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Pensées de Benoît XVI sur la crise liturgique actuelle
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Vendredi 25 août 2006 - Nous publions un article de l'abbé Q.
Sauvonnet qui développe la pensée de Benoît XVI sur la crise
liturgique actuelle. Le saint Père invite à ce « que la liturgie
soit à nouveau une activité communautaire de l'Eglise.
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Le pape Benoît XVI
La pensée de
Benoît XVI sur la crise liturgique actuelle
par l'abbé Q.
Sauvonnet
Il suffit de regarder la quantité d’ouvrages dans lesquels le Pape Benoît
XVI aborde des questions relatives à la liturgie pour comprendre que c’est
un sujet qui lui tient à cœur. En raison du lien qui existe entre la
liturgie et la Foi, l’ancien préfet pour la congrégation pour la doctrine de
la Foi n’a pas manqué d’analyser l’importance de la liturgie : « Il est
apparu de plus en plus clairement qu'il en va dans la liturgie de notre
compréhension de Dieu et du monde, de notre relation au Christ, à l'Eglise
et à nous-mêmes : dans notre rapport avec la liturgie se joue le destin de
la foi et de l'Eglise
».
La crise que l’Eglise connaît aujourd’hui, quant à l’expression de
la Foi, ne peut donc manquer pour le cardinal Ratzinger d’avoir un écho en
liturgie. Contrairement à la nature première du mouvement liturgique,
explique le cardinal Ratzinger, « la réforme liturgique, dans sa réalisation
concrète, s'est éloignée toujours davantage de cette origine. Le résultat
n'a pas été une réanimation, mais une dévastation. D'un côté, on a une
liturgie dégénérée en show, où l'on essaie de rendre la religion
intéressante à l'aide de bêtises à la mode et de maximes morales
aguichantes, avec des succès momentanés dans le groupe des fabricants
liturgiques, et une attitude de recul d'autant plus prononcée chez ceux qui
cherchent dans la liturgie, non pas le showmaster spirituel, mais la
rencontre avec le Dieu vivant devant qui tout "faire" devient insignifiant,
seule cette rencontre étant capable de nous faire accéder aux vraies
richesses de l'être ».
Cette liturgie dégénérée résulte d'une nouvelle conception de la liturgie,
conception plus ou moins consciente, dont les lignes directrices « peuvent
se résumer à l’aide de formules telles que créativité, liberté, célébration,
communauté. Selon cette conception, le rite, les contraintes, l'intériorité,
l'ordonnance générale de l'Église apparaissent comme (les notions négatives
qui caractérisent une étape à dépasser de l'ancienne liturgie.
» I. Une analyse de la crise liturgique
actuelle S'inspirant de Romano Guardini, pionnier du
mouvement liturgique, le cardinal Ratzinger rappelait dans son livre Un
Chant nouveau pour le Seigneur les trois dimensions ontologiques dans
lesquelles se déploie la liturgie : le cosmos, l'histoire et le mystère. Si
le cardinal a formulé des réserves sérieuses sur la réforme liturgique,
c’est que ces aspects en sont absents. La nouvelle liturgie, en effet :
a) n'est pas cosmique, étant limitée au groupe. b) Elle n'a pas
d'histoire, puisqu'elle affirme son émancipation par rapport, à toute donnée
extrinsèque et à tout héritage. c) Elle ne connaît pas le mystère, tout
s'y expliquant et devant être expliqué. a)
La nouvelle liturgie et la dimension cosmique
« Il s'agit
bien plutôt pour les participants de s'assurer de leur communauté mutuelle
et de sortir ainsi de leur isolement, dans lequel l'existence moderne
enferme l'individu. Il s'agit de nourrir des sentiments de libération, de
joie, de réconciliation, de dénoncer ce qui est nuisible et de donner des
impulsions pour l'action. C'est pourquoi il revient à la communauté de créer
elle-même sa liturgie et non de la recevoir de traditions devenues
incompréhensibles : la communauté se représente et se célèbre elle-même.
» « Le groupe s'oppose ainsi à l'Eglise, la communauté à
l'institution. La communauté est le lieu de l'espérance, tandis que
l'institution est l'expression de la menace des puissants.»
« Non seulement des prêtres, mais des évêques ont l'impression qu'ils ne
sont pas fidèles au concile s'ils reprennent les prières telles qu'elles
figurent dans le missel ; il faut y glisser au moins une formule "créative",
si banale qu'elle soit. Et les souhaits de bienvenue aux assistants,
éventuellement aussi un au revoir amical, sont déjà devenus des éléments
obligatoires de l'action sainte, auxquels personne n'oserait se soustraire.
»
« La liturgie sans Eglise porte la contradiction en
elle-même. Là où tous sont acteurs, pour que tous deviennent sujets, celui
qui agit réellement dans la liturgie disparaît lui aussi, en même temps que
le sujet commun, l'Église. On oublie, en effet, qu'elle devrait être opus
Dei, que c'est d'abord Dieu qui agit et que c'est par son agir que nous
sommes sauvés. En se célébrant lui-même, le groupe ne célèbre rien du tout.
Il n'est pas motif à célébration. C'est pourquoi l'activité commune sécrète
l'ennui. Rien ne se passe, en effet, si reste absent celui que le monde
entier attend. (...) On n'est même plus en droit de parler de liturgie, qui
présuppose l'Église ; il ne reste que des rituels de groupe.
»
« Les conséquences d'une telle valorisation de la
communauté vécue au détriment de la réalité sacramentelle sont graves :
c'est elle-même que la communauté célèbre.»
Il invite à ce « que la liturgie soit à nouveau une activité communautaire
de l'Eglise et qu'elle soit arrachée à l'arbitraire des curés et de leurs
équipes liturgiques ».
« La créativité des liturgies auto fabriquées se meut dans un cercle
restreint, nécessairement misérable, comparée à la richesse d’une liturgie
dont la croissance couvre des siècles et même des millénaires.»
b) La réforme face à l’histoire de la liturgie
« La constitution sur la liturgie du concile a certes posé
les fondements pour la réforme ; mais la réforme elle-même a été ensuite
mise en œuvre par un conseil post-conciliaire et, dans ses détails concrets,
elle ne peut pas être simplement ramené au concile.»
« D'innombrables exposés donnent l'impression que, depuis Vatican II,
tout a changé et que tout ce qui l'a précédé est dépourvu de valeur, ou dans
le meilleur des cas, n'en acquiert qu'à sa lumière. Le second concile du
Vatican n'est pas abordé comme une partie de l'ensemble de la Tradition
vivante de l'Eglise, mais comme la fin de la Tradition et un redémarrage à
zéro. La vérité est que le Concile n'a défini aucun dogme et a voulu
consciemment s'exprimer à un niveau plus modeste, simplement comme un
concile pastoral. Pourtant, nombreux sont ceux qui l'interprètent comme s'il
était presque le super dogme qui ôte toute importance au reste. Cette
impression est surtout renforcée par certains faits courants. Ce qui était
autrefois considéré comme le plus sacré - la forme transmise de la liturgie
- apparaît d'un seul coup comme ce qu'il y a de plus défendu et la seule
chose que l'on puisse rejeter en toute sûreté. -On ne tolère pas la critique
des options de la période post-conciliaire ; mais, là où les antiques règles
sont en jeu, ou bien les grandes vérités de la foi - par exemple la
virginité corporelle de Marie, la résurrection corporelle de Jésus,
l'immortalité de l'âme, etc. - on ne réagit même plus, ou alors avec une
modération extrême. […]Tout cela conduit de nombreuses personnes à se
demander si l'Église d'aujourd'hui est réellement celle d'hier, ou si on l'a
remplacée par une autre sans les en aviser. La seule manière de rendre
crédible Vatican II est de le présenter clairement pour ce qu'il est: une
partie de l'entière et unique Tradition de l'Église et de sa foi.
»
« Il faut constater que le nouveau missel, quels que soient
tous ses avantages, a été publié comme un ouvrage réélaboré par des
professeurs, et non comme une étape au cours d'une croissance continue. Rien
de semblable ne s'est jamais produit sous cette forme, cela est contraire au
caractère propre de l'évolution liturgique.
»
« Ce qui s'est passé après le concile signifie tout autre chose : à la
place de la liturgie fruit d'un développement continu, on a mis une liturgie
fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour
entrer dans la fabrication. On n'a plus voulu continuer le devenir et la
maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a
remplacés - à la manière de la production technique - par une fabrication,
produit banal de l'instant
». Il avait écrit précédemment « La liturgie ne naît pas d'ordonnances, et
l'une des insuffisances de la réforme liturgique post-conciliaire est sans
aucun doute à chercher dans le zèle de professeurs qui, de leur bureau, ont
construit ce qui aurait dû relever d'une croissance organique. Un exemple
caractéristique à nos yeux de cette manière de faire est la réforme du
calendrier... ».
« La crise de la liturgie ne repose que pour une très faible
part sur la différence qui existe entre les anciens livres et les nouveaux.
Il devient de plus en plus clair qu'à l'arrière-plan de toute la querelle,
de profondes divergences de vue se sont fait jour, (...) deux conceptions
fondamentalement différentes.
» Mais il n'innocente pas pour autant les livres liturgiques
officiels, à la différence de certains catholiques qui, par souci
d'obéissance, se contentent d'incriminer leurs applications malencontreuses.
Il écrit par exemple : « La prédominance exclusive de la parole, que
malheureusement les livres liturgiques officiels eux-mêmes suggèrent quelque
peu, est critiquable
». Ailleurs, il critique sans bienveillance le nouveau rituel baptismal.
C’est une idée récurrente chez le cardinal : la liturgie appartenant à
l'Eglise, personne n'a le droit de la changer à sa guise. D'où cette
exclamation remplie de nostalgie : « Elle était si belle, cette continuité
qui faisait que l'on ne dépendait ni du curé ni même des autorités romaines
! »
c) La nouvelle liturgie et la présence du
mystère
« Le terme de participatio actuosa (participation
active, dans le Concile) a très vite été pris dans le sens extérieur et
superficiel d'une activité nécessaire, généralisée, comme s'il fallait que
le plus grand nombre des personnes, et le plus souvent possible, soit
manifestement actives. Certes, le mot participation implique une action à
laquelle chacun est associé. Mais pour définir le type d'activité dont il
s'agit, il faut d'abord établir ce qu'est l' actio centrale à
laquelle tous les membres de la communauté sont censés prendre part. La
véritable action liturgique, l'acte liturgique par excellence est l'oratio,
la grande prière qui forme le noyau de l'Eucharistie, laquelle, pour cette
raison, fut appelée oratio par les Pères. L'oratio - la Prière
eucharistique, le canon - est actio au sens le plus élevé. Les
actions extérieures de la liturgie (lectures, chants, collecte des dons)
peuvent, bien entendu, être réparties de façon appropriée, mais en marquant
bien la différence entre participation au service de la parole (lecture,
chant) et célébration sacramentelle proprement dite. L'aspect secondaire de
ces actions extérieures devrait être clairement manifestée ; l'évidence doit
s'imposer : l'oratio ouvre l'espace à l'actio de Dieu. »
« La liturgie n'est pas un show, un spectacle
qui ait besoin de metteurs en scène géniaux, ni d'acteurs de talent. La
liturgie ne vit pas de surprises sympathiques, de trouvailles captivantes
mais de répétitions solennelles. Elle ne doit pas exprimer l'actualité et ce
qu'elle a d'éphémère, mais le mystère du sacré. »
« Il en est ressorti qu'on n'avait une participation active que s'il y
avait activité extérieure tangible : discours, paroles, chants, homélies,
lectures, poignées de mains. Mais on a oublié que le concile place aussi
dans l'actuosa participatio le silence, qui favorise une
participation vraiment profonde, personnelle, nous permettant d'écouter
intérieurement la parole du Seigneur. Or, de ce silence, il n'y a plus trace
dans certains rites. »
« La prière communautaire de la liturgie doit, elle aussi, tendre à ce
qu'on ne parle pas seulement les uns aux autres, mais bien à Dieu. C'est
alors que nous parlerons le mieux et le plus profondément ensemble. »
« Nous devons redonner à la liturgie la dimension du sacré. La liturgie
n'est pas un festival, elle n'est pas une réunion de détente. Ce qui
importe, ce n'est pas que le curé réussisse à produire de son cru des idées
suggestives ou des élucubrations. La liturgie,
c'est Dieu trois fois saint se rendant présent parmi nous, c'est le buisson
ardent, c'est l'alliance de Dieu avec l'homme, en Jésus-Christ, celui qui
est mort et ressuscité. La grandeur de la liturgie ne se fonde
pas sur le fait qu'elle offre un passe-temps intéressant, elle consiste bien
plutôt dans l'acte de se rendre tangible du Totalement Autre que nous ne
sommes pas en mesure de faire venir. Il vient parce qu'Il le veut. Autrement
dit, l'essentiel dans la liturgie est le mystère, qui se réalise dans le
rite commun de l'Eglise ; tout le reste la réduit. Les gens le ressentent
vivement, et se sentent trompés, lorsque le mystère se transforme en
distraction, quand l'auteur principal dans la liturgie n'est pas le Dieu
vivant mais le prêtre ou l'animateur liturgique. »
« Le silence, cheminement en commun vers l'homme intérieur est
indispensable à une véritable participatio actuosa. Un discours
ininterrompu à haute voix étouffe l'exigence intrinsèque des paroles. La
proclamation du canon constamment à haute voix appelle à grands cris une
variété à laquelle la multiplication des prières eucharistiques, si grande
soit-elle, ne saurait suffire. La variété elle aussi devient à la longue
ennuyeuse, […] d'autant plus que leur qualité et leur convenance théologique
sont parfois à la limite du supportable »,,
note de façon incisive le cardinal. Le cardinal Ratzinger évoque avec
tristesse « l'appauvrissement. effrayant résultant de la mise à la porte de
l'Eglise de la beauté gratuite, remplacée par une soumission exclusive à
l'utilitaire », « le froid que fait passer sur nous la morne liturgie
post-conciliaire », « l'ennui que provoque son goût pour le banal et sa
médiocrité artistique ».
« La banalité et le rationalisme enfantin de liturgies autobricolées,
avec leur théâtralité artificielle, laissent de plus en plus apparaître leur
grande pauvreté : leur inconsistance saute aux yeux. Le pouvoir du mystère
s'est évanoui et les petites autosatisfactions qui prétendent compenser
cette perte ne peuvent plus satisfaire à la longue les fonctionnaires
eux-mêmes. »
« L'exigence aujourd'hui vraiment répandue
n'est pas celle d'une liturgie sécularisée, mais au contraire d'une nouvelle
rencontre avec le Sacré au moyen d'un culte qui permette de reconnaître la
présence de l'Eternel. »
II. La valeur du rit tridentin
En préliminaire, rappelons que le cardinal a toujours estimé qu'un véritable
pluralisme devait reconnaître que la liturgie traditionnelle a une place.On
sait aussi sa bienveillance concrète envers les prêtres et communautés
religieuses qui en assurent la pérennité. Il écrivait dès 1982 à propos de
ses défenseurs : « Tous leurs reproches sont-ils injustifiés ? Par exemple,
n'est-il pas vraiment singulier qu'on n'ait jamais entendu, à l'égard des
destructions faites au cours même de la liturgie, de réactions épiscopales
semblables à celles qui s'expriment aujourd'hui contre l'emploi d'un missel
de l'Eglise dont l'existence remonte bien plus haut que Pie V ? »
Il développe la même idée d’un droit à l’existence au milieu du
pluralisme actuel : « Je suis certes d'avis que l'on devrait accorder
beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de
conserver l'ancien rite. On ne voit d'ailleurs pas ce que cela aurait de
dangereux ou d'inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement
interdit ce qui était jusqu'alors pour elle ce qu'il y a de plus sacré et de
plus haut, et à qui l'on présente comme inconvenant le regret qu'elle en a,
se met elle même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle
pas interdire demain ce qu'elle prescrit aujourd'hui ? Des centres où la
liturgie est célébrée sans affectation, mais avec respect et grandeur,
attirent, même si l'on ne comprend pas chaque mot. C'est de tels centres,
qui peuvent servir de critères, que nous avons besoin. Malheureusement, la
tolérance envers des fantaisies aventureuses est chez nous presque
illimitée, mais elle est pratiquement inexistante envers l'ancienne
liturgie. On est sûrement ainsi sur le mauvais chemin ».
C’est par respect pour la Tradition qu’il faut garder ce rite : « Pour
souligner qu'il n'y a pas de rupture essentielle, que la continuité et
l'identité de l'Eglise existent, il me semble indispensable de maintenir la
possibilité de célébrer selon l'ancien Missel comme signe de l'identité
permanente de l'Eglise. C'est pour moi la raison fondamentale : ce qui était
jusqu'en 1969 LA liturgie de l'Eglise, la chose la plus sacrée pour nous
tous, ne peut pas devenir après 1969 -avec un positivisme incroyable- la
chose la plus inacceptable ».
Contrairement au N.O.M., le missel de Trente ne tombe pas sous la
critique d’un missel fabriqué de toute pièce : « Il n'y a pas en effet de
liturgie tridentine et, jusqu'en 1965, personne n'aurait su dire ce que
recouvrait cette appellation. Le concile de Trente n'a fabriqué aucune
liturgie. Et, au sens strict, il n'y a pas non plus de missel de saint Pie
V. Le missel qui parut en 1570 sur l'ordre de saint Pie V ne se
différenciait que par d'infimes détails de la première édition imprimée du
Missale romanum publiée juste cent ans plus tôt ».
Celui qui est devenu Benoît XVI ne se fait cependant pas d’illusion sur
l’accueil reçu dans bons nombre d’endroit par les fidèles attachés au rite
tridentin : « il ne serait pas très réaliste de vouloir passer sous silence
les moins bonnes choses : qu'en maints endroits les difficultés persistent
et continuent à persister, parce que tant les évêques que les prêtres et les
fidèles considèrent cet attachement à la liturgie ancienne comme un élément
de division, qui ne fait que troubler la communauté ecclésiale et qui fait
naître des soupçons sur une acceptation du concile « sous réserve seulement
», et plus généralement sur l'obéissance envers les pasteurs légitimes de
l'Eglise. »
Il exprime une des raisons de cet acharnement contre la liturgie
tridentine : « C'est seulement à partir de la disqualification pratique de
Trente, que l'on peut comprendre l'exaspération accompagnant la lutte contre
la possibilité de célébrer encore, après la réforme liturgique, la messe
selon le missel de 1962. Cette possibilité est la contradiction la plus
forte et dès lors la moins tolérable par rapport à l'opinion de qui estime
que la foi en l'Eucharistie formulée par Trente a perdu sa validité. »
La liturgie tridentine conserve aux yeux de Benoît XVI toutes les
qualités d’une bonne liturgie : elle permet aux fidèles de participer à
l’action sainte tout en préservant le mystère : « De nombreuses raisons
peuvent avoir induit beaucoup de gens à chercher refuge dans l'ancienne
liturgie. La principale est qu'ils y trouvent conservée la dignité du sacré.
Après le Concile, beaucoup ont élevé consciemment la "désacralisation" au
rang de programme d'action ».
Il s'ensuit que la participation active des fidèles est possible dans le
rite romain d'avant 1969. C'est sans paradoxe aucun que le cardinal
écrivait, dans sa préface au missel édité par le Barroux, que cette
réédition, en aidant les fidèles « à participer activement à la célébration
de la sainte Messe (...) contribuera à sa manière au renouveau liturgique
demandé par le concile Vatican II ». Dans La célébration de la foi, il a
ces mots splendides : « Comparée à l'activisme
uniquement extérieur qui s'est installé çà et là, l'ancienne manière de
participer en silence au déroulement de la messe était beaucoup plus
réaliste et dramatique : participation à l'action essentielle, percée de la
communauté de foi hors des profondeurs et par-dessus les abîmes du silence
».
Une dernière citation, tirée du hors série de l’homme nouveau, enquête sur
l’esprit de la liturgie p.56 : « HN : Une question, Éminence, en marge de
votre livre mais en rapport, quand même avec la liturgie. Elle concerne les
catholiques vivant selon les dispositions du Motu proprio Ecclesia Dei. Ils
ont été fortement secoués par des dispositions qui les ont inquiétés sur
leur place dans l'Église aujourd'hui. Est-ce que la liturgie qu'ils
célèbrent a une place et est-ce qu'elle peut être utile à l'Église ? Cal
J. R. : Oui, assurément, elle a une place. Il me semble très important de
montrer l'identité fondamentale qui existe entre l'un et l'autre rite. II
n'y a pas de rupture. Et, donc, cette liturgie, dans la dernière forme
codifiée en 1962, doit être conservée. Elle a une longue histoire de piété.
Tant de saints ont vécu avec cette liturgie, avec cette forme très
vénérable, ce trésor de l'Église. J'estime donc que les autorités de
l'Église doivent être larges et généreuses, afin de permettre aux fidèles
d'y avoir accès. La crainte d'une déchirure de l'Église, si l'on accorde
généreusement cette liturgie, me semble vraiment exagérée. En étant
généreux, nous nous apercevrions que ces catholiques veulent être fidèles à
l'Église, aux évêques et que dès lors, ils vivront en paix avec la nouvelle
liturgie. » Il semble évident que pour le pape Benoît XVI, le
maintien de la liturgie traditionnel est nécessaire pour que soit maintenu
vivante dans l’Eglise une façon de s’approcher de Dieu qui dévoile et qui
voile en même temps, une façon de cultiver le mystère : « Nous avons connu
tant d'inquiétudes que je suis favorable, pour le moment, à un peu de paix
liturgique. Et à une maturation qui conduira sûrement demain - mais cela,
laissons-le à la Providence - à une réforme de la réforme.
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