150e anniversaire de la mort du curé
d'Ars: Comment un prêtre de campagne a évangélisé le monde |
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Le 05 mai 2009 -
(E.S.M.)
- A l'occasion du 150e anniversaire de la mort de saint
Jean-Marie Vianney, le Pape Benoit XVI souhaite le proclamer "patron de tous les prêtres de
l'univers" (il est pour l'instant patron des curés).
Le curé d'Ars a longtemps été érigé comme modèle dans les
séminaires.
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Le curé d'Ars
150e anniversaire de la mort du curé
d'Ars
Comment un prêtre de campagne a évangélisé le monde
Le 05 mai 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- A l'occasion du 150e anniversaire de la mort de saint Jean-Marie Vianney,
le Pape Benoit XVI souhaite le proclamer "patron de tous les prêtres de
l'univers" (il est pour l'instant patron des curés).
Le curé d'Ars a longtemps été érigé comme modèle dans les séminaires. Ce
pauvre et humble prêtre, qui a vécu tout son ministère au fin fond du
département de l'Ain, a-t-il encore quelque chose à dire aux chrétiens du
xxi siècle?
Jean-Marie Vianney est mort le 4 août 1859; il s'est éteint dans une
profonde sérénité, entouré de ses familiers, au pied de son lit. Quand on
vient en pèlerinage à Ars, on peut voir encore sa chambre telle qu'elle
était au moment de sa mort. Il avait 73 ans.
Cette année 2009, il y aura donc 150 ans qu'il nous a quittés. Depuis sa
mort, de nombreux événements ont eu lieu, qui ont contribué à étendre son
rayonnement dans le monde entier. J'en énumère quelques-uns, parmi les plus
importants:
Il a été béatifié le 8 janvier 1905 par le Pape saint Pie X qui, le 12 avril
suivant, le déclare "patron de tous les prêtres ayant charge d'âmes en
France et dans toutes les contrées soumises à la France".
Le 31 mai 1925, il a été canonisé par le Pape Pie xi qui l'a déclaré patron
de tous les curés de l'univers catholique, le 23 avril 1929.
A l'occasion du centième anniversaire de la mort du saint curé, le Pape Jean
xxiii lui a consacré une encyclique entière.
Rares sont les saints qui ont fait l'objet d'une encyclique de la part d'un
Pape. Enfin, le 6 octobre 1986, Jean-Paul ii est venu comme pèlerin à Ars.
Au cours de la messe qu'il a célébrée sur une grande prairie, à proximité du
village, il a dit dans son homélie: "Le Christ s'est bien arrêté ici, à Ars,
au temps où Jean-Marie Vianney y était curé. Oui, il s'est arrêté. Il a vu
les foules des hommes et des femmes du siècle dernier qui "étaient
fatiguées", comme des brebis sans berger. Le Christ s'est arrêté ici comme
le Bon Pasteur".
Qu'est-ce qui a amené l'Eglise à entourer cet obscur prêtre de campagne
d'une telle considération? Qu'est-ce qui a conduit les foules à le couvrir
d'éloges, à venir se presser autour de lui, à le considérer comme un saint
dès son vivant? On peut répondre sans hésiter et sans risque de se tromper:
c'est parce que ce prêtre a été un grand évangélisateur; c'est parce que ses
paroles et sa vie touchaient les cœurs à une grande profondeur. C'est parce
que, comme l'a dit Jean-Paul ii dans son homélie du 6 octobre 1986, toute sa
vie rappelait celle de Jésus. Elle en était comme le miroir: "Le Christ
s'est arrêté à Ars!".
Comment ce prêtre, apparemment sans grande capacité, a-t-il évangélisé?
Quels sont les moyens dont il s'est servi?
A la différence des missionnaires qui partent au loin, pour faire connaître
l'Evangile à des populations qui n'ont jamais entendu parler du Christ,
Jean-Marie Vianney, lui, est resté sur place; durant quarante et un ans, il
a été curé de la même paroisse.
Le premier enseignement qu'il nous donne, c'est bien celui-là:
l'évangélisation ne consiste pas d'abord à partir au loin. On peut rester
sur place! Mais, quel que soit l'endroit où l'on se trouve, il faut y
demeurer, à la manière de Jésus. C'est-à-dire que la vie du véritable
évangélisateur est une route qui conduit vers Jésus.
Le grand tourment de Mère Teresa était justement celui-là: "J'ai peur,
di-sait-elle, qu'on ne regarde que moi et que l'on oublie Jésus". Quel
que soit le lieu où nous sommes, notre vie peut conduire à Jésus. Mais elle
peut aussi ne pas faire penser à Lui, ou même parfois, elle peut Lui faire
écran. C'est l'enjeu de toute vie chrétienne.
Peu importe donc le lieu! Mais, par contre, ce que l'on "est" est capital.
Jean-Marie Vianney "était" prêtre; il s'est mis progressivement à
l'être, pleinement, totalement, si bien qu'il n'y avait plus de distance
entre le Christ et lui. L'un des pèlerins disait, après avoir rencontré le
curé d'Ars: "J'ai vu Dieu dans un homme". Jean-Marie Vianney faisait
penser au Christ, Bon Pasteur.
Les moyens qu'il a utilisés sont extrêmement simples: ce sont ceux qui sont
à la disposition de tout prêtre: la prière, les sacrements, la catéchèse, le
service des pauvres. Bref, la charité pastorale, partout et toujours! D'une
certaine façon, il a fait tout ce que font les prêtres sans rien y ajouter,
mais l'a fait avec un tel élan, un tel engagement de toute sa personne, que
les moyens les plus ordinaires ont produit des fruits exceptionnels. Comme
le dit Bernanos, à propos de saint François d'Assise, sous sa main, ses
actions se sont mises à fleurir comme une haie de printemps.
Par exemple, la prière. Quoi de plus naturel pour un prêtre que de prier.
Mais chez Jean-Marie Vianney, la prière était devenue la respiration de son
âme. C'était l'horizon sur lequel se détachait la moindre de ses activités
Une prière constante! Elle fut le premier signe qui révéla aux paroissiens
d'Ars qu'ils n'avaient pas accueilli chez eux un curé comme les autres.
Les paysans qui partaient tôt le matin dans les champs voyaient briller déjà
une petite lumière à travers les fenêtres de l'église. On s'interrogeait! Et
bien vite, on comprit que le curé était debout avant tout le monde. Dès 3-4
heures du matin, il se tenait au pied du tabernacle comme "un petit chien
aux pieds de son maître", ainsi qu'il aimait à le dire. Et les gens
disaient: on a un curé qui vit dans l'église.
Et que demandait-il dans sa prière? Par certaines de ses confidences, on
sait qu'une ardente et fréquente supplication montait de ses lèvres:
"Seigneur, convertissez ma paroisse". Il savait que la clé de la fécondité
de son ministère était entre les mains de Dieu et non pas entre les siennes.
L'évangélisateur peut bien apporter l'eau, l'engrais qui va faire grandir
les plantes, mais "c'est Dieu qui donne la croissance".
Sa foi en la puissance de Dieu irradiait son ministère. C'est ce qui
frappait les gens du village! Eux-mêmes, à son contact, se transformèrent
progressivement. La foi du curé passait dans le cœur des paroissiens.
Beaucoup d'entre eux prirent l'habitude, au cours de la journée, de venir
prier dans l'église!
A la prière du prêtre s'ajoutait sa pauvreté. Celle-ci impressionnait. En
vivant détaché de tout, il montrait que Dieu était sa vraie, sa seule
richesse! La pauvreté voulait dire, chez lui: "Je suis tout à Dieu!".
Comme la prière, sa pauvreté conduisait vers Dieu.
De tous les sacrements qu'un curé célèbre dans sa paroisse, il en est un
auquel Jean-Marie Vianney a donné une place considérable, c'est celui du
pardon!
Au cours des vingt-cinq dernières années de son ministère à Ars, il a passé
en moyenne douze heures par jour au confessionnal. Ce n'est pas que
Jean-Marie Vianney avait programmé à l'avance qu'il en irait ainsi dans son
ministère. C'est plus simplement l'arrivée de plus en plus nombreuse de
pénitents qui voulaient s'adresser à lui. Il s'est alors rendu disponible.
Il s'est littéralement laissé envahir! Dès 4 heures du matin, il accueillait
les pénitents. S'il acceptait de se rendre ainsi disponible, c'était parce
qu'il avait compris - à une grande profondeur - que c'est dans le cœur de
l'homme que se livrent les combats les plus violents entre le Bien et le
Mal, entre l'accueil de la volonté de Dieu et son refus! C'est dans son cœur
que l'homme joue sa destinée! Pour rendre la paix à celui qui s'est détourné
du chemin de l'Evangile, il faut que la grâce de Dieu le rejoigne là où il
est tombé; il faut que lui soit offerte la possibilité de remettre lui-même
sa faute sous le regard de la miséricorde de Dieu. Cela suppose une
rencontre personnelle dans laquelle le péché est avoué et où le pécheur
s'entend clairement pardonné.
Le temps passé au confessionnal n'a pourtant jamais supprimé celui qu'il
consacrait au catéchisme. Car le curé d'Ars avait compris l'importance de
l'enseignement pour faire grandir la foi. Cet homme sans grande instruction
s'était mis à enseigner les enfants et les adultes par des catéchèses
quotidiennes. Il touchait les intelligences par son vocabulaire simple, par
ses images expressives; la force de persuasion avec laquelle il parlait
atteignait les cœurs. Surtout, on sentait qu'il faisait ce qu'il disait. Sa
parole était remplie par sa vie! Elle opérait alors comme le feu!
Dans ces conditions, il était inévitable que ce curé tout donné à Dieu fût
sensible, non seulement à la misère spirituelle, mais aussi à la misère
matérielle de ceux qu'il côtoyait. Il y avait, bien sûr, ceux qui venaient
mendier leur pain à la porte du presbytère; ceux à qui il donnait parfois
ses chaussures, le vêtement chaud qu'on venait de lui acheter, voire même sa
propre chemise, etc. Mais il prit des initiatives hardies également dans le
domaine social. La plus spectaculaire, venant de lui, le curé sans
ressources, ce fut la construction d'un orphelinat pour les jeunes filles
qui étaient abandonnées, jetées à la rue, dans cette terrible période qui
suivit la Révolution. Il y abrita jusqu'à quarante pensionnaires, avec la
charge de nourrir et d'éduquer tout ce monde.
Il faut ajouter la construction de deux écoles, l'une de garçons et l'autre
de filles. Ces enfants et ces adolescents, parce qu'ils étaient pauvres,
occupés déjà aux travaux des champs, ne pouvaient pas aller à l'école. La
fréquentation scolaire était réservée aux riches. Bref ce curé, pauvre et
sans moyens, fit face sur tous les fronts!
Comment ne pas prier aujourd'hui, dans son intercession, pour que chacun
d'entre nous, nous trouvions les chemins de l'évangélisation pour notre
temps! Ce simple curé de campagne nous apprend que la vie chrétienne est une
marche en constante progression. Nous ne sommes jamais arrivés au but! Aussi
nous aide-t-il à relever le défi que signalait Jean-Paul ii dans son
exhortation sur l'Eglise en Europe: "Un tel défi consiste souvent non pas
tant à baptiser les nouveaux convertis qu'à conduire les baptisés à se
convertir au Christ et à son Evangile" (n. 47).
Guy Bagnard
Evêque de Belley-Ars

Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
(©L'Osservatore Romano - 5 mai 2009)
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 05.05.09 -
T/Benoît XVI |