Israël : Pour faire la paix, on a besoin de
l'Église |
 |
Le 03 mai 2009 -
(E.S.M.)
-
Le Père Samir attend plus du prochain voyage du Pape Benoît XVI que de toutes les
conférences de l'ONU contre le racisme - « Seuls, les chrétiens n'affrontent
pas le conflit en Israël d'un point de vue religieux, mais selon la justice
».
|
Le Père jésuite et
islamologue Samir Khalil Samirdans
Israël : Pour faire la paix, on a besoin de
l'Église
Le Père Samir attend plus du prochain voyage du Pape que de toutes les
conférences de l'ONU contre le racisme - « Seuls, les chrétiens n'affrontent
pas le conflit en Israël d'un point de vue religieux, mais selon la justice
».
Le 03 mai 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Il a le regard et la pensée aigus de quelqu'un qui, par identité et par
mission, est un « pont » entre des cultures différentes. Égyptien de
naissance mais résident au Liban, arabe jusqu'à la moelle mais formé
intellectuellement en Occident (France et Hollande), chrétien plongé dans la
réalité musulmane, le père Samir Khalil Samir, jésuite de 70 ans, professeur
d'Islamologie à la Saint Joseph University de Beyrouth et au Pontificio
Istituto Orientale à Rome, est la personne la plus à même d'affronter les
thèmes les plus brûlants de l'actualité moyen-orientale à la veille du
voyage de Benoît XVI en Jordanie et en Israël. Le Père Samir, en effet,
n'est pas seulement un grand expert du monde islamique, auquel il a dédié un
livre à succès, "Cent questions sur l'islam"
(ed Marietti) et plus récemment
Islam. De l'apostasie à la violence" (ed Cantagalli), mais c'est un
intellectuel qui a consacré une vie entière à la recherche académique sur
les chrétiens dans les pays arabes. Ce n'est pas un hasard s'il est
président de l'International Association for Christian Arabic Studies et
dirige la collection « Patrimoine arabe chrétien », éditée au Caire et à
Beyrouth.
Cela lui donne un vrai passeport pour expliquer à notre journal (Tempi)
pourquoi les chrétiens doivent rester dans les terres du Croissant et quelle
contribution ils peuvent apporter afin que la violence n'ait pas le dernier
mot dans les relations entre les peuples.
- Père Samir, le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a ouvert la
conférence sur le racisme de Genève (Durban II) en dénonçant avec emphase
l'envahissement de l'« islamophobie ». Pourtant, il n'a pas eu un mot sur le
drame des chrétiens en pays islamiques comme l'Irak, le Soudan, les pays du
Golfe. Qu'en pensez-vous ?
- Le discours de Ban Ki-moon a été une honte et il ne contribuera pas à la
paix dans le monde. Il convient de préciser le terme « islamophobie », un
mot qui circule depuis une dizaine d'années. Littéralement cette expression
veut dire « peur de l'islam » : c'est un phénomène généralisé et qui a un
fondement solide. Les actes de terrorisme, en effet, au cours des dix
dernières années ont été revendiqués en grande partie par des musulmans qui
s'appuient sur le Coran pour justifier leurs actes. La thèse selon laquelle
tout cela n'a rien à voir avec l'islam est une hypocrisie. Je voudrais dire
à ceux qui la soutiennent : commencez par empêcher que les terroristes ne
fondent leurs revendications sur l'islam ! Je considère comme une idiotie
d'affirmer que l'islamophobie est quelque chose qui a à voir avec le racisme
: ce terme, islamophobie, doit beaucoup à la fabrication dans un bureau.
Peut-être Ban Ki-moon a t’il voulu faire une concession pour calmer la
situation à la rencontre de Genève et contrebalancer de la question de
l'antisémitisme. Par contre il existe une forte christianophobie en
Occident, en particulier un anticatholicisme, comme on l'a vu lors de
différents épisodes concernant le Papa, avec la déformation de ses mots et
de ses actes, par exemple sur le cas Williamson et sur la question du Sida
en Afrique. Il y a des pressions très fortes sur les chrétiens dans des pays
comme l'Irak et la Palestine. En Arabie Saoudite, il y a le déni total de la
liberté religieuse pour les chrétiens : c'est inadmissible qui cela se
produise dans un des pays les plus riches du monde et en plus « ami » de
l'Occident au Moyen Orient. Qui, à Genève, a dit quelque chose sur la
situation du Darfour ? Au Moyen Orient, il y a l'impression que l'Occident
emploie deux poids et deux mesures dans sa politique, alors que le monde
islamique instrumente politiquement la religion. Personnellement, je trouve
pour affronter la situation dans ma tradition d'humaniste chrétien des
modalités meilleures que l'approche des politiciens occidentaux. Cette
conférence de Durban II ne servira pas à la paix mondiale et même pas à la
lutte contre le racisme.
- Dans une semaine Benoît XVI se rendra en visite d'abord en Jordanie et
ensuite en Israël. Que rôle voyez-vous aujourd'hui pour l'Église catholique
au Moyen Orient ?
- Quand il parle de foi et de spiritualité, le Pape est écouté des
musulmans. Si par contre il met au centre la dignité de la personne,
l'Occident « laïc » est d'accord avec lui. Mais ces deux dimensions - celle
spirituelle et celle anthropologique - doivent tenir ensemble. Si les
chrétiens disparaissent ou renoncent à leur témoignage au Moyen Orient, les
sociétés de ces pays iront vers le conflit. Le Moyen Orient est paralysé
depuis soixante ans par le conflit israélo-palestinien. Aussi longtemps
qu'il s'agissait d'un problème juridico-politique, il pouvait se résoudre,
mais aujourd’hui, tant les israéliens que les palestiniens y ont inséré la
dimension religieuse. Des exemples concrets en témoignent : les juifs sont
solidaires à cent pour cent avec le gouvernement d'Israël, les juifs
américains maintiennent économiquement l'État d'Israël ; les musulmans, de
leur côté, se proposent dans le monde entier pour défendre militairement la
Palestine. Dans cette situation les chrétiens sont les seuls qui, avec les
juifs et les islamiques « laïcs », peuvent proposer un programme de paix
parce qu'ils ne veulent pas affronter la question religieusement mais selon
la justice et la légalité. Le Saint Siège et les différents Pape ont
toujours insisté qu'on doit arriver à une négociation, qu'il n'y a pas
d'autre chemin que le droit et la justice. Si les palestiniens ne
reconnaissent pas Israël comme État indépendant et si Israël fait de même
vis-à-vis de la Palestine, on n'arrivera jamais à la paix. Il suffit de
regarder ce qui s'est passé avec les États limitrophes, Jordanie et Egypte,
qui ont reconnu Israël et maintenant vivent en paix. Certes, il a fallu un
visionnaire comme Sadat pour arriver à ce résultat, au Caire, un visionnaire
qui ensuite a été tué ; pendant que le roi Hussein de Jordanie a dû
affronter le « septembre noir » pour faire de la paix avec Israël, expulsant
des centaines de milliers de palestiniens de son pays.
- Dans votre essai Rôle culturel des chrétiens dans le monde arabe, vous
écrivez : « Les chrétiens ont souvent été le moteur de différentes
renaissances culturelles à travers les époques : c'est là leur plus grand
honneur. Mais cette élaboration a été possible seulement grâce à l'existence
de régimes musulmans ouverts à cette dimension de nouveauté, à cette
altérité ». Selon vous, cette « sainte alliance » culturelle entre les
chrétiens et les musulmans est-elle encore possible, aujourd'hui, dans les
pays arabes ?
- Je donne un exemple : le Nahdah, la « renaissance » arabe qui s'est
vérifiée entre le XIXème siècle et la première partie du XXème, est
essentiellement l'oeuvre des chrétiens. De nouveau, aujourd'hui, un siècle
après, il se passe la même chose, quoique les chrétiens soient en minorité
dans les pays arabes. Aujourd'hui la « nouveauté » dans la pensée arabe
arrive du Liban, où l'interaction entre les chrétiens et les musulmans est
plus vivante : ici il y a cinq universités catholiques, outre celles
islamiques et celles d'état. On voit fonctionner des radios, des
télévisions, des journaux et revues de matrice chrétienne, sur lesquelles
tout le monde écrit, musulmans, « laïques », chrétiens. Aujourd'hui l'impact
culturel des chrétiens au Moyen Orient se produit par les moyens de
communication : le Liban est devenu le premier centre de publication de
livres de tout le monde arabe, y sont imprimés des livres saoudites,
marocains… Même les musulmans comprennent que les chrétiens sont le groupe
le plus actif et les éléments culturellement les plus dynamiques, comme cela
se produit souvent pour les minorités. Les chrétiens libanais ou des autres
pays moyen-orientaux ont ensuite des liens et des contacts avec l'Occident,
et c'est pourquoi leur rôle culturel est fondamental. Beaucoup de musulmans,
même d'influents leaders, tant au Liban qu'en Jordanie, mais aussi en Arabie
Saoudite, l'ont déclaré publiquement : nous ne voulons pas que les chrétiens
s'en aille de nos pays parce qu'ils sont une partie essentielle de nos
sociétés.
Lorenzo Fazzini
Le Saint-Père en
Terre Sainte, programme du voyage

Sources : Benoit
et moi
Article original en italien ici
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.05.09 -
T/BTerre sainte |