Jean Paul II nous a laissé un grand
message: « N’ayez pas peur! » |
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Cité du Vatican, le 05 février 2008 -
(E.S.M.) -
Fausto Bertinotti considère le pape Jean-Paul II comme un « grand pèlerin qui a
arpenté la terre de notre temps, l’homme qui a remué des racines profondes
». Devant le public de la paroisse, il s’est laissé aller à un aveu
personnel: «Je suis profondément touché, en tant que communiste, par sa
leçon sur la pénitence. En d’autres termes, je sens que je porte le poids
des fautes historiques de cette histoire pour laquelle il faut demander
pardon si l’on veut pouvoir s’ouvrir au futur».
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Jean Paul II embrasse
un jeune pendant la veillée de prière à l’occasion de la Journée mondiale de
la jeunesse à Rome
Jean Paul II nous a laissé un grand message: « N’ayez pas peur! »
Le pape qui apportait l’espérance de la résurrection -
Interview du président de la Chambre des députés Fausto Bertinotti, qui nous
parle de Jean Paul II et de la nouvelle frontière de la laïcité
Demandez à Fausto Bertinotti une boutade à brûle-pourpoint sur Wojtyla et il
vous rappellera le “Ola!” au rassemblement de la jeunesse de l’an 2000. « Ce
geste hors du commun », explique-t-il «a montré que la spontanéité peut
entrer jusque dans les formes les plus hautes du pouvoir et il a révélé son
extraordinaire capacité d’accepter la contamination des langages».
Le jeudi 29 novembre, le président de la Chambre s’est rendu dans la
paroisse romaine de Santa Dorotea, au Transtevere, pour présenter le livre
Pellegrino [Pèlerin ndr] que le père Gianfranco Grieco, célèbre envoyé
spécial de L’Osservatore Romano qui a suivi les voyages du pape
pendant des décennies, a dédié à Jean Paul II.
Fausto Bertinotti considère Karol Wojtyla comme un « grand pèlerin qui a
arpenté la terre de notre temps, l’homme qui a remué des racines profondes
». Devant le public de la paroisse, il s’est laissé aller à un aveu
personnel: «Je suis profondément touché, en tant que communiste, par sa
leçon sur la pénitence. En d’autres termes, je sens que je porte le poids
des fautes historiques de cette histoire pour laquelle il faut demander
pardon si l’on veut pouvoir s’ouvrir au futur».
Fausto Bertinotti
Monsieur le Président, quel est votre bilan du
pontificat de Jean Paul II ?
FAUSTO BERTINOTTI: Jean Paul II est le Pape avant la peur. Il a été dans la
modernité, en en combattant les aspects qu’il sentait néfastes pour sa
religion, mais en transmettant la conviction d’une victoire sur le champ de
bataille. Il nous a laissé un grand message: « N’ayez pas peur! », un
héritage qui permet à chacun l’indispensable confrontation, afin que la
religion soit un levain et ne mène pas à se renfermer dans de nouvelles
forteresses.
Le signe distinctif de son pontificat ?
BERTINOTTI: Avoir été un messager de paix. Même quand son message a semblé
impuissant, on a constaté à quel point il a réussi à marquer les
consciences. Le mouvement pour la paix, qui a atteint une force si
considérable qu’on l’a défini “deuxième puissance mondiale”, porte sa
marque.
En fin de compte, c’est donc lui qui a eu raison sur l’Irak ? Vous
souvenez-vous de tous ceux qui, en 2003, disaient qu’au fond, les appels de
Jean Paul II étaient restés vains ?
BERTINOTTI: Il est sûr que le Pape a eu raison et que le mouvement pour la
paix a eu raison. Les thèses du parti favorable à la guerre se sont révélées
fausses, une par une et sur toute la ligne, qu’il s’agisse des motivations
ou des prévisions. Je crois que dans l’histoire moderne, il y a peu
d’exemples qui puissent être cités comme celui-ci, sans contre-indications,
pour démontrer que la guerre avait tort et que la paix avait raison.
Au-delà du thème de la paix, quels sont les autres éléments du pontificat
qui vous ont frappé ?
BERTINOTTI: J’insiste encore sur un aspect politique, à savoir le rapport
avec la crise et ensuite l’écroulement des régimes de l’Europe de l’Est.
L’idée de la possibilité concrète de travailler à une mutation de ces
régimes, de la Pologne à la Tchécoslovaquie, en investissant sur leur fin,
au point d’incarner un danger majeur, justement parce qu’il provenait de
l’Est. J’ai été frappé par la place réciproque de la religion et de la
politique pour contribuer à la chute de ces régimes, une chute à la
réalisation de laquelle il a contribué, même si je pense que ces régimes
sont tombés pour des raisons essentiellement intérieures.
Jean-Paul II le pensait aussi. Dans les années Quatre-vingt-dix, il avait
dit à Carlo De Benedetti: « L’arbre était pourri, je l’ai secoué ».
BERTINOTTI: Et en même temps, avec le passage du monde divisé en deux blocs
au monde unifié du processus de modernisation et de globalisation, on l’a vu
qui indiquait de nouveau le capitalisme comme la source des drames de notre
temps.
En voyageant dans le monde, Wojtyla a pressenti la globalisation. Quel rôle
jouent les religions dans une planète unifiée ?
BERTINOTTI: D’un côté, elles représentent quelque chose qui nous fait
échapper au langage unique, que la globalisation prétendrait faire découler
du marché et de la réification. Elles représentent donc une forte
affirmation de l’irréductibilité de la personne humaine au fait économique.
De l’autre, on voit surgir aujourd’hui le risque d’un intégralisme qui se
propose comme réponse aux problèmes de notre temps.
Il y a quelques décennies, ce phénomène n’apparaissait pas à l’horizon.
BERTINOTTI: Il n’était peut-être pas prévisible à l’époque de la longue
saison conciliaire, rendue extraordinaire par le message de Jean XXIII qui
s’adressait aux hommes et aux femmes de bonne volonté: on voyait tomber la
séparation entre croyants et non croyants, les croyants entraient comme le
levain dans la pâte d’une humanité plus universelle dont ils venaient
partager la promotion humaine.
Les racines de l’intégralisme ?
BERTINOTTI: La crainte de se sentir assiégé et peut-être vaincu par la
modernité, à moins qu’il ne s’agisse d’une démarche des croyants eux-mêmes
qui veulent se séparer des contaminations de ce monde. Ce phénomène peut
arriver, dans les cas extrêmes, jusqu’à prendre les armes contre le monde et
contre les puissances qui semblent le diriger et qui le dirigent en grande
partie. En somme, je vois aujourd’hui dans le monde de la foi une double
tension. D’un côté une tension largement enrichissante, parce qu’elle
propose à l’homme, encore une fois, une ressource qui peut avoir une valeur
universelle, et aussi parce qu’elle propose au non croyant l’humain,
l’humanité comme une dimension qui transcende la sphère économique, parce
qu’elle parle le langage de la libération, de l’attente de la libération,
quelle que soit la sphère où cette attente se trouve, la sphère du monde ou
la sphère de la transcendance.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus ?
BERTINOTTI: Ce ne sont pas tant les questions proprement religieuses, sur
lesquelles je n’ai d’ailleurs pas une compétence suffisante pour pouvoir me
prononcer. C’est plutôt la spéculation; pour citer un exemple, une recherche
sur la Lettre de Paul aux Romains. Je le dis simplement pour indiquer un
ordre de curiosité de la part, je le répète, d’un non croyant.
Karol Wojtyla et son successeur ont proclamé la présence de la foi dans
l’espace public.
BERTINOTTI: La présence du phénomène religieux dans la construction de la
société civile n’est pas une nouveauté en Italie. C’est une constatation de
longue date. Quoiqu’il en soit, je trouverais inopportun et déplacé de
refuser à la religion d’occuper une place dans l’espace public. On ne peut
pas prétendre borner la foi à un fait purement privé. Toute la modernité
montre que public et privé coexistent en un rapport indissociable. Le
féminisme lui-même ne dit-il pas que tout ce qui est privé est politique ?
Et pourtant, il y a des frictions entre religion et société.
BERTINOTTI: Le problème récemment posé par de nombreuses instances
religieuses, est la renaissance de phénomènes d’intégralisme fondés sur la
peur. Le problème se pose lorsqu’on croit affirmer que seule la foi permet
d’arriver à la vérité, y compris la vérité existant historiquement, et qu’on
pense en même temps que c’est d’une chaire religieuse que peut être indiquée
à la politique la bonne route à suivre.
C’est là que se trouve le danger ?
BERTINOTTI: Il ne s’agirait plus de la nécessaire reconnaissance de la
présence de la religion dans l’espace public, mais au contraire de la
nouvelle définition d’une hiérarchie selon laquelle la politique serait au
second rang par rapport aux autres chaires. Ce serait dangereux, parce que
l’autonomie de la politique et de la démocratie disparaîtrait.
Et que veut dire la laïcité dans ce cadre ?
BERTINOTTI: Cela veut déjà dire un héritage historique à ne pas effacer: la
réaffirmation systématique de l’autonomie de l’État, qui doit avoir en
lui-même les raisons pour légiférer et pour agir. Toute l’histoire de la
séparation de la sphère politique et de la sphère religieuse, y compris
celle du chemin important parcouru par le catholicisme démocratique en
Italie et par les forces non catholiques, constitue un élément à préserver
qui n’est jamais acquis pour toujours.
Sinon ?
BERTINOTTI: Sans cet élément de base de la laïcité, on ne peut que craindre
le pire. Comment ne pas penser que dans notre monde contemporain de
migrants, la prétention d’une ingérence religieuse dans l’État finirait
inévitablement par déterminer aussi un conflit religieux ? La laïcité est
nécessaire pour des raisons de coexistence pacifique.
Seulement pour cela ?
BERTINOTTI: On a besoin de faire un pas en avant. Il faut passer de
l’autonomie comme refus de l’ingérence de l’Église dans l’État à un élément
propositif, à savoir la recherche de la coexistence entre instances
différentes: c’est là que se trouve la nouvelle frontière de la laïcité.
D’une certaine manière, la laïcité dont nous avons hérité concernait l’État,
alors que, d’après moi, la laïcité dont nous parlons aujourd’hui concerne la
société civile.
Monsieur le Président, y a-t-il encore quelque chose de la personnalité de
Wojtyla qui vous a touché ?
BERTINOTTI: Ses petits gestes envers chaque personne et en même temps son
extraordinaire capacité de dialoguer avec les grandes masses. Cette
“physicité” de relations, petite, infinitésimale et donc incomparable. Les
gens qui ont l’habitude de faire des meetings, ne serait-ce que devant
cinquante personnes, savent de quelle nature est ce rapport. J’ai toujours
été très frappé, chez Jean Paul II, de la manière avec laquelle il entrait
en relation avec les personnes. Le Pontife qui s’incline dans le rapport
avec l’humanité nue d’un enfant et le Pontife chez qui la capacité
prophétique d’entrer en relation avec les masses se transforme en communion.
Pourquoi avez-vous dit que son principal message est l’appel à ne pas avoir
peur ?
BERTINOTTI: Parce que Jean Paul II apportait le futur, l’espérance du futur
et de la résurrection.
(Entretien enregistré pour La
Repubblica, 28 novembre 2007)
Sources: Marco Politi -
E.S.M.
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