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Plaire à Dieu et devenir parfaits
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Le 01 juillet 2023 -
E.S.M.
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Dieu reste maître de l'histoire. Il est mon maître mais il me
laisse la liberté de devenir quelqu'un qui aime, ou qui refuse
d'aimer. C'est pourquoi Dieu ne m a pas programmé de manière
invariable mais il m'a laissé une marge de manœuvre que nous
appelons liberté.
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Dieu présent en moi !-
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UNE CONTRADICTION
D'un côté, il y a les commandements de Dieu ; de l'autre, notre nature
humaine. Les deux sont issus de la création. Et pourtant chacun peut voir
que les deux sont souvent difficilement compatibles. Penser et agir
faussement est aussi manifestement humain. En tout cas, ce paradoxe nous met
dans une situation où nous nous sentons dépassés.
Le croyant chrétien est convaincu que la création est
perturbée. L'existence humaine n'est plus telle qu'elle est sortie des mains
du Créateur. Elle s'est alourdie d'un élément qui, à côté de la tendance
innée vers Dieu, introduit une autre
tendance éloignant de lui. Ainsi l'homme
est tiré à hue et à dia entre le plan originel de la création et son
héritage historique.
Cette possibilité est innée dans ce qui est fini et créé mais
s'est développé seulement dans l'histoire. L'homme est créé d'abord pour
l'amour : il est là pour « se perdre » soi-même, se donner. Mais il a aussi
tendance à se refuser, à vouloir n'être que lui-même. Cette prédisposition
peut aller jusqu'à aimer Dieu ou, au contraire, jusqu'à le contrarier en
disant : « Je voudrais être indépendant, je voudrais n'être que moi-même. »
Lorsque nous nous observons attentivement nous-mêmes, nous
percevons ce paradoxe, cette tension intérieure dans notre existence. Nous
reconnaissons ce que disent
les 10 commandements et le considérons comme juste. Etre bon et
reconnaissant envers l'autre, le respecter dans ce qui lui appartient. Dans
le domaine du rapport entre les sexes, trouver le grand amour qui fonde la
responsabilité mutuelle pour la vie entière ; dire la vérité et ne pas
mentir : tout cela nous le voudrions et nous procure la joie. D'une certaine
façon, cette autre tendance ne va pas seulement contre nous-mêmes et pèse
sur nos épaules comme un joug.
Nous ressentons par ailleurs comme une démangeaison à nous y soustraire.
C'est le plaisir de la contradiction, la facilité du
mensonge, la tentation de la méfiance, tout cela provient d'une tendance de
destruction, une volonté de dire non, elle aussi présente dans l'homme.
Ce paradoxe indique une certaine perturbation dans l'homme
qui fait qu'il ne peut plus être simplement celui qu'il voudrait être. « Je
vois ce qui est bon et je l'approuve, dit déjà Ovide, poète romain, et je
fais quand même le contraire. » Et Paul, dans le chapitre 7 de l'Épître aux
Romains affirme également : « Le bien que je veux, je ne le fais pas et le
mal que je ne veux pas, je le fais », ce qui arrache à Paul ce cri : « Qui
me délivrera de cette contradiction intérieure ? » (Rm 7, 15 ; 24)
C'est ce qui a permis à Paul de vraiment comprendre le Christ et le point à
partir duquel il a introduit le Christ comme réponse salvifique dans le
monde païen d'alors.
Il existe aussi une contradiction extérieure. Entre la bonne nouvelle de
ce Dieu bon et aimable et la situation réelle de notre monde. En
conséquence, on est déçu de Dieu. Beaucoup de gens ne voient rien de son
activité salvifique. Et parfois je pense moi-même que la foi ne résiste plus
à nos conceptions très développées. En réalité elle ne supporte pas la
pleine lumière des faits.
À cette contradiction intérieure dont nous venons de parler
s'ajoute une dimension collective. Il existe une
conscience collective qui renforce cette contradiction. Elle renforce la
tendance égoïste qui détourne de Dieu et propose des manières de vivre
apparemment plus faciles. Chacun ne vit que pour lui-même, il vit par
procuration, il se laisse former, guider et déformer.
Les progrès d'une société, comme ses reculs, comportent
des degrés. Des communautés peuvent être porteuses et me mettre sur le bon
chemin de sorte que la contradiction intérieure devient peu à peu plus
facile à vivre et peut même disparaître. Par ailleurs, il existe aussi des
collectifs favorisant la moyenne où l'on dit : « Les autres font de même. »
Ce sont des sociétés où le vol est devenu normal, où la corruption n'est
plus considérée comme inconvenante et où le mensonge est pratiqué
couramment.
Des sociétés peuvent tirer l'homme vers le bas ou l'aider à
s'élever. Dans le premier cas règne une telle domination des choses
matérielles et une façon de ne penser qu'au matériel qui fait que tout ce
qui dépasse ce matérialisme apparaît dépassé, fou, inadapté à l'homme. Dans
le deuxième cas, Dieu est en quelque sorte réellement évident et l'approcher
devient plus facile.
Et pourquoi la vie ne serait-elle pas tout simplement facile, agréable et
plaisante ?
Dans l'instant présent, il est naturellement plus simple de
se contenter des choses matérielles, de ce qui est disponible, des
expériences heureuses, qu'on peut directement acheter ou provoquer. Je peux
entrer dans un lieu de loisirs, en payant un droit d'entrée et vivre une
sorte d'extase et m'affranchir ainsi de toutes les peines du difficile
chemin du devenir ou du dépassement de soi. Cette tentation est très grande.
Même le bonheur devient une marchandise qu'on peut acheter ou vendre. C'est
plus facile et plus rapide. La contradiction intérieure semble surmontée
parce que la question de Dieu devient inutile.
On pourrait le considérer comme une manière de vivre plus civilisée, plus
développée et plus adaptée au monde moderne.
Oui, mais nous savons aussi qu'on en
est très rapidement déçu. Chacun de nous le remarque : en fin de
compte, je reste vide, usé, et si je retombe de mon extase, je ne peux plus
ni me supporter ni supporter le monde et de manière définitive. C'est
finalement là que je remarque que j'ai été trompé.
Il est vrai que si nous sommes seuls à jamais dans notre
propre intériorité, nous vivons toutefois ensemble ce drame. Ce caractère
collectif peut alourdir notre destin ou l'alléger. C'est dans ce but qu'on
avait institué, dans l'Église primitive, le catéchuménat. L'intention était
de fonder une sorte de société alternative où l'on pouvait se familiariser
avec Dieu, et, par la vie partagée avec les autres, on apprenait peu à peu à
le voir. Durant ce temps avant le baptême, appelé illumination, venait le
moment où le catéchumène s'ouvrait à la connaissance et devenait un croyant
autonome.
Je pense que, dans nos sociétés athées ou agnostiques et
matérialistes, cela est redevenu nécessaire. Il semble qu'autrefois la
société et l'Église étaient clairement identifiées. Actuellement l'Église
doit de nouveau s'efforcer d'offrir des lieux alternatifs qui permettent de
vivre non seulement cette réalité collective lourde et écrasante mais aussi
l'être-ensemble qui porte l'individu et l'introduit à la vision de foi.
La question est de savoir si la foi nous rend tellement meilleurs, plus
miséricordieux, charitables, moins avares, moins vaniteux. Prenons ceux que
Dieu lui-même a appelés à la foi, ceux donc qui ne devraient avoir d'autre
projet que de plaire à Dieu et devenir parfaits.
Pourquoi rencontre-t-on parmi les clercs, les moines et les moniales un tel
degré de jalousie, d'envie, d'inimitié, de mensonge et de manque de
disponibilité ? Pourquoi leur foi ne les rend-elle pas
meilleurs ?
C'est là une question vraiment embarrassante. On voit bien là que la foi
n'est pas simplement donnée mais qu'elle peut s'atrophier ou croître,
qu'elle peut varier vers le haut ou vers le bas. Elle n'est pas simplement
un capital garanti, qu'on pourrait considérer comme acquis et ne pouvant
plus que grandir. La foi est toujours un don fait à une liberté fragile. On
pourrait souhaiter qu'il en soit autrement. Mais c'est justement le risque
difficilement compréhensible couru par Dieu en n'administrant pas un remède
plus efficace.
On ne peut pas ne pas voir les manquements qui existent parmi
les croyants (qui cachent toujours un affaiblissement de la foi). Il ne faut
pas pour autant passer sous silence l'autre bilan. L'histoire de tant de
gens simples, bons, que la foi a rendu meilleurs, nous révèle que la foi a
également une efficacité positive. Je pense en particulier aux gens âgés,
dans des paroisses tout à fait normales, qui, par la foi, ont acquis une
grande bonté. La rencontre avec eux comporte quelque chose de chaleureux et
permet de ressentir une sorte de rayonnement intérieur.
Et, à l'inverse, il faut constater que la société, dont la foi s'est
évaporée, est devenue plus dure, plus violente, plus méchante. Le climat,
dit un théologien aussi critique que Vorgrimler, ne s'est pas amélioré, mais
est devenu plus mauvais et plus pernicieux.
LE SECRET
Le monde des chrétiens est un monde où l'invisible
est aussi évident que le visible. Les chrétiens sont entourés d'anges
gardiens. Ils peuvent être aidés par le Saint-Esprit. Ils peuvent à volonté
demander consolation et secours à la Vierge Marie. Le grand savant chrétien,
Romano Guardini, évoque même la possibilité de rendre visible le spirituel
et le secret. La méthode consiste à concentrer toutes ses pensées et ses
sentiments sur des réalités ou actes sacrés. On ressent alors immédiatement
q 'on est harmonisé et sanctifié. Pour des non-catholiques, cela paraît très
étrange sinon naïf.
Il ne faut pas le comprendre dans un sens superficiel et
finalement superstitieux. Comme s'il existait un monde de puissances
tutélaires qui nous soulageraient de la moitié de notre vie. Il est vrai
que, dans la foi, nous percevons une réalité dont tout n'est pas accessible.
Les grands saints sont restés des vivants. Cette grande famille est là et
d'en prendre conscience signifie que je me sais entouré et aimé.
Pour apprendre cela, selon la formule de Guardini, je dois
bien entendu me familiariser intérieurement
avec cette réalité et l'intégrer de façon intelligente. Je puis alors me
laisser guider. Elle n'est pas simplement un moyen commode pour me décharger
de la moitié de ma vie, mais une indication.
Aux informations, ici, en Italie, une femme a récemment
raconté son histoire. Elle attendait un enfant et devait subir une opération
cardiaque à grand risque. Très détendue, elle rapporte au reporter qu'elle a
simplement dit au Padre Pio : « Padre
Pio, aide-moi et aide mon enfant ! » et que, dès lors, elle sut que rien ne
lui arriverait. C'est peut-être là une attitude enfantine et naïve, mais
elle reflète bien la confiance qui est donnée si l'on est conscient d'avoir
des frères et sœurs dans l'autre monde. Ils sont proches et peuvent m'aider
et je peux en toute confiance les invoquer.
Malgré tout, de moins en moins de gens semblent connaître les mystères de
la foi. Comment en est-on arrivé là ?
Sans doute notre foi est devenue un peu trop mécanique.
Peut-être s'est-elle trop extériorisée, pas assez intériorisée, comme le
suggère la parole de Guardini.
Chaque génération doit redécouvrir la foi et la vivre d'une
manière nouvelle. À l'inverse, on voit comment une génération qui ne perçoit
plus la foi chrétienne et sa puissance de guérison se met à rechercher
autrement, dans le domaine de l'ésotérisme par exemple, ce qui peut l'aider,
des pierres, par exemple, ou je ne sais quoi d'autre. On recherche de
nouvelles formes d'invocation de puissances invisibles parce qu'on sent
qu'on a besoin d'aide. C'est pourquoi, nous, catholiques, et avant tout
ceux, parmi nous, qui ont des responsabilités, nous devons réfléchir. Nous
devons nous poser des questions. Pourquoi ne pouvons-nous plus annoncer la
foi de manière à apporter des réponses aux questions qui se posent
aujourd'hui ? Pourquoi les gens ne sentent-ils plus que cette foi offre ce
qu'ils cherchent effectivement ?
TOUT SERAIT-IL ÉCRIT D'AVANCE ?
Une expression arabe essaie d'exprimer un grand mystère du monde : «
Maktub ». On peut la traduire à peu près ainsi : « C'est écrit ! » Peut-être
tout est-il effectivement écrit, toute l'histoire du monde, l'histoire de ma
naissance et de ma mort. J'ai entendu dire un jour, lors d'une messe : «
Heureux ceux qui sont déjà inscrits auprès de Dieu dans le grand livre de la
vie. » Dieu fixe-t-il d'avance le chemin de chacun de sorte que je n
'aurais plus qu'à découvrir ce qu'il a écrit à mon sujet ?
Bien que n'étant pas un spécialiste de l'islam, je pense que,
sur ce point, il y a une réelle contradiction ou du moins une différence
entre l'islam et la foi chrétienne. L'islam part d'une très forte
affirmation de la prédestination. Tout est déterminé d'avance et je vis dans
ce filet solidement tissé. La foi chrétienne, au contraire, mise absolument
sur le facteur liberté. Cela signifie que Dieu englobe tout. Il connaît
tout. Il est le maître de l'histoire. Mais, malgré cela, il l'a conçue de
manière à laisser la liberté jouer son rôle. Il est ainsi possible que je
m'écarte de son plan sur moi.
Pourriez-vous l'expliquer plus précisément ?
C'est très mystérieux et difficile. Même dans le
christianisme, la soi-disant doctrine de la prédestination a toujours eu
cours. D'après cette doctrine, il est établi que ceux qui vont en enfer et
ceux qui vont au ciel y étaient destinés, leur sort est fixé de toute
éternité. La foi de l'Église l'a toujours refusé. Car la pensée que,
individuellement, je ne peux plus rien faire - si je suis destiné à rôtir en
enfer, c'est ainsi, et, de même, si je suis destiné au ciel, c'est également
ainsi - n'est certainement pas conforme à la foi.
Dieu a créé une vraie liberté et accepte que ses plans soient
contrariés (même si d'une certaine manière il s'arrange pour que du neuf
puisse en sortir). D'ailleurs, l'histoire le montre. C'est d'abord le péché
d'Adam qui renverse le projet de Dieu. La réponse de Dieu est de se donner
encore plus fortement, de se donner lui-même dans le Christ.
C'est l'exemple majeur. Mais il y en a beaucoup d'autres. Le
peuple d'Israël devait être une théocratie ; sa constitution ne prévoyait
pas d'homme à sa tête, mais seulement un juge appliquant le droit de Dieu.
Mais les Israélites voulaient un roi comme les autres peuples. Ils ont
renversé le plan de Dieu et celui-ci leur a cédé. Il leur donne Saül
puis David et fait de la royauté un chemin vers le Christ qui, en mourant
sur la croix, devient le roi par qui est renversée toute royauté.
Par ces modèles, l'Écriture nous permet de comprendre que
Dieu, d'une part, accepte pleinement la liberté et, d'autre part, qu'il est
si grand qu'il peut transformer la défaillance et la destruction en nouveau
commencement qui dépasse même le premier et apparaît plus grand et meilleur.
Dieu sait tout et, cependant, d'autres projets sont possibles. Les plus
grands philosophes et théologiens se sont cassé la tête là-dessus. Notre
capacité s'arrête là parce que nous ne sommes pas Dieu et que notre horizon
est singulièrement limité.
Mais je pense que nous pouvons comprendre ce qui est
immédiat. Dieu reste maître de l'histoire. Il est mon
maître mais il me laisse la liberté de devenir quelqu'un qui aime, ou qui
refuse d'aimer. C'est pourquoi Dieu ne m a pas programmé de manière
invariable mais il m'a laissé une marge de manœuvre que nous appelons
liberté.
A suivre : Les miracles sont-ils vrais ?
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Sources : Extraits de la partie "Voici
quel est notre Dieu" - Entretien du cardinal Ratzinger avec Peter
Seewald
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.07.2023
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