 |
Quand la synodalité est contredite par les faits. Journal de guerre
de l’Église syro-malabare
|
Le 06 février 2025 -
E.S.M.
- En l’espace de
quelques semaines, le Pape François a élevé de simple
prêtre à évêque, puis cardinal et enfin préfet du
Dicastère pour le dialogue interreligieux l’Indien
George Jacob Koovakad, 51 ans, qui est depuis quatre ans
– et sera encore à l’avenir – l’organisateur de ses
voyages à travers le monde.
S.M.
|
|
Pour agrandir
l'image ►
Cliquer
Quand la synodalité est contredite par les faits. Journal de guerre de
l’Église syro-malabare
Le 06 février 2025 -
E.S.M. -
En l’espace de quelques semaines, le Pape François a élevé de simple
prêtre à évêque, puis cardinal et enfin préfet du Dicastère pour le
dialogue interreligieux l’Indien George Jacob Koovakad, 51 ans, qui est
depuis quatre ans – et sera encore à l’avenir – l’organisateur de ses
voyages à travers le monde.
Fort heureusement, le nouvel élu ne devra
s’occuper que du dialogue « ad extra » avec les autres religions parce
que pour ce qui est du dialogue « ad intra », il est issu d’une Église
qui ne pourrait pas être plus divisée, et même en opposition frontale
avec le Pape
Mgr Koovakad appartient à l’Église catholique syro-malabare, qui
compte 4,5 millions de fidèles qui résident pour la plupart dans le Sud
de l’Inde, dans l’État du Kerala, où il a été ordonné évêque le 24
novembre dernier. Il s‘agit d’une Église dont les origines remontent aux
premiers siècles, elle a été fondée par l’apôtre Thomas dont le tombeau
est vénéré à Chennai (Madras), elle appartient à la famille
syro-orientale, avec un gouvernement autonome de modèle synodal et elle
est dotée d’une liturgie eucharistique propre, y compris la très
ancienne anaphore d’Addai et Mari qui est la seule à ne pas inclure les
paroles de Jésus sur le pain et le vin offerts comme son corps et son
sang
Depuis le XVIè siècle, après l’arrivée des Portugais, l’Église
syro-malabare a été fortement latinisée, avant de récupérer, avant et
après le Concile Vatican II, certaines de ses caractéristiques
ancestrales. L’une d’elles concerne la position des célébrants pendant
la « Qurbana », la messe. En 2021, le
synode de l’Église syro-malabare tout entière a défini
définitivement et à l’unanimité que les célébrants devaient être tournés
vers le peuple pendant la liturgie de la parole et la bénédiction
finale, mais avec le dos au peuple et tournés vers l’autel pendant la
liturgique eucharistique
C’est là que les romains s’empoignèrent. Car la quasi-totalité des
nombreux prêtres du siège primatial, l’archéparchie d’Ernakulam-Angamaly,
désobéirent à l’ordre et s’obstinèrent à célébrer toute la messe tournés
vers le peuple. L’archevêque majeur de l’archéparchie, le cardinal
George Alancherry, déjà mal vu de ses fidèles et durement mis en cause
dans une
affaire de malversation, ainsi que son administrateur apostolique
nommé par le Pape, l’archevêque Andrews Thazhath, par ailleurs ancien
président de la Conférence épiscopale indienne, se sont retrouvés
presque seuls contre tous à défendre la décision du synode
Le climat s’était dégradé à tel point que Mgr Thazhath devait
célébrer la messe sous protection policière pendant que les factions
rivales s’affrontaient physiquement jusque dans les églises et qu’il a
fallu fermer la cathédrale de Sainte-Marie à Ernakulam pendant plusieurs
mois
Pendant ce temps, à Rome, le Pape François avait mis en branle le
synode sur la synodalité, avec l’intention ouvertement déclarée
d’étendre à toute l’Église ce modèle de gouvernement collégial. Et c’est
donc le Pape qui souhaitait avant toute chose que les normes décidées
par le synode syro-malabar de 2021 soient respectée
À l’été 2023, pour mettre un terme à la controverse, le Pape a
dépêché en ces terres rebelles, en tant que délégué expert en la
matière, le jésuite Cyril Vasil, archevêque de l’éparchie grecque
catholique de Košice en Slovaquie et ancien Secrétaire du Dicastère pour
les Églises orientales
Mgr Vasil est arrivé à Ernakulam le 4 août avec en main un message du
Pape qui appelait les fidèles à l’obéissance. Mais il n’a ni réussi à
faire lire ce message dans toutes les églises ni même à entrer lui-même
dans la cathédrale sauf sous la protection de la police. L’alternative
qu’il présentait ne souffrait aucune médiation, malgré les tentatives
d’un quarteron d’évêques et de prêtres de la région. À l’entendre, soit
on obéissait au pape et donc aux délibérations du synode, soit aux
« fauteurs de troubles qui conduisent à la perdition ». Pour finir, on
lui a jeté au visage des œufs et des invectives
Malgré
l’échec de l’expédition de Mgr Vasil, le Pape François a refusé de
jeter l’éponge. Début décembre 2023, il a accepté les démissions du
controversé cardinal Alencherry et de son bras droit Thazhath, avant
d’adresser aux fidèles syro-malabars un
message vidéo traduit notamment en
malayalam, la langue locale, pour demander à nouveau l’obéissance
absolue, en précisant que la seule alternative était le schisme :
« Soyez Église, ne devenez pas une secte. N’obligez pas les autorités
ecclésiastiques compétentes à prendre acte que vous êtes sortis de
l’Église, parce que vous ne seriez plus en communion avec vos pasteurs
et avec le successeur de l’apôtre Pierre »
Mais même après ce message vidéo, le Pape n’est toujours pas parvenu
à obtenir l’obéissance demandée. En janvier, il a nommé un nouvel
archevêque majeur de l’Église syro-malabare en la personne de Raphaël
Thattil, flanqué de l’administrateur apostolique Bosco Puthur
Et le 13 mai 2024, en recevant en
audience à Rome les évêques syro-malabars avec une abondante
délégation de fidèles, le Pape François a une nouvelle fois essayé de
convaincre les rebelles d’obéir
Pour s’attirer leurs bonnes grâces, il a offert à l’Église
syro-malabare, à la surprise de tous, un nouveau rôle de prestige
international: celui de prendre soin des centaines de milliers de
migrants partis du Kerala pour aller travailler dans le Golfe aux
Émirats arabes unis, « afin que le grand patrimoine liturgique,
théologique, spirituel et culturel de votre Église puisse resplendir
encore davantage ». Et il les a exhortés à passer à l’action « tout de
suite », sans attendre que cette juridiction soit confirmée
canoniquement « sur papier » d’autant que ces formalités doivent être
introduites et obtenues au Vatican
Mais ensuite, François a insisté encore une fois sur ce qui lui
tenait à cœur : « Manquer gravement de respect envers le
Très-Saint-Sacrement, le sacrement de la charité et de l’unité, en
discutant de détails sur la célébration de cette eucharistie qui est le
sommet de sa présence adorée parmi nous, c’est incompatible avec la foi
chrétienne. […] C’est là que le diable, le diviseur, s’immisce, pour
s’opposer au désir le plus cher que le Seigneur a exprimé avant de se
livrer pour nous : que nous, ses disciples, ‘soyons tous un’ (Jn 17,
21), sans nous diviser, sans briser la communion »
En juin, le nouvel archevêque majeur de l’Église syro-malabare a
adressé au clergé une
circulaire avec la demande définitive d’obéir aux décisions du
synode de 2021
Cette circulaire était censée être lue dans toutes les églises, mais
ça n’a été le cas que dans quelques-unes. À la date du 3 juillet, date
d’échéance de l’ultimatum, les prêtres qui n’auraient pas obéir étaient
censés être excommuniés. Mais dans les faits, cette circulaire a été
tout bonnement brûlée ou jetée à la poubelle, à grand renfort de
protestations. Et
cinq évêques des diocèses voisins se sont également insurgés contre
la menace d’excommunier les prêtres désobéissants dans une lettre
adressée à l’archevêque majeur, alors qu’en revanche – écrivaient-ils –
« il aurait fallu écouter le Pape François », qui lors de l’audience du
13 mai « nous a dit que c’était à nous de résoudre ce problème en
synode », et pas à travers une injonction unilatérale venue d’en haut
En effet, le 1er juillet, le synode de l’Église
syro-malabare est arrivé à
une proposition d’accord valide pour l’ensemble des 36 diocèses, en
vertu de laquelle, à partir du 3 juillet, jour de la fête de l’apôtre
saint Thomas, on célébrerait tous les dimanches la messe selon les
règles du synode de 2021 tandis que tous les autres jours, on aurait pu
la célébrer face au peuple
Mais cette proposition n’a pas suffi à apaiser la rébellion, qui a
dégénéré en grève des fonctionnaires de curie de l’éparchie suite aux
conséquences toujours sans solution de la mauvaise gestion
administrative des années précédentes
En octobre, l’archevêque a réagi à cette grève, qui s’est accompagnée
d’une occupation des bureaux de la curie, en
remplaçant les chefs des différents services. Ce qui a eu pour effet
d’alimenter une nouvelle vague de protestations, surtout après la
promotion au poste de chancelier de Joshy Puthuva, l’ancien bras droit
administratif du cardinal Alencherry, considéré comme le principal
coupable de ces malversations
Le fait est qu’environ 300 prêtres de l’archéparchie se sont
rassemblés dans la cathédrale pour condamner ces nouvelles nominations,
dont n’ont bénéficié, à les entendre, que des personnes hostiles à la
célébration de la messe vers le peuple
La personnalité la plus contestée, encore davantage que l’archevêque,
était l’administrateur apostolique Bosco Puthur. « C’est un dictateur »,
a dit de lui un chef de rebelles, le prêtre Kuriakose Mundadan,
secrétaire du conseil presbytéral de l’archéparchie. Une circulaire de
Mgr Puthur, envoyée début novembre pour exiger aux nouveaux prêtres
qu’ils obéissent aux normes de 2021 et aux autres de s’en tenir à tout
le moins à la solution de compromis du 1er juillet 2024, a
été brûlée et jetée au feu devant les portes de plusieurs églises (voir
photo)
Au cours des semaines suivantes, les prêtres considérés comme
appartenant à la même ligne que l’archevêque et l’administrateur
apostolique ont été empêchés d’entrer dans leurs églises respectives, ce
qui a donné lieux à des contre-attaques de leurs fidèles, partis à
l’assaut pour reprendre possession de ces mêmes églises
Début janvier de cette année, 21 prêtres sont même allés jusqu’à
occuper plusieurs heures l’immeuble de l’archéparchie. Et le prêtre
Joyce Kaithakottil a mené une grève de la faim pendant trois jours aux
abords de la cathédrale Saint-Georges d’Angamaly pour défendre la
célébration de la messe entièrement face au peuple
Le synode de l’Église syro-malabare a déploré toutes ces actions.
Mais encore une fois, en se retrouvant face à un mur, comme cela avait
déjà été cas après les débats liturgiques de 2021 et de 2024
Comme quoi, à l’épreuve des faits, cette belle synodalité préconisée
par le Pape François comme étant la panacée de l’Église peut tout aussi
bien échouer lamentablement
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
Les lecteurs qui
désirent consulter les derniers articles publiés par le site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent
cliquer sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.02.2025
|