 |
Synode. La bataille d’Allemagne
|
Le 01 juin 2015 -
(E.S.M.)
-
Les évêques allemands luttent pour ouvrir la voie au divorce et à
l’homosexualité. Mais six d’entre eux se sont désolidarisés de ce
combat. Et un juriste critique à fond, dans un livre, les prises de
position du cardinal Kasper. "Il s’agit d’une crise de la foi",
commente le cardinal africain Sarah.
|
|
Synode. La bataille d’Allemagne
par Sandro Magister
Le 01 juin 2015 - E.
S. M. -
Les deux événements ont eu lieu de manière parfaitement concomitante. Au
Vatican, il y a quatre jours, le conseil et le secrétariat général du synode
des évêques préparaient avec le pape François la prochaine session de cette
assemblée. Et, au cours de cette même journée, à l’Université Pontificale
Grégorienne qui n’est guère éloignée du Vatican, les présidents des
conférences épiscopales d’Allemagne, de France et de Suisse ainsi qu’une
cinquantaine d’évêques, de théologiens et d’experts provenant de ces trois
pays, au premier rang desquels le cardinal Reinhard Marx, discutaient, à
huis clos, de la manière de faire passer, au synode, leurs opinions
réformistes en ce qui concerne deux points qui comptent parmi les plus
controversés : le divorce et l’homosexualité.
L’Allemagne, la France et la Suisse sont toutes les trois baignées par les
eaux du Rhin. Mais ceux qui ont participé à la réunion tenue à l’Université
Grégorienne savent bien que c’est sur les rives du Tibre, à Rome, que se
joue la partie. Leur ambition, c’est d’être, cette fois-ci encore - comme ce
fut déjà le cas lors du concile Vatican II - le courant de pensée vainqueur,
celui du renouvellement de l’Église universelle, le Rhin dont les eaux
envahiraient le lit du Tibre.
Au terme de la réunion, les Allemands ont diffusé un communiqué dans lequel
ils indiquent qu’ils ont "réfléchi en particulier à la sexualité comme
langage de l’amour et comme don précieux de Dieu, dans le cadre d’un
dialogue intense entre la théologie morale traditionnelle et les meilleures
contributions de l’anthropologie contemporaine et des sciences humaines".
Toutefois il y a quelque chose de plus intéressant que le communiqué : c’est
ce que les participants à la réunion se sont véritablement dit, d’après le
compte-rendu autorisé qui en a été donné, le 26 mai, par "La Repubblica", le
seul journal italien qui ait été admis à cette rencontre et également,
par-dessus le marché, le seul journal que, de son propre aveu, lise le pape
François :
"Un prêtre qui est également enseignant parle dès le début de 'caresses, de
baisers, de coït au sens de venir ensemble, co-ire', ainsi que de 'ce qui
accompagne les lumières et les ombres non conscientes des pulsions et du
désir'. Un de ses collègues affirme pour sa part : 'L’importance de la
stimulation sexuelle constitue la base d’une relation durable'. On cite
Freud. On évoque Fromm. 'La privation de sexualité – ajoute-t-on – peut être
comparée à la faim, à la soif. La question qui la caractérise est : Est-ce
que tu as envie de faire l’amour ? Mais cela ne signifie pas désirer
l’autre, si l’autre ne veut pas. La question devrait être : Est-ce que tu me
désires ? Voilà alors comment le désir sexuel de l’autre peut s’associer à
l’amour'".
L'épiscopat allemand représente la pointe la plus avancée et la plus
combative de ce front réformiste.
La dernière en date de ses déclarations officielles – elle a été diffusée,
en plusieurs langues, au commencement de ce mois de mai – a été sa réponse
au questionnaire qui avait été distribué par Rome dans la perspective de la
prochaine session du synode.
En lisant cette déclaration, on constate que l’Allemagne met déjà largement
en pratique ce que le magistère de l’Église interdit et que le synode
devrait encore discuter. C’est-à-dire l’accès des divorcés remariés à la
communion, l'acceptation des remariages de divorcés, l'approbation des
unions homosexuelles
►Synode.
Les évêques allemands mettent la charrue avant les bœufs
Quelques jours plus tard, le 9 mai, le Zentralkomitee der Deutschen
Katholiken, l’association historique des laïcs catholiques allemands, a
publié une déclaration encore plus avancée, dans laquelle il réclame la
bénédiction liturgique pour les remariages de divorcés et pour les unions
entre personnes du même sexe, en plus de l'abandon en bloc de l'enseignement
de l’Église à propos de la contraception
►Declaration
of the Central Committee of the German Catholics
Mais attention. Tout cela ne signifie pas que la totalité de l’Église
d’Allemagne soit d’accord avec ces opinions. La réalité est tout autre. Que
ce soit parmi les évêques ou parmi les laïcs qui font le plus autorité, il
ne manque pas de voix pour affirmer leur opposition. Et, ces jours derniers,
ces personnes se sont exprimées vigoureusement.
L’évêque de Passau, Stefan Oster, salésien, qui a été nommé à ce poste par
le pape François au mois d’avril 2014, a contesté la déclaration du
Zentralkomitee der Deutschen Katholiken, point par point, dans une
intervention tranchante qu’il a mise en ligne sur sa page Facebook
►Hier
einige Gedanken…
Et il a rapidement reçu l'adhésion publique de cinq autres évêques : Rudolf
Voderholzer de Ratisbonne, Konrad Zdarsa d’Augsbourg, Gregor M. Hanke d’Eichstätt,
Wolfgang Ipolt de Görlitz, Friedhelm Hofmann de Wurtzbourg
►Zur
jüngsten Debatte...
On notera avec intérêt que, parmi ces cinq évêques, figure celui de
Wurtzbourg, la ville où le Zentralkomitee der Deutschen Katholiken s’est
réuni et a émis sa déclaration dans le silence/avec l’accord du guide
spirituel du comité, l’évêque Gebhard Fürst de Rottenburg-Stuttgart, diocèse
qui a eu Walyer Kasper comme titulaire dans les années 90.
Et on notera avec encore plus d’intérêt que les évêques cités appartiennent
tous, à l’exception de celui de Görlitz, à la région ecclésiastique de
Bavière, ce qui a pour résultat de mettre en minorité (5 sur 8) le cardinal
Marx, archevêque de Munich, précisément dans cette région qui est la sienne
et précisément à propos des questions dans lesquelles il est le plus
impliqué.
Mais il y a plus. Parmi les laïcs d’Allemagne aussi, il y a de fortes
personnalités qui font entendre une mélodie discordante.
La sévérité avec laquelle Robert Spaemann - il est considéré comme l’un des
plus grands philosophes catholiques vivants et c’est un ami de longue date
de Joseph Ratzinger - a critiqué, au début du mois de mai, non seulement
l'épiscopat allemand mais également la manière de gouverner du pape François
qui, d’après lui, serait à la fois "autocratique" et "chaotique", a frappé
les esprits.
Spaemann a formulé ses critiques dans le cadre d’un dialogue avec Hans Joas
pour la revue "Herder Korrespondenz", qui appartient à la maison d’édition
qui assure la publication des œuvres complètes de Benoît XVI
►
"Das
Gefühl des Chaos wird man nicht ganz los"
Par ailleurs un livre écrit par un juriste et magistrat allemand a été
publié simultanément, ces jours-ci, en Allemagne et en Italie. Il constitue
une réfutation radicale, à la fois théorique et pratique, des prises de
position du cardinal Kasper à propos de l’accès des divorcés remariés à la
communion
►
Rainer
Beckmann, "Il Vangelo della fedeltà coniugale. Risposta al Card. Kasper. Una
testimonianza", presentazione del Card. Paul Josef Cordes, Solfanelli,
Chieti, 2015, 128 pp., 10,00 euros.
L'auteur de cet ouvrage, Rainer Beckmann, est âgé de 54 ans et il est juge à
Wurtzbourg. Entre 2000 et 2005, il a été expert officiel auprès des
commissions chargées du droit et de l’éthique de la médecine au sein du
parlement fédéral allemand. Il a publié des essais scientifiques consacrés à
l’avortement, aux techniques de la reproduction, à la mort cérébrale et à
l’euthanasie. Il est vice-président d’une association de juristes pour le
droit à la vie et il dirige la revue "Zeitschrift für Lebensrecht". Il donne
des cours à l'université de Heidelberg.
Mais, comme l’indique le cardinal allemand Cordes dans la préface qu’il a
donnée à ce livre, Beckmann, qui est père de quatre enfants, est également
"un croyant ayant vécu personnellement la souffrance d’une relation qui a
échoué et, en tout cas, il n’a pas commencé une nouvelle relation après
avoir divorcé : il veut continuer à croire à sa promesse de fidélité…
jusqu’à ce que la mort les sépare, lui et son épouse". Et c’est précisément
pour cette raison que "son témoignage est désormais incontournable au point
de vue pastoral, réaliste au point de vue factuel et soumis à la Sainte
Écriture".
À la fin de son ouvrage, Beckmann souligne que le pape François, "dans les
déclarations dont nous avons connaissance", ne s’est pas une seule fois
dissocié de la doctrine traditionnelle de l’Église. Tandis que, au
contraire, "la solution proposée par le cardinal Kasper mine à leur base non
seulement le sacrement de mariage, mais également ceux de la pénitence et de
l’eucharistie".
Et de conclure :
"Si nous souhaitons transmettre la foi, il est nécessaire que nos actes
correspondent à nos paroles. Celui qui ne vit pas ce qu’il enseigne n’est
pas crédible. De même que celui qui ne tient pas ses promesses n’est pas
crédible. Lorsque quelqu’un promet d’aimer jusqu’à la mort, il doit demeurer
fidèle jusqu’à la mort. C’est le chemin sur lequel Jésus nous a précédés".
Ce sont là des opinions d’une radicalité qui n’est pas différente de celle
qui a été exprimée au même moment par un représentant, qui jouit d’une
grande autorité, de la jeune Église d’Afrique : le cardinal guinéen Robert
Sarah, qui a été nommé préfet de la congrégation pour le culte divin par le
pape François en 2014.
Lorsque Sarah a présenté, le 22 mai, une collection de livres qui
constituaient une préparation au synode, réalisés sous la direction de
l'Institut pontifical Jean Paul II pour les études sur le mariage et la
famille et publiés en Italie aux éditions Cantagalli, il a insisté, lui
aussi, sur la crédibilité du témoignage :
"C’est seulement dans la clarté que nous pouvons véritablement être des
témoins, dans un monde qui ne supporte plus l’Évangile. La foi est vraiment
le noyau des difficultés de l’Église".
Et aussi :
"Si l’eucharistie est seulement un repas, on peut aussi donner la communion
aux divorcés, qui sont en contradiction avec l’alliance. Mais si un évêque,
un cardinal, ne voit pas ce qu’est l’eucharistie, c’est-à-dire le corps du
Christ, et s’il envisage cette eucharistie comme un repas dont personne ne
doit être exclu, alors nous perdons vraiment le cœur du mystère".
Un compte-rendu plus développé des propos tenus par Sarah le 22 mai
►Il
cardinale Sarah: "La fede o niente"
Et un portrait du personnage, avec des citations de son livre "Dieu ou rien"
qui sera également publié, dans peu de temps, en italien, en anglais et en
espagnol.►Un
pape d’Afrique noire
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.06.2015 -
T/International |