Benoît XVI aux États-Unis |
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Rome, le 02 mai 2008 -
(E.S.M.) - Du 15 au 21 avril, le Saint-Père Benoît XVI s’est
rendu aux États-Unis d’Amérique. Ce voyage revêtait d’abord un caractère
de « visite pastorale » du Pasteur universel à l’Église qui est en
Amérique, à l’occasion du 200e anniversaire de la création des sièges
épiscopaux de New York, Boston, Philadelphie et Louisville à partir de
l’Église « mère » de Baltimore.
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Le pape Benoît XVI à
l'ONU -
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Benoît XVI aux États-Unis
Par
M. l'abbé Christian Gouyaud
Le pape a fait aux États-Unis en ce printemps 2008 un voyage important,
dont l’étape-clé a été son discours à l’ONU. Compte-rendu.
Du 15
au 21 avril, le Saint-Père s’est rendu aux États-Unis d’Amérique. Ce
voyage revêtait d’abord un caractère de « visite pastorale » du Pasteur
universel à l’Église qui est en Amérique, à l’occasion du 200e anniversaire
de la création des sièges épiscopaux de New York, Boston, Philadelphie et
Louisville à partir de l’Église « mère » de Baltimore, laquelle, du même
coup, commémorait son élévation, il y a aussi deux cents ans, au rang
d’archidiocèse. Selon l’expression de Benoît XVI, il s’agissait d’évoquer,
pour rendre grâce, « le bicentenaire d’un partage des eaux dans l’histoire
de [votre] Église aux États-Unis ». Mais le pape s’exprimait aussi en tant
qu’autorité suprême du Saint-Siège qui est un sujet de droit international,
notamment lors
du discours qu’il prononça à l’Organisation des Nations Unies. La
sollicitude du Souverain Pontife devait enfin prendre en considération le
traumatisme de tout un peuple consécutif aux attentats du 11 septembre 2001
: de là ce temps fort de son voyage que constitua
la prière pour la paix à «
Grand Zero ».
Benoît XVI a alterné discours pastoraux ou académiques et gestes
symboliques. Les rencontres étaient variées, avec les grands de ce monde
comme avec les personnes handicapées. Avec les jeunes de la côte Est, le
pape s’est épanché avec beaucoup d’émotion sur son adolescence abîmée par un
régime « qui pensait posséder toutes les réponses » et a développé le thème
qui lui tient sans doute le plus à cœur : le rapport entre la liberté et la
vérité. On retiendra ici trois sujets majeurs de ce voyage.
Une laïcité positive
Bien qu’il soit parfaitement lucide quant aux travers de la société
occidentale dont la société américaine est à de multiples points de vue
l’archétype, Benoît XVI apprécie particulièrement dans ce peuple « le
concept positif de laïcité », lié au fait que, historiquement, les
communautés et les personnes qui ont émigré en Amérique ont fui les «
Églises d’État » pour fonder un État laïc ouvert aux diverses confessions :
« Dans ce pays de liberté religieuse, les catholiques trouvent la liberté
non seulement de pratiquer leur foi, mais aussi de participer pleinement à
la vie civile, en apportant leurs convictions morales les plus profondes sur
la place publique [...]. » En rejetant « une fausse dichotomie entre foi et
vie politique [...] la communauté catholique de cette Nation s’est
distinguée par son témoignage prophétique pour la défense de la vie »,
travaillant ainsi « à enrichir la société et la culture américaines avec la
beauté et la vérité de l’Évangile ». Un peuple qui « n’hésite pas à
introduire dans les discours publics des raisons morales enracinées dans la
foi biblique ». A contrario, le laïcisme fragmente l’unité de la personne et
ampute l’homme en le privant d’une partie de lui-même – sa foi – afin d’être
un citoyen actif. Benoît XVI donne ici toute sa signification à la véritable
liberté religieuse dont la pleine garantie « ne peut pas être limitée au
libre exercice du culte, mais doit prendre en considération la dimension
publique de la religion et donc la possibilité pour les croyants de
participer à la construction de l’ordre social ».
Le scandale de la pédophilie
L’Église aux États-Unis a été meurtrie par le scandale des crimes pédophiles
de la part d’un certain nombre de membres du clergé. L’onde de choc a été
dévastatrice : des milliers de victimes recensées, la faillite de cinq
diocèses pour dédommagements et autres frais de justice, un terrible soupçon
planant désormais sur une grande majorité de prêtres intègres. Les médias,
on le sait, se sont focalisés sur cette situation, laquelle, aux dires du
président de la Conférence épiscopale, a « parfois été très mal gérée ».
Benoît XVI n’a pas voulu esquiver ce problème douloureux. C’est spontanément
le terme de « honte » qui lui est venu à l’esprit. Oui, ces hommes d’Église
ont « trahi leurs obligations et leurs devoirs sacerdotaux avec un tel
comportement gravement immoral ». Il s’engage à exclure « de manière absolue
les pédophiles du ministère sacré » et à opérer un discernement sévère parmi
les séminaristes, à aider les victimes tant au niveau de la justice qu’au
niveau pastoral. En même temps, le pape refuse que tout le clergé pâtisse
d’un amalgame facile : « On doit rappeler que la plus grande majorité des
prêtres et des religieux en Amérique accomplissent un excellent travail en
apportant le message libérateur de l’Évangile aux personnes confiées à leurs
soins pastoraux ». Au National’s Stadium de Washington, Benoît XVI lance un
vibrant appel : « Je vous demande d’aimer vos prêtres et de les confirmer
dans l’excellent travail qu’ils accomplissent. » Sans vouloir disculper les
auteurs de ces actes, Benoît XVI invite les contempteurs médiatiques de
l’Église à un peu de décence : « Que signifie parler de la protection des
enfants lorsque la pornographie et la violence peuvent être regardées dans
de si nombreuses maisons à travers les mass media largement disponibles
aujourd’hui ? »
Avec beaucoup de bonheur et de pudeur, ce pape esthète évoque le mystère de
l’Église à partir de l’architecture gothique de la cathédrale Saint-Patrick
: à l’instar des vitraux qui, de l’extérieur, semblent « sombres, lourds et
même lugubres » mais qui, dans l’église, reflètent la lumière, « ce n’est
que de l’intérieur, à partir de l’expérience de la foi et de la vie
ecclésiale, que nous voyons l’Église telle qu’elle est vraiment : inondée de
grâce, resplendissante de beauté, décorée des multiples dons de l’Esprit ».
Comme l’architecture d’une église gothique a « une structure très complexe,
dont les proportions précises et harmonieuses symbolisent l’unité de la
création de Dieu », ainsi avons-nous « besoin de voir toute chose avec les
yeux de la foi, afin de pouvoir ainsi les comprendre dans leur perspective
la plus vraie, dans l’unité du plan éternel de Dieu ». Enfin, de même que «
l’unité d’une cathédrale gothique n’est pas l’unité statique d’un temple
classique, mais une unité née de la tension dynamique de forces diverses qui
poussent l’architecture vers le haut, l’orientant vers le ciel », de même
sommes-nous invités à tourner notre regard vers le haut ! Le pape conclut en
observant que si « les pointes des tours de la cathédrale de Saint-Patrick
sont largement dépassées par les gratte-ciel sur la ligne d’horizon de
Manhattan », elles restent, « dans le cœur de cette métropole affairée, le
signe vivant qui rappellent la nostalgie constante de l’esprit humain de
s’élever vers Dieu » !
Le fondement des droits de l’homme
À l’Organisation des Nations Unies, Benoît XVI délivre une leçon de
philosophie de droit international : si les relations multilatérales sont en
crise, c’est parce que le supposé consensus « est encore subordonné aux
décisions d’un petit nombre ». Peut-on encore parler de « bien commun de la
famille humaine » quand « certains pays d’Afrique et d’autres continents
restent encore en marge d’un authentique développement intégral et risquent
ainsi de ne faire l’expérience que des effets négatifs de la mondialisation
» ? Le pape, surtout, met en avant le principe de la « responsabilité de
protéger » selon lequel, si un État n’est pas en mesure de protéger sa
population contre les violations graves et répétées des droits de l’homme, «
il revient à la communauté internationale d’intervenir avec les moyens
juridiques » : il ne s’agit pas alors d’une « limitation de la souveraineté
» ; c’est « l’indifférence ou la non-intervention qui causent de réels
dommages ».
À l’occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des
Droits de l’homme, Benoît XVI rappelle avec force que ces droits,
indivisibles et intangibles, « trouvent leur fondement dans la loi naturelle
inscrite au cœur de l’homme », à moins de « céder à une conception
relativiste » qui aboutirait à une interprétation arbitraire des droits. En
d’autres termes, « ce ne sont pas les droits seulement qui sont universels,
mais également la personne humaine, sujet de ces droits ». Quiconque
fréquente un tant soit peu les organisations internationales où les droits
de l’homme sont invoqués pour promouvoir de « nouveaux droits »
(euthanasie, adoption par des couples homosexuels, etc.)
peut comprendre la portée considérable des propos du pape. Car, aujourd’hui,
« des instances cherchent à réinterpréter les fondements de cette
Déclaration et à compromettre son unité interne pour favoriser le passage de
la protection de la dignité à la satisfaction de simples intérêts, souvent
particuliers ». Au fond, le pape s’inscrit en faux contre une conception
positiviste où la légalité prédomine par rapport à la justice, où les droits
s’imposent de par la seule volonté du législateur sans référence aucune au
sens de la transcendance et de la raison naturelle, où l’obligatoire et le
défendu ne renvoient plus au bien et au mal.
Abbé Christian Gouyaud
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Sources : Source : La Nef n°193 de mai 2008
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.05.08 -
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