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Journées de la famille à Rome - François évite-t-il les mots qui
fâchent ?
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Le 01 novembre 2013 -
(E.S.M.)
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Jeanne Smits, directrice de "Présent" y était: son récit. J'ai traduit en
parallèle un article d'Andrea Tornielli.
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Journées de la famille à Rome - François évite-t-il les mots qui
fâchent ?
François évite-t-il d'utiliser les mots qui fâchent, en particulier sur
le mariage?
Le 01 novembre 2013 - E.
S. M. -
J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises: depuis le 13 mars,
le très influent Andrea Tornielli (qui jusqu'à présent avait été un bon
vaticaniste, mais sans passion, "sans concession" dirions-nous) s'est
transformé en défenseur sourcilleux du Pontificat, en rottweiler du Pape.
Gare à celui qui ose émettre la plus petite critique. Il est immédiatement
pris en tenailles entre lui et ses collègues aussi zélés, et sommé d'aller à
Canossa... et d'en revenir converti.
Tout récemment, il a été jusqu'à intervenir sur le blog de Raffaella où il
avait été il est vrai, un peu vivement pris à parti.
C'était parmi les très nombreux commentaires à un
éditorial de Raffaella, intitulé "Le choix apparent de l'Eglise de ne
pas utiliser un langage limpide et urticant", où il était question du
"refus" de François de préciser que le mariage est seulement "entre un homme
et une femme".
Et il a répondu dans un billet publié sur son blog personnel Sacri Palazzi.
J'ai traduit son article (voir en annexe) et je dois dire que certains de
ses arguments sont faibles.
Il parle de la rencontre avec les familles, le week-end dernier, à Rome.
Mon ami Jeanne Smits, directrice du journal
Présent, était
dans l'assistance... en famille. Son ressenti de l'ambiance de la Place
Saint-Pierre n'est pas exactement le même que celui du journaliste italien.
Et sa conclusion nous interpelle:
A force de « positiver », de taire les écueils et les dangers qui
dépassent largement le domaine des manquements individuels, [François] parle
comme un bon curé en chaire. Alors que nous sommes face à un combat
eschatologique contre la loi de Dieu.
Je la remercie de m'avoir autorisée à reproduire son article.
* * *
Jeanne Smits
Les journées de la famille à Rome
Pape François : « Vous êtes sel et levain »
Texte sur le blog de Jeanne Smits ici:
leblogdejeannesmits.blogspot.fr
Premiers pas dans la « Rome de François ». Rome est éternelle, et ce ne sont
que les apparences qui changent – mais elles changent de manière palpable.
Vendredi, à trois pas de la place Saint-Pierre, une sirupeuse mélodie, très
forte, envahit l’air exceptionnellement doux en cette fin d’après-midi
ensoleillée. Piano et crooners chrétiens : on répète pour la rencontre des
familles, le lendemain. Entre deux témoignages de couples, avec les
grands-parents et les enfants, il y aura aussi des petits spectacles.
L’ennui de l’exercice dans ce contexte, c’est qu’il tient plus souvent du
patronage que de la variété réussie. Du danger de mélanger les genres…
Un peu plus tard, sur la place, la nuit tombée, une autre nouveauté
accueille le pèlerin. En vain, nos yeux cherchent les lumières qui naguère
filtraient, rassurantes, depuis les deux grandes fenêtres des appartements
pontificaux surplombant à droite la colonnade du Bernin. Derrière elles,
souvent bien tard, Jean-Paul II puis Benoît XVI travaillaient dans le calme
d’une solitude retrouvée, veillant sur la chrétienté ; et le chrétien de
passage, espérant se faire mystérieusement entendre, murmurait une prière à
l’intention du pape.
Le pape François n’est plus là ; il est resté à Sainte-Marthe derrière la
vilaine Aula Paul VI, et les Romains ne voient plus le signal de sa
présence, puisque ses fenêtres sont tournées vers l’intérieur. Fort
heureusement d’ailleurs pour les services de sécurité : une rue très
passante file au pied de Sainte-Marthe qui jouxte les murs de la Cité du
Vatican et, déjà, on a doublé les effectifs des tours de garde.
Bref, si le style, c’est l’homme – mais pour un homme d’Eglise, cela se
discute ! – il est clair que le pape François a choisi de détonner ; il a
rejeté, bien plus encore que ses prédécesseurs, faste, solennité, apparat ;
vêture, ornements traditionnels et distance ; et jusqu’au ton, puisqu’il
affectionne les onomatopées familières et des mots-clefs à la signification
souvent peu certaine. (Oui, les fameuses « périphéries » sont revenues
plusieurs fois dans le discours ou l’homélie des deux rencontres de François
avec les familles…)
Un pape populaire
L’impression première, dimanche à la messe des familles devant une place
Saint-Pierre qui ne se remplira vraiment qu’à l’Angelus, est en effet d’une
forme de décontraction. La liturgie de la messe demeure assez classique : on
récite les mystères glorieux en latin avant le début de la cérémonie,
panneaux et haut-parleurs annoncent les emplacements des confesseurs,
facilement accessibles ; on chantera le Kyriale 8 et le Credo en latin. Mgr
Guido Marini, cérémoniaire de Benoît XVI, est toujours aux commandes ; du
moins il est toujours à la gauche du pape François et le folklore est loin
d’être au premier plan.
Mais d’où vient ce sentiment de relâchement ? Après s’être posé cette
première question – la réponse se trouve probablement dans la manière de
marcher, de bouger, de parler du pape François – une deuxième se présente
aussitôt à l’esprit : est-ce grave ? Ou est-ce une bonne chose pour l’Eglise
?
Pas de doute, le nouveau pape est populaire : la foule crie à son approche,
fait tout pour le toucher, pour attirer son attention et François se prête
volontiers au jeu, incroyablement présent à chacun, dit-on ; mais l’homme a
pris le pas sur la fonction. Une « starisation » inconvenante, aurait dit la
presse pour Jean-Paul II ; aujourd’hui on se plaît à y voir une preuve que
François touche davantage les cœurs que Benoît XVI. Mais à voir de près ce
rapport entre la foule et l’homme, on y constate bien moins d’intériorité.
C’est aussi un cauchemar pour les services de sécurité. Alors qu’il était
presque arrivé à l’arcade qui mène derrière la place saint-Pierre, à la fin
du bain de foule à l’issue de la messe, nous l’avons vu faire brusquement
demi-tour pour un dernier passage parmi une foule qui n’était déjà plus
contenue dans les enclos et qui se dirigeait vers la sortie sous les
colonnades. Gendarmes et Suisses couraient dans tous les sens pour maîtriser
la situation. « Personne ne sait jamais où il passera », nous confie un
responsable de la communication. Cela résume assez bien la situation.
Trois mots quotidiens
Vous parler du contenu de ces jours pour la famille ? Bien sûr. Lors de la
rencontre avec les familles samedi après-midi – à laquelle nous n’assistions
pas – le pape a parlé du « manque d’amour » dans les familles et des
souffrances « pénibles », des silences, des « fatigues » que Notre Seigneur
connaît. Il a invité les époux à puiser leur force dans la « grâce du
sacrement » plutôt que de se focaliser sur une belle cérémonie, une belle
fête, qui ne sont que « décoration » face à leur mission de « fonder une
famille et mettre au monde des enfants ».
Et de revenir sur ce qu’il avait déjà dit il y a trois semaines : une
famille dans la joie, un mariage fidèle se fonde sur la répétition
quotidienne de ces trois mots : « Avec ta permission, merci, excuse-moi ». A
quoi il a ajouté une invitation devenue elle aussi classique chez lui : il
faut écouter les grands-parents, « sagesse de la famille, sagesse d’un
peuple ». « Un peuple qui n’écoute pas les grands-parents est un peuple qui
meurt ! »
A la messe du dimanche, le pape François a prononcé une homélie assez courte
– bien difficile à entendre depuis la colonnade où nous étions, la
sonorisation n’étant pas assez précise pour bien faire entendre sa voix. Un
sermon du dimanche, aurais-je envie de dire. Avec des rappels très
pratiques, très concrets, et d’abord un appel à la prière.
« Mais, en famille, comment on fait ? Parce que la prière semble être une
affaire personnelle, et puis il n’y a jamais un moment favorable,
tranquille, en famille… Oui, c’est vrai, mais c’est aussi une question
d’humilité, de reconnaître que nous avons besoin de Dieu, comme le publicain
! Et toutes les familles ! Nous avons besoin de Dieu : tous, tous ! Nous
avons besoin de son aide, de sa force, de sa bénédiction, de sa miséricorde,
de son pardon. Et il faut de la simplicité : prier en famille, il faut de la
simplicité ! »
Puis le pape est revenu sur « les périphéries » en insistant sur le fait
qu’il ne s’agit pas pour les individus, pour les familles, de « défendre »
la foi « comme un compte en banque » mais de la porter partout, en «
missionnaires », en « mettant partout le sel et le levain de la foi », dans
les « choses de tous les jours » qui sont justement le quotidien des
familles.
Enfin, la joie. Joie fondée, lorsqu’elle est fruit d’une « vraie harmonie »,
de la « présence de Dieu dans la famille, il y a son amour accueillant,
miséricordieux, respectueux envers tout le monde. Et surtout, un amour
patient : la patience est une vertu de Dieu et elle nous enseigne, en
famille, à avoir cet amour patient, l’un envers l’autre ». Ce qui fait de la
famille « levain pour toute la société ».
A voir quelques drapeaux de la Manif pour tous s’agiter au-dessus de la
foule, difficile de ne pas penser aux menaces qui pèsent sur la famille et
aux destructions qu’elle subit. C’est sans doute le côté le plus surprenant
de François ; à force de « positiver », de taire les écueils et les dangers
qui dépassent largement le domaine des manquements individuels, il parle
comme un bon curé en chaire.
Alors que nous sommes face à un combat eschatologique contre la loi de Dieu.
JEANNE SMITS
(Article extrait du n° 7970 de Présent, du Mercredi 30
octobre 2013)
Annexe
Andrea Tornielli était lui aussi sur la Place Saint-Pierre
Examens pour le pape
Texte en italien ici:
2.andreatornielli.it/?p=6893
Une des déformations de l'Eglise et de son Magistère qui se sont produites
dans certains cercles médiatico-intellectuels ces dernières années concerne
certaines expressions techniques élevées au niveau de slogan
incontournables. La présence ou l'absence de ce qui est devenu, pour
certains observateurs, le critère de jugement qui permettra de valider ou
non les discours et homélies du pape. Donc, si on ne trouve pas à cadence
régulière dans les paroles prononcées par l'évêque de Rome une condamnation
explicite, par exemple , des unions gay, ce magistère est présenté comme
manchot, silencieux, incomplet, peu combatif contre le relativisme,
peut-être trop "buoniste".
Il peut donc arriver qu'après trois interventions significatives consacrées
au thème de la famille - la première, vendredi dernier, lors de la session
plénière du Conseil Pontifical pour la Famille, la deuxième samedi aux
participants à la fête Place Saint-Pierre, la troisième au cours de la messe
du dimanche au même endroit - certains soulignent que Papa Francesco
n'a jamais dit explicitement que le mariage est «entre un homme et une
femme».
Dans l'interview avec le père Antonio Spadaro sur la «Civiltà Cattolica»
Bergoglio avait expliqué: «Nous ne pouvons pas insister seulement sur les
questions liées à l'avortement, au mariage homosexuel et à l'utilisation des
méthodes contraceptives. Ce n'est pas possible. Je n'ai pas beaucoup parlé
de ces choses, et on me l'a reproché. Mais quand on en parle, il faut en
parler dans un contexte. L'opinion de l'Eglise, d'ailleurs, on la connaît,
et je suis fils de l'Eglise, mais il n'est pas nécessaire d'en parler tout
le temps».
Mais ici, ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Les familles venues prier sur la tombe de l'Apôtre Pierre dans l'Année de
la Foi, participant à une rencontre intitulée «Famille, vis la joie de la
foi!», ne semblaient pas ressentir le besoin de s'entendre répéter le «non»
de l'Eglise au «mariage »homosexuel ». Ils avaient l'air heureux, détendus,
ils témoignaient de façon visible leur implication dans la grande aventure
de la vie familiale. Les visages encadrés par les caméras étaient les
visages reconnaissants de personnes qui vivent l'expérience de l'amour
gratuit. Ils n'avaient pas l'air renfrogné de militants de la juste cause .
On a comme l'impression que ce tamisage, cette exégèse au peigne fin des
paroles du Pape de la part de ceux qui se considèrent comme les gardien de
la «bonne doctrine» ou qui semblent en manque de prises de position sur les
questions éthiquement sensibles, finissent par produire une incapacité à
saisir l'essence du message du Pape .
«La famille est fondée sur le mariage - a dit le Pape lors de la session
plénière du Conseil pontifical. A travers un acte d'amour libre et fidèle,
les époux chrétiens témoignent que le mariage, en tant que sacrement, est la
base sur laquelle se fonde la famille et rend plus solide l'union des époux
et leur don mutuel ».
Serait-ce des mots ambigus parce qu'on n'y a pas trouvé la spécification
«technique» du fait que l'on parle d'un homme et d'une femme? (eh oui,
justement!! Andrea Tornielli ne semble pas savoir ce qui se passe en France,
et surtourt le matraquage gigantesque auquel sont soumis quotidiennement,
via l'ensemble des médias, les malheureux français?)
Et que dire de la parole samedi? Francis a affirmé: «Ce qui pèse le plus,
c'est le manque d'amour. Poids de ne pas recevoir un sourire, de ne pas être
accueillis. Poids de certains silences, parfois même en famille, entre mari
et femme, entre parents et enfants, entre frères et sœurs. Sans amour,
l'effort devient plus lourd, intolérable». «Mari et femme», «fils et
frères»? Cela ne signifie-t-il pas justement parler de la famille formée par
le mariage entre un homme et une femme? Cela n'est-il pas évident, et même
flagrant? Pourtant, s'il manque la phrase techniquement et
anthropologiquement correcte, le slogan à insérer comme du persil dans les
discours pour être du bon côté, voilà que surgit la critique sur le
«silence» du Pape.
Quiconque a suivi les rencontres du week-end dernier, sans le problème de
mettre en défaut (par omission) le Successeur de Pierre a été impressionné
par le climat, l'empathie entre le Pape et les familles présentes, les mots
simple et efficaces que François a prononcés, non sans donner des
indications concrètes: ne jamais laisser le soleil se coucher sans faire la
paix en famille, trouver toujours le temps pour une prière en commun, ces
trois mots qui représentent le secret d'une bonne coexistence. Le tout
profondément enraciné dans l'expérience de la foi.
Comme l'a écrit le journaliste Luis Badilla: «Les mots sont des définitions
et, par conséquent, dans la grande majorité des langues, ils veulent dire
une chose précise. Parmi les peu (??? il suffit de faire des traductions,
ou même seulement d'ouvrir un dictionnaire pour voir qu'une telle
affirmation est absurde!!) de mots qui peuvent avoir plus d'un sens, il
y a le mot «mariage» (Tornielli oublie que la novlangue s'emploie
justement à dépouiller les mots les plus simples de leur premier sens!!!).
Le terme «mariage» est univoque, n'admet ni doute ni ambiguïté, bien que
ces dernières années, une grande partie de la presse catholique soit tombée
dans le piège, se sentant obligé - on se demande pourquoi - de préciser «...
entre un homme et une femme ... Quiconque pense, comme l'Église l'a
toujours dit, que le mariage est un seul (les autres unions peuvent être
appelées différemment) ne devrait pas ressentir le besoin d'ajouter que l'on
parle d'un homme et d'une femme» (comme Benoît XVI a cru nécessaire de le
préciser à plusieurs reprises, et tout dernièrement
ici, serait-il lui-même tombé dans un piège?)
►
Messe à l'occasion de la Journée de la famille (27 octobre 2013)
►
Rencontre avec les familles Place Saint-Pierre (26 octobre 2013)
Sources : Benoit-et-moi
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.11.2013 - T/Eglise
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