appelle «la troisième partie» du secret de Fatima.
Ce texte constitue une vision prophétique comparable à celles de l'Écriture
sainte, qui ne décrivent pas de manière photographique les détails des
événements à venir, mais qui résument et condensent sur un même arrière-plan
des faits qui se répartissent dans le temps en une succession et une durée
qui ne sont pas précisées. Par conséquent, la clé de lecture du texte ne
peut que revêtir un caractère symbolique.
La vision de Fatima concerne surtout la lutte des systèmes athées contre
l'Église et contre les chrétiens. Elle décrit l'immense souffrance des
témoins de la foi du dernier siècle du deuxième millénaire. C'est un
interminable chemin de croix, guidée par les Papes du vingtième siècle.
Selon l'interprétation des petits bergers, interprétation confirmée
récemment par Soeur Lucie, «l'Évêque vêtu de blanc» qui prie pour tous les
fidèles est le Pape. Lui aussi, marchant péniblement vers la Croix parmi les
cadavres des personnes martyrisées (évêques, prêtres, religieux, religieuses
et nombreux laïcs), tombe à terre comme mort, sous les coups d'une arme à
feu.
Après l'attentat du 13 mai 1981, il apparut clairement à Sa Sainteté qu'il y
avait eu «une main maternelle pour guider la trajectoire du projectile»,
permettant au «Pape agonisant» de s'arrêter «au seuil de la mort» (Jean-Paul
II, Méditation avec les Évêques italiens depuis l'hôpital polyclinique
Gemelli, Insegnamenti, vol. XVII1, 1994, p. 1061). À l'occasion d'un passage
à Rome de l'évêque de Leiria-Fatima de l'époque, le Pape décida de lui
remettre le projectile, resté dans la jeep après l'attentat, pour qu'il soit
gardé dans le sanctuaire. Sur l'initiative de l'Évêque, il fut enchâssé dans
la couronne de la statue de la Vierge de Fatima.
Les événements ultérieurs de 1989 ont conduit, en Union soviétique et dans
de nombreux Pays de l'Est, à la chute du régime communiste, qui se faisait
le défenseur de l'athéisme. Pour cela aussi, le Souverain Pontife remercie
de tout coeur la Vierge très sainte. Cependant, dans d'autres parties du
monde, les attaques contre l'Église et contre les chrétiens, accompagnées du
poids de la souffrance, n'ont malheureusement pas encore cessé. Bien que les
situations auxquelles fait référence la troisième partie du secret de Fatima
semblent désormais appartenir au passé, l'appel de la Vierge de Fatima à la
conversion et à la pénitence, lancé au début du vingtième siècle, demeure
encore aujourd'hui d'une actualité stimulante. «La Dame du message semble
lire avec une perspicacité spéciale les signes des temps, les signes de
notre temps [...]. L'invitation insistante de la très Sainte Vierge Marie à
la pénitence n'est que la manifestation de sa sollicitude maternelle pour le
sort de la famille humaine, qui a besoin de conversion et de pardon»
(Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale des malades 1997, n. 1: La
Documentation catholique, 93 [1996], p. 1051).
Pour permettre aux fidèles de mieux recevoir le message de la Vierge de
Fatima, le Pape a confié à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi le
soin de rendre publique la troisième partie du secret, après en avoir
préparé un commentaire approprié.
Nous remercions la Vierge de Fatima de sa protection. Nous confions à sa
maternelle intercession l'Église du troisième millénaire.
Sub tuum præsidium confugimus, Sancta Dei Genetrix! Intercede pro Ecclesia!
Intercede pro Papa nostro Ioanne Paulo II. Amen.
Fatima, le 13 mai 2000.
4 COMMENTAIRE THÉOLOGIQUE
Celui qui lit avec attention le texte de ce qu'on appelle le troisième
«secret» de Fatima, qui, après un long temps, par une disposition du
Saint-Père, est publié ci-joint dans son intégralité, sera probablement déçu
ou étonné après toutes les spéculations qui ont été faites. Aucun grand
mystère n'est révélé; le voile de l'avenir n'est pas déchiré. Nous voyons
l'Église des martyrs du siècle qui s'achève représentée à travers une scène
décrite dans un langage symbolique difficile à déchiffrer. Est-ce cela que
la Mère du Seigneur voulait communiquer à la chrétienté, à l'humanité, dans
une période de grands problèmes et de grandes angoisses? Cela nous est-il
utile au début du nouveau millénaire? Ou bien s'agit-il seulement de
projections du monde intérieur d'enfants qui ont grandi dans une ambiance de
profonde piété, mais qui étaient en même temps bouleversés par la tourmente
qui menaçait leur époque? Comment devons-nous comprendre la vision, que
faut-il en penser?
Révélation publique et révélations privées leur lieu
théologique
Avant d'entreprendre une tentative d'interprétation, dont les lignes
essentielles peuvent être trouvées dans la communication que le Cardinal
Sodano a prononcée le 13 mai dernier à la fin de la célébration
eucharistique présidée par le Saint-Père à Fatima, il convient d'effectuer
quelques clarifications de fond à propos de la manière dont, selon la
doctrine de l'Église, doivent être compris des phénomènes comme celui de
Fatima, à l'intérieur de la vie de foi. L'enseignement de l'Église distingue
entre la «révélation publique» et les «révélations privées». Entre ces deux
réalités, il y a une différence non seulement de degré, mais de nature. Le
terme «révélation publique» désigne l'action révélatrice de Dieu, qui est
destinée à l'humanité entière et qui a trouvé son expression littéraire dans
les deux parties de la Bible: l'Ancien et le Nouveau Testament. On l'appelle
«révélation» parce que, en elle, Dieu s'est fait connaître progressivement
aux hommes, au point de devenir lui-même homme, pour attirer à lui et réunir
à lui tout le monde, par son Fils incarné, Jésus Christ. Il ne s'agit donc
pas de communications intellectuelles, mais d'un processus vital, par lequel
Dieu s'approche de l'homme; et dans ce processus, tout naturellement, se
dévoilent aussi un contenu qui intéresse également l'intelligence et la
compréhension du mystère de Dieu. Le processus concerne l'homme tout entier
et donc aussi la raison, mais pas seulement cette dernière. Dieu étant
unique, l'histoire qu'il vit avec l'humanité est unique; elle vaut pour tous
les temps et elle a trouvé son accomplissement dans la vie, la mort et la
résurrection de Jésus Christ. En Christ, Dieu a tout dit, c'est-à-dire
lui-même, et donc la révélation s'est achevée avec la réalisation du mystère
du Christ, qui a trouvé son expression dans le Nouveau Testament. Le
Catéchisme de l'Église catholique cite un texte de saint Jean de la Croix
pour expliquer que la révélation est définitive et complète: «Dès lors qu'Il
nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n'a pas d'autre parole à nous
donner. Il nous a tout dit à la fois et d'un seul coup en cette seule Parole
[...]; car ce qu'il disait par parties aux prophètes, Il l'a dit tout entier
dans son Fils [...]. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant
l'interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement
ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux
uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose en quelque nouveauté» (CÉC,
n. 65: S. Jean de la Croix, Montée au Carmel, 2, 22).
Le fait que l'unique révélation de Dieu adressée à tous les peuples est
achevée avec le Christ et par le témoignage qui lui est rendu dans les
livres du Nouveau Testament lie l'Église à l'événement unique de l'histoire
sacrée et à la parole biblique, qui garantit et interprète cet événement,
mais cela ne signifie pas que l'Église pourrait maintenant regarder
seulement le passé et serait ainsi condamnée à une répétition stérile. Le
Catéchisme de l'Église catholique dit à ce sujet: «Même si la Révélation est
achevée, elle n'est pas complètement explicitée; il restera à la foi
chrétienne d'en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles»
(n. 66). Les deux aspects, à savoir le lien avec l'unicité de l'événement et
la progression dans sa compréhension, sont très bien illustrés dans le
dernier discours du Christ, lorque, faisant ses adieux aux disciples, il
leur dit: «J'aurai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour
l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui,
l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet,
ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même [...]. Il me glorifiera, car il
reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître» (Jn 16, 12-14).
D'une part, l'Esprit est un guide et il ouvre à une connaissance, mais il
manquait auparavant le présupposé pour porter le poids de cette connaissance
telle est l'ampleur et la profondeur jamais atteintes de la foi chrétienne.
D'autre part, cette fonction de guide est une manière de «prendre» dans le
trésor de Jésus Christ lui-même, dont la profondeur insondable se manifeste
dans la conduite opérée par l'Esprit. Le Catéchisme cite à ce sujet une
parole profonde du Pape Grégoire le Grand: «Les divines paroles et celui qui
les lit grandissent ensemble» (CÉC, n. 94, Grégoire le Grand, Homélie sur
Ezéchiel, 1, 7, 8). Le Concile Vatican II indique trois voies essentielles,
par lesquelles s'opèrent l'action de guide de l'Esprit Saint dans l'Église
et donc la «croissance de la Parole»; cette action s'accomplit au moyen de
la méditation et de l'étude par les fidèles, au moyen d'une profonde
intelligence qui provient de l'expérience spirituelle et de la prédication
de «ceux qui, avec la succession dans l'épiscopat, ont reçu un charisme
certain de vérité» (Dei Verbum, n. 8).
Dans ce contexte, il devient désormais possible de comprendre correctement
le concept de «révélation privée», qui se réfère à toutes les visions et à
toutes les révélations qui ont lieu après la conclusion du Nouveau
Testament; il s'agit donc de la catégorie à l'intérieur de laquelle nous
devons placer le message de Fatima. À ce sujet, commençons par lire le
Catéchisme de l'Église catholique: «Au fil des siècles, il y a eu des
révélations dites "privées", dont certaines ont été reconnues par l'autorité
de l'Église. [...] Leur rôle n'est pas [...] de "compléter" la Révélation
définitive du Christ, mais d'aider à en vivre plus pleinement à une certaine
époque de l'histoire» (n. 67). Deux éléments sont ainsi clarifiés:
1. L'autorité des révélations privées est substantiellement différente de
l'unique révélation publique: cette dernière exige notre foi; en effet, en
elle, par l'intermédiaire de paroles humaines et de la médiation de la
communauté vivante de l'Église, Dieu lui-même nous parle. La foi en Dieu et
dans sa Parole se distingue de toute autre foi, croyance ou opinion
humaines. La certitude que Dieu parle me donne la sécurité que je rencontre
la vérité elle-même, et ainsi une certitude qui ne peut se vérifier par
aucune forme humaine de connaissance. C'est la certitude sur laquelle
j'édifie ma vie et à laquelle je me confie en mourant.
2. La révélation privée est une aide pour la foi, et elle se manifeste comme
crédible précisément parce qu'elle renvoie à l'unique révélation publique.
Le Cardinal Prospero Lambertini, futur Pape Benoît XIV, dit à ce sujet dans
son traité classique, devenu ensuite normatif pour les béatifications et les
canonisations: «Un assentiment de foi catholique n'est pas dû à des
révélations approuvées de cette manière; ce n'est même pas possible. Ces
révélations requièrent plutôt un assentiment de foi humaine conforme aux
règles de la prudence, qui nous les présentent comme probables et crédibles
dans un esprit de piété». Le théologien flamand E. Dhanis, éminent
connaisseur de cette question, affirme de manière synthétique que
l'approbation ecclésiale d'une révélation privée comporte trois éléments: le
message relatif ne contient rien qui s'oppose à la foi et aux bonnes moeurs;
il est licite de le rendre publique, et les fidèles sont autorisés à lui
donner, de manière prudente, leur adhésion [E. Dhanis, Regard sur Fatima et
bilan d'une discussion, La Civiltà cattolica 104 (1953, II), pp. 392-406, en
particulier p. 397]. Un tel message peut être une aide valable pour
comprendre et mieux vivre l'Évangile à l'heure actuelle; c'est pourquoi il
ne doit pas être négligé. Il est une aide qui est offerte, mais dont il
n'est nullement obligatoire de faire usage.
Le critère pour la vérité et pour la valeur d'une révélation privée est donc
son orientation vers le Christ lui-même. Quand elle nous éloigne de lui,
quand elle se rend autonome ou même quand elle se fait passer pour un
dessein de salut autre et meilleur, plus important que l'Évangile, elle ne
vient certainement pas de l'Esprit Saint, qui nous guide à l'intérieur de
l'Évangile, et non hors de lui. Cela n'exclut pas qu'une révélation privée
mette de nouveaux accents, qu'elle fasse apparaître de nouvelles formes de
piété, qu'elle en approfondisse ou en étende d'anciennes. Mais de toute
façon, en tout cela, il doit s'agir d'une nourriture pour la foi,
l'espérance et la charité, qui sont pour tous la voie permanente du salut.
Nous pouvons ajouter que bien souvent les révélations privées proviennent
avant tout de la piété populaire et se reflètent sur elle, lui donnent de
nouvelles impulsions et ouvrent pour elle de nouvelles formes. Cela n'exclut
pas qu'elles aient aussi des effets dans la liturgie elle-même, comme le
montrent par exemple les fêtes du Corpus Domini et du Sacré-Coeur de Jésus.
D'un certain point de vue, dans la relation entre liturgie et piété
populaire, se dessine la relation entre la Révélation et les révélations
privées: la liturgie est le critère, elle est la forme vitale de l'Église
dans sa totalité, nourrie directement par l'Évangile. La religiosité
populaire signifie que la foi plonge ses racines au coeur des peuples d'une
façon telle qu'elle s'introduit dans le monde du quotidien. La religiosité
populaire est la forme première et fondamentale de l'«inculturation» de la
foi, qui doit continuellement se laisser orienter et guider par les
indications de la liturgie, mais qui, à son tour, féconde la foi à partir du
coeur.
Ainsi, nous sommes déjà passés des précisions plutôt négatives, qui de prime
abord étaient nécessaires, aux déterminations positives des révélations
privées: comment peut-on les classer de manière correcte à partir de
l'Écriture? Quelle est leur catégorie théologique? La plus ancienne lettre
de saint Paul qui nous a été conservée, le texte qui, dans l'absolu, est
peut-être le plus ancien du Nouveau Testament, la première lettre aux
Thessaloniciens, me semble donner une indication. L'Apôtre y écrit:
«N'éteignez pas l'Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la
valeur de toute chose, ce qui est bien, gardez-le» (5, 19-21). À toutes les
époques est donné à l'Église le charisme de prophétie, qui doit être
examiné, mais qui ne peut être déprécié. À ce sujet, il convient de tenir
compte du fait que la prophétie, au sens biblique, ne signifie pas prédire
l'avenir, mais expliquer la volonté de Dieu pour le présent, et donc montrer
la voie droite vers l'avenir. Celui qui prédit l'avenir satisfait à la
curiosité de la raison, qui désire ouvrir le voile de l'avenir; le prophète,
quant à lui, satisfait à l'aveuglement de la volonté et de la pensée, et
éclaire la volonté de Dieu comme exigence et indication pour le présent.
Dans ce cas, l'importance de la prédiction de l'avenir est secondaire. Ce
qui est essentiel, c'est l'actualisation de l'unique révélation, qui me
concerne en profondeur: la parole prophétique est un avertissement ou encore
une consolation, ou même les deux à la fois. En ce sens, on peut associer le
charisme de la prophétie à la catégorie des «signes des temps», qui a été
remise en lumière par le Concile Vatican II: «L'aspect de la terre et du
ciel, vous savez le juger; mais le temps où nous sommes, pourquoi ne
savez-vous pas le juger?» (Lc 12, 56). Par «signes des temps» dans ces
paroles de Jésus, il faut entendre son propre chemin, lui-même. Interpréter
les signes des temps à la lumière de la foi signifie reconnaître la présence
du Christ en tout temps. Dans les révélations privées reconnues par l'Église
donc aussi celle de Fatima il s'agit de ceci: nous aider à comprendre les
signes des temps et à trouver pour eux la juste réponse dans la foi.
La structure anthropologique des révélations privées
Après avoir cherché à déterminer le lieu théologique des révélations privées
par ces réflexions et avant de nous engager dans une interprétation du
message de Fatima, nous devons encore chercher brièvement à éclaircir un peu
leur caractère anthropologique (psychologique). L'anthropologie théologique
distingue en ce domaine trois formes de perception ou de «vision»: la vision
des sens, donc la perception externe corporelle, la perception intérieure et
la vision spirituelle (visio sensibilis - imaginativa - intellectualis). Il
est clair que, dans les visions de Lourdes, Fatima, etc., il ne s'agit pas
de la perception normale extérieure des sens: les images et les figures qui
sont vues ne se trouvent pas extérieurement dans l'espace, comme s'y trouve
par exemple un arbre ou une maison. Cela est absolument évident, par
exemple, en ce qui concerne la vision de l'enfer (décrite dans la première
partie du «secret» de Fatima) ou encore la vision décrite dans la troisième
partie du «secret», mais cela peut se montrer très facilement aussi pour les
autres visions, surtout parce que toutes les personnes présentes ne les
voient pas, mais en réalité seulement les «voyants». De même, il est évident
qu'il ne s'agit pas d'une «vision» intellectuelle, sans images, comme on le
trouve dans les autres degrés de la mystique. Il s'agit donc de la catégorie
intermédiaire, la perception intérieure, qui a certainement pour le voyant
une force de présence, laquelle équivaut pour lui à la manifestation externe
sensible.
Voir intérieurement ne signifie pas qu'il s'agit de fantaisies, ce qui
serait seulement une expression de l'imagination subjective. Cela signifie
plutôt que l'âme est effleurée par la touche de quelque chose de réel, même
si c'est suprasensible, et qu'elle est rendue capable de voir le
non-sensible, le non-visible par les sens - une vision avec les «sens
internes». Il s'agit de vrais «objets» qui touchent l'âme, bien qu'ils
n'appartiennent pas à notre monde sensible habituel. C'est pourquoi cela
exige une vigilance intérieure du cœur qui, la plupart du temps, n'existe
pas en raison de la pression des fortes réalités externes, des images et des
pensées qui remplissent l'âme. La personne est conduite au-delà de la pure
extériorité et les dimensions les plus profondes de la réalité la touchent,
se rendent visibles à elle. On comprendra peut-être ainsi pourquoi ce sont
précisément les enfants qui sont les destinataires privilégiés de telles
apparitions: l'âme est encore peu altérée, sa capacité intérieure de
perception est encore peu détériorée. «De la bouche des enfants, des
tout-petits, tu as fait monter la louange»; c'est par une phrase de Psaume 8
(v. 3) que Jésus répond à la critique des Chefs des Prêtres et des Anciens,
qui trouvaient inopportun le cri «Hosanna» poussé par des enfants (cf. Mt
21, 16).
La «vision intérieure» n'est pas une fantaisie, mais une manière véritable
et précise d'opérer une vérification, comme nous l'avons dit. Mais elle
comporte aussi des limites. Déjà dans les visions extérieures, il existe
aussi un facteur subjectif: nous ne voyons pas l'objet pur, mais celui-ci
nous parvient à travers le filtre de nos sens, qui doivent accomplir un
processus de traduction. Cela est encore plus évident dans la vision
intérieure, surtout lorsqu'il s'agit de réalités qui outrepassent en
elles-mêmes notre horizon. Le sujet, le voyant, est engagé de manière encore
plus forte. Il voit avec ses possibilités concrètes, avec les modalités
représentatives et cognitives qui lui sont accessibles. Dans la vision
intérieure, il s'agit encore plus largement que dans la vision extérieure
d'un processus de traduction, de sorte que le sujet est de manière
essentielle participant de la formation, sous mode d'images, de ce qui
apparaît. L'image peut advenir seulement selon ses mesures et ses
possibilités. Ces visions ne sont donc jamais de simples «photographies» de
l'au-delà, mais elles portent aussi en elles-mêmes les possibilités et les
limites du sujet qui perçoit.
On peut le montrer à travers toutes les grandes visions des saints;
naturellement, cela vaut aussi pour les visions des enfants de Fatima. Les
images qu'ils ont décrites ne sont pas en effet une simple expression de
leur fantaisie, mais le fruit d'une réelle perception d'origine supérieure
et intérieure, elles ne sont pas non plus à envisager comme si, pour un
instant, le voile de l'au-delà avait été enlevé et que le ciel apparaissait
dans ce qu'il a de purement essentiel, de la manière dont nous espérons le
voir un jour dans l'union définitive avec Dieu. Les images sont plutôt, pour
ainsi dire, une synthèse de l'impulsion qui provient d'En Haut et des
possibilités de ce fait disponibles du sujet qui perçoit, en l'occurrence
des enfants. C'est pour cela que le langage imaginatif de ces visions est un
langage symbolique. Le Cardinal Sodano dit à ce sujet: les visions «ne
décrivent pas de manière photographique les détails des événements à venir,
mais résument et condensent sur un même arrière-plan des faits qui se
répartissent dans le temps en une succession et une durée qui ne sont pas
précisées». Ce rassemblement de temps et d'espace en une image unique est
typique de telles visions, qui en règle générale ne peuvent être déchiffrées
qu'a posteriori. Dans ce domaine, on ne peut pas dire que chaque élément
visuel doive avoir un sens historique concret. C'est la vision dans son
ensemble qui compte, et c'est à partir de l'ensemble des images que les
éléments particuliers doivent être compris. Quel que soit le centre d'une
image, elle se révèle de manière ultime à partir de ce qui est le centre de
la «prophétie» chrétienne elle-même: le centre est là où la vision devient
appel et guide vers la volonté de Dieu.
Une tentative d'interprétation du «secret» de Fatima
La première et la deuxième partie du «secret» de Fatima ont déjà été
discutées amplement dans la littérature qui le concerne et qu'il n'est pas
utile de les illustrer ici une nouvelle fois. Je voudrais seulement attirer
brièvement l'attention sur le point le plus significatif. Pendant un instant
terrible, les enfants ont fait l'expérience d'une vision de l'enfer. Ils ont
vu la chute des «âmes des pauvres pécheurs». Et maintenant, il leur est dit
pourquoi ils ont été exposés à cet instant: «pour les sauver [les âmes]»
pour montrer un chemin de salut. Il vient à l'esprit la phrase de la
première lettre de Pierre: «... Sûrs d'obtenir l'objet de votre foi: le
salut des âmes» (1, 9). Comme chemin vers ce but, est indiquée de manière
surprenante pour des personnes provenant de l'ère culturelle anglo-saxonne
et allemande la dévotion au Coeur immaculé de Marie. Pour comprendre cela,
une brève indication suffira ici. «Coeur» signifie dans le langage de la
Bible le centre de l'existence humaine, la jonction entre la raison, la
volonté, le tempérament et la sensibilité, où la personne trouve son unité
et son orientation intérieure. Le «coeur immaculé» est, selon Mt 5, 8, un
coeur qui, à partir de Dieu, est parvenu à une parfaite unité intérieure et
donc «voit Dieu». La «dévotion» au Coeur immaculé de Marie est donc une
façon de s'approcher du comportement de ce coeur, dans lequel le fiat que ta
volonté soit faite devient le centre qui informe toute l'existence. Si
quelqu'un voulait objecter que nous ne devrions pas cependant interposer un
être humain entre le Christ et nous, on devrait alors se rappeler que Paul
n'a pas eu peur de dire à ses propres communautés: imitez-moi (cf. 1 Co 4,
16; Ph 3, 17; 1 Th 1, 6; 2 Th 3, 7. 9). Chez l'Apôtre, les communautés
peuvent vérifier concrètement ce que signifie suivre le Christ. De qui
pourrions-nous en tout temps apprendre d'une manière meilleure, sinon de la
Mère du Seigneur?
Ainsi, nous arrivons finalement à la troisième partie du «secret» de Fatima,
publié ici pour la première fois dans son intégralité. Comme il ressort de
la documentation précédente, l'interprétation que le Cardinal Sodano a
donnée dans son texte du 13 mai a, dans un premier temps, été présentée
personnellement à Soeur Lucie. À ce sujet, Soeur Lucie a tout d'abord
observé qu'elle avait reçu la vision, mais pas son interprétation.
L'interprétation, disait-elle, ne revient pas au voyant, mais à l'Église.
Toutefois, après la lecture du texte, elle a dit que cette interprétation
correspondait à ce dont elle avait fait l'expérience et que, pour sa part,
elle reconnaissait cette interprétation comme correcte. Donc, dans ce qui
suit, on pourra seulement chercher à donner de manière approfondie un
fondement à cette interprétation à partir des critères développés jusqu'ici.
Comme parole-clé de la première et de la deuxième parties du «secret», nous
avons découvert celle qui dit «sauver les âmes»; de même, la parole-clé de
ce «secret» est un triple cri: «Pénitence, Pénitence, Pénitence!» Il nous
revient à l'esprit le début de l'Évangile: «Pænitemini et credite evangelio»
(Mc 1, 15). Comprendre les signes des temps signifie comprendre l'urgence de
la pénitence - de la conversion - de la foi. Telle est la réponse juste au
moment historique, marqué par de graves dangers qui seront exprimés par les
images ultérieures. Je me permets de rappeler ici un souvenir personnel;
dans un colloque avec moi, Soeur Lucie m'a affirmé qu'il lui apparaissait
toujours plus clairement que le but de toutes les apparitions a été de faire
croître toujours plus dans la foi, dans l'espérance et dans la charité -
tout le reste entendait seulement porter à cela.
Examinons maintenant d'un peu plus près les différentes images. L'ange avec
l'épée de feu à la gauche de la Mère de Dieu rappelle des images analogues
de l'Apocalypse. Il représente la menace du jugement, qui plane sur le
monde. La perspective que le monde pourrait être englouti dans une mer de
flammes n'apparaît absolument plus aujourd'hui comme une pure fantaisie:
l'homme lui-même a préparé l'épée de feu avec ses inventions. La vision
montre ensuite la force qui s'oppose au pouvoir de destruction la splendeur
de la Mère de Dieu et, provenant d'une certaine manière de cette splendeur,
l'appel à la pénitence. De cette manière est soulignée l'importance de la
liberté de l'homme: l'avenir n'est absolument pas déterminé de manière
immuable, et l'image que les enfants ont vue n'est nullement un film
d'anticipation de l'avenir, auquel rien ne pourrait être changé. Toute cette
vision se produit en réalité seulement pour faire apparaître la liberté et
pour l'orienter dans une direction positive. Le sens de la vision n'est donc
pas de montrer un film sur l'avenir irrémédiablement figé. Son sens est
exactement opposé, à savoir mobiliser les forces pour tout changer en bien.
Aussi sont-elles totalement fourvoyées les explications fatalistes du
«secret» qui affirme par exemple que l'auteur de l'attentat du 13 mai 1981
aurait été, en définitive, un instrument du plan divin, guidé par la
Providence, et qu'il n'aurait donc pas pu agir librement, ou encore d'autres
idées semblables qui circulent. La vision parle plutôt de dangers et de la
voie pour en être sauvegardé.
Les phrases qui suivent dans le texte montrent encore une fois très
clairement le caractère symbolique de la vision: Dieu reste
l'incommensurable et la lumière qui dépasse toute notre vision. Les
personnes humaines apparaissent comme dans un miroir. Nous devons garder
continuellement présente cette limitation interne de la vision, dont les
limites sont ici visuellement indiquées. L'avenir se dévoile seulement
«comme dans un miroir, de manière confuse» (cf 1 Co 13, 12). Prenons
maintenant en considération les diverses images qui suivent dans le texte du
«secret». Le lieu de l'action est décrit par trois symboles: une montagne
escarpée, une grande ville à moitié en ruines et finalement une grande croix
en troncs grossiers. La montagne et la ville symbolisent le lieu de
l'histoire humaine: l'histoire comme une montée pénible vers les hauteurs,
l'histoire comme lieu de la créativité et de la convivialité humaines, mais
en même temps comme lieu de destructions, par lesquelles l'homme anéantit l'oeuvre
de son propre travail. La ville peut être lieu de communion et de progrès,
mais aussi lieu des dangers et des menaces les plus extrêmes. Sur la
montagne se trouve la croix - terme et point de référence de l'histoire. Par
la croix, la destruction est transformée en salut; elle se dresse comme
signe de la misère de l'histoire et comme promesse pour elle.
Ici, apparaissent ensuite deux personnes humaines: l'évêque vêtu de blanc
(«nous avons eu le pressentiment que c'était le Saint-Père»), d'autres
évêques, des prêtres, des religieux et religieuses, et enfin des hommes et
des femmes de toutes classes et toutes catégories sociales. Le Pape semble
précéder les autres, tremblant et souffrant à cause de toutes les horreurs
qui l'entourent. Non seulement les maisons de la ville sont à moitié
écroulées, mais son chemin passe au milieu de cadavres des morts. La marche
de l'Église est ainsi décrite comme un chemin de croix, comme un chemin dans
un temps de violence, de destruction et de persécutions. On peut trouver
représentée dans ces images l'histoire d'un siècle entier. De même que les
lieux de la terre sont synthétiquement représentés par les deux images de la
montagne et de la ville, et sont orientés vers la croix, de même aussi les
temps sont présentés de manière condensée: dans la vision, nous pouvons
reconnaître le siècle écoulé comme le siècle des martyrs, comme le siècle
des souffrances et des persécutions de l'Église, comme le siècle des guerres
mondiales et de beaucoup de guerres locales, qui en ont rempli toute la
seconde moitié et qui ont fait faire l'expérience de nouvelles formes de
cruauté. Dans le «miroir» de cette vision, nous voyons passer les témoins de
la foi de décennies. À ce sujet, il semble opportun de mentionner une phrase
de la lettre que Soeur Lucie a écrite au Saint-Père le 12 mai 1982: «La
troisième partie du "secret" se réfère aux paroles de Notre-Dame: "Sinon [la
Russie] répandra ses erreurs à travers le monde, favorisant guerres et
persécutions envers l'Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura
beaucoup à souffrir, diverses nations seront détruites"».
Dans le chemin de croix de ce siècle, la figure du Pape a un rôle spécial.
Dans sa pénible montée sur la montagne, nous pouvons sans aucun doute
trouver rassemblés différents Papes qui, depuis Pie X jusqu'au Pape actuel,
ont partagé les souffrances de ce siècle et se sont efforcés d'avancer au
milieu d'elles sur la voie qui mène à la croix. Dans la vision, le Pape
aussi est tué sur la voie des martyrs. Lorsque, après l'attentat du 13 mai
1981, le Pape se fit apporter le texte de la troisième partie du «secret»,
ne devait-il pas y reconnaître son propre destin? Il a été très proche des
portes de la mort et il a lui-même expliqué de la manière suivante comment
il a été sauvé: «C'est une main maternelle qui guida la trajectoire de la
balle et le Pape agonisant s'est arrêté au seuil de la mort» (13 mai 1994).
Qu'ici une «main maternelle» ait dévié la balle mortelle montre seulement
encore une fois qu'il n'existe pas de destin immuable, que la foi et la
prière sont des puissances qui peuvent influer sur l'histoire et que, en
définitive, la prière est plus forte que les projectiles, la foi plus
puissante que les divisions.
La conclusion du «secret» rappelle des images que Sœur Lucie peut avoir vues
dans des livres de piété et dont le contenu provient d'anciennes intuitions
de foi. C'est une vision consolante, qui veut qu'une histoire de sang et de
larmes soit perméable à la puissance de guérison de Dieu. Des Anges
recueillent sous les bras de la croix le sang des martyrs et irriguent ainsi
les âmes qui s'approchent de Dieu. Le sang du Christ et le sang des martyrs
doivent être considérés ensemble: le sang des martyrs jaillit des bras de la
croix. Leur martyre s'accomplit en solidarité avec la passion du Christ, il
devient un tout avec elle. Ils complètent pour le Corps du Christ ce qui
manque encore à ses souffrances (cf. Col 1, 24). Leur vie est devenue
elle-même eucharistie, incorporée dans le mystère du grain de blé qui meurt
et qui devient fécond. Le sang des martyrs est semence de chrétiens, a dit
Tertullien. De même que de la mort du Christ, de son côté ouvert, est née
l'Église, de même la mort des témoins est féconde pour la vie future de
l'Église. La vision de la troisième partie du «secret», tellement
angoissante à ses débuts, s'achève donc sur une image d'espérance: aucune
souffrance n'est vaine, et précisément une Église souffrante, une Église des
martyrs, devient un signe indicateur pour l'homme à la recherche de Dieu.
Dans les mains amoureuses de Dieu sont accueillies non seulement les
personnes qui souffrent comme Lazare, qui a trouvé une grande consolation et
qui mystérieusement représente le Christ, Lui qui a voulu devenir pour nous
le pauvre Lazare; mais il y a plus encore: des souffrances des témoins
provient une force de purification et de renouveau, parce qu'elle est une
actualisation de la souffrance même du Christ, et qu'elle transmet
aujourd'hui son efficacité salvatrice.
Nous sommes ainsi arrivés à une ultime interrogation: que signifie dans son
ensemble (dans ses trois parties) le «secret» de Fatima? Que nous dit-il à
nous? Avant tout, nous devons affirmer avec le Cardinal Sodano: «Les
situations auxquelles fait référence la troisième partie du "secret" de
Fatima semblent désormais appartenir au passé». Dans la mesure où des
événements particuliers sont représentés, ils appartiennent désormais au
passé. Ceux qui attendaient des révélations apocalyptiques excitantes sur la
fin du monde et sur le cours futur de l'histoire seront déçus. Fatima
n'offre pas de telles satisfactions à notre curiosité, comme du reste en
général la foi chrétienne ne veut pas et ne peut pas être une pâture pour
notre curiosité. Ce qui reste, nous l'avons vu dès le début de notre
réflexion sur le texte du «secret»: l'exhortation à la prière comme chemin
pour le «salut des âmes» et, dans le même sens, l'appel à la pénitence et à
la conversion.
Je voudrais enfin reprendre encore une autre parole-clé du «secret» devenue
célèbre à juste titre: «Mon Coeur immaculé triomphera». Qu'est-ce que cela
signifie? Le Coeur ouvert à Dieu, purifié par la contemplation de Dieu, est
plus fort que les fusils et que les armes de toute sorte. Le fiat de Marie,
la parole de son coeur, a changé l'histoire du monde, parce qu'elle a
introduit le Sauveur dans le monde car, grâce à son «oui», Dieu pouvait
devenir homme dans notre monde et désormais demeurer ainsi pour toujours. Le
Malin a du pouvoir sur ce monde, nous le voyons et nous en faisons
continuellement l'expérience; il a du pouvoir parce que notre liberté se
laisse continuellement détourner de Dieu. Mais, depuis que Dieu lui-même a
un coeur d'homme et a de ce fait tourné la liberté de l'homme vers le bien,
vers Dieu, la liberté pour le mal n'a plus le dernier mot. Depuis lors,
s'imposent les paroles: «Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais
ayez confiance; moi je suis vainqueur du monde» (Jn 16, 33). Le message de
Fatima nous invite à nous fier à cette promesse.
JosephCard. Ratzinger
Préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi
IV. NOTES
(1) Du journal de Jean XXIII, 17 août 1959: «Audience: P. Philippe,
Commissaire du S.O., qui me porte la lettre contenant la troisième partie du
secret de Fatima. Je me réserve de la lire avec mon confesseur».
(2) Il faut se rappeler le commentaire que le Saint-Père fit à l'audience
générale du 14 octobre 1981 sur «l'événement du mois de mai: grande épreuve
divine»: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, IV, 2, Cité du Vatican (1981),
pp. 409-412.
(3) Radiomessage durant la Messe dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure.
Vénération, remerciements et consécration à la Vierge Marie, la Théotokos:
Insegnamenti di Giovanni Paolo II, IV, 1, Cité du Vatican (1981), p. 1246.
(4) Au cours de la journée jubilaire des familles, le Pape consacre à la
Vierge Marie les hommes et les nations: Insegnamenti di Giovanni Paolo II,
VII, 1, Cité du Vatican (1984), pp. 775-777: La Documentation catholique 81
(1984), p. 287.
(5) Le document offre ici la photocopie du texte original en portugais.
(6) Dans le «quatrième mémoire» du 8 décembre 1941, Soeur Lucie écrit: «Je
commence donc mon nouveau devoir et j'obéirai aux ordres de Votre Excellence
Révérendissime et aux désirs du Docteur Galamba. Hormis la part du secret
qu'il ne m'est pas permis de révéler maintenant, je dirai tout. Je ne tairai
rien volontairement. J'admets que je pourrai oublier quelques détails de
minime importance».
(7) Dans le «quatrième mémoire» cité précédemment, Soeur Lucie ajoute: «Au
Portugal, se conservera toujours le dogme de la foi, etc.».
(8) Dans la traduction, on a respecté le texte original, même dans les
imprécisions de ponctuation, qui n'empêchent d'ailleurs pas la compréhension
de ce que la voyante a voulu dire.
Sources : hmissa
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.05.2010 -
T/Voyage Portugal
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