Benoît XVI évoque le rôle
civilisateur du monachisme occidental |
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Le 02 octobre 2008 -
(E.S.M.) -
Le discours de Benoît XVI aux Bernardins était le plus attendu. Il n’a
pas déçu. D’emblée, Benoît XVI focalise son attention sur ces repères :
les Saintes Écritures, lesquelles, véhiculant la Parole de Dieu, ont
permis aux chercheurs de Dieu de conjuguer amour des lettres et amour de
Dieu.
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Le pape à Paris -
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Benoît XVI évoque le rôle civilisateur du monachisme occidental
Fondements de la civilisation
Le 02 octobre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
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Le discours de Benoît XVI aux Bernardins était le plus attendu. Il n’a pas
déçu. C’est un texte remarquable et exigeant qui explique que la culture
rime avec la recherche de Dieu.
Dans le sillage de la conférence de Ratisbonne
(12
septembre 2006) et du discours
(manqué) à La Sapienza à Rome
(17
janvier 2008), Benoît XVI a poursuivi, à
Paris, sa réflexion sur le rapport entre la foi et la raison
(12
septembre 2008). Sa
leçon prend comme point de départ le lieu « emblématique » où il la prononce
: le collège des Bernardins édifié en 1245 par les Cisterciens. De là,
Benoît XVI évoque le rôle civilisateur du monachisme
occidental. Il impute à ce monachisme d’avoir gardé, au moment de «
la grande fracture culturelle » – on pense ici au déferlement des
hordes barbares en Europe –, le meilleur de la culture ancienne tout en
suscitant une culture nouvelle. Telle n’était du reste pas l’ambition des
moines ; ce résultat leur a été donné comme par surcroît car leur ressort
intime n’était autre que la quête de Dieu. Un Dieu, cependant, qui plaçait «
des bornes milliaires » pour s’offrir à être trouvé.
D’emblée, Benoît XVI focalise son attention sur ces repères :
les Saintes Écritures, lesquelles, véhiculant
la Parole de Dieu, ont permis aux chercheurs de Dieu de conjuguer amour des
lettres et amour de Dieu ou encore, selon l’expression vigoureuse de Dom
Jean Leclercq reprise à son compte par le pape Ratzinger, « eschatologie
et grammaire ». S’ensuivirent la fondation d’écoles et de bibliothèques
ainsi que le développement même des sciences profanes qui furent notamment
linguistiques afin d’approfondir toutes les virtualités de la Parole.
À la racine de la civilisation européenne, Benoît XVI, avec douceur mais
sans complexe, situe donc le désir de Dieu et l’amour de la parole. Un
authentique historien de la culture occidentale ne pourra qu’admirer cette «
résolution dans les principes » à laquelle, de façon inductive, notre
pape parvient.
La vraie philosophie. Des principes, arrivons directement à la conclusion à
laquelle le pape aboutira. Celle-ci tient dans les deux dernières phrases de
sa conférence, à inscrire dans le marbre : «
Une culture purement positiviste, qui enverrait dans le domaine
subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la
capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus
élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient
être que graves. Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu
et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de
toute culture véritable ». On est bien dans l’axe de Ratisbonne où Benoît XVI soulignait que
la raison cantonnée à la mathématique et à la fonctionnalité, frustrée par
conséquent de sa dimension métaphysique, était incapable d’établir un
dialogue avec les religions, et dans la perspective de La Sapienza, où il
affirmait qu’une philosophie qui se dégrade en positivisme, réduisant le
champ de notre connaissance aux phénomènes qui tombent sous notre
expérience, passe à côté de la question cruciale de la vérité. À Paris, le
Souverain Pontife aborde la même question, mais sous l’angle de la finalité.
En définitive, « l’attitude vraiment philosophique » consiste à «
regarder au-delà des réalités pénultièmes et [à] se mettre à la recherche
des réalités ultimes qui sont vraies ». Notre pape dit tranquillement
une chose énorme à l’oreille moderne ou postmoderne :
être philosophe, c’est chercher Dieu ! Comme saint Paul, mentionnant
à l’Aréopage qu’il avait trouvé un autel prudemment dédié « au dieu
inconnu », Benoît XVI ne peut pas ne pas observer qu’aujourd’hui, «
pour beaucoup, Dieu est vraiment devenu le grand
Inconnu ». En expert de la pensée contemporaine, il décèle dans
l’athéisme moderne la question lancinante de Dieu : « comme jadis où
derrière les nombreuses représentations des dieux était cachée et présente
la question du dieu inconnu, de même, aujourd’hui, l’actuelle absence de
Dieu est aussi tacitement hantée par la question qui Le concerne ».
La question de l’interprétation. Ce n’était pas le lieu de revenir sur le
débat controversé de Ratisbonne qui portait sur les différentes conceptions
de Dieu, soit en Islam – Dieu est tellement transcendant qu’il pourrait agir
contre la raison –, soit en christianisme – Dieu est Raison. Benoît XVI,
cependant, n’avait pas dit son dernier mot. Voici que la question est
reprise à propos de l’Écriture. En régime chrétien, explique-t-il, « l’Écriture
a besoin de l’interprétation ». Nul besoin de développer le fait que,
selon une autre vision, les versets inspirés seraient la Parole incréée de
Dieu de telle sorte que l’herméneutique ferait figure de blasphème. Des
chrétiens ont pu aussi s’engager dans cette voie fondamentaliste. Aussi le
pape insiste-t-il sur le fait que « la Parole de Dieu […] n’est
jamais présente dans la seule littéralité du texte ». En ce sens, à la
suite du Catéchisme de l’Église catholique, il dénie au christianisme d’être
« au sens classique seulement une religion du livre ».
L’interprétation de l’Écriture ne saurait être épuisée par la critique
historique. Benoît XVI s’était déjà longuement expliqué sur les limites de
cette méthode exégétique dans son
Jésus de Nazareth : cette approche situe uniquement la parole dans le
passé, ne dépasse pas le niveau de la parole humaine et ne parvient pas à
considérer l’unité de l’ensemble des livres inspirés. Ici, il se concentre
sur ce dernier aspect : les Écritures, au pluriel – c’est-à-dire les mots
humains –, recèlent l’unique Parole de Dieu. Comment discerner l’un dans le
multiple sinon à considérer le tout selon cette exégèse canonique qui
renvoie à une « compréhension holistique » où un livre en explique un
autre et où un Nouveau Testament en éclaire un Ancien.
Encore faut-il considérer la réception de cette Parole, qui n’est jamais
l’individu dans son ego, au risque de « l’arbitraire subjectif », mais la
communauté elle-même. Dans
Jésus de Nazareth, J. Ratzinger-Benoît XVI montrait que les livres
scripturaires renvoient à trois sujets interactifs : l’auteur ou un groupe
d’auteurs (1er sujet) qui
« ne sont jamais des écrivains autonomes au sens moderne », car ils
font partie d’« un sujet commun, le peuple de Dieu
(2ème sujet) duquel ils
parlent et à qui ils s’adressent », lequel peuple n’est lui-même pas
isolé car il sait tout recevoir de Dieu
(3ème sujet) qui le forme et le
conduit. Aux Bernardins, le pape affirme que « la Parole ne conduit pas
uniquement sur la voie d’une mystique individuelle, mais [qu’]elle nous
introduit dans la communauté de tous ceux qui cheminent dans la foi ».
Autant dire qu’elle est accueillie dans l’Église et qu’elle constitue
l’Église. Peut-on vraiment, sans l’Église, éviter les écueils soit du primat
de la lettre sur l’Esprit soit d’une interprétation abusivement sollicitée :
« il existe des dimensions du sens de la Parole et des paroles qui se
découvrent uniquement dans la communion vécue de cette Parole qui crée
l’histoire ».
L’éthique du travail. Si les moines ont bâti l’Europe chrétienne, c’est non
seulement par la prière mais aussi par le travail : Ora et labora.
Benoît XVI esquisse la différence d’approches entre le monde grec, qui
considérait le travail physique comme l’œuvre des esclaves de telle sorte
que le sage devait absolument s’en détacher, et la tradition juive où les
rabbins exerçaient tous un métier artisanal. Le contraste se fonde sur la
conception de Dieu. Si les Grecs récusaient l’idée d’une divinité suprême
qui se salirait les mains par la création de la matière, le Dieu de la Bible
est Créateur : « Dieu travaille, Il continue d’œuvre dans et sur
l’histoire des hommes. Et dans le Christ, Il entre comme Personne dans
l’enfantement laborieux de l’histoire. » Le travail humain, dès lors,
est
participation à l’œuvre créatrice de Dieu dans le monde,
collaboration avec le Créateur. Ici Benoît XVI indique le principe
sous-jacent à la culture de mort : « là où l’homme s’élève lui-même au
rang de créateur déiforme, la transformation du monde peut facilement
aboutir à sa destruction ».
Devant les sept cents auditeurs du monde de la culture sans doute médusés,
Benoît XVI n’a, somme toute, que posé les fondements mêmes de la
civilisation.
M. l'abbé Christian Gouyaud

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Sources : Source :
la nef mensuel catholique d'actualite
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