La pratique de l’Eucharistie en
Europe |
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Rome, le 01 juillet 2008 -
(E.S.M.) - La plupart des diocèses ont vécu intensément
l’année de l’Eucharistie instaurée par le pape Jean-Paul
(2004-2005). Tout ce travail de réflexion,
d’initiatives et de propositions nous a aidés à être particulièrement
attentifs aux recommandations du Synode romain sur l’Eucharistie de 2005
et à l’exhortation pontificale post-synodale du pape Benoît XVI,
intitulée : «
Sacramentum Caritatis », publiée en février 2007. Cela s’est
traduit par des initiatives diverses.
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Le Cardinal Jean Pierre
Ricard -
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La pratique de l’Eucharistie en Europe
Intervention du Cardinal Jean Pierre Ricard lors du
49° Congrès eucharistique international – Québec
Du Portugal à la Russie, de Malte aux pays scandinaves, le visage que
présente l’Église catholique en Europe est très divers. L’histoire récente
des pays européens est contrastée. L’Europe de l’Est et une partie de
l’Europe centrale sortent de décennies de pouvoir communiste alors que
l’Europe de l’Ouest est marquée par un mouvement profond de sécularisation.
La pratique eucharistique n’est pas la même suivant les quartiers d’une
ville, suivant les régions, suivant les pays. L’assemblée dominicale n’est
pas identique selon que vous êtes dans la banlieue ouvrière d’une grande
ville française, dans une paroisse rurale de Pologne ou en plein air en
Ukraine, si vous êtes gréco-catholique et que votre église ne vous a pas
encore été rendue. Qu’il me soit permis, dans une communication qui se doit
d’être brève, de parler surtout de la situation de l’Europe de l’Ouest, et
plus particulièrement d’une situation que je connais mieux, celle de la
France.
Nos pays en Europe de l’Ouest, et tout particulièrement en France, sont
confrontés à un mouvement profond de sécularisation. Ce mouvement, qui
distend les liens des membres d’une société vis-à-vis d’une appartenance
religieuse, a été renforcé par le développement d’une société de
consommation qui promet le bonheur dans l’acquisition et l’accumulation des
biens matériels. Cela contribue à une dévaluation des biens spirituels et
des activités religieuses. La consommation est une nouvelle religion, ou une
pratique de substitution qui a ses temples, son personnel, ses prescriptions
et son rythme hebdomadaire.
La consommation exalte l’individu, sa liberté (même si
elle la conditionne fortement par ailleurs), ses choix, ses
envies, ses besoins, sa recherche d’épanouissement personnel. L’appartenance
religieuse ne va plus de soi et la participation à la messe ne s’impose
plus. Celle-ci est vue comme facultative, dépendant de la liberté et des
goûts de chacun On constate une baisse de la pratique religieuse
(5 % en France de pratiquants réguliers)
et une participation à l’eucharistie où la subjectivité règne en maître : je
vais à la messe quand je veux, quand j’en ai envie, quand j’en ressens le
besoin.
Dans leur Lettre aux Catholiques de France de 1996, les évêques français
écrivaient : « Ce qu’il suffisait naguère d’entretenir doit être aujourd’hui
voulu et soutenu. Toutes sortes de démarches qu’une population
majoritairement catholique nous demandait, en se coulant dans les
automatismes communément admis, doivent être désormais proposées comme
l’objet d’un choix. De sorte que la pastorale dite « ordinaire », souvent
vécue comme une pastorale de l’accueil, doit de plus en plus devenir aussi
une pastorale de la proposition. » (p.38)
Cela s’est traduit pour l’Eucharistie et tout particulièrement pour l’Eucharistie
dominicale par une pastorale de l’invitation. La plupart des diocèses ont
vécu intensément l’année de l’Eucharistie instaurée par le pape Jean-Paul
(2004-2005). Tout ce travail de réflexion,
d’initiatives et de propositions nous a aidés à être particulièrement
attentifs aux recommandations du Synode romain sur l’Eucharistie de 2005 et
à l’exhortation pontificale post-synodale du pape Benoît XVI, intitulée : «
Sacramentum Caritatis », publiée en février 2007. Cela s’est
traduit par des initiatives diverses.
1) une catéchèse soulignant la dimension vitale de l’Eucharistie
Devant la mentalité de certains catholiques faisant de la participation à l’Eucharistie
une matière à option pour la vie chrétienne, a été développée une catéchèse
soulignant la dimension vitale de l’Eucharistie. Celle-ci est vitale pour le
chrétien qui y trouve la source de la vie nouvelle qui l’anime et
l’expression de son action de grâce. Mais aussi pour le Christ qui a besoin
dans l’Eucharistie de rassembler ses disciples pour en faire les membres de
son corps, de ce corps ecclésial qu’il se donne dans le monde et à qui il
confie son Évangile de salut. Il est bon de s’appuyer sur le témoignage des
communautés chrétiennes des premiers siècles qui liaient très étroitement :
assemblée dominicale, repas du Seigneur et témoignage rendu au Christ
Ressuscité.
Vis-à-vis de familles qui ne venaient jamais à la messe dominicale, des
invitations ont été lancées pour une « messe des familles », pour vivre un «
dimanche autrement ». Cela a permis à des gens, qui ne l’auraient sans doute
pas fait sans cela, de découvrir l’Eucharistie. Mais ne risque-t-on pas de
les habituer à un rythme de participation mensuel ou bimestriel ? Comment
alors les initier au rythme hebdomadaire de l’assemblée dominicale ? La
réflexion pastorale est en recherche dans ce domaine.
2) un effort pour soutenir une participation active de
tous
Alors que dans la mise en œuvre de la réforme liturgique on a été surtout
sensible à un « faire quelque chose» de chacun des membres de l’assemblée,
on est plus attentif aujourd’hui à un « se laisser faire par le Seigneur ».
En effet, le but premier de la célébration est de nous faire vivre une
rencontre dans la foi avec le Christ Ressuscité qui nous conduit au Père et
nous communique l’Esprit. Nous avons à nous laisser accueillir par le
Christ, nous laisser instruire par lui, à nous laisser appeler par lui à
faire de nos vies, des vies données, des vies livrées. Loin de saisir le
Christ pour en faire notre consommation personnelle, nous nous laissons
saisir par lui. Car c’est lui qui dans la communion fait de nous les membres
de son corps et ses témoins dans le monde. Il est important de s’entraider à
entrer dans cette démarche spirituelle de l’Eucharistie et, en particulier,
de bien intérioriser la dynamique de la prière eucharistique.
C’est sur cet horizon qu’il faut situer la participation d’un certain nombre
d’acteurs de la célébration. Ils ne sont pas des acteurs jouant une pièce de
théâtre devant des spectateurs mais des serviteurs qui sont au service de la
rencontre de chacun avec le Seigneur. Loin de s’imposer à l’assemblée ou de
la prendre en otage, ils doivent l’aider à prier et à se tourner vers un
autre. Ils doivent être plus vecteurs qu’écrans. Ils doivent le faire de
façon concertante pour s’effacer ensemble devant le Seigneur. Je crois qu’il
y a là tout un travail de formation liturgique qui se fait sur le terrain.
Dans un groupe qui prépare la liturgie dominicale, lorsqu’on prie ensemble
et qu’on partage sur les textes de l’Écriture, cette préparation passe à un
autre plan et se vit dans un tout autre esprit.
3) une prise de conscience de l’importance de « l’art
de célébrer »
Je pense qu’on sort aujourd’hui de l’opposition ruineuse entre « culte » et
« mission ». On pressent qu’une certaine beauté liturgique dans le choix des
chants et des musiques, dans l’espace de la célébration, dans la bonne
exécution des rites, dans la qualité de présence et de parole du prêtre peut
toucher des cœurs et mettre des gens en route. On est plus attentif de nos
jours, tout au moins pour de grandes célébrations, à l’importance d’un
certain cérémonial. Ce qu’on appelle parfois un peu rapidement perte du sens
du sacré me paraît être plutôt un déficit de cérémonial.
La non-prise en compte par certains prêtres ou par certains animateurs
liturgiques de l’enjeu d’un fonctionnement rituel
(l’importance du rite) a amené à une inflation d’interventions
subjectives. On s’est rendu compte qu’on faisait alors porter le poids de la
subjectivité du prêtre célébrant ou du groupe d’animation à toute
l’assemblée et que cela n’aidait pas à entrer dans le mouvement de la
liturgie qui nous fait nous décentrer vers un Autre. Quand on lit La
Présentation générale du Missel Romain on voit que la réforme liturgique
maintient un juste équilibre entre des temps de parole non programmée et des
temps de parole ritualisée. Il y a dans cette Présentation un outil de
référence mais aussi de formation liturgique tout à fait intéressant. Je
vois actuellement être programmées dans les diocèses des sessions sur «
l’art de célébrer », sur « Comment présider ? », sur l’homélie. Il y a là,
certainement, toute une dimension de la formation à développer encore plus
intensément.
4) Une redécouverte ou une découverte de l’adoration
eucharistique
On voit réapparaître aujourd’hui, en Europe comme d’ailleurs dans d’autres
continents, l’adoration eucharistique. Cette expression liturgique avait
largement disparu dans beaucoup de lieux ecclésiaux au cours des années où
se mettait en œuvre la Réforme liturgique. On voulait mettre alors
particulièrement en valeur la participation de la célébration de la messe.
Certains disaient trop rapidement : « Le Christ a dit : prenez et mangez et
non pas prenez et regardez. » Remise en valeur souvent, mais pas
exclusivement, par les nouvelles communautés, cette adoration est demandée
par un certain nombre de jeunes ou même de moins jeunes. Elle semble
permettre un accueil plus intériorisé du Christ eucharistique, plus
contemplatif. Certains ont approfondi leur faim eucharistique par
l’adoration eucharistique. En programmant des heures d’adoration ou en
instituant une adoration perpétuelle, des paroisses ont senti qu’elles
étaient portées par un dynamisme spirituel et apostolique nouveau. De façon
étonnante, on voit aujourd’hui des jeunes passer d’abord par l’adoration
eucharistique pour découvrir la messe. Il y a là un phénomène non programmé,
qui a surgi alors qu’on ne l’attendait pas mais qui contribue grandement, au
moins pour un certain nombre de personnes, à leur permettre une approche
personnelle intériorisée de l’Eucharistie.
Il y aurait bien d’autres choses à souligner mais je me suis contenté de
vous partager ce qui m’apparaît comme les expressions les plus visibles,
dans nos pays européens, d’une vitalité renouvelée de la vie eucharistique.
+ Cardinal Jean-Pierre RICARD
Archevêque de Bordeaux
Sources : Québec 2008 -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.07.08 -
T/Eucharistie - T/Québec |