La liturgie au risque de la modernité |
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Le 03 mai 2008 -
(E.S.M.) - Le Père Jonathan Robinson, Professeur de théologie
et fondateur de l'Oratoire de Toronto (Canada), nous livre aux éditions
Tempora une étude de très grande importance sur "La liturgie au risque
de la modernité".
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Le Père Jonathan
Robinson -
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La liturgie au risque de la modernité
Le Père Jonathan Robinson, Professeur de théologie et fondateur de
l'Oratoire de Toronto (Canada), nous livre aux éditions Tempora une étude de
très grande importance sur "La liturgie au risque de la modernité".
L'ouvrage de 345 pages, très dense et d'un abord qui pourra sembler un peu
ardu pour qui n'a pas fait d'études de philosophie, comporte trois grandes
parties.
Dans la première, l'Auteur rappelle en quoi consistent
les différents aspects de cette crise liturgique contemporaine que plus
personne ne peut nier : "La liturgie de l'Église s'est gravement
fourvoyée. Pour n'être pas universelle, cette conviction - il est important
de le comprendre - est néanmoins partagée par des traditionalistes et par
bien des gens que l'on ne saurait en aucune manière qualifier de
conservateurs ou traditionnels. Le Cardinal Danneels, primat de Belgique,
dont on pourrait certainement dire qu'il appartient à l'aile progressiste de
l'Église, écrivait dans son bulletin diocésain: "Dans l'ancien droit canon,
les rubriques dominaient tout : faute d'être éclairés, les prêtres se
conformaient à leurs prescriptions avec une obéissance parfois puérile.
Aujourd'hui, la situation est inverse: c'est la liturgie qui doit obéir et
s'adapter à nos préoccupations, au point qu'elle ressemble plutôt à un
meeting politique ou à un happening. Nous allons célébrer la vie telle que
nous la connaissons!" Je pense que le cardinal a raison, et je crois aussi
qu'il a mis le doigt sur la déviation fondamentale: la liturgie n'est plus,
avant tout, le culte de Dieu mais une célébration de nos besoins et de la
vie telle que nous la connaissons. Il est vrai que cela ne gêne pas
particulièrement un bon nombre - sinon même la plupart - des gens qui vont
encore à la messe; mais pour contrebalancer cette satisfaction
(ou autosatisfaction si le cardinal Danneels a raison),
il y a quand même deux choses que l'on peut constater.
D'une part, au plus haut niveau de l'Église, on admet qu'il faut
véritablement quelque chose comme une réforme de la réforme, et cela montre,
à tout le moins, que les critiques portées contre les dispositions
liturgiques actuelles ne se réduisent pas à refuser de changer ou d'accepter
les dispositions de l'autorité légitime. D'autre part, il y a le fait que,
si la situation actuelle peut bien satisfaire ceux qui continuent à aller à
la messe, on constate que le nombre de pratiquants et l'influence de
l'Église ont connu une baisse catastrophique. Les catholiques non
pratiquants sont bien plus nombreux encore - sans parler de tous les gens
qui ne pratiquent aucune religion - à ne rien trouver qui les attire dans
nos rites, du moins tels que nous les célébrons actuellement." Voilà la
réalité brièvement mais clairement résumée. Le Lecteur trouvera dans
l'ouvrage du P. Robinson de nombreux textes ou exemples venant étayer cette
analyse.
Dans la deuxième partie, l'Auteur se plaît à remonter
à la source de la crise actuelle : une source qu'il situe aux
XVIIIème siècle et au XIXème siècle. C'est la partie la plus dense, la plus
complexe, mais incontestablement la plus riche de l'ouvrage : on y voit que
la question des rites est, au fond, secondaire, car le vrai problème est
d'ordre philosophique, théologique, ecclésial. Au fond, si notre façon de
traiter la liturgie - et ses rites - a conduit à faire un peu tout et
n'importe quoi, c'est d'abord parce que notre vision
de Dieu, de l'Église et de la foi chrétienne a été en partie faussée par
l'introduction dans notre façon de penser, d'idées fausses, héritières des
Lumières.
Dans la troisième partie, assez brève, le P. Robinson
propose les solutions qu'il faudrait adopter pour enrayer la crise actuelle.
Pour lui, il est évident que la restauration liturgique voulue par l'Église
au moment de Vatican II était une nécessité car, avant le Concile, "pour un
oeil non averti, la messe latine était du théâtre kabuki: statique et
incompréhensible. Voir des millions de gens s'agenouiller sans protester
tout au long de la messe, dimanche après dimanche, confirmait les
sécularistes dans leurs convictions que les catholiques étaient des masses
inertes. Mais pour quelqu'un qui avait été catholique toute sa vie, les
détails du latin n'avaient guère d'importance. Les cadences majestueuses de
la messe empruntaient des connexions neuronales bien établies et possédaient
une structure dramatique claire (...). Globalement - les lumières tamisées,
le scintillement des vêtements liturgiques, l'incandescence des vitraux, le
murmure du latin récité comme un mantra -, cette
expérience purifiait l'esprit; elle calmait l'âme, ouvrait les esprits à
d'intenses Présences et de vastes Desseins que l'on saisissait mal.
Chaque semaine ou même chaque jour s'il le désirait, le temps d'un
tremblement, l'homme de la rue avait le Divin à portée
de main."
C'est ce genre de célébrations que les liturgistes entreprirent de réformer,
et c'était nécessaire. Mais au lieu que les choses s'améliorent - écrit
l'Auteur - on a perdu quelque chose : par là fut réduite cette capacité à
avoir le Divin à portée de main, ce qui constituait précisément le coeur
même de la liturgie.
Faut-il alors revenir en arrière, se demande le P. Robinson ? S'il reconnaît
que cette demande possède une certaine validité face aux célébrations
liturgiques actuelles dont certaines peuvent difficilement être qualifiées
de chrétiennes, il affirme sans détour qu'un retour à l'ancien rite ne
serait ni pratique ni même sain. "L'ancien rite n'occupe plus une place
centrale dans la mentalité de la plupart des catholiques pratiquants
actuels; en fait, la plupart du temps, lorsque des catholiques assistent
pour la première fois à une messe dans l'ancien rite, elle leur apparaît
bizarre et étrangère. Ce qui ne veut pas dire que certains ne l'apprécieront
pas; mais là n'est pas la question. Le fait essentiel est que, pour la
plupart des catholiques, l'ancien rite ne constitue plus le point de
référence spirituel central; il faut les amener à l'ancien rite. Lorsqu'ils
réfléchissent sur le culte de Dieu, ce n'est pas lui qui constitue leur
point de départ."
Mais que faire alors ? L'Auteur fait plusieurs propositions bien
argumentées. Pour lui, il est urgent :
- de favoriser une participation à la liturgie qui soit
d'ordre contemplatif;
- d'éliminer de la liturgie tout ce qui est création personnelle et locale;
car plus une liturgie devient personnelle et locale, moins elle peut
correspondre à l'objet premier de l'Eucharistie;
- conserver la dimension "illuminative" de la célébration, par laquelle
toute liturgie enseigne et reflète la foi catholique sur laquelle elle se
fonde;
- fonder toute prédication sur les Écritures telles que l'Église les
comprend;
- veiller à ce que la liturgie puisse faire son oeuvre seule, sans
qu'interviennent en permanence les préoccupations particulières ou la
personnalité propre du célébrant ou de l'animateur;
- veiller à un usage plus intensif du latin dans toutes les paroisses afin
de rappeler que ce ne sont pas nos paroles qui sont importantes en liturgie,
mais que c'est Dieu qui est au coeur de toute
célébration;
- revoir très sérieusement la question de la musique et du chant en ayant
conscience que les bonnes intentions ne suffisent pas pour composer ce qui
doit pouvoir trouver sa place dans la liturgie;
- sortir la liturgie de sa routine d'autosatisfaction en réintégrant dans
les sanctuaires le mouvement ordonné - "rituel" - des acteurs de la
liturgie, mouvement qui aide le fidèle à sortir de lui-même en lui rappelant
que la liturgie est d'abord une action initiée par
Dieu qui nous invite à répondre à son amour.
Oui, l'ouvrage du Père Jonathan Robinson mérite grandement d'être lu,
étudié, offert, diffusé... Il trouve incontestablement une place de choix
dans le grand débat actuel autour de la liturgie.
P. Jonathan ROBINSON,
La liturgie au risque de la
modernité,
Tempora (25 euros + frais de port).
Ordonné prêtre en
1962, le Père Jonathan Robinson, a enseigné dans divers séminaires et
universités avant d’être le secrétaire du Cardinal Leger de Québec puis de
fonder l’Oratoire de Toronto (Canada).
Cette réflexion nous est offerte par
Denis CROUAN, docteur en théologie,
Pdt de Pro Liturgia
Articles sur la Liturgie
:
(ici)
Sources :
PRO LITURGIA
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.05.08 -
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