Voici un secrétaire d'état parfait.
Mais c'était il y a cent ans |
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Rome, le 04 mars 2010 -
(E.S.M.)
- Il s'appelait Rafael Merry del Val et Pie X voulut l'avoir à
ses côtés. Rarement une nomination a été aussi réussie. L'historien
Gianpaolo Romanato en fait le portrait. Ce qui amène à une comparaison
avec la curie vaticane d'aujourd'hui.
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Rafael Merry del Val
Voici un secrétaire d'état parfait. Mais c'était il y a cent ans
Le 04 mars 2010 - Eucharistie Sacrement de
la Miséricorde
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À l’occasion du 80e anniversaire de la mort du
cardinal Rafael Merry del Val, secrétaire d’état de saint Pie X de 1903 à
1914, "L'Osservatore Romano" en a publié un portrait captivant.
Captivant par la manière dont sont mis en lumière la grandeur du personnage,
ses talents hors du commun, son habileté à comprendre et à mettre en œuvre
les objectifs du pape, la sainteté de sa vie.
L’auteur de ce portrait est Gianpaolo Romanato, professeur d’histoire de
l’Église à l'Université de Padoue, membre du comité pontifical des sciences
historiques et l’un des grands spécialistes des papes des XIXe et XXe
siècles.
Merry del Val est-il un exemple de parfait secrétaire d’état ? On fait
spontanément la comparaison entre ceux d’il y a un siècle et ceux
d’aujourd’hui.
*
Les secrétaires d’état les plus connus sont habituellement associés à des
événements et à des papes de leur temps : Ercole Consalvi à Napoléon et à la
restauration, Giacomo Antonelli à Pie IX et à la condamnation du
libéralisme, Mariano Rampolla à Léon XIII et à sa politique "réaliste", Merry del Val à la condamnation du modernisme, Pietro Gasparri au concordat
avec l'Italie, Eugenio Pacelli à l’Allemagne de Hitler.
Seul Pacelli fut par la suite élu pape, sous le nom de Pie XII. Et pendant
de nombreuses années, il ne nomma pas de secrétaire d’état proprement dit.
Au lieu de cela, il s’appuya sur deux collaborateurs expérimentés : Domenico
Tardini et Giovanni Battista Montini. Le premier fut par la suite secrétaire
d’état de Jean XXIII. Le second devint pape sous le nom de Paul VI et, en
tant que pape, il changea la structure de la curie, au sommet de laquelle il
plaça précisément la secrétairerie d’état.
Depuis Paul VI, c’est le secrétaire d’état qui constitue un filtre entre la
curie et le pape. Les actes de tous les services du Vatican passent par lui.
Et en 1969 le pape Montini confia cette charge à un cardinal français dont
la carrière s’était déroulée loin de la curie, Jean Villot.
Avec Jean-Paul II, la secrétairerie d’état a été de nouveau confiée à un
diplomate de premier plan, Agostino Casaroli, qui est resté dans toutes les
mémoires comme l’artisan de la politique du Vatican vis-à-vis des pays
communistes.
Leur successeur Angelo Sodano, secrétaire d’état à partir de 1991, venait
lui aussi de la diplomatie, mais il n’a laissé aucun souvenir notable. En
fait, du temps de Sodano, la curie – tout à fait négligée par le pape Karol
Wojtyla – a connu une décadence rapide, dans un désordre croissant, compensé
par le pouvoir accru qu’exerçait en fait le secrétaire personnel du pape, le
Polonais Stanislaw Dziwisz.
Enfin Benoît XVI a nommé secrétaire d’état le cardinal Tarcisio Bertone, qui
était déjà son collaborateur à la congrégation pour la doctrine de la foi.
Le nouveau secrétaire personnel du pape, l’Allemand Georg Gänswein, s’en
tient strictement à son rôle, de même que le porte-parole du Saint-Siège,
qui n’est plus l'exubérant Joaquín Navarro-Valls, mais un jésuite pondéré,
Federico Lombardi.
Mais cette redistribution des rôles n’a pas entraîné un accroissement de
l'efficacité de la machine curiale. La passation des consignes de Sodano à
Bertone, en septembre 2006, a coïncidé avec le discours controversé du pape
Joseph Ratzinger à Ratisbonne : ni l'un ni l'autre n’ont brillé dans la
gestion des contrecoups politiques et religieux de cette affaire.
Plusieurs fois, au cours des années suivantes, Benoît XVI a été mal soutenu.
Le cardinal Bertone, malgré son très grand dévouement au pape et sa bonne
volonté, ne s’est pas toujours montré capable de piloter la curie au service
de celui-ci.
L’exemple le plus flagrant de désordre a explosé dans les premiers mois de
2009, quand l’excommunication des évêques lefebvristes a été levée sans que
l’on explique pourquoi à l’Église et au monde. Le pape a dû intervenir
personnellement pour réparer cette catastrophe en termes de communication et
de gouvernement. Il l’a fait par sa
Lettre du 10 mars 2009 aux évêques, qui
est aussi une critique sévère de la confusion qui règne au sein de la
hiérarchie et de la curie elle-même.
Cette tempête et d’autres font que l'année écoulée restera "annus horribilis"
dans la mémoire de la secrétairerie de Bertone, que ce soit au Vatican où à
l’extérieur, en raison des frictions entre le secrétaire d’état et plusieurs
épiscopats nationaux parmi les plus puissants et les plus fidèles au pape,
en Italie, aux Etats-Unis et au Brésil.
*
Par comparaison, l’entente harmonieuse et efficace qui régnait il y a un
siècle entre un pape comme Pie X et un secrétaire d’état comme Merry del Val
semble avoir existé sur une autre planète.
La chose est rendue encore plus surprenante par les affinités entre le pape
d’alors et celui d’aujourd’hui. L’un et l’autre sont peu ou pas politiques,
mais très concentrés sur leur mission religieuse, en réponse à de vastes
crises de la foi qui présentent elles aussi beaucoup de points communs.
Voici donc, ci-dessous, qui fut et comment agit ce grand secrétaire d’état,
qui ne laissa jamais le pape seul.
LE CARDINAL RAFAEL MERRY DEL VAL, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE PIE X. PORTRAIT
par Gianpaolo Romanato
Pie X et Rafael Merry del Val : il est difficile d’imaginer deux
personnalités plus différentes. Le premier était né, dans la campagne de
Vénétie, d’une famille très modeste qui connut les privations et
probablement aussi la faim. Il fit ses études grâce à une bourse et passa
toute sa vie, avant d’être élu pape, au milieu de pauvres gens, entre
presbytères de village et évêchés de province, loin du devant de la scène et
des lieux de pouvoir.
Le second, au contraire, venait de l’une des familles les plus
aristocratiques du continent, il avait reçu une éducation cosmopolite et
polyglotte, était chez lui dans les ambassades et dans les milieux les plus
fermés de toutes les capitales d'Europe.
Leurs vies, qui semblaient destinées à ne jamais se rencontrer, se
croisèrent presque par hasard et finirent par se mêler à un point tel qu’il
est difficile de les disjoindre, même aujourd’hui.
DE SECRÉTAIRE DU CONCLAVE À SECRÉTAIRE D’ÉTAT
Leur rencontre eut lieu au cours du dramatique conclave de 1903, qui fut
marqué par le veto de l'Autriche contre l'élection du cardinal Mariano
Rampolla del Tindaro et porta au pontificat, en quatre jours et sept tours
de scrutin, sous le nom de Pie X, un demi-inconnu, le patriarche de Venise
Giuseppe Sarto.
Une étrange coïncidence avait fait que Mgr Alessandro Volpini - le
secrétaire de la congrégation consistoriale, qui était également secrétaire
du collège des cardinaux et donc du conclave - était mort presque en même
temps que Léon XIII, à quelques heures près. Pressés par le temps, les
cardinaux lui décidèrent de lui donner comme successeur justement Merry del
Val, qui était à ce moment-là président de l’académie pontificale des nobles
ecclésiastiques et n’était évêque que depuis trois ans.
Le choix s’était fait entre trois noms. Les deux candidats écartés étaient
le substitut de la secrétairerie d’état, Giacomo Della Chiesa, qui allait
devenir Benoît XV, et Pietro Gasparri, alors secrétaire aux affaires
ecclésiastiques extraordinaires. La préférence accordée au plus jeune et
moins titré des trois fut interprétée comme la première défaite de la ligne
Rampolla, annonçant ce qui allait se passer au conclave.
C’est ainsi que la lourde charge de préparer et de conduire le conclave le
plus difficile des deux derniers siècles tomba sur Merry del Val, qui
n’avait pas le droit de vote, n’étant pas cardinal.
Sarto fit alors sa connaissance et eut l’occasion de l’apprécier tandis que
se précisaient les circonstances de son élection. Quelques heures après être
devenu pape, il lui annonça à sa grande stupeur qu’il avait décidé de le
prendre comme pro-secrétaire d’état. "Pour le moment, je n’ai personne", lui
aurait-il dit. "Restez avec moi. Ensuite nous verrons".
La désignation, pour le rôle-clé du pontificat, de cet Espagnol – le premier
non-italien à diriger la secrétairerie d’état – âgé de 38 ans seulement, qui
aurait pu être le fils du pape âgé de 68 ans, suscita des commentaires et
des réserves qui pesèrent sur les événements ultérieurs. Après deux mois
seulement de période d’essai, Pie X mit fin aux réserves : le 18 octobre
1903, il le nomma secrétaire d’état et l’éleva également à la pourpre
cardinalice. À partir de ce moment, la vie de Merry del Val ne se sépara
plus de celle du pape.
DE FILS D’AMBASSADEUR À AMBASSADEUR DU PAPE
Qui était Rafael Merry del Val, dont nous commémorons le 80e anniversaire de
la mort ? Né en 1865 à Londres, où son père était ambassadeur d’Espagne, il
grandit en Angleterre et en Belgique. En 1885, il fut envoyé à Rome par
l'archevêque de Westminster, le cardinal Herbert Vaughan, pour compléter au
Collège Pontifical Écossais sa préparation au sacerdoce.
Commença alors l’une des carrières les plus rapides de toute l’histoire
ecclésiastique. Selon son biographe Pio Cenci, c’est Léon XIII en personne
qui l’aurait imposé à l'académie des nobles ecclésiastiques et l’aurait
employé à des missions diplomatiques en Angleterre, en Allemagne et en
Autriche avant même son ordination sacerdotale. Il connaissait parfaitement
les principales langues européennes, mais la maîtrise des langues ne suffit
certainement pas à justifier tant d’attention. Dans une curie pontificale
qui s’efforçait à grand-peine de retrouver son rôle et son rang
internationaux après la perte du pouvoir temporel en 1870, le descendant de
la grande famille anglaise des Merry et de la maison espagnole encore plus
illustre des del Val, il faut qu’il ait donné la preuve de talents hors du
commun pour brûler les étapes avec tant de rapidité.
Une fois diplômé de l’Université Pontificale Grégorienne, il devint l’un des
personnages les plus influents et les plus écoutés de la Rome pontificale,
surtout pour les problèmes concernant l'anglicanisme. Sa parfaite
connaissance du contexte et de la langue, ses fréquents voyages outre Manche
et l’estime du cardinal Vaughan lui conféraient une grande autorité.
Chargé par Léon XIII de l’épineuse question de la validité des ordinations
anglicanes – on en était aux premiers pas, encore incertains et hésitants,
sur le chemin de l’œcuménisme – il amena le Saint-Siège à une réponse
négative, qui allait être officialisée en septembre 1896 par la bulle "Apostolicae
curae", dont il fut le principal rédacteur. Sur la base d’une pratique
désormais vieille de trois siècles et d’une minutieuse enquête historique,
Léon XIII confirma la "nullité" des "ordinations accomplies selon le rite
anglican", niant ainsi la succession apostolique des évêques anglicans. Le
mouvement de rapprochement des anglicans en direction des catholiques, qui
était en cours depuis un certain temps, connut ainsi un coup d'arrêt et le
jeune prélat apparut comme le porte-parole d’une ligne doctrinale sévère,
différente, sinon inverse, de la ligne politique de Rampolla, qui était
alors secrétaire d’état.
L'année suivante, il accomplit une longue mission au Canada, en qualité de
délégué apostolique. Partagée entre les tentations opposées du durcissement
et du fléchissement, la jeune communauté catholique canadienne avait appelé
Rome à son secours. Merry del Val procéda avec modération, surtout à propos
du problème des écoles catholiques dans le Manitoba. Le pape lui témoigna
publiquement sa satisfaction dans l'encyclique "Affari vos" du mois de
décembre 1897. En termes tout à fait inhabituels dans un document officiel,
Léon XIII écrivit que "notre délégué apostolique a parfaitement et
fidèlement accompli ce pour quoi nous l’avions envoyé".
Revenu à Rome, il fut mis à la tête de l'académie des nobles ecclésiastiques
et nommé évêque. Sa très rapide ascension était due à une solide préparation
historico-juridique, à une capacité innée à établir des relations avec tout
le monde, et à "l’agilité", comme dira par la suite Benoît XV, avec laquelle
il résolvait les problèmes.
Mais tout le monde savait que le diplomate compétent était un prêtre d’une
grande piété, aux habitudes monastiques et à l'austère et ascétique
discipline de vie.
1903, comme on l’a déjà rappelé, fut l’année du grand bond qui le conduisit
au sommet de l'organigramme du Vatican, favorisé d’abord par la mort
imprévue de Mgr Alessandro Volpini – qui n’avait pas encore 60 ans – puis
par le choix inattendu que fit Pie X, pape nouvellement élu.
L'HOMME QU’IL FALLAIT POUR UN PAPE PEU POLITIQUE ET TRÈS RELIGIEUX
Le nouveau pape, élu justement pour atténuer l'exposition politique
excessive du Saint-Siège pendant l’administration de Rampolla, vit en Merry
del Val, qui était notoirement étranger à cette administration, l'homme qui
saurait imprimer ce virage.
Il évoluait avec aisance dans le monde diplomatique, maîtrisait les
problèmes de politique internationale, connaissait parfaitement la curie
romaine. En somme, il possédait tout ce qui faisait défaut au pape. En le
nommant secrétaire d’état, Pie X comptait sur tout cela. Mais il comptait
aussi sur sa jeunesse et sur son dévouement sans limite à la papauté : ce
serait un fidèle collaborateur qui ne s’opposerait jamais à lui.
Mais il est certain que Pie X avait également tenu compte d’une autre
qualité de Merry del Val : sa vie de piété. L'éloge que le pape Giuseppe
Sarto lui adressa le 11 novembre 1903, jour où il lui remit la barrette
cardinalice, est tellement inhabituel, y compris dans le langage, qu’il
mérite d’être cité intégralement : "La bonne odeur du Christ que vous avez
répandue en tous lieux, monsieur le cardinal, y compris dans votre demeure
temporaire, et les nombreuses œuvres de charité auxquelles vous vous êtes
sans cesse consacré dans vos ministères sacerdotaux, spécialement dans notre
ville de Rome, vous ont acquis l'admiration et l’estime de tous".
Les éloges du pape à son collaborateur portaient, plus que sur ses capacités
politiques, sur son univers moral, sur les œuvres caritatives en faveur des
jeunes du quartier romain du Transtévère auxquelles il se consacrait sans
compter. Un pape essentiellement religieux s’était choisi un secrétaire
d’état ayant les mêmes caractéristiques.
Les événements du pontificat de Pie X sont bien connus. Les relations avec
les états se détériorèrent un peu partout, jusqu’à des ruptures totales. Le
cas le plus connu est celui de la France, où fut votée en décembre 1905 la
loi de séparation de l’Église et de l’État. Six ans plus tard ce fut le tour
du Portugal, qui promulgua une loi encore plus brutale. Des tensions
analogues se produisirent dans différents pays latino-américains. Le pape
fit peu de choses pour modifier le cours des événements. Il protesta,
écrivit des encycliques très fortes, mais il se garda bien de recourir à la
voie diplomatique.
Dans le cas de la France, la loi prévoyait que les biens de l’Église
seraient gérés par les associations dites cultuelles, dont la hiérarchie
ecclésiastique était exclue et qui devenaient un pôle susceptible de se
substituer aux évêques. L’objectif était bien évidemment d’attaquer la
constitution hiérarchique de l’Église, même si tout le monde ne s’en était
pas rendu compte.
Le pape distingua parfaitement le cœur du problème et il opposa un refus
net. Ce fut un véritable "legal suicide", comme on l’a dit, parce que
l’Église de France, contrainte par Rome à ne pas accepter la loi – le pape
écrivit en moins d’un an, en 1906 et 1907, pas moins de trois encycliques
consacrées au cas français – perdit la personnalité juridique et avec elle
tout son patrimoine, à commencer par les églises où avaient lieu
quotidiennement les cérémonies religieuses.
Mais l’Eglise de France retrouva ainsi sa liberté et le plein contrôle des
nominations épiscopales, qui incombait jusqu’alors à l’État en vertu du
concordat napoléonien. Le choix de Pie X – entre le "bien" et les "biens" de
l’Église j’ai choisi le premier, aurait dit le pape – qui obtiendra a
posteriori les éloges d’Aristide Briand, l'inspirateur de la loi – "le pape
a été le seul à y voir clair" – avait effacé d'un seul coup trois siècles de
gallicanisme, d’Église nationale, ramenant le catholicisme français, y
compris du point de vue disciplinaire, à la pleine fidélité à Rome.
Ce fut un virage fondamental – "un événement douloureux et traumatisant",
comme l’a dit Jean-Paul II dans la lettre qu’il a écrite aux évêques
français à l’occasion du centenaire de la loi – qui dérouta les
contemporains et continue à diviser les historiens. Ce fut l'occasion qui
fit émerger cet idéalisme anti-temporaliste qui, selon différents
chercheurs, serait l'aspect véritablement révolutionnaire du pontificat, la
grande nouveauté dans les relations entre l’Église et le monde apparue au
cours de la décennie de Pie X et Merry del Val.
En somme, avec Pie X, c’est toute une période de l’histoire de l’Eglise qui
s’achève, celle des interférences avec la politique, des intrigues
diplomatiques, des liens tardifs entre les trônes et les autels, des
"évêques en haut-de-forme" et des "cardinaux de cour", des oppositions à
certains états et des concessions à d’autres.
Contrairement à son prédécesseur, Pie X n’a jamais fait de "politique
étrangère" et n’a jamais tenté d’affaiblir au plan international les pays
qui se montraient hostiles à l’Eglise, il n’a jamais cherché à tirer profit
des rivalités, des intérêts et des alliances des différents pays. Cette
ligne de conduite, à laquelle les historiens n’ont pas encore prêté
l'attention qu’elle mérite, n’était pas un repli tactique mais un choix
stratégique précis, comme le dit un jour le papa Sarto au futur cardinal Nicola Canali, alors jeune minutante à la curie : "Vous êtes jeune.
Rappelez-vous toujours que la politique de l’Eglise est de ne pas faire de
politique et d’aller toujours par la voie droite".
ENTRE RENOUVELLEMENT DE L’ÉGLISE ET RÉFORME DE LA CURIE
Merry del Val coopéra avec loyauté et conviction à cette politique, ainsi
qu’aux décisions de Pie X tendant à un renouvellement radical de l’Église :
de la suppression du droit de veto au conclave, à la réforme de la curie et
à la codification du droit canonique.
La réforme de la curie romaine, lancée en 1908, concernait directement ses
compétences, qui furent élargies, mais au sein d’un cadre de gouvernement
dans lequel la secrétairerie d’état n’était que l’avant-dernier des cinq
services du Vatican. Le cœur de la curie de Pie X n’était pas la
secrétairerie d’état, comme ce sera le cas avec la réforme de Paul VI, 60
ans plus tard. Il était constitué par les onze congrégations, au sommet
desquelles se trouvait le Saint-Office.
C’est peut-être pour cette raison que le rôle de Merry del Val,
contrairement à celui de ses prédécesseurs et de ses successeurs, a coïncidé
avec celui du pape presque au point de se confondre avec lui. Faisant peu ou
pas de politique et s’occupant de gouverner et de rénover l’Église, Pie X
retira à la secrétairerie d’état beaucoup de cet espace qui en faisait un
acteur autonome et il en renforça le lien avec la papauté elle-même.
Ce lien se resserra encore avec l’affaire du catholicisme moderniste,
considérée jusqu’à présent par les historiens comme le vrai "punctum dolens"
du pontificat de Giuseppe Sarto.
On a beaucoup écrit sur cette affaire et l’un des points non encore
éclaircis concerne justement l’action du secrétaire d’état. Mais que Merry
del Val ait été protagoniste ou second rôle, exécutant ou inspirateur, ne
paraît pas être un élément décisif de jugement. Ce qui est décisif, c’est
qu’il participa pleinement à la ligne antimoderniste du pape et soutint avec
conviction la nécessité d’arrêter les instances de renouvellement en
lesquelles ils voyaient tous les deux le risque imminent d’une
catastrophique crise de la foi.
AVEC PIE X VERS LES AUTELS
Il était inévitable qu’un secrétaire d’état aussi étroitement identifié au
pape qu’il avait servi ne soit pas confirmé par le successeur de celui-ci.
En effet, à peine élu pape, le 3 septembre 1914, Benoît XV nomma secrétaire
d’état d’abord le cardinal Domenico Ferrata, qui mourut presque tout de
suite, puis Pietro Gasparri. On retrouve ainsi à la tête de l’Église les
deux évêques – Della Chiesa et Gasparri – qui avaient été dépassés par Merry
del Val à la veille du conclave de 1903.
Pour l'ancien secrétaire d’état, les seize années qui lui restaient à vivre
ont dû être une période difficile. Benoît XV le traita comme Pie X avait
traité Rampolla dix ans plus tôt : il devint secrétaire du Saint-Office – la
préfecture de cette congrégation était alors une prérogative du pape –
fonction qu’il conserva jusqu’à sa mort, survenue de manière imprévue le 26
février 1930.
Merry del Val conserva une dévotion illimitée envers Pie X : il fut à
l'origine de la demande qui lança sa canonisation. Le 20 de chaque mois,
jour de la mort du pape, il célébrait une messe à son intention. Il demanda
à être enterré "le plus près possible de mon très aimé père et pontife Pie
X".
Mais son temps était désormais passé, même si en 1953, sous le pontificat de
Pie XII – qui avait commencé sa carrière justement sous ses ordres – une
procédure canonique de béatification fut lancée pour lui aussi, alors que
Pie X était porté sur les autels, avec sa béatification en 1951 et sa
canonisation en 1954.
***
Le journal du Saint-Siège qui a publié, le 26 février 2010, l'article du
professeur Romanato à propos du cardinal Merry del Val
►
L'Osservatore
Romano
Secrétaire du conclave de 1903, Merry del Val en écrivit le journal
officiel, publié pour la première fois en annexe dans le livre suivant
►
Luciano
Trincia, "Conclave e potere politico. Il veto a Rampolla nel sistema delle
potenze europee, 1887-1904", Edizioni Studium, Rome, 2004, 322 pages, 23,00
euros.
A propos du pape dont Merry del Val fut le secrétaire d’état, Pie X, et de
son œuvre de "modernisation" de l’Église catholique, voir ce reportage de
www.chiesa, contenant un autre article important du professeur Romanato,
tiré de "L'Osservatore Romano"
►
Saint Pie X un pape d'arrière-garde - Non, un cyclone réformateur comme on
n'en avait jamais vu - 13.05.08
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.03.2010 -
T/International |