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Benoit XVI, toujours Pape !
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Le 19 mars 2018 -
(E.S.M.)
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Benoît XVI, le vrai, est de retour ... et c'est une superbe
nouvelle. Quelques réflexions sur la manipulation frauduleuse par le
maître ès communication vaticane de la lettre de Benoît XVI du 7
février 2018.
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Le double « préjugé stupide ». Le texte intégral de la lettre de Benoît XVI
par Sandro Magister
Le 19 mars 2018 - E.
S. M. -
Le bureau de presse du Saint-Siège n’a pas publié dans son intégralité le
texte de la lettre que Benoit XVI a envoyée le 7 février dernier au Préfet
du Secrétariat pour la communication, Mgr Dario Edoardo Viganò.
Viganò en a pourtant donné lecture (voir photo) à l’occasion de la
présentation à la presse de la collection « La théologie du Pape François »
éditée par la Librairie Editrice du Vatican et composée de onze opuscules,
de divers auteurs, sur différents aspects du magistère écrit et oral de
l’actuel pontife.
La lettre est datée du 7 février et est une réponse à une précédente lettre
de Viganò du 12 janvier. Mais étant donné qu’elle a été rendue publique le
soir du 12 mars, veille du cinquième anniversaire de l’élection au
pontificat de Jorge Mario Bergoglio, elle a fait auprès du grand public
l’effet d’une sorte de « bulletin » plus que satisfaisant, attribuée par
Benoît à son successeur, au terme de son premier quinquennat.
Ce qui a renforcé à cette interprétation, c’est le communiqué de presse
diffusé par ce même Viganò pour l’occasion, qui citait uniquement le
deuxième et le troisième paragraphe de la lettre.
Dans ceux-ci, Benoît XVI réfute non pas une mais bien deux « préjugés
stupides » : aussi bien celle selon laquelle François serait « uniquement un
homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique » que
l’autre selon laquelle lui-même, Joseph Ratzinger, ne serait « qu’un
théoricien de la théologique qui ne comprendrait pas grand-chose de la vie
concrète d’un chrétien d’aujourd’hui ».
En ce qui concerne François, Benoît reconnaît ce qui est indéniable :
c’est-à-dire qu’il a eu une profonde « formation » en théologie et en
philosophie. Tout comme il reconnaît une « continuité intérieure » entre les
deux pontificats, et l’adjectif « intérieur » a au moins autant d’importance
que le mot « continuité », étant donné « toutes les différences de style et
de tempérament ».
Et puis il y a ce paragraphe final, que le communiqué de presse a omis, dans
lequel Ratzinger, avec une sincère candeur, donne la preuve de son sens
subtil de l’ironie. On peut le lire. Comprenne celui qui veut comprendre.
Voici donc ci-dessous le texte complet de la lettre, de l’en-tête à la
signature finale.
Benedictus XVI
Papa Emeritus
Rev.mo Signore
Mons. Dario Edoardo Viganò
Préfet du Secrétariat pour la communication
Cité du Vatican
Le 7 février 2018
Monseigneur,
Je vous remercie pour votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau
qui y était joint contenant les onze petits volumes sous la direction de
Roberto Repole.
J’applaudis à cette initiative visant à s’opposer et réagir contre le
préjugé » stupide en vertu duquel le pape François ne serait qu’un homme
pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je
ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris
grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui.
Ces petits volumes montrent, à juste titre, que le Pape François est un
homme doté d’une profonde formation philosophique et théologique et ils
aident en cela à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats,
nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.
Toutefois, je ne peux pas rédiger une brève et dense page théologique à leur
sujet parce que toute ma vie, il a toujours été clair que je n’écrirais et
que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus.
Malheureusement, notamment pour des raisons physiques, je ne suis pas en
mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche, d’autant plus
que d’autres engagements que j’ai déjà accepté m’attendent.
Je suis sûr que vous comprendrez et je vous salue cordialement.
Bien à vous,
Benoît XVI
Toujours dans la lettre de Benoît XVI il y a un
autre paragraphe, dans lequel il écrit…
La saga de la lettre « personnelle » et « confidentielle » rédigée le 7
février par Benoît XVI au Préfet du secrétariat pour la Communication, Dario
Edoardo Viganò n’en finit pas, depuis que ce dernier l’a en partie rendue
publique le 12 mars.
Non seulement le communiqué de presse diffusé par ce même Viganò omettait
subtilement de citer un paragraphe essentiel :
Voir ci-dessus le texte intégral de la lettre de Benoît XVI
Non seulement le début de ce paragraphe a été artificiellement flouté dans
la photo de la lettre diffusé par le secrétariat de Viganò :
Mais ce n’est pas fini. La lettre de Benoît XVI que Settimo Cielo a
publiée le 13 mars dans son intégralité n’était en fait pas tout à fait
complète.
Entre le paragraphe omis dans le communiqué de presse et les salutations
finales il y avait encore d’autres lignes.
Et on pouvait d’ailleurs le deviner en observant simplement la photo de la
lettre (voir ci-dessus).
En effet, entre les deux premières lignes du paragraphe flouté, au bas du
premier feuillet de la lettre, et la formule de politesse avec la signature
de Benoît XVI, dans la seconde moitié du second feuillet, se trouve un
espace bien trop grand pour n’être occupé que par la finale du paragraphe
omis dans le communiqué de presse.
Qu’y avait-il donc d’écrit que Viganò s’est bien gardé de lire en public et
s’est assuré de masquer le mieux possible sur la photo avec les onze
fascicules sur la théologie du Pape François ?
La raison avancée par Benoît XVI dans les dernières lignes de sa lettre –
nous affirme une source irréfutable – c’est la présence parmi les auteurs de
ces onze fascicules de deux théologiens allemands, et surtout d’un en
particulier, Peter Hünermann, qui a été un critique implacable aussi bien de
Jean-Paul II que de Ratzinger lui-même comme théologien et comme Pape.
L’autre théologien allemand, c’est Jürgen Werbick. À propos de Hünermann,
professeur émérite de l’université de Tübingen, on se rappellera qu’il est
l’auteur d’un commentaire du Concile Vatican II aux antipodes de
l’interprétation ratzingerienne. Les deux livrets sur la théologie du pape
François qu’ils ont rédigés s’intitulent respectivement : « La faiblesse de
Dieu pour l’homme » et « Hommes selon le Christ aujourd’hui ».
Vu ce qu’écrit Benoît XVI dans la seconde moitié de la lettre, il est clair
que même la première moitié acquiert une toute autre signification, très
différente de celle que Viganò a voulu faire passer dans son communiqué de
presse tronqué et tendancieux.
Et on comprendrait encore mieux ce qu’écrit Benoît XVI sur lui-même et sur
le Pape François si on pouvait le confronter avec la lettre de Viganò à
laquelle il a répondu.
POST SCRIPTUM – Quatre heures après la publication de cet article, le
secrétariat pour la communication présidé par Viganò a publié le texte
intégral de la lettre de Benoît XVI.
... d’autant que m’attendent d’autres engagements que j’ai déjà acceptés.
Accessoirement, je voudrais vous faire part de ma surprise de voir également
figurer parmi les auteurs le professeur Hünermann qui, au cours de mon
pontificat, s’est distingué pour avoir mené des initiatives anti-papales. Il
a largement participé à la publication de la « Kölner Erklärung » qui, en ce
qui concerne l’encyclique «
Veritatis Splendor », a attaqué l’autorité
magistérielle du pape de manière virulente, particulièrement sur des
questions de théologie morale. Même la « Europäische Theologengesellschaft »
fondée par lui a été au départ pensée comme une organisation en opposition
au magistère papal. Par la suite, la sensibilité ecclésiale de nombreux
théologiens a empêché cette orientation, transformant cette organisation en
un espace de débat ordinaire entre théologiens.
Je suis certain que vous comprendrez mon refus et je vous prie d’accepter
mes cordiales salutations.
Bien à vous,
[signature]
Source:
Sandro
Magister,
vaticaniste à
L’Espresso.
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.03.2018 -
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