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Assemblée plénière des évêques à Lourdes:
Discours d'ouverture du card. Vingt-Trois
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Le 05 avril 2011 -
(E.S.M.)
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L'Assemblée plénière des évêques de printemps se déroule à Lourdes
du 5 au 8 avril, discours du cardinal Vingt-Trois :
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Le cardinal Vingt-Trois
Assemblée plénière des évêques à Lourdes:
Discours d'ouverture du card. Vingt-Trois
Le 05 avril 2011 - E.
S. M. - L'Assemblée plénière des évêques de printemps se
déroule à Lourdes du 5 au 8 avril
En cette Assemblée de printemps, le père André Talbot, apportera un
éclairage théologique à la réflexion amorcée l'année dernière par le groupe
de travail sur "Environnement et Ecologie".
Les évêques poursuivront leur travail sur les "rassemblements dominicaux"
avec une attention particulière portée à la "ritualisation profane"
dans la société sécularisée qui est la notre.
Ils s'intéresseront aux questions liées aux prêtres âgés. Comment les
accompagner ? Quels impacts en termes d'aide sociale ou de démographie du
clergé ?
Mgr Bernard Housset, évêque de La Rochelle et Saintes, fera le point sur les
travaux du Conseil pour la solidarité dont il est le président. Il évoquera
"Diaconia 2013" et reviendra sur son récent voyage au Soudan.
Discours d'ouverture du cardinal Vingt-Trois
par le Cardinal André VINGT-TROIS
Archevêque de Paris, président de la Conférence des évêques de France
Lourdes – Mardi 5 avril 2011
Les semaines et les mois écoulés ont été fertiles en événements de tous
genres. La loi médiatique de succession des informations construit un espace
mental d’où la durée réelle est exclue, même si dans l’immédiateté de
l’événement on ne recule devant aucune surenchère. Qui se soucie encore
aujourd’hui de la situation réelle en Haïti ? Qui pense encore aux
communautés chrétiennes du Moyen-Orient ou aux chrétiens persécutés dans
divers pays d’Asie ? Quelle est à ce jour la situation en Tunisie, en Égypte
? Que savons-nous de la situation réelle en Libye ou en Côte d’Ivoire, pour
ne parler que des dernières crises ? Le cataclysme du Japon ne sera-t-il
plus évoqué que pour alimenter le débat sur les programmes nucléaires civils
en France ?
Si le rythme de l’information passe très vite sur des événements aussi
importants, je ne pense pas qu’ils s’effacent aussi vite de nos mémoires
individuelles et collectives. Avec leur force de percussion, les images
perdurent en nous et peuvent alimenter des craintes d’autant plus sourdes
que leurs causes sont oubliées ou semblent avoir disparu. Beaucoup
d’observateurs ont relevé le paradoxe de la société française, à la fois
morose et découragée, malgré ses ressources objectives. Il ne me semble pas
exagéré de parler d’une société marquée par une sorte de peur.
Des accidents du Japon aux révolutions d’Afrique, de la phobie d’une vague
de migrations massives à la difficulté de reconnaître et d’accepter des
cultures ou des religions étrangères, de la crainte des maladies incurables
à la hantise de l’enfant handicapé, de l’inquiétude pour son avenir et celui
de ses enfants à la recherche fébrile de la sécurité à tout prix, tout
contribue à pousser à chercher les protections maximales, quoi qu’il en soit
des dangers réels.
Dans une période préélectorale, - et qui devient de plus en plus électorale
tout court -, cette peur latente et diffuse peut devenir un levier
démagogique puissant, surtout quand l’apparence tient lieu de réalité et la
formule de raisonnement. Je n’ai pas évoqué ce contexte trouble pour noircir
le fond de tableau, mais pour nous exhorter à la lucidité et au calme. La
dramatisation de chaque événement, l’amplification des faits, les
concessions aux rumeurs sont autant de soutiens objectifs aux aventures les
plus extrémistes. La chasse médiatique aux personnalités emblématiques, le
passage en boucle des petites phrases, - pour ne pas dire simplement d’un
mot malheureux ou choquant -, ne constituent pas un programme politique ni
une aide à réfléchir sur les enjeux des échéances électorales prochaines.
Notre mission nous incite à ne pas nous laisser embarquer dans le tourbillon
du jeu des apparences mais à privilégier les analyses et les recherches
argumentées. C’est ce que nous a proposé récemment le Conseil « Famille et
Société » en publiant Grandir dans la crise. Ce n’est évidemment pas un
programme politique. C’est un guide pour essayer de mieux comprendre la
situation de notre société et proposer des hypothèses pour tirer un bon
parti du temps présent. Nous devons aider notre société à évaluer les
personnalités politiques non en raison de leur place au « hit parade
» des journaux à sensation mais en raison de leur courage pour dire
honnêtement ce qu’ils comprennent de la situation et les remèdes qu’ils
préconisent, même si ces remèdes peuvent ne pas être plaisants.
La crise économique continue de provoquer des dégâts sociaux dont nous
sommes chaque jour les témoins. On voudrait être convaincu que les dérives
financières de 2008 n’ont pas été oubliées et que les errements qui les ont
provoquées n’ont pas repris leurs cours. Les contrôles réels des flux
financiers, au niveau national et international, peinent à se mettre en
place. L’illusion d’une grande distribution des fonds publics continue de
masquer les failles structurelles de notre pays et contribue à prolonger le
rêve d’une société de consommation sans rapport avec les moyens disponibles,
ni dans les foyers ni dans la société. L’appel que nous lançons
régulièrement à promouvoir de nouveaux modes de vie n’est pas une
incantation moralisante. C’est plutôt l’avertissement que la raison humaine
doit lancer devant les excès de notre système. C’est l’apport de la doctrine
sociale de l’Église pour travailler à répondre aux préoccupations de nos
contemporains.
L’accident nucléaire consécutif au séisme au Japon lance un signal hautement
symbolique à partir du pays qui a subi la puissance destructrice de la bombe
atomique. Il fait surtout ressortir l’inconscience collective qui dénie le
lien entre les modes de consommation et la production d’énergie. La
production nucléaire d’énergie n’est pas le seul danger. Les mines de
charbon ou l’exploitation du pétrole ne sont pas non plus sans risques
mortels ; la marée noire du golfe du Mexique a-t-elle été si vite oubliée ?
Pourquoi ne pas espérer que l’ingéniosité humaine parvienne à surmonter un
certain nombre de difficultés et à améliorer la sécurité ? Mais aussi
pourquoi ne pas oser contester le taux de consommation de l’énergie dans les
sociétés développées avec ses conséquences sur l’environnement et
l’équilibre général du système ? Je crains que l’heure d’été ne suffise pas
à régler le problème. Notre groupe de travail Environnement et écologie nous
aidera à prolonger cette réflexion.
De plus en plus souvent, nous voyons se substituer à la réflexion politique
et au débat démocratique, une sorte de puritanisme social qui remplace la
contestation des projets par l’attaque des dirigeants économiques ou des
personnalités politiques. Internet permet de propager rumeurs et accusations
sans vérifier l’authenticité des faits. Cette permanente inquisition sur la
moralité des personnes répand un climat de suspicion généralisée et
affaiblit la confiance qui est le socle d’une société civilisée. Certains
s’étonnent de cette aspiration à la vertu et à l’intégrité des dirigeants
dans une société qui fait du libéralisme moral la règle des comportements
individuels. Faut-il s’en étonner ? À mesure que faiblit l’intégration
personnelle des normes morales par l’éducation et par la référence à une
reconnaissance objective du bien et du mal, on voit s’accroître le nombre
des procureurs qui organisent des procès en moralité publique. Faute d’une
éducation à la responsabilité devant sa propre conscience, on déploie un
système de contrainte par la législation. Si nos contemporains semblent
affranchis d’une loi morale intériorisée, ils sont loin d’être libérés du
conformisme imposé par le recours de plus en plus fréquent à la loi et à ses
contraintes.
Durant notre assemblée plénière deux événements vont marquer la vie publique
et médiatique de notre pays. Ces jours-ci, le projet de loi sur la
bioéthique va être examiné par le Sénat. Nous espérons que les sénateurs
n’aggraveront pas les dispositions votées par la majorité des députés et
n’ouvriront pas la voie à un eugénisme d’État, notamment à propos du
dépistage de la trisomie 21, ni à l’autorisation générale d’utiliser
l’embryon humain comme un matériel de recherche, ni à l’instrumentalisation
du corps des femmes, celles de France ou d’autres pays. Céder à ces
tentations ferait violence au respect du à toute être humain. Ce serait une
agression envers les principes fondamentaux du respect qui garantissent le
pacte social.
Nous avons pu nous féliciter de voir que le large débat qui s’est déroulé
l’an dernier a permis de mieux prendre en compte l’importance d’impératifs
éthiques pour encadrer le champ de la recherche. Les travaux législatifs ont
bénéficié de la qualité de ce débat préalable, mais aussi de l’engagement
résolu et sérieux de nombreux parlementaires. Tout ceci a notamment permis
de souligner que l’évaluation éthique des programmes de recherche ne pouvait
pas se réduire à recueillir l’avis de spécialistes ni les pressions des
intérêts économiques. Toute recherche ne se justifie pas par la générosité
affichée ou réelle de ses buts et de ses intentions. Jamais la fin ne
justifie les moyens.
D’autre part, le débat sur la laïcité organisé par l’U.M.P. va se dérouler
cette semaine. Avec les responsables des autres religions, réunis depuis
novembre 2010 dans la Conférence des responsables de culte en France
(bouddhistes, catholiques, juifs, musulmans, orthodoxes et protestants),
nous avons exprimé ensemble nos réserves devant un nouveau débat dont les
risques ne sont pas minces. Il ne nous appartient pas de juger des
initiatives d’un parti politique, mais nous avons voulu exprimer nos
craintes sur les conséquences de ce débat. Non seulement il risque de
cristalliser les malaises devant un certain nombre de pratiques musulmanes
minoritaires, mais, paradoxalement, il risque aussi d’aboutir à réduire la
compréhension de la laïcité à sa conception la plus fermée : celle du refus
de toute expression religieuse dans notre société.
Nous avons parfois à souffrir de pratiques administratives qui versent dans
cette manière de voir, et les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui
dans les prisons, les lycées ou les hôpitaux sont souvent de cet ordre. Le
récent rapport présenté par la Halde évoque la possibilité d’étendre demain
les obligations de stricte neutralité religieuse au-delà du seul secteur
public. Les différents discours du Président de la République sur ce sujet
donnaient à espérer une application plus apaisée et plus ouverte des lois et
des règlements qui définissent fondamentalement le pacte laïc de notre
république. Nous n’avons pas vraiment besoin d’un grand débat pour mieux
connaître les textes de référence et surtout pour les appliquer avec
tolérance et intelligence. Nous pouvons espérer que ce sera la conclusion
opérationnelle qu’en tirera le gouvernement.
Je ne voudrais pas terminer cette introduction à nos échanges sans évoquer
quelques événements importants de notre vie ecclésiale. Tout d’abord je
voudrais rappeler le déroulement du projet « Familles 2011 » organisé par le
Conseil Famille et Société. Deux grands colloques ont déjà eu lieu, à
Bordeaux et à Lille, un troisième se tiendra à Strasbourg au mois de mai. La
clôture des colloques aura lieu à Paris les 1er et 2 octobre prochains,
suivie de la « Fête des familles » du 9 octobre et du rendez-vous de Lourdes
du 27 au 30 octobre. L’ensemble de ces manifestations exprime assez combien
nous sommes attentifs à la richesse et aux épreuves de l’expérience
familiale. C’est un message d’espérance pour celles et ceux qui hésitent
devant l’engagement du mariage.
Au début du mois de mars, s’est tenue à Paris, au Collège des Bernardins, la
rencontre du Comité de Liaison International entre Juifs et Catholiques.
Cette session bisannuelle rassemble les membres de la Commission du
Saint-Siège pour les Relations Religieuses avec le Judaïsme, les
représentants des principales organisations du judaïsme mondial et des
personnes juives et catholiques du pays où elle se déroule. Certains d’entre
vous y ont participé, avec la délégation catholique qui était conduite par
le Cardinal Koch, Président du Conseil Pontifical pour l’Unité des Chrétiens
et les relations avec le Judaïsme. Ce fut une occasion d’approfondir notre
implication dans le dialogue judéo-chrétien et de nous réjouir du chemin
parcouru depuis la création de ce Comité il y a quarante ans, et plus
largement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Les 24 et 25 mars s’est déroulée à Paris la première mise en œuvre de
l’initiative du Conseil Pontifical pour la Culture sous le titre du Parvis
des Gentils. Je crois que cet essai fut une réussite et a reçu un bon
accueil. Après le discours du Pape Benoît XVI en septembre 2008 au Collège
des Bernardins, c’est, pour notre Église en France, un encouragement certain
à poursuivre nos efforts dans la recherche d’une rencontre avec les grands
courants culturels de notre société. Le cardinal Ravasi nous y a incités en
tirant les conclusions de ces deux journées au Collège des Bernardins : «
Je souhaite maintenant, idéalement, remettre entre les mains de votre
institution qui nous accueille et dans celles de son suprême garant qui est
l’archevêque de Paris, l’avenir du Parvis des Gentils en France. »
J’ai déjà fait référence à la publication par le Conseil « Famille et
Société » du document Grandir dans la Crise. Je voudrais aussi rappeler
la sortie du beau livre préparé par la Commission pour la Catéchèse et le
Catéchuménat : En Famille avec Dieu. Aux artisans de ces deux productions,
je veux exprimer la reconnaissance de toute l’Assemblée.
Ce temps de Carême est également pour nous l’occasion de nous réjouir et de
rendre grâce pour la vie de nos communautés chrétiennes, au moment où
beaucoup d’entre elles accompagnent des adultes, des enfants et des
adolescents vers les sacrements de l’initiation et où toutes se préparent à
vivre les célébrations pascales. Nos diocèses sont engagés fortement dans la
préparation des prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse. Si beaucoup
éprouvent de la morosité, la vie quotidienne de l’Église donne un signe
d’espérance : la mort n’a jamais le dernier mot.
C’est cette espérance que nous partageons avec nos frères des Églises
d’Afrique du Nord et de Côte d’Ivoire. Nous voulons leur dire notre
proximité dans un moment où divers pays sont traversés par des mouvements
qui peuvent susciter un nouvel avenir pour les peuples comme ouvrir
malheureusement de nouvelles épreuves. Nous savons aussi que ces périodes de
trouble ou de violence frappent plus durement ceux qui sont les plus
faibles. Les communautés chrétiennes peuvent donner un signe puissant
d’espérance et de solidarité à l’égard des populations déchirées ou
déplacées. Nous adressons notre salut fraternel et l’assurance de notre
prière aux évêques de la Conférence épiscopale régionale d’Afrique du Nord
et à la Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire.
Je vous remercie. Il nous reste maintenant à poursuivre notre travail.
Cardinal André VINGT-TROIS
Archevêque de Paris
Président de la Conférence des évêques de France
Sources : www.eglise.catholique
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 05.04.2011 - T/Eglise
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