Irak : La situation est difficile,
mais les chrétiens ne perdent pas l’espérance |
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Le 04 mars 2010 -
(E.S.M.)
- “Construire une nation plus mûre, où les chrétiens soient
reconnus et
respectés”.
Interview du P.
Bashar Warda
CSsR, recteur du
Séminaire
chaldéen d’Ainkawa
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P. Bashar Warda CSsR,
recteur du Séminaire chaldéen d’Ainkawa
Irak : La situation est difficile,
mais les chrétiens ne perdent pas l’espérance
Le 04 mars 2010 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- “La situation est difficile. Mais les chrétiens irakiens ne perdent pas
l’espérance et contribuent à construire le nouvel Irak. Le pays et la
société irakienne sont plus mûrs depuis les élections d’il y a quatre ans.
Il faut un effort commun des leaders politiques et religieux chrétiens”
: c’est ce que déclare dans une interview à l’agence Fides le prêtre
irakien, le P. Bashar Warda, rédemptoriste et recteur du séminaire chaldéen
Saint Pierre à Ainkawa, dans les environs d’Erbil, au nord de l’Irak. Le P.
Warda est de retour de Mossoul, où il a accompagné le patriarche chaldéen de
Baghdad, Emmanuel Delly durant sa visite privée à l’Église et aux autorités
locales. Fides lui a adressé quelques demandes sur les prochaines élections.
Qu’en pensent les chrétiens et à quoi s’attendent-ils
des élections du 7 mars ?
Nous remarquons que le processus démocratique est plus mûr qu’il y a
4 ans. L’Iraq est en train de sortir d’une situation très difficile, au
lendemain d’un régime. Il y a les forces internationales dans le pays pour
garantir cette transition, et il y a des éléments négatifs comme la
violence, les enlèvements, le terrorisme. Mais il y a aussi une plus grande
conscience, plus d’ouverture dans la société civile. Le pays est en train
d’apprendre, pas après pas, et il est sur le chemin de la démocratie. Les
chrétiens, partie intégrante de la nation, entendent être présents et actifs
dans ce processus de croissance et de construction d’un avenir civil et
démocratique.
De quelle manière participeront les chrétiens au vote
et à la constitution du nouvel Iraq ?
Sur la participation directe au vote, je suis confiant. Seulement,
dans la région de Mossoul, il y aura une vraie urgence, à cause de la
violence des jours derniers. Plus de 870 familles se sont réfugiées dans
d’autres villages. Ceux-là voteront-ils ? On essaie de chercher un plan de
sécurité et de garantir le droit de vote à tous ces délocalisés internes.
Notre contribution à la construction de l’Iraq se fait à travers la
représentation politique (nous avons 5 sièges réservés au parlement), à
travers la sensibilisation et les œuvres sociales, avec la proclamation des
droits humains et des libertés pour tous. Il y a quelques candidats
chrétiens qui se présentent sur une liste laïque, en dehors des listes
politiques des députés : c’est un bon signe et cela signifie que nous
voulons être “le levain dans la masse”.
Comment jugez-vous la violence récente antichrétienne
? Quelles raisons cela cache-t-il ?
La violence est clairement liée aux élections et signifie une
intimidation envers les chrétiens. Mais il faut aussi considérer le
déséquilibre et le conflit entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central.
Toucher les chrétiens crée des tensions dans tout le pays et génère une
grande attention de la communauté internationale : les chrétiens, par
conséquent, pourraient être les victimes instrumentalisés de jeux politiques
entre les factions en lutte. Le pays est traversé par des conflits entre
arabes et kurdes et entre musulmans chiites et sunnites. La communauté
chrétienne en Irak a toujours servi de pont entre les différentes
composantes et elle a œuvré pour la réconciliation, en jouissant du respect
de tous. Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans une violence
sectaire, mais nous devons rester calmes dans cette situation difficile.
Que pensez-vous du projet de réunir les chrétiens
irakiens dans la plaine de Ninive ?
Naturellement l’idée d’un “ghetto” est inacceptable : les
chrétiens veulent et doivent être éparpillés dans tout le territoire irakien
pour accomplir leur mission. Je crois que les politiciens, les chrétiens et
non-chrétiens ne veulent pas de cela : cela signifierait céder au fanatisme
et au séparatisme. Peut-être y a-t-il un malentendu sur le sujet : selon
certains, en accord avec la Constitution en vigueur, on pourrait donner un
statut spécial à la communauté chrétienne dans la région de Ninive, où les
fidèles sont majoritairement représentés. Cela ne doit pas exclure le fait
que la communauté chrétienne puisse vivre tranquillement et légitimement
dans tout le reste de l’Irak. La proposition d’instituer une “Unité
administrative de la plaine de Ninive” pour les chrétiens est sur la table
depuis 2003 : je crois qu’il est nécessaire que les leaders religieux et les
politiques chrétiens se rencontrent pour discuter, clarifier, examiner les
projets et les solutions.
Comment est-il possible d’améliorer et de garantir les
droits fondamentaux des chrétiens dans le pays ?
Pour atteindre cet objectif fondamental, il faut que les leaders des
Églises en Iraq soient en étroit contact et fassent un effort commun avec
les politiciens chrétiens. Œuvrer pour les droits des minorités et un devoir
politique, et par conséquent ce sont les chrétiens qui sont directement
engagés en politique qui doivent assumer cette responsabilité. Les évêques
et les chefs de l’Église peuvent et doivent aider de tels représentants avec
leur clairvoyance, en portant les valeurs. Aujourd’hui un dialogue mûr est
fondamental entre ces deux composantes, pour le bien de la communauté
entière. L’Église – qui n’a pas de planning politique – œuvre pour former
les consciences des citoyens et des hommes politiques, en les illuminant
avec la lumière de l’Évangile.
Les chrétiens face aux élections, entre peur et
espérance
Une affiche électorale hier sur la porte des maisons de certains
chrétiens de Mossoul : “N’allez pas voter et n’élisez pas de chrétiens,
sinon vous mourrez”. Dans ce climat de peur et de tension, comme le
racontent à Fides des sources locales, la communauté chrétienne s’approche
des élections du 7 mars. La violence des jours derniers a contraint au moins
870 familles chrétiennes à quitter Mossoul dans une semaine et d’autres à
fuir dans les jours qui précèderont les élections, pour revenir si possible
après les élections, quand la situation se sera calmée”, note la source de
Fides. Les fidèles veulent de toute façon participer aux élections
parlementaires dans l’espérance que puisse sortir de ce vote un pays
meilleur, où règnent la stabilité, la paix et la liberté.
Selon une enquête de l’agence Fides auprès des fidèles chrétiens irakiens,
il en ressort une claire volonté de rester en Irak et de continuer à œuvrer
pour le bien de la nation, malg ré les difficultés du présent. L’engagement
direct en politique est une des modalités requises : sur environ 6 200
candidats, répartis sur 306 listes, qui se disputent les 325 sièges du
Parlement, il y a 48 candidats chrétiens qui se présentent sur 6 listes
spécifiques (formées seulement par des représentants
chrétiens). Ces candidats courent après les 5 sièges qui, selon
la Constitution en vigueur, sont réservés aux minorités chrétiennes au
Parlement. La “Liste des deux fleuves” a 10 candidats ; le “Conseil
du Peuple Assiro-chaldéo-siro” en a 9 ; le “Conseil chaldéen” en a 8 ;
la “Liste nationale Ur” en présente 9 ; la “Coalition démocratique Ishtar”
propose 10 noms.
Il y a ensuite 2 candidats indépendants, qui présentent des listes uniques.
Mais, outre ces 48 candidats, trois noms chrétiens sont présents dans la
liste du Parti du Premier ministre Al-Maliki. L’activité politique et la
représentation sont considérées comme un instrument clef dans la lutte pour
l’affirmation des droi ts de la minorité chrétienne, dans le cadre irakien :
pour cette raison, les leaders politiques et religieux invitent avec force
les croyants, malgré la peur et les scrupules, à se rendre aux urnes. “Participer
est un devoir, pour montrer que le sang des chrétiens n’a pas été versé pour
rien”, souligne une source de Fides. “Si entre les minorités
chrétiennes, en effet, prévaut l’abstentionnisme, alors le risque est que
les droits des chrétiens ne soient pas reconnus dans l’agora politique, et
que la présence chrétienne finisse par être confinée par le radicalisme et
le sectarisme. Si les croyants ne votent pas, les criminels auront atteint
leur but d’intimidation et de marginalisation”, explique à Fides
Younadam Kanna, parlementaire chrétien, secrétaire général du “Mouvement
Démocratique Assyrien”, qui est candidat comme chef de liste de la “Liste
des deux fleuves”.
Les chrétiens en Irak sont actuellement environ 600 000. Avant 2003, ils
étaient plus de 1,2 millions dans le pays et la vague de violence qui a
touché la communauté à plusieurs reprises a contraint plus de la moitié des
croyants à fuir.
Sources : www.vatican.va
(PA)
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E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.03.2010 -
T/International
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