ROME, Jeudi 1er décembre 2005 –
Le pape Benoît XVI a nommé le P.Wojciech Giertych, op, théologien de la Maison
pontificale.
En effet, le cardinal Georges Marie
Cottier théologien de la Maison pontificale de Jean-Paul II, a atteint la limite
d’âge : le Dominicain suisse, né en 1922, est âgé de 83 ans.
Par tradition, le théologien de la Maison pontificale est un Dominicain et le
prédicateur de la Maison pontificale un capucin, actuellement, le R.P. Raniero
Cantalamessa.
Le nouveau Théologien de la Maison pontificale, le Wojciech Giertych est né en
1951, il a 54 ans.
Il est né à Londres dans une famille polonaise. Spécialisé en histoire, il est
aussi titulaire d’un doctorat en Théologie de l’Angelicum. Il était jusqu’ici
professeur de théologie morale à la même université pontificale saint Thomas d’Aquin
et au Studium des Dominicains de Cracovie.
Il connaît non seulement l’anglais et le polonais, mais le français, l’italien,
l’espagnol, l’allemand et le russe.
(1)
ZF05120107 (ZENIT.org)
La révélation du Christ, principe
normatif fondamental de la théologie
Commission théologique internationale
ROME, Jeudi 1er décembre 2005 –
La
révélation du Christ est le principe normatif fondamental de la théologie
catholique, explique Benoît XVI.
Pour ce qui est de la méthode théologique catholique, deuxième thème abordé par
la Commission théologique internationale, Benoît XVI a affirmé que la théologie
« ne peut naître que de l’obéissance à l’impulsion de la vérité et de l’amour
qui désire mieux connaître celui qu’il aime », c’est-à-dire Dieu lui-même, qui,
« dans son infinie bonté, s’est fait connaître, surtout
dans son Fils unique ».
« La révélation du Christ, a-t-il ajouté, est par
conséquent le principe normatif fondamental de la théologie ».
« Elle s’exerce toujours dans l’Eglise et pour l’Eglise, continuait le pape,
dans la fidélité à la Tradition apostolique. Le travail du théologien doit par
conséquent s’accomplir en communion avec le Magistère vivant de l’Eglise et sous
son autorité ».
« Considérer la théologie comme une affaire privée du théologien signifie
méconnaître sa nature même, faisait observer Benoît XVI. C’est seulement à
l’intérieur de la communauté ecclésiale, dans la communion avec les pasteurs
légitimes de l’Eglise, que le travail théologique a un sens: il requiert certes
la compétence scientifique mais surtout l’esprit de foi et l’humilité de qui
sait que le Dieu vivant et vrai, objet de sa réflexion, dépasse infiniment les
capacités humaines. Ce n’est que par la prière et la contemplation que l’on peut
acquérir le sens de Dieu et la docilité à l’action de l’Esprit Saint, qui
rendront la recherche théologique féconde, pour le bien de toute l’Eglise ».
« On pourrait objecter, reprenait le pape: mais, une théologie ainsi définie est
encore une science, et en conformité avec notre raison? »
« Oui, répondait Benoît XVI, la rationalité, le
caractère scientifique, et penser dans la communion de l’Eglise non seulement ne
s’excluent pas, mais vont ensemble. L’Esprit Saint introduit l’Eglise dans la
plénitude de la vérité, l’Eglise est au service de la vérité et sa direction est
éducation à la vérité ».
ZF05120105 (ZENIT.org)
(1)
LE FRERE WOJCIECH GIERTYCH,
SOCIUS DU MAITRE DE L’ORDRE POUR LA VIE APOSTOLIQUE, ENSEIGNE AUSSI LA THEOLOGIE
A L’UNIVERSITE DE L‘ANGELICUM. IL EST FILS DE LA PROVINCE DOMINICAINE DE
POLOGNE.
Voici une jolie
page du Fr. Wojciech Giertych OP
IMPORTANCE DE L’ÉTUDE DE LA
THÉOLOGIE DANS LA TRADITION DOMINICAINE
Tout d’abord, je voudrais faire référence à une remarque
faite par Fr Damian Byrne O.P. lors d’une de ses visites en Pologne. A l’époque,
j’étais assistant du maître des étudiants pour la formation d’un grand nombre
d’étudiants dominicains. L’un des frères a demandé au Maître de l’Ordre pourquoi
nous n’avons pas de tradition concernant la direction spirituelle individuelle.
(Beaucoup de congrégations religieuses et de séminaires diocésains insistent sur
la direction spirituelle individuelle, d’après le modèle jésuite.) Dans sa
réponse, Damian a dit que certaines personnes préfèrent être guidées par des
contacts réguliers avec un directeur spirituel. Dans la tradition dominicaine,
nous n’avons pas cela, mais à la place nous avons deux éléments très importants
: une vie communautaire exigeante et une grande tradition
théologique. Dans la vie communautaire (avec notre tradition de
chapitres, rencontres communautaires et gouvernement démocratique), nous nous
frottons les uns aux autres et l’apport de nos frères est un facteur important
de notre maturation. Dans l’étude de notre tradition
théologique, nous voyons les principes, nous avons une vision, nous sommes
incités à réfléchir, à construire une synthèse cohérente de la foi, du
raisonnement, de notre conscience des besoins du monde et de l’Église autour de
nous, et de nos propres décisions, réponses, affectivité et vue du monde.
Cependant, si notre vie communautaire cesse d’être exigeante (et cela arrive
quelque fois dans nos communautés, spécialement dans les communautés d’hommes,
où nous glissons facilement vers l’individualisme), et si
nous ne faisons pas l’effort d’étudier la théologie,
nous devenons impuissants et notre vie spirituelle et
notre vocation finissent par capoter.
L’étude de la théologie est vitale pour la formation d’une
synthèse intérieure nécessaire à notre maturation humaine et spirituelle. (Je
peux aussi ajouter que réduire l’importance de la direction spirituelle et
insister sur la séparation entre la vie spirituelle et le gouvernement, est
essentiel pour notre démocratie. Quand cette distinction n’est pas faite, comme
cela arrive dans certains ordres religieux et communautés nouvelles, où l’on ne
sépare pas ce qui relève du for interne de ce qui relève du for
externe, il y a place pour de terribles manipulations et abus d’autorité !)
En outre, je pense que l’étude de la théologie (pour les hommes comme pour les
femmes) est de plus en plus importante aujourd’hui. Autrefois, quand un jeune
homme, ou une jeune fille, entrait dans la vie religieuse en provenance d’un
milieu catholique traditionnel, souvent rural, avec peu de contacts avec la
culture contemporaine, la formation reçue dans la vie religieuse (même si elle
était superficielle) rencontrait un support et offrait normalement plus que ce
que le (ou la) candidat(e) avait reçu à la maison. Aujourd’hui, quand les gens
entrent dans la vie religieuse en ayant déjà un diplôme universitaire ou, même
s’ils n’ont pas de diplômes, ils ont été confrontés aux films, à la télévision,
aux nouvelles, à Internet, etc… il y a tout un bagage dans l’esprit et
l’imagination qui a besoin d’être organisé à l’intérieur de la personne, selon
les principes de l’Évangile. Un jeune homme, ou une jeune fille, qui a pu
découvrir la foi et la vocation dominicaine par l’intermédiaire d’un groupe de
prière, ou d’une journée mondiale de la jeunesse, ou du mouvement charismatique,
et qui entre ensuite dans la vie religieuse, cette personne a besoin de quelque
chose de plus que l’expérience religieuse, même très enthousiaste ou
sentimentale, qui l’a conduite vers l’Ordre. Tout le mode
de pensée doit être ordonné afin que foi et vocation ne soient pas basés sur les
méandres de l’affectivité. La foi doit pénétrer dans la vie de
l’intellect et dans la sphère du libre arbitre. Cela veut dire que les idées,
concepts, positions intellectuelles, idéologies, décisions, modes et
engouements, doivent être reconsidérés (de manière positive, sans dénier les
bonnes choses qu’ils ont pu apporter) à la lumière d’une grande tradition
intellectuelle. Il ne suffit pas de dire à un jeune débutant dans la vie
religieuse : "Tiens, prends le chapelet et la Liturgie des
Heures et ça te suffira !" Si les candidats au sacerdoce doivent étudier
un minimum de six ans la philosophie et la théologie, ce n’est pas d’abord en
vue de leur futur apostolat. C’est en fonction d’eux-mêmes, de leur identité
humaine et chrétienne. On peut dire la même chose pour les religieuses. Elles
ont le même besoin de formation théologique. Si l’on offre une formation
professionnelle à des religieuses en vue de leur futur travail (par exemple,
l’enseignement de la biologie à l’école), elles ont besoin de recevoir une
formation théologique de même niveau pour leur maturité religieuse personnelle.
La formation intellectuelle donnée dans la vie religieuse
devrait conduire à l’initiation à la pensée d’un grand maître, qui a laissé une
oeuvre importante, qui a été confirmé par l’Église, et qui peut être le
fondement d’une synthèse intellectuelle et spirituelle personnelle. Ce maître
peut être quelqu’un comme St Thomas d’Aquin ou Ste Catherine de Sienne ou Ste
Thérèse de Lisieux ou l’un des Pères de l’Église. Il faut du temps pour entrer
dans la pensée de St Thomas d’Aquin ou de St Augustin ou de Ste Thérèse d’Avila
! Cela demande une lecture approfondie de la théologie contemporaine, laquelle
montre la validité des principes du grand auteur pour les questions soulevées
aujourd’hui. La familiarité avec l’héritage théologique d’un maître peut fournir
les bases de nombreuses années de prédication, d’enseignement et de service dans
l’Église, et cela est important pendant les principales années d’une vie adulte.
Beaucoup de congrégations religieuses peuvent avoir tendance à dire qu’elles ont
la figure de leur Mère Fondatrice et qu’elle peut être un maître spirituel et
théologique pour les soeurs. C’est peut-être vrai, mais seulement jusqu’à un
certain point. La fondatrice n’a pas forcément laissé d’oeuvres théologiques et
spirituelles sérieuses. Elle a peut-être laissé quelques écrits qui révèlent la
formation intellectuelle qu’elle a reçue au XIXe siècle. Mais cet héritage doit
être relu et adapté aux besoins du XXIe siècle. Pour cela
il faut une vision plus large qui s’appuie sur une plus ancienne tradition et
qui est ouverte aux développements contemporains dans l’Église.
LE RÔLE DES FEMMES DANS LA PENSÉE DE L’ÉGLISE
Il fut un temps où il n’était pas question pour une femme
d’être docteur de l’Église. Heureusement, nous somme sortis de cette période et
nous devenons de plus en plus conscients de l’aspect spécifiquement féminin de
l’approche des divins mystères, ce qui est un grand service et un grand don pour
l’Église. J’aime interpréter cela à l’aide d’une distinction (faite par St
Thomas d’Aquin) entre l’intellectus et la ratio. L’intellect est
le pouvoir d’intuition de l’esprit, la capacité de saisir directement la
réalité. La raison et le pouvoir d’assembler les choses, de voir leurs
relations, d’arriver à une conclusion à l’aide d’un syllogisme. L’esprit
masculin et l’esprit féminin possèdent tous les deux l’intellect et la raison.
Mais l’esprit féminin est plus intellectuel (au sens intuitif) et l’esprit
masculin est plus rationnel. Dans de nombreuses langues, on utilise le même
verbe pour décrire la fonction de l’esprit et celle de la main (saisir, to
grasp, capire, chwycié). Normalement, la main masculine est plus grande,
plus forte, capable de saisir un objet lourd, tandis que la main féminine est
plus délicate, plus petite, capable de transmettre quelque chose quand elle se
pose sur une épaule dans un geste de compréhension et de sympathie. Si nous
appliquons maintenant cette observation au travail des théologiens qui ont
essayé de décrire le mystère de la présence de la grâce divine dans l’âme
humaine, nous constatons une notable différence entre les oeuvres des hommes et
celles des femmes. Thomas d’Aquin est typiquement masculin dans son mode de
pensée. Avec la précision d’un ingénieur en sainteté, il spécifie
clairement le fonctionnement des facultés, habitudes et actes, dans leur
dimension naturelle et surnaturelle. La longue description des passions variées,
de leur manifestation en vertus naturelles et surnaturelles, des apports de la
raison, de l’intellect, de la volonté, de la mémoire, de l’imagination et bien
sûr de la grâce, peut parfois être irritante par sa précision. Si l’on compare
cela avec les oeuvres de Ste Catherine de Sienne ou de Ste
Faustine Kowalska, ou d’autres mystiques féminines, on voit une approche
différente. L’approche des femmes est moins rationnelle, plus intuitive, plus
descriptive et poétique. Leur présentation n’est pas aussi précise que celle de
Thomas d’Aquin, mais elle est fascinante par son charme. Elle a quelque chose
des mots de l’ami assis à côté de vous, qui vous prend par le coude et vous dit
: "Regarde !" Quelle est la théologie dont nous avons besoin, la théologie
rationnelle des hommes ou la théologie intuitive des femmes ?
Nous avons besoin des deux ! Certainement nous, les
hommes, nous avons besoin des deux. Si nous ne profitons pas de l’approche
féminine, notre théologie devient raide et sèche. Elle devient trop conceptuelle
et n’invite pas dans le mystère. Pourquoi y a-t-il si peu de saints parmi les
thomistes ? L’Église nous invite constamment à étudier St Thomas, mais elle ne
canonise pas les théologiens thomistes ! (À l’exception des thomistes qui –
comme St Jean de la Croix ou Ste Edith Stein – ont puisé aussi à d’autres
sources, des sources qui sont plus humaines, plus touchantes, plus directement
centrées sur l’expérience directe de Dieu.)
Pour répondre à la question soulevée, j’aimerais dire que,
dans mon itinérance théologique, j’ai essayé de m’appuyer sur les maîtres. J’ai
toujours pensé qu’il valait mieux lire un bon ouvrage, écrit il y a plusieurs
siècles, que des oeuvres contemporaines qui seront démodées dans quelques
années. Pour parler personnellement, je peux dire que
j’ai deux maîtres : St Thomas et Thérèse de Lisieux. Pourquoi Thérèse
et pas Catherine ? Eh bien, je ne saurais dire. J’ai trouvé que Thérèse
m’inspirait davantage. Catherine est pour moi trop lointaine, elle parle un
langage métaphorique qui n’est pas particulièrement signifiant pour moi.
Peut-être que je n’ai pas rencontré suffisamment de catherinistes
intéressants ? Il y a plus de thomistes dans l’Église que de
catherinistes !
Pendant des années, j’ai lu St Thomas – pas seulement ses
écrits, mais aussi quantités de livres et de commentaires sur sa théologie. J’ai
fondé mon enseignement sur son oeuvre, mais en même temps j’ai réalisé qu’il est
nécessaire d’écouter les questions contemporaines. Nous devons être attentifs à
ce qui se passe dans notre église locale. Non seulement nous devons écouter les
questions des gens, mais nous-mêmes devons soulever des questions qui viennent
d’une lecture plus profonde de la Parole de Dieu et de notre tradition
théologique. J’ai beaucoup aimé le commentaire du Fr Yves Congar qui, alors
qu’il était mal compris et mis en question dans les années 1950, a dit : "Peut-être
que mes réponses sont incorrectes, mais les questions sont réelles !"
Nous devons entendre les questions et, avec elles à l’esprit, aborder la
tradition théologique. Notre théologie ne peut pas être seulement une théologie
de formules apprises par coeur et répétées comme un perroquet (comme cela a été
le cas pendant des siècles dans la tradition moderne). Elle doit être une
théologie de questions, comme celle de St Thomas. Alors seulement elle devient
intéressante.
Quand j’ai découvert Thérèse, j’ai lu toute ses oeuvres. J’ai
trouvé chez elle un magnifique complément à la théologie de St Thomas. Thérèse
écrit dans un langage beaucoup plus proche du nôtre. Sa théologie est directe,
concrète, concise. On voit le travail de la grâce à travers le prisme de sa
propre expérience, manifestée dans ses écrits. Ce qu’elle décrit dans un langage
simple se trouve dans la synthèse sèche de St Thomas. La lecture de Thérèse m’a
énormément aidé à mieux comprendre St Thomas.
Fr. Wojciech Giertych OP
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