Le patriarche de Venise a fait un
rêve: le métissage de civilisations |
|
Rome, le 01 avril 2009 -
(E.S.M.)
- On trouvera ci-dessous, après le texte de Teissier, un extrait
du discours adressé par Benoît XVI à une délégation des musulmans du
Cameroun, le 19 mars 2009 à Yaoundé. Le pape n’a pas employé le mot
"métissage" mais, conceptuellement, il s’en est approché.
|
Le patriarche de Venise a fait un rêve: le métissage de civilisations
Le 01 avril 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
L'un de ses amis, philosophe, indique dans un livre comment y arriver. Mais
la route est accidentée entre les religions, surtout entre le christianisme
et l'islam. L'archevêque Teissier raconte ce qui se passe dans son Algérie,
partagée entre répression et respect de la liberté religieuse
Sur la couverture du livre, une question et une photo. La photo est celle du
confluent de l’Amazone et du Rio Negro: des eaux de couleurs différentes
coulent l’une à côté de l’autre puis elles se mêlent. La question est dans
le titre: "Métissage: coexistence ou confusion?".
En effet, dans le langage courant, le mot "métissage" n’a pas bonne
réputation. Né avec le brassage des Espagnols et des Indiens après la
découverte des Amériques, il fait penser à la conquête et à
l’assujettissement. Ou bien, associé au multiculturalisme moderne, il évoque
une confusion, un fouillis de personnes et de civilisations juxtaposées qui
ne se comprennent pas.
Mais c’est justement sur le "métissage de civilisations" qu’a parié l’un des
hommes d’Eglise les plus actifs dans l'interprétation et l’orientation des
rapports entre peuples, religions et cultures: le cardinal Angelo Scola,
patriarche de Venise.
Le livre est une étape importante de ce programme. Il est publié par
Marcianum Press, éditeur du patriarcat de Venise. L'auteur, Paolo Gomarasca,
est professeur de philosophie et d’anthropologie à l'Université Catholique
de Milan.
***
Le cardinal Scola a lancé pour la première fois l'idée du métissage en 2004,
quand il a créé à Venise une fondation internationale ayant pour objet la
connaissance mutuelle et la rencontre de l'Occident et de l'islam. Cette
fondation, appelée "Oasis", publie une revue portant le même nom, en 4
versions distinctes: italien, français-arabe, anglais-arabe, anglais-ourdou.
Selon le patriarche de Venise, le métissage des civilisations est un
processus qui est sous les yeux de tous. Il touche le monde entier et
s’accélère sans cesse, comme jamais dans le passé. "Il ne demande pas la
permission de se produire", il existe, tout simplement. Croire qu’on peut
l’arrêter est une illusion: il faut plutôt le juger de façon critique et
"l’orienter vers des façons de vivre droites, au niveau personnel et
social". A plus forte raison "pour nous, hommes des religions, convaincus
que tous les peuples font partie d’une seule famille humaine et que Dieu
conduit l’histoire".
De là l'idée de mettre de l’ordre dans ce processus, surtout
conceptuellement. Le livre du professeur Gomarasca reconstruit l’histoire du
métissage de civilisations, depuis la découverte des Amériques jusqu’à
aujourd’hui, une histoire qui est aussi celle de ses interprétations plus ou
moins insatisfaisantes, du point de vue colonial au multiculturalisme.
Mais Gomarasca ne fait pas qu’observer et décrire. Il indique une direction
de réflexion. La catégorie clé qu’il met en œuvre est celle de la filiation:
"Le métissage est une nouveauté née de la relation de l'un avec l'autre,
mais il ne peut être réduit ni à l’un ni à l’autre: c’est un effet qui les
dépasse tous les deux. Voyons par exemple ce qui arrive dans le Nouveau
Monde: que sont les 'mestizos' sinon des enfants - dont l’identité mixte
interroge la conscience de leurs parents blancs - qui comprennent tout à
coup qu’ils ne peuvent pas être les seuls? Comme reconnaissance d’une
origine commune, la filiation est une condition nécessaire de la vie
droite".
La famille et la société civile libre sont de manière naturelle les "lieux
de reconnaissance" et de mise en œuvre de cette communauté entre les hommes,
les peuples, les cultures. Et aussi les religions:
"Si l’on admet que les religions sont capables de donner des raisons
publiques de leur foi, il est essentiel de valoriser l’apport de vérité
qu’elles peuvent fournir à l’idée de la relationnalité constitutive de
l'être humain".
***
Au moment même du lancement du livre de Gomarasca sur le métissage – le
cardinal Scola l’a présenté le 25 mars à Rome, à l'ambassade d'Italie près
le Saint-Siège – paraissait aussi le dernier numéro de la revue semestrielle
"Oasis".
Un numéro d’"Oasis" qui met en lumière, plus que les vertus du métissage,
ses limites et ses risques.
Les articles réunis dans la revue portent surtout sur le monde islamique.
Dans un numéro précédent de la Newsletter qui accompagne la revue "Oasis",
l’évêque de Tunis, Maroun Elias Lahham, avait mis en garde contre les
illusions:
"En tant que religion et culture, l’islam est sûr de lui et n’éprouve pas le
besoin d’être enrichi par d’autres apports. Dans l’univers culturel arabe
qui est le mien, je n’arrive même pas à traduire le mot ‘métissage’ sans lui
donner un sens négatif: tahjin, hybride, ou khalt, mélange. Si l’on entend
par métissage le lieu où deux identités donnent ensemble vie à une
troisième, il y a un risque que les deux identités perdent en s’unissant une
partie d’elles-mêmes. Selon moi, le dialogue interculturel et interreligieux
ne doit pas permettre qu’on perde même une partie de son identité et de sa
foi".
L'article reproduit ci-dessous est tiré du dernier numéro d’"Oasis" et
concerne l'Algérie. Il est d’Henri Teissier, archevêque d’Alger pendant
vingt ans, de 1988 à 2008.
L'Algérie est un pays où 19 religieux de la toute petite minorité chrétienne
ont été martyrisés entre 1994 et 1996.
Aujourd’hui la vie des communautés chrétiennes d’Algérie est à nouveau en
grand danger. L'activité missionnaire audacieuse de groupes "evangelical" a
amené un durcissement de la répression.
Mais parallèlement on note que des musulmans algériens portent une attention
croissante à la liberté de conscience et de religion. On écrit à ce sujet,
on en discute, on lance des appels pour que la liberté de se convertir à une
autre foi soit garantie.
L'article de l’archevêque Teissier décrit ce double processus contrasté dont
la partie positive, dit-il, n’a aujourd’hui d’équivalent dans aucun autre
pays arabe.
On trouvera ci-dessous, après le texte de Teissier, un extrait du discours
adressé par Benoît XVI à une délégation des musulmans du Cameroun, le 19
mars 2009 à Yaoundé. Le pape n’a pas employé le mot "métissage" mais,
conceptuellement, il s’en est approché. Sous l’angle de la coexistence et
sûrement pas de la confusion.
Islam d'Algérie. Certains défendent la liberté de conversion
par Henri Teissier
En Algérie la relation islamo-chrétienne connaît un temps de crise depuis la
publication par l’État, le 28 février 2006, d’une ordonnance réglant
l’exercice des cultes non musulmans. [...] Ce document a été complété, en
mai 2007, par deux décrets d’application qui définissent les conditions
imposées aux "manifestations religieuses" des cultes autres que l’Islam.
L’ordonnance de 2006, dans son préambule, présente des déclarations de
principe positives. Elle affirme avoir pour but d’assurer la protection des
cultes non musulmans. Elle garantit la liberté de culte et invite au respect
des religions autres que l’Islam.
Toutefois les dispositions énumérées par la suite laissent place à des
interprétations maximalistes très préjudiciables à la paix interreligieuse.
En effet, toute attitude ou tout document susceptible d’inciter un musulman
à quitter sa religion sont punis de peines sévères de prison
(un à trois
ans) et d’amendes relativement considérables. Par ailleurs, non seulement
les cultes non musulmans ne sont autorisés que dans des lieux publics
reconnus pour cet usage et clairement désignés aux autorités responsables,
mais, plus grave, toute activité autre que cultuelle est interdite dans ces
lieux de culte (ce serait la fin des accompagnements humanitaires de
l’Église: crèches, dispensaires, soutien scolaire, conférences, etc.).
Ainsi cette disposition rend suspecte toute prière entre chrétiens dans un
cadre autre qu’une église, tout comme l’assistance religieuse aux chantiers
de travailleurs chrétiens étrangers, aux groupes de pèlerins en marche vers
Tamanrasset, ainsi que les célébrations auprès des migrants qui vivent dans
les périphéries des villes. Mais surtout, plus généralement, toute rencontre
de prière chrétienne ou toute eucharistie domestique dans les quartiers et
les villes où il n’existe pas de structures ecclésiales reconnues. [...]
En fait, les premières mesures prises par l’État algérien le furent contre
l’Église catholique. [...] Entre le 7 et le 15 mai 2007, toutes les
communautés de religieux et religieuses catholiques de tous les départements
du Nord du pays ont été convoquées et invitées à quitter l’Algérie pour des
raisons sécuritaires. À partir du mois d’octobre 2007, il est devenu presque
impossible d’obtenir des visas pour accueillir de nouveaux religieux et
religieuses ou des volontaires laïcs.
Ces premières mesures [...] furent ensuite suivies de bien d’autres
décisions: expulsion, le 20 novembre 2007, de quatre volontaires brésiliens
chrétiens invités en Algérie par l’Archevêque pour servir les étudiants
boursiers chrétiens venant des pays lusophones (Mozambique, Angola,
Cap-Vert, Guinée-Bissau, etc.); interdiction par le Wali de Ouargla de
célébrer la messe de Pâques dans un camp pétrolier italien en raison des
dispositions de l’ordonnance sur les lieux de culte; refus de visa de visite
à plusieurs des responsables de congrégations religieuses travaillant en
Algérie; refus de visa à une laïque pour le motif expressément déclaré au
consulat à Paris qu’elle travaillait à la délégation "catholique" à la
coopération, etc.
Par la suite, des interprétations maximalistes de l’ordonnance réglant la
vie des cultes non musulmans n’ont pas manqué d’être prises, en divers lieux
et en diverses occasions. Un prêtre catholique, du diocèse d’Oran, le P.
Pierre Wallez, fut gardé pendant trente heures à la gendarmerie de Maghnia,
le 9 janvier 2008, pour avoir prié deux jours après Noël, avec des
camerounais chrétiens qui vivaient dans une forêt près de la frontière
algéro-marocaine. En principe, l’ordonnance interdisait uniquement le
"culte" en dehors d’une église. Or ce prêtre avait seulement rendu une
visite pastorale à des chrétiens auprès desquels aucun "culte" n’avait été
célébré, mais juste une prière partagée dans le contexte de la grande fête
chrétienne de Noël. Ce prêtre fut condamné en première instance à six mois
de prison avec sursis, puis le 9 avril 2008, en deuxième instance, à deux
mois de prison avec sursis, alors que ces visites à des migrants avaient
lieu depuis plus d’une dizaine d’années et que les autorités algériennes
responsables en avaient été informées par l’évêque du lieu. Le médecin
algérien qui accompagnait bénévolement le prêtre dans ses visites fut
d’abord condamné à deux ans de prison ferme, peine finalement commuée en six
mois avec sursis, mais avec l’interdiction d’exercer dorénavant la médecine
dans la fonction publique.
Dans la vie quotidienne, il arrive que la gendarmerie arrête des prêtres qui
circulent sur la route et les accuse de prosélytisme parce qu’ils ont sur
eux leur Bible et leur bréviaire (cf. la gendarmerie de Sidi Akacha, près de
Ténès). Des catholiques arrivant en avion se voient confisquer leurs livres
chrétiens personnels (par exemple à l’aéroport de Batna, en juin 2008). Une
enseignante algérienne chrétienne qui avait sur elle un chapelet est retenue
à la police et doit subir un interrogatoire serré, etc. Plus récemment, en
juin dernier, la police a fait saisir par la douane tous les exemplaires
reçus individuellement par la poste des "Prions en Église" et des
"Magnificat", malgré une lettre de protestation de l’Archevêque adressée au
ministre des Affaires religieuses qui est restée sans réponse, etc. Dans
plusieurs villes, on déplore désormais la fermeture des activités éducatives
animées par l’Église.
Mais toutes ces mesures relèvent, le plus souvent, de la tracasserie de
certains responsables et n’auraient pas eu de grandes conséquences sans un
fait qui, lui, a touché largement l’opinion publique. [...]
***
Depuis une dizaine d’années, la presse algérienne a régulièrement présenté
des études sur le phénomène, nouveau dans un pays musulman, de la conversion
de groupes de personnes d’origine musulmane, surtout dans la région de
Kabylie. [...] Dans un de ces nombreux articles des années passées repris à
titre d’exemple par le journal francophone d’Alger "Le Soir d’Algérie" du 19
mars 2000, on pouvait lire:
"Fait significatif, la quasi totalité des membres de ces communautés n’est
pas apparentée à l’entité catholique, traditionnellement présente en
Algérie. Ils sont algériens de confession chrétienne, mais de rite
protestant. Beaucoup disent avoir eu une aventure spirituelle et religieuse
suite à laquelle ils ont changé de trajectoire, d’autres font pour la
première fois l’expérience de la foi, mais tous convergent sur la voie du
Christ, affirmant avoir reçu sa grâce. Mais d’où vient que tous ces hommes
et ces femmes aient éprouvé un vif engouement pour la spiritualité en
embrassant la religion chrétienne? [...] Serait-il l’expression d’une
recherche identitaire? [...] S’agit-il d’une tentative de réappropriation de
l’héritage augustinien qui se cache sous la cendre des siècles? Le phénomène
a-t-il un lien avec l’actualité immédiate de l’Algérie où l’islamisme affole
le pays sur fond de violences meurtrières? Ou exprime-t-il tout simplement
une coquetterie de mode, palliatif à un besoin passager d’identification? Y
a-t-il encore derrière cette expérience spirituelle une envie de transcender
la matérialité de l’existence, une quête thérapeutique devant une angoisse
existentielle où la quête du sens de la vie s’est déplacée de la terre vers
le ciel? ".
On aura donc vu, à travers la citation de presse proposée ci-dessus, que,
déjà avant la crise actuelle, certains journalistes algériens s’étaient
exprimés positivement sur ce thème de la liberté de conscience, y compris
sur le droit de changer de religion pour un musulman. Mais ce qui va devenir
vraiment nouveau pour un pays arabe, c’est que l’aggravation de la situation
provoquée par les décrets du 28 février 2006 va susciter, dans l’opinion
musulmane libérale en Algérie, une réaction collective de défense des droits
des nouveaux chrétiens venus de l’Islam.
En effet, après la mise en accusation par la justice d’une jeune éducatrice
algérienne de Tiaret, "Habiba", en avril-mai 2007, qui s’était convertie au
christianisme évangélique, un vrai débat public s’est exprimé, dans lequel
une partie des interlocuteurs a publiquement défendu le droit à la liberté
de conscience "de Habiba" et de tous les Algériens. Le journal algérien
francophone "El Watan" a même pris l’initiative de publier le 18 mars 2008
une pétition signée ensuite par plus de deux milliers d’intellectuels
algériens et dont le texte déclare:
"Des journalistes condamnés à des peines de prison ferme et menacés
d’incarcération. Des syndicalistes licenciés pour avoir revendiqué des
salaires décents. Des chrétiens harcelés pour délit de prière. Les
signataires vivement inquiets de cette escalade contre les libertés
démocratiques: expriment leur solidarité avec les journalistes libres, les
syndicats autonomes et la communauté chrétienne d’Algérie, cibles de mesures
aussi brutales qu’injustifiées; réaffirment leur attachement à la liberté
d’expression, au pluralisme syndical et à la liberté de conscience, synonyme
du droit de chacun de pratiquer la religion de son choix, ou de ne pas
pratiquer; appellent à la tolérance et au respect des libertés et de la
diversité, valeurs cardinales de toute société démocratique".
Dans le même sens va la déclaration faite par le "Rassemblement pour la
Culture et la Démocratie", l’un des principaux partis d’opposition algériens
et par son président le Dr Saïd Saadi, dans la présentation faite par le
journal "El Watan" du 28 février 2008:
"La liberté de culte est atteinte! Le RCD réagit. Le parti de Saïd Sadi
dénonce en effet des faiseurs d’opinions en mission qui ont lancé une
campagne inquisitoriale pour dénoncer l’évangélisation du pays. […] Le RCD
estime, dans un communiqué rendu public hier, que cela porte atteinte à la
Constitution et aux pactes internationaux signés par l’Algérie garantissant
respectivement la liberté de culte et la liberté de conscience. Pour lui, il
n’y a pas l’ombre d’un doute qu’il s’agit là d’une véritable opération de
persécution menée contre les chrétiens d’Algérie. Cette campagne, exécutée à
grands renforts de publicité, a une apparence – la défense de l’Islam – mais
une réalité: sceller de nouveau l’alliance entre le président Bouteflika et
le courant islamiste radical".
On trouvera des positions semblables dans une déclaration publiée par "La
Maison des droits de l’homme et du citoyen de Tizi Ouzou":
"Nous appelons tous ceux qui […] peuvent influer sur les évènements à faire
preuve de sagesse et de sens des responsabilités: l’Algérie […] n’a pas
besoin de se lancer dans une fausse guerre de religions. Pour les militants
des droits de l’homme, la liberté de culte et de conscience est un principe
intangible. Les pouvoirs publics doivent veiller au strict respect des
obligations contenues dans les traités et les conventions que l’Algérie a
ratifiés".
Le 26 mai 2008, le chef du gouvernement de l’époque, M. Belkhadem, est mis
directement en cause par "Le Soir d’Algérie", dans un article de Nawel Imès
intitulé "Le temps de l’Inquisition" qui porte toujours sur le thème du
respect de la liberté de conscience:
"À intervalles réguliers, l’Islam sert de fond de commerce et les
concessions faites aux islamistes sont présentées comme un mal nécessaire.
La mise en œuvre de la réconciliation nationale n’a pas arrangé les choses.
Pis encore, on assiste à un retour en force du religieux. […] En annonçant
que 'la société algérienne s’est attachée au Saint Coran depuis qu’elle a
embrassé l’Islam et le Coran représente sa constitution qu’elle n’acceptera
point de changer', le chef du gouvernement, en plus de violer le principe de
la liberté de conscience, ne fait que légitimer la chasse aux non-musulmans
menée tambour battant par le ministre des Affaires religieuses. En moins
d’un mois, 25 communautés chrétiennes se sont vues notifier l’ordre de
cesser toute activité. Des Algériens convertis au christianisme sont
poursuivis en justice et des responsables d’églises sont sommés de quitter
l’Algérie car présentant 'une menace pour la sécurité de la nation'. Plus
grave encore, une jeune femme risque trois ans de prison à Tiaret. Elle a
été arrêtée en possession de plusieurs exemplaires de la Bible, ce qui a
suffit à son inculpation".
L’un des penseurs contemporains algériens les plus en vue, résidant en
France mais venu en Algérie pour une conférence, Soheib Bencheikh, tient des
propos allant dans le même sens, que le journal "El Watan" du 22 mai 2008
reproduit:
"Le législateur ou le moralisateur ne peut pas pénétrer dans la conscience
des gens, a ainsi commencé M. Soheib Bencheikh, ancien mufti de Marseille
[…] Écœuré par la tournure prise par les évènements, il joint sa voix à
celle de ceux qui dénoncent la chasse aux sorcières tout en relevant les
paradoxes de l’Algérie moderne. En effet, au moment où se tient un colloque
international sur la conception des droits de l’homme chez l’émir
Abdelkader, avec la mise en exergue de sa défense des chrétiens au
Moyen-Orient, le tribunal de Tiaret juge une femme pour pratique illégale
d’une religion autre que l’Islam. 'La foi ne se décrète pas' dit-il, tout en
rejetant 'la manière de faire de l’administration' ainsi que 'ces
agissements en complète contradiction avec notre religion qui favorise les
confessions et les protège'. Et d’asséner des sourates pour appuyer ses
déclarations, notamment les versets sur la tolérance, la diversité
religieuse et la non-contrainte".
Au-delà de ces prises de position de l’opinion publique libérale en Algérie,
il est tout à fait significatif que le ministre des Affaires religieuses, M.
Ghoulamallah, ait déclaré à plusieurs reprises qu’il soutenait la liberté de
conscience, y compris la possibilité pour un musulman de changer de
religion, ajoutant que ce que l’État algérien redoutait, ce serait la
constitution de minorités religieuses qui chercheraient ensuite à faire
appel à l’étranger pour défendre leurs droits.
***
On sait que le débat en Islam sur le statut du musulman quittant l’Islam
pour se convertir à une autre religion (le "murtadd") est un débat ancien et
aujourd’hui très actuel. Le Coran ne menace l’apostat que des peines de
l’autre monde (par ex. 16,108). Mais le hadîth prévoit la mise à mort de
l’apostat. Les fuqahâ’, ou spécialistes de la sharî’a, se disputent pour
savoir comment interpréter cette tradition. Certains exégètes contemporains
disent qu’il faut tenir compte du fait que les versets radicaux ont été
prononcés dans un contexte où se profilait la menace d’une révolte générale
des tribus de la péninsule arabique qui aurait mis en péril l’existence même
du jeune état musulman, ce qui eut lieu effectivement sous le califat d’Abou
Bakr. Par conséquent, il faudrait comprendre ces versets comme une
condamnation de la trahison en cas de péril de la nation. Le principe "qu’il
n’y a pas de contrainte en religion" demeurant sauf.
Mais le fait nouveau auquel doit faire face l’État algérien est la
conversion de plusieurs centaines, peut-être de plusieurs milliers de
personnes nées dans des familles musulmanes et qui choisissent publiquement
d’adhérer au christianisme. En fait le débat, dans la presse algérienne, ne
s’est pas engagé à partir des critères propres à l’exégèse musulmane. Pour
la presse francophone, généralement plus ouverte au respect des convictions
personnelles, il s’agit d’un débat sur la liberté de conscience, à partir
d’une perspective des droits de l’homme.
Une évolution très importante s’est donc produite en Algérie à l’occasion de
ce mouvement de conversions. Il ne s’agit plus, en effet, d’une opinion
particulière exprimée par un spécialiste, mais bien d’une réaction de
conscience exprimée par des centaines de journalistes et des milliers
d’intellectuels musulmans défendant la liberté de conscience de ceux de
leurs compatriotes qui ont choisi de quitter l’Islam pour embrasser une
autre confession.
À ma connaissance, aucun pays arabe et musulman n’a déjà connu un débat de
cette ampleur sur la liberté de conscience entendue comme la liberté pour
des musulmans de quitter leur religion de naissance pour choisir d’adhérer
librement à une autre confession.
Le lien vers la fondation internationale "Oasis", en italien, anglais,
français, arabe et ourdou, avec la revue, la newsletter d’informations et de
commentaires, les livres:
Oasis
Parmi ses nombreuses activités, "Oasis" diffuse en ligne, chaque lundi, la
catéchèse de Benoît XVI à l'audience générale du mercredi précédent,
traduite intégralement en langue arabe.
Et le pape Benoît XVI, au Cameroun, a dit aux musulmans ►
Discours du Saint-Père
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.04.2009 -
T/International |