Un regard juif sur le drame
palestinien |
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Le 06 février 2009 -
(E.S.M.)
- Hervé Élie Bokobza, un penseur juif très érudit est
intervenu à l’Institut catholique de Paris pour une conférence sur Jésus
au regard du judaïsme. Car il est très curieux de savoir ce que pensent
les autres religions et admire en particulier le pape Benoît XVI.
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Hervé Élie Bokobza
Un regard juif sur le drame palestinien
Le 06 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Enseignant, auteur des plus érudits, le penseur juif Hervé Élie Bokobza
(ci-contre) envisage la paix entre Israël et la Palestine à la lumière de la
Torah. Pour lui la seule réponse politique acceptable réside dans la
constitution d’un État palestinien à côté de celui d’Israël.
Une solution pour régler ce conflit qui n’a que trop duré ?
Denis Sureau
Les tragiques évènements de la Terre Sainte montrent à quel point il est
difficile de raison garder face à ce nouveau déchaînement de haine et de
violence. Même entre chrétiens, aborder le problème provoque souvent des
réactions aussi brutales que celles que suscitait jadis l’affaire Dreyfus.
Gazage à Gaza devenu « camp de concentration », selon l’expression
forte du cardinal Martino, ou droit de légitime défense du peuple israélien
vivant sous la peur des tirs de roquettes : chacun avance ses arguments.
Terrorisme du Hamas, contre-terrorisme de Tsahal : on compte les points, et
surtout les morts. Qui a commencé ? On n’est pas dans une cour de
récréation, et tous les belligérants sont coupables dans une guerre qui est
tout sauf juste. Et le même scénario se reproduit d’année en année, depuis
60 ans. Le risque est grand de l’amalgame : certains aiment à présenter
l’affrontement comme un conflit entre juifs et musulmans, prenant le risque
de l’importer dans notre pays. C’est oublier que les citoyens de l’État
d’Israël ne sont pas tous juifs (et que, même parmi les
Juifs, seule une minorité est pratiquante), pas plus que tous les
Palestiniens ne sont musulmans (et encore moins
islamistes). Plus profondément, les plus religieux parmi les
juifs et les musulmans ne sont pas nécessairement les plus va-t-en-guerre.
Un auteur lucide
J’ai eu ainsi l’occasion de dialoguer, dans mon émission de Lumière de
l’Espérance (la radio du dimanche de Radio Courtoisie),
avec Hervé Élie Bokobza, un penseur juif très érudit. Il est l’auteur d’un
essai intitulé Israël-Palestine, la paix à la lumière de la Torah, publié
l’an dernier aux Éditions de L’Œuvre (1). Auparavant, après une formation
supérieure talmudique et rabbinique en France, aux États-Unis et en Israël,
il avait publié quatre ouvrages en hébreu consacrés au Talmud et aux Sages
d’Israël – ouvrages salués par les plus hautes autorités religieuses juives.
Il est enseignant et conférencier à Paris auprès de la Communauté juive
libérale, du Mouvement juif libéral de France, et du Centre communautaire de
Paris. Le 10 janvier, il est intervenu à l’Institut catholique de Paris pour
une conférence sur Jésus au regard du judaïsme. Car il est très curieux de
savoir ce que pensent les autres religions et admire en particulier le pape
Benoît XVI.
Pour résumer très brièvement les conclusions d’Hervé Élie Bokobza au terme
d’exégèses parfois déconcertantes pour un chrétien, la Bible et la tradition
juive enseignent que « l’appartenance au peuple du Livre n’implique pas
de lien identitaire avec une terre et moins encore à une idéologie
nationaliste. » Le sionisme exaltant le retour à la terre des ancêtres
n’est pas un idéal venu du cœur du judaïsme mais participe plutôt d’un
mouvement laïc de transformation de l’identité juive en une identité
nationale, à l’instar des « autres nations ». En un mot, « l’idéologie
politique et nationale de l’État d’Israël ne fonde pas ce qui constitue le
Juif. » L’identité juive doit être soigneusement distinguée de l’État
d’Israël.
Cela étant précisé, même si certains courants juifs dits « orthodoxes
» sont violemment antisionistes, Hervé Élie Bokobza partage avec d’autres
juifs modérés (tel le rabbin Philippe Haddad, qui a
préfacé son livre) la conviction qu’après la Shoah, la création
de l’État d’Israël a pu être vécue par beaucoup comme une nécessité vitale.
Cependant, même s’il a été fondé par des Juifs, il faut l’envisager tel
qu’il existe concrètement, sans se préoccuper de l’appartenance ethnique ou
religieuse de ses habitants.
Une cohabitation possible
Plus encore, l’existence de l’État d’Israël ne doit pas s’affirmer par la
négation de l’existence du peuple palestinien. Rien dans le judaïsme ne
s’oppose à cette existence. Puisque deux peuples vivent sur le même
territoire, la seule réponse politique acceptable, affirme Hervé Élie
Bokobza, réside dans la constitution d’un État palestinien à côté de celui
d’Israël. Au contraire, « toutes les guerres menées par l’État d’Israël
ont été une cause de grand danger, non seulement pour ses propres habitants,
mais aussi pour les civils des pays voisins ». Les armes de la guerre
n’offrent aucune solution face au terrorisme. Lorsqu’elles empêchent les
Palestiniens de renforcer leur gouvernement, elles constituent même des
actes assimilables à des guerres de conquête et condamnés à ce titre par la
Bible et le Talmud. À la spirale mimétique de la violence, pour reprendre la
terminologie de René Girard, tous les hommes véritablement religieux doivent
opposer une vision de paix et de réconciliation, comme l’Église par la voix
de ses papes ne cesse de le rappeler, sans se lasser. Pax, salam, shalom.
Sources : L’Homme Nouveau N° 1438
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 05.02.2009 -
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