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Benoît XVI avait raison
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Lundi le 2 octobre 2006 -
(E.S.M.) - Le pape Benoît XVI - il ne faut pas céder sur ce
point - avait le droit, comme quiconque, de donner son avis sur une
religion qui n'est pas la sienne mais qui est soeur, cousine, de la
sienne.
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Bernard-Henri Levy
Benoît XVI
avait raison
Bernard-Henri Lévy
J'ai, sous les yeux, le texte intégral de la conférence
de Benoît XVI à l'université de Ratisbonne.
Première constatation
: les propos incriminés, ces fameux propos supposés avoir insulté deux
milliards de musulmans, occupent quelques lignes à peine dans un long exposé
théologique sur les relations de la science et de la foi, l'universalité, la
transcendance, le kantisme.
Deuxième constatation :
contrairement à ce qu'essaient de faire croire, depuis le début de
l'affaire, les désinformateurs professionnels,
l'exposé en question n'était pas un exposé sur l'islam mais sur la religion
en général et chrétienne en particulier, pour autant qu'elle est tentée de
tourner le dos à son héritage grec et de renoncer, ce faisant, à son pacte
millénaire avec la raison.
Troisième constatation, enfin :
quand Benoît XVI en vient, dans le cadre de cette réflexion d'ensemble, à
aborder l'exemple de l'islam, quand il en vient à ce cas particulier de
renoncement à la rationalité qu'est, en islam, le phénomène de la conversion
forcée, le pape cite - sans que rien, par parenthèse, ne permette de dire
s'il fait sienne ou non cette citation - le propos d'un empereur byzantin
discutant avec un érudit persan du XIVe siècle et attribuant ce phénomène de
la conversion forcée, donc cette tentation du fanatisme, à l'excessive, trop
pure, trop parfaite, transcendance de Dieu.
Alors on pouvait,
naturellement, discuter ce développement.
On pouvait objecter à
l'empereur byzantin, ou à Benoît XVI, que le phénomène de la conversion
forcée n'est pas une spécialité de l'islam : voir l'Inquisition.
On
rêvait, on rêve, de théologiens musulmans rappelant à un professeur
Ratzinger peut-être aveuglé, après tout, par sa dispute avec la chrétienté
byzantine (car c'est évidemment là qu'était, soi dit en passant, le coeur
même, l'intention secrète de son propos) - on rêvait, donc, de théologiens
venant lui rappeler, sur le même ton d'amitié disputeuse et sans concession,
que l'islam d'Averroès et d'Avicenne, l'islam des libres-penseurs
mutazilites du VIIIe siècle, l'islam qui fut, pendant des siècles, le
vecteur de la pénétration des textes grecs en terre judéo-chrétienne, n'est
pas fermé, tant s'en faut, aux enseignements de la raison : cf. Grenade,
Cordoue, le Siècle d'or espagnol, etc.
Ce
qui n'est pas acceptable, c'est, une fois de plus, comme lors de
l'affaire des caricatures, cette levée de boucliers, ce tollé, ce hurlement
de rage planétaire, cette clameur organisée, orchestrée, pavlovisée.
Ce qui est non seulement intolérable, mais
inquiétant, c'est ce terrorisme de l'esprit, oui, oui, ce terrorisme,
qui voudrait interdire à un non musulman le moindre commentaire sur l'islam
et qui, si le non musulman le fait quand même, si, au nom de ce dialogue des
civilisations et des religions qui était l'autre objectif affiché du beau
discours de Ratisbonne, il persévère dans le projet de donner son avis sur
tel ou tel point de doctrine du Coran, fait crier à l'offense et au
blasphème.
Et ce qui est non seulement
inquiétant, mais franchement ridicule, ce sont tous ces gens qui,
ici, en Occident, intériorisent le raisonnement et justifient par avance, ou
comprennent, ou excusent, tous les pires débordements auxquels cette
paranoïa peut conduire (samedi, ces églises de Naplouse et de Gaza attaquées
à coups de cocktail Molotov ; dimanche, en Somalie, une religieuse
assassinée...) - ce qui est non seulement grotesque, mais odieux, c'est le
spectacle des commentateurs de café du commerce vivant sous la pression de
cette fameuse « rue arabe » érigée en on ne sait quel tribunal populaire et
permanent, siégeant sans relâche, et dont on passe son temps à anticiper,
annoncer, redouter les terribles verdicts.
Le pape Benoît XVI
- il faut le dire et répéter - n'a pas outragé les
musulmans.
Le pape Benoît XVI - il ne faut pas céder sur ce
point - avait le droit,
comme quiconque, de donner son avis sur une religion qui n'est pas la
sienne mais qui est soeur, cousine, de la sienne.
Le pape Benoît XVI,
en supposant même qu'il se soit trompé, en supposant qu'il ait donné du
djihad une interprétation jugée blessante, en conscience, par certains, les
blesse un million de fois moins que ceux qui, en Islam,
justifient au nom de l'islam les bombes humaines, le
11 septembre, la lapidation des femmes adultères, la décapitation d'un
journaliste juif, le massacre des musulmans du Darfour, j'en passe.
Et le problème, alors, serait de savoir pourquoi ils sont si nombreux à
descendre dans la rue quand une autorité spirituelle étrangère propose, dans
le cadre d'un débat de fond, une interprétation erronée de leur foi - et si
peu, si atrocement et tragiquement peu, quand ce sont des musulmans qui,
comme au Darfour donc, ou en Irak, tuent d'autres musulmans, par milliers,
aux portes des mosquées.
Cette question-là, Benoît XVI ne l'a pas
posée.
Mais il n'est pas inutile, après
lui, de la soumettre à la réflexion de nos amis musulmans.
Tant il est vrai qu'il n'y aura pas d'autre façon de séparer, dans cette
région du monde et de l'esprit, les deux partis : les islamo fascistes, d'un
côté, dont chaque appel au meurtre ou au suicide, chaque prêche djihadiste,
est comme un formidable crachat à la face du Prophète, et, de l'autre, les
héritiers d'Averroès et Avicenne, tenants obstinés et parfois héroïques de
la douceur, de la rationalité, des Lumières de l'islam.
Sources: Le bloc-notes de Bernard-Henri Lévy
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.10.2006 - BENOÎT XVI |