Sainte Faustine - Héléna Kolwaska
Le Petit Journal
édition numérique
201. Je désire si bien me cacher, qu’aucune créature ne connaisse mon cœur.
Jésus, Vous Seul le connaissez et le possédez tout entier. Personne ne
connaît notre secret. Nous nous comprenons mutuellement d’un regard. Depuis
ce moment où nous avons fait connaissance, je suis heureuse. Votre grandeur
est ma plénitude. Jésus, quand je suis la dernière, plus bas que les
postulantes, même les plus jeunes, c’est alors que je me sens à ma place. Je
ne savais pas que dans ces petits coins sans éclats le Seigneur avait placé
tant de bonheur. Je comprends maintenant que, même en prison, peut jaillir
d’une poitrine pure vers Vous, Seigneur, la plénitude de l’amour. Les choses
extérieures n’ont pas d’importance pour le pur amour, il pénètre tout. Ni
les portes de la prison, ni les portes du Ciel n’ont de force contre lui. Il
atteint Dieu Seul et rien ne peut le faire mourir. Il n’y a pas d’obstacle
pour Lui, il est libre comme un roi, et peut passer librement partout. La
mort même doit baisser la tête devant Lui…
202. Aujourd’hui, ma sœur est venue me voir. Quand elle me fit part de ses
épreuves, la peur me saisit. Etait-ce possible ? Une petite âme, si belle
devant Dieu, et cependant environnée de telles ténèbres qu’elle ne savait
pas comment se tirer d’affaire. Elle voyait tout en noir. Le Bon Dieu me l’a
confiée et pendant deux semaines je pouvais m’occuper d’elle. Mais combien
cette âme m’a coûté de sacrifices, Dieu seul le sait. Pour personne d’autre
je n’ai porté devant le trône de Dieu autant de sacrifices, de souffrances
et de prières. Je sentais que j’avais forcé Dieu à lui accorder Sa grâce. Je
considère ceci comme un vrai miracle. Je vois maintenant quelle force a,
devant Dieu, la prière d’intercession.
203. En ce moment, au cours de ce carême, je ressens souvent la Passion de
Jésus dans mon corps et j’endure profondément dans mon cœur ce qu’Il a
souffert. Cependant rien ne trahit extérieurement mes souffrances, seul mon
confesseur les connaît.
204. Une courte conversation avec la Mère Maîtresse. Je lui ai demandé
quelques conseils de conduite dans la vie intérieure. Cette sainte Mère me
répondit à tout avec une grande clarté. Elle me dit : « Si vous continuez à
collaborer ainsi avec la grâce de Dieu, vous serez, ma Sœur, bien près de
l’intime union avec Dieu. Vous comprenez, ma Sœur, ce que je veux dire. Que
votre trait caractéristique soit la fidélité à la grâce du Seigneur ! Dieu
ne mène pas toutes les âmes par cette voie. »
205. La Résurrection. Aujourd’hui, pendant la célébration de la
Résurrection, je vis Jésus dans une grande clarté. Il s’approcha de moi et
dit : « Que la paix soit avec vous, Mes enfants ! » Il leva la main et nous
bénit. Les plaies de Ses Mains, de Ses Pieds et de Son Côté n’étaient pas
effacées, mais lumineuses. Il me regarda avec une telle bonté et un tel
amour que mon âme entière se fondit en Lui. Il me dit : « Tu as pris une
grande part à Ma Passion, c’est pour cela que Je te donne cette grande part
à Ma gloire et à Ma joie. » Tout le temps de la Résurrection me sembla durer
une minute à peine. Un singulier recueillement envahit mon âme et y demeura
pendant toute la durée des fêtes. La grâce de Jésus est si grande que je ne
puis l’exprimer.
206. Le lendemain, après la Sainte Communion, j’entendis une voix qui disait
; « Ma fille, regarde l’abîme de Ma Miséricorde. Honore-la et glorifie-la de
la façon suivante: rassemble tous les pécheurs du monde entier et plonge-les
dans le gouffre de Ma Miséricorde. Je désire Me communiquer aux âmes. Je
désire les âmes, Ma fille. Pendant Ma fête, la Fête de la Miséricorde, tu
vas parcourir le monde entier et amener les âmes défaillantes à la source de
Ma Miséricorde. Je les guérirai et les fortifierai. »
207. Aujourd’hui, j’ai prié pour une agonisante, qui mourait sans les Saints
Sacrements qu’elle désirait pourtant ardemment. Mais il était trop tard.
C’est une parente, la femme de mon oncle. Cette âme était agréable à Dieu. A
ce moment là, l’espace n’existait pas entre nous.
208. Ô vous, menues offrandes, vous êtes pour moi comme les fleurs des
champs dont je jonche les pieds de mon Bien-Aimé Jésus. Je compare ces
petites choses aux vertus héroïques, car pour les renouveler constamment, il
faut de l’héroïsme.
209. Dans les souffrances, je ne cherche pas l’aide des créatures, mais Dieu
est tout pour moi. Cependant, plus d’une fois il m’a semblé que même le
Seigneur ne m’entendait pas. Je m’arme de patience et de silence comme un
pigeon qui ne se plaint pas et n’a pas de rancune quand on lui prend ses
petits. Je veux planer sans cesse dans l’air embrasé du soleil, et ne veux
pas m’arrêter dans les brumes. Je ne faiblirai pas, car de Vous je reçois
tout, ô Vous, ma force.
210. Je prie le Seigneur qu’Il daigne fortifier ma foi, pour que je ne me
conduise pas dans la grisaille de la vie quotidienne selon des dispositions
humaines, mais selon celles de l’esprit. Oh ! Comme tout retient l’homme à
terre, mais la foi vive attire l’âme vers les régions supérieures, et remet
l’amour propre à la place qui lui est due, c'est-à-dire la dernière.
211. De nouveau les ténèbres commencent à descendre sur mon âme. Il me
semble que je suis sous l’influence de l’illusion. Quand je suis allée me
confesser pour puiser de la lumière et de la paix, je ne les ai pas
trouvées. Le confesseur m’a créé encore plus de doutes que je n’en avais
d’abord. Il m’a dit : « Je ne puis discerner quelle force agit sur vous, ma
Sœur, peut-être Dieu, ou peut-être le mauvais esprit ? » En m’éloignant du
confessionnal, j’ai reconsidéré ses paroles. Plus je les méditais, plus mon
âme se plongeait dans les ténèbres. Jésus, que faire ? Quand Jésus
s’approchait gracieusement de moi, j’avais peur. Etes-vous vraiment Jésus ?
D’un côté l’amour m’attire, de l’autre la peur me retient. Quel supplice, je
ne sais le décrire !
212. Lorsque je suis allée me confesser à nouveau, je reçus cette réponse :
« Je ne vous comprends pas, ma Sœur, il vaudrait mieux que vous ne
confessiez pas à moi. » Mon Dieu, je dois me faire violence avant de dire
quoi que ce soit de ma vie intérieure. Et voilà que je reçois comme réponse
: « Je ne vous comprends pas, ma sœur ! »
213. Quand j’ai quitté le confessionnal, une multitude de tourments
s’abattirent sur moi. Je suis allée devant le Saint Sacrement et j’ai dit :
« Jésus, sauvez-moi ! Vous voyez combien je suis faible. » Soudain
j’entendis ces paroles : « Pendant la retraite avant les vœux, Je te
donnerai de l’aide. »
Réconfortée par ces mots, j’ai commencé à progresser, ne demandant plus
conseil à personne. Mais j’éprouvais une telle méfiance envers moi-même que
je résolus d’en finir une fois pour toutes avec ces doutes. J’attendais donc
spécialement cette retraite qui devait précéder les vœux perpétuels.
Plusieurs jours auparavant déjà, je ne cessais de demander à Dieu la lumière
pour le prêtre qui allait me confesser, afin qu’il décide une bonne fois
nettement ce qui en était. Et je pensais que je serais tranquillisée une
fois pour toutes. Mais je continuais à m’affliger à l’idée que personne ne
voudrait m’écouter dans toutes ces affaires. Je me résolus à ne plus penser
à tout cela et à faire confiance au Seigneur. Ses paroles à propos de la
retraite résonnaient à mes oreilles.
214. Tout est prêt. Demain matin nous partons en retraite à Cracovie.
Aujourd’hui je suis entrée à la chapelle pour remercier Dieu des
innombrables grâces qu’Il m’avait accordées pendant ces cinq mois. Mon cœur
était tout attendri à la vue de tant de grâces et de la protection des
Supérieures.
215. « Ma fille, soit tranquille, Je prends sur Moi toutes tes affaires. Je
vais Seul arranger les choses avec tes Supérieures et avec le confesseur.
Parle au Père Andrasz comme tu me parles, avec la même simplicité et la même
confiance. »
216. 18.4.1933. Nous sommes arrivées aujourd’hui à Cracovie. Quelle joie de
me trouver de nouveau ici où j’ai appris à faire mes premiers pas dans la
vie spirituelle ! La chère Mère Maîtresse est toujours la même, gaie et
pleine d’amour du prochain. Je suis entrée à la chapelle pou y passer un
moment. En un éclair je me suis rappelée les flots de grâce qui me furent
accordés ici, étant encore novice.
217. Et aujourd’hui nous nous rassemblons pour passer une heure au noviciat.
Mère Marie-Josèphe nous dit quelques mots et prépare le programme de la
retraite. Pendant qu’elle nous parlait, se présenta mes yeux tout ce que
cette chère Mère avait fait de bon pour nous et j’en ressentis en mon âme
une grande reconnaissance. A la pensée que c’était la dernière fois que
j’étais au noviciat, une douleur serra mon cœur. Je dois déjà combattre avec
Jésus, travailler avec Jésus et souffrir avec Jésus. En un mot : vivre et
mourir avec Jésus. Désormais la Maîtresse ne va plus marcher pas à pas
derrière moi, pour m’instruire ici, m’avertir là ou m’adresser des
reproches, des encouragements ou encore des blâmes. J’ai singulièrement peur
de rester seule. Jésus, veuillez arranger les choses. J’aurai toujours une
Supérieure, pourtant je me sentirai très seule.
Cracovie, le 21. 4.1933
218. A la plus grande Gloire de Dieu
La retraite de huit jours avant les vœux perpétuels.
Je commence aujourd’hui la retraite. Jésus, mon Maître, dirigez-moi !
Gouvernez-moi selon votre volonté, purifiez mon amour pour qu’il soit digne
de Vous, faites de moi ce que désire Votre Cœur très miséricordieux ! Jésus,
nous resterons pendant ces jours en tête à tête jusqu’au moment de notre
union. Gardez-moi ô Jésus dans le recueillement de l’esprit !
219. Le soir le Seigneur me dit : « Ma fille, que rien ne t’effraye ni ne te
trouble. Garde une paix profonde ! Tout est dans Ma main. Je te ferai tout
comprendre par la bouche du Père Andrasz . Sois comme un enfant envers lui
!»
220. Un moment devant le Saint Sacrement
Ô mon Seigneur et mon Créateur éternel, comment dois-je vous remercier pour
cette grande grâce d’avoir daigné me choisir pour Votre épouse, moi
misérable, et de m’unir à Vous par un vœu perpétuel. Ô bien-aimé Trésor de
mon cœur, je dépose devant Vous toute les adorations et les actions de grâce
des âmes saintes, de tous les cœurs angéliques, en m’unissant tout
spécialement à Votre Mère. Ô Marie, Mère chérie, je vous le demande
humblement, couvrez mon âme de votre manteau virginal en ce moment si
important pour moi, afin que je devienne plus agréable à votre Fils et que
je puisse dignement glorifier Sa miséricorde à la face du monde entier et
pour toute l’éternité.
221. Aujourd’hui je n’ai pu comprendre la méditation. Mon esprit était
singulièrement noyé en Dieu. Je n’arrivais pas à me forcer à penser à ce que
le Père disait pendant la retraite. Il m’est souvent difficile de méditer
selon les points donnés. Mon esprit est avec le Seigneur et c’est là ma
méditation.
222. Quelques mots de mon entretien avec la Mère Maîtresse Marie-Josèphe .
Elle m’a éclairée et tranquillisée en beaucoup de choses quant à ma vie
intérieure, disant que je suis dans la bonne voie. J’ai remercié Jésus pour
cette grande grâce, car c’est la première des Supérieures à ne pas avoir de
doutes à ce sujet. Oh ! que la bonté de Jésus est infinie !
223. Vivante Hostie, ma seule force, Source d’amour et de miséricorde,
emparez-vous du monde entier, fortifiez les âmes défaillantes ! Oh ! béni
soit l’instant et le moment où Jésus nous laissa Son Coeur Très
Miséricordieux !
224. Souffrir sans se plaindre, consoler autrui et noyer ses propres
souffrances dans le Cœur très saint de Jésus. Je passerai toutes mes heures
libres auprès du Saint Sacrement. Aux pieds de Jésus je vais chercher
lumière, consolation et force. Je vais témoigner au Seigneur une incessante
reconnaissance pour sa grande miséricorde envers moi. Je n’oublierai jamais
les bienfaits que le Seigneur m’a accordés, et surtout la grâce de la
vocation…
Je me cacherai parmi les Sœurs comme une petite violette entre les lis… Je
veux fleurir pour mon Créateur et mon Seigneur, m’oublier moi-même,
m’anéantir complètement au profit des âmes immortelles, voila ce qui fait
mon délice.
225. Certains de mes avis
Quant à la Sainte Confession : je vais choisir ce qui m’humilie et me coûte
le plus. Parfois un rien coûte davantage qu’une chose plus importante. A
chaque confession, je me rappellerai la Passion de Jésus et je veux ainsi
susciter le repentir dans mon cœur. Autant que possible, avec la grâce de
Dieu, m’exercer toujours à la contrition parfaite. J’y consacrerai davantage
de temps. Avant de m’approcher de confessionnal, j’entrerai d’abord dans le
Cœur ouvert et très miséricordieux de Jésus. Après la confession,
j’éveillerai dans mon âme ma profonde reconnaissance envers la Sainte
Trinité, pour ce merveilleux et inconcevable miracle de Miséricorde, qui
s’opère en elle. Et plus mon âme est misérable, plus je sens que l’océan de
la Miséricorde divine me pénètre et me donne force et vigueur.
226. Les règles contre lesquelles je suis le plus souvent fautive : rompre
le silence, ne pas obéir au signal de la cloche, me mêler des affaires
d’autrui. Je ferai mon possible pour m’en corriger.
Je vais éviter les Sœurs qui murmurent et, si je ne peux pas les éviter, au
moins je me tairai devant elles, pour montrer ainsi combien il est pénible
de les écouter.
Ne pas faire attention à l’opinion des autres, mais écouter sa propre
conscience, pour savoir quel témoignage elle nous donne. Avoir Dieu pour
témoin de toutes nos actions. Je vais me conduire ainsi maintenant et régler
toutes mes affaires comme je voudrais me conduire et les régler au moment de
la mort. C’est pourquoi je dois vivre constamment sous le regard de Dieu.
Eviter les permissions présumées. Expliquer aux Supérieures les choses
mineures, et si possible, en détail. Fidélité aux exercices, ne pas recourir
facilement aux dispenses. En dehors du temps de la récréation, me taire.
Eviter les plaisanteries et les bons mots qui provoquent le rire et rompent
le silence. Accorder une grande importance aux plus minimes prescriptions :
Ne pas me laisser absorber par le tourbillon du travail, mais savoir
l’interrompre un instant pour regarder vers le ciel. Parler peu avec les
gens – mais beaucoup avec Dieu. Eviter la familiarité.
Ne pas tenir compte de ce qui est pour moi et qui est contre moi. Ne pas
faire de confidence sur ce que j’ai enduré.
Eviter de parler avec quelqu’un à haute voix pendant le travail.
Garder la paix et l’équilibre dans les souffrances.
Aux moments difficiles recourir aux Plaies de Jésus ; chercher en elles la
consolation, le soulagement, la lumière et la force.
227. Dans les épreuves, je vais tâcher de voir la main aimante de Dieu. Il
n’y a rien d’aussi durable que la souffrance : elle tient toujours
fidèlement compagnie à l’âme. Ô Jésus, je ne permettrai à personne de me
devancer dans mon amour pour Vous.
228. Jésus, caché dans le Saint Sacrement
Jésus, caché dans le Saint Sacrement, Vous voyez qu’en prononçant mes vœux
perpétuels, je sors aujourd’hui du noviciat. Vous connaissez ma faiblesse et
ma petitesse. Eh bien ! Dès aujourd’hui je passe d’une manière toute
particulière dans Votre noviciat. Je continue à être novice, mais Votre
novice, Jésus, et Vous serez mon Maître jusqu’au dernier jour. Me tenant à
Vos pieds, je vais chaque jour me mettre à Votre école. Je ne ferai pas la
plus petite chose de moi-même, sans Vous avoir d’abord consulté comme mon
Maître.
Jésus, je suis si heureuse que Vous m’ayez attirée et agréée à Votre
noviciat, c'est-à-dire au tabernacle. En prononçant mes vœux, je ne suis pas
une parfaite religieuse – non, non ! Je continue à être une toute petite et
faible novice de Jésus et je vais tâcher d’acquérir la perfection, comme
pendant les premiers jours du noviciat. Et je vais m’efforcer d’avoir la
même disposition d’âme que le premier jour, quand la porte du cloître
s’ouvrit pour moi. Avec la confiance et la simplicité d’un petit enfant, je
me rends aujourd’hui à Vous, Jésus mon Maître. Je vous laisse la liberté
complète de diriger mon âme. Conduisez-moi par les voies que Vous voulez, je
ne vais pas chercher à pénétrer Vos raisons ! Confiante, je vous suivrai !
Votre Cœur Miséricordieux peut tout ! La petite novice de Jésus – Sœur
Faustine.
229. Au commencement de la retraite Jésus me dit : « Pendant cette retraite
Je vais, Moi-même, diriger ton âme. Je veux t’affermir dans la paix et
l’amour. » Et ainsi passèrent les premiers jours. Le quatrième jour, des
doutes commencèrent à me tourmenter. Ne suis-je pas dans une fausse paix.
Soudain j’entendis ces paroles : « Ma fille, figure-toi que tu es la
souveraine de toute la terre et que tu as le pouvoir de disposer de tout
selon ton bon plaisir. Tu as tout pouvoir pour faire le bien. Quand soudain,
un petit enfant frappe à ta porte. Il est tout tremblant, les larmes aux
yeux, mais avec une grande confiance en ta bonté, il demande un morceau de
pain pour ne pas mourir de faim. Comment agiras-tu envers cet enfant ?
Réponds-Moi, ma fille !»
Et j’ai dit : « Jésus, je lui donnerais tout ce qu’il demande et encore
mille fois plus » Et le Seigneur me dit : « J’agis de la même manière envers
ton âme. Au cours de cette retraite, Je t’accorde non seulement la paix,
mais aussi une telle disposition d’âme que, même si tu voulais t’inquiéter,
tu ne le pourrais pas. Mon amour s’est emparé de ton âme et Je veux que tu
t’affermisses dans cet amour. Approche ton oreille de Mon Cœur oublie tout
et contemple Mon inconcevable Miséricorde ! Ton amour te donnera la force et
le courage, qui te sont nécessaires dans ces affaires. »
230. Jésus, Vivante Hostie, Vous êtes une Mère pour moi, Vous êtes mon tout
! C’est avec simplicité et amour, avec foi et confiance que je viens à Vous,
Jésus ! Je vais tout partager avec Vous, comme un enfant avec sa mère aimée,
mes joies et mes souffrances, en un mot, tout.
231. Quand je pense que Dieu s’unit à moi par les voeux, c'est-à-dire moi à
Lui, personne n’est en état de concevoir ce que ressent mon âme. Déjà
maintenant Dieu me donne la connaissance de toute l’immensité de l’amour
dont Il m’aimait bien avant les siècles ; et moi je viens de commencer à
L’aimer dans le temps. Son amour était grand, pur et désintéressé, et mon
amour pour Lui provient de ce que je commence à Le connaître.
Plus je Le connais, plus je L’aime et de plus en plus ardemment et
fortement, et mes actes deviennent de plus parfaits. Cependant quand je me
souviens que, dans quelques jours, je dis devenir un avec le Seigneur par
les vœux perpétuels, mon âme est inondée d’une joie inouïe, que je ne peux
décrire. Depuis le premier instant où je fis la connaissance du Seigneur, le
regard de mon âme se perdit en Lui pour l’éternité. A chaque fois que le
Seigneur S’approche de moi et que je Le connais plus profondément, un amour
plus parfait grandit dans mon âme.
232. Avant de me confesser j’ai entendu ces paroles : « Ma fille, dis-lui
tout et dévoile ton âme comme tu le fait avec Moi. N’aie peur de rien, c’est
pour te tranquilliser que Je place ce prêtre entre toi et Moi, et les
paroles par lesquelles il te répondra seront Mes paroles. Dévoile les choses
les plus secrètes de ton âme ! Je lui accorderai la lumière qui lui fera
connaître ton âme. »
233. Quand je me suis approchée du confessionnal, j’ai ressenti dans mon âme
une si grande facilité pour lui parler de tout, que plus tard, j’en fus
moi-même très surprise. Ses réponses établirent une paix profonde dans mon
âme. Ses paroles étaient, sont et resterons toujours des colonnes
flamboyantes, qui ne cesseront d’éclairer mon âme dans son élan vers la plus
haute sainteté.
J’ai noté sur une autre page de ce cahier les indications que j’ai reçues du
Père Andrasz.
234. Après avoir fini cette confession, mon esprit s’anéantit en Dieu. Je
restai en oraison pendant trois heures mais il me sembla que ce n’était que
quelques minutes. Depuis lors je ne fais plus obstacle à la grâce qui agit
dans mon âme. Jésus savais pourquoi j’avais peur des rapports intimes avec
Lui, et cela ne L’a pas du tout offensé. Depuis que le confesseur m’a assuré
que ce n’était pas une illusion mais la grâce de Dieu, je tâche d’être en
tout fidèle à Dieu. Je vois maintenant qu’il y a peu de prêtres qui
comprennent toute la profondeur de l’action divine dans l’âme. Depuis ce
temps j’ai les ailes déployées pour voler et je désire planer dans le
brasier même du soleil. Mon vol ne s’arrêtera que lorsque je reposerai en
Dieu pour l’éternité.
Si nous planons très haut, toutes les vapeurs, les brumes, les nuages se
trouvent sous nos pieds : c’est ainsi que tout notre être sensible doit être
soumis à l’esprit.
235. Ô Jésus, je désire le salut des âmes, des âmes immortelles. C’est dans
le sacrifice que je donnerai libre cours à mon cœur, un sacrifice dont
personne ne se doutera. Et je vais m’anéantir et me consumer invisiblement
dans les saintes flammes de l’amour de Dieu. La présence divine m’aidera
pour que mon sacrifice soit parfait et pur.
236. Que les apparences sont trompeuses et les jugements injustes ! Que la
vertu souffre souvent seulement parce qu’elle est silencieuse ! Il faut
beaucoup d’abnégation pour avoir des relations sincères avec ceux qui vous
piquent incessamment. On sent que le sang diminue, mais on ne voit pas les
blessures. Ô Jésus, que de choses ne seront dévoilées qu’au dernier jour !
Quelle joie ! Rien ne périra de nos efforts.
237. L’Heure Sainte. Pendant cette heure d’adoration j’ai perçu tout le
gouffre de ma misère. Ce que j’ai de bon en moi est tout à Vous, Seigneur.
Mais parce que je suis petite et misérable, j’ai le droit de compter sur
Votre infinie Miséricorde.
238. Le soir. Jésus, demain matin, je vais prononcer mes vœux perpétuels.
J’ai prié tout le ciel et toute la terre et tous les êtres. Je les ai
appelés pour qu’ils glorifient Dieu de cette grâce immense, inconcevable.
Soudain, j’entendis ces paroles : « Ma fille, ton cœur est mon ciel. »
Encore un moment de prière et puis il faut fuir. On nous chasse de partout,
car pour demain on arrange la chapelle, le réfectoire, la salle et la
cuisine et nous devons aller dormir.
La joie m’a ôté le sommeil. Je pensais : « Qu’est ce qu’il y aura au Ciel,
si déjà ici, dans cet exil, Dieu comble mon âme de cette façon ? »
239. Prière, pendant la Sainte Messe, le jour des vœux perpétuels : je
dépose aujourd’hui mon coeur sur cette patène où repose votre cœur, et je
m’offre aujourd’hui, avec Vous à Dieu, Votre Père et le mien, en oblation
d’amour et de louanges. Père de Miséricorde, jetez un regard sur le
sacrifice de mon cœur, offert par la Plaie du Cœur de Jésus !
1933 année, V . Première journée.
L’union avec Jésus, le jour de mes vœux perpétuels. Jésus, Votre Cœur est ma
propriété depuis aujourd’hui comme mon cœur est exclusivement Vôtre. La
seule évocation de Votre Nom, Jésus, fait le délice de mon cœur. En vérité,
je ne saurai vivre un seul moment sans Vous, Jésus. Aujourd’hui mon âme
s’est fondue en Vous qui êtes mon unique trésor. Aucun obstacle n’empêchera
mon amour d’en donner des preuves à mon Bien-Aimé.
Les paroles de Jésus pendant les vœux perpétuels : « Mon épousée, nos cœurs
sont unis pour tous les siècles. Rappelle-toi à Qui tu as fait tes vœux…. »
Tout ne se peut dire. Ma demande. Pendant que nous étions étendues sous le
drap noir. J’ai demandé au Seigneur qu’il m’accorde la grâce de ne jamais
L’offenser, volontairement et sciemment par aucun péché, même le plus
minime, par aucune imperfection. Jésus, je Vous aime de tout mon cœur ! Dans
les moments les plus difficiles, Vous êtes ma Maman.
Je meurs aujourd’hui complètement à moi-même par amour pour Vous, Jésus, et
je commence à vivre pour la plus grande gloire de Votre Saint nom !
L’amour. C’est par amour que je m’offre à Vous, Très Sainte Trinité, comme
une offrande de louange, un holocauste de complet anéantissement de soi. Par
cet anéantissement de moi-même, je désire que votre nom soit sanctifié,
Seigneur. Je me jette à Vos pieds, Seigneur, comme un tout petit bouton de
rose. Que le parfum de cette fleur ne soit connu que de Vous, Seigneur !
240. Trois demandes au jour des vœux perpétuels. Je sais, Jésus,
qu’aujourd’hui Vous ne me refuserez rien.
La première demande. Jésus, mon Epoux Bien-Aimé , je prie pour le triomphe
de l’ Eglise , surtout en Russie et en Espagne. Bénissez le Saint Père Pie
XI et tout le clergé. Je demande la grâce de la conversion pour tous les
pécheurs endurcis, et une bénédiction particulière, et la lumière, pour tous
les prêtres auxquels je vais me confesser durant ma vie.
La deuxième demande. Je demande Votre bénédiction pour notre congrégation ;
dotez-la d’un grand zèle ! Bénissez, Jésus, la Mère Générale, la Mère
Maîtresse et tout le noviciat et toutes les Supérieure ! Bénissez mes
parents bien-aimés ! Accordez, Jésus, Votre grâce à nos élèves !
Fortifiez-les puissamment dans Votre grâce, pour que celles qui quittent nos
maisons ne Vous offensent plus par aucun péché ! Jésus, je prie pour ma
Patrie, défendez-la contre les assauts de l’ennemi !
La troisième demande. Jésus, je Vous prie pour les âmes qui ont le plus
besoin de prières. Je Vous prie pour les agonisants, Soyez miséricordieux
envers eux ! Je Vous prie aussi pour la libération de toutes les âmes du
Purgatoire ! Jésus, je Vous recommande particulièrement mes confesseurs, les
personnes qui se sont recommandées à mes prières, une certaine personne…, le
Père Andrasz , l’abbé Czaputa et ce prêtre dont j’ai fait la connaissance à
Wilno, et qui doit être mon confesseur.
Ensuite, telle âme…, tel prêtre, tel religieux, à qui, Vous le savez, Jésus,
je dois tant. Jésus, en ce jour, Vous pouvez tout faire pour ceux pour
lesquels je vous prie. Pour moi, Seigneur, je Vous le demande,
transfigurez-moi complètement en Vous, maintenez-moi constamment dans un
saint zèle pour Votre gloire, donnez-moi la grâce et la force d’esprit pour
accomplir en tout Votre Sainte Volonté !
Je Vous remercie, mon Epoux bien-aimé, pour la dignité que Vous m’avez
accordée. Et spécialement pour les armoiries royales que je reçois dès
aujourd’hui, et que les Anges mêmes ne possèdent pas : la croix, le glaive
et la couronne d’épines. Mais, ô mon Jésus, par-dessus tout, je Vous
remercie pour Votre Cœur : Il va me suffire en tout.
Marie, Très Sainte Mère de Dieu, ma Mère, Vous l’êtes maintenant, tout
particulièrement, puisque Votre Fils bien-aimé est mon Epoux, nous sommes
donc tous deux Vos enfants. Par égard pour Votre Fils, Vous devez m’aimer,
Marie, ma Mère bien aimée, dirigez ma vie intérieure pour qu’elle soit
agréable à Votre Fils !
Dieu Saint et Tout-Puissant, en ce moment où Vous me faites la grande grâce
de m’unir à Vous pour l’éternité, moi, tout petit néant, je me jette à Vos
pieds avec la plus profonde gratitude, comme une petite fleur inconnue ; et
le parfum de cette fleur d’amour va s’élever chaque jour jusqu’à Votre
trône.
Dans les moments de combat et de souffrances, de ténèbres et d’orages, de
nostalgie et de tristesse, dans les moments de dure épreuve, dans les
moments où je ne serai comprise par aucune créature, et où je serai même
condamnée et dédaignée, je me souviendrai de ce jour de mes vœux perpétuels,
jour d’inconcevable grâce divine.
241 J.M.J.
Résolutions particulières de la retraite 1933. V. I.
L’amour du prochain.
Premièrement : empressement envers les sœurs.
Secondement : ne pas parler des absents et défendre la réputation du
prochain.
Troisièmement : se réjouir des réussites du prochain.
242. Ô Dieu, comme je désire être une petite enfant. Vous êtes mon père.
Vous savez comme je suis petite et faible, je Vous supplie donc, gardez-moi
près de Vous, dans tous les moments de ma vie et particulièrement à l’heure
de la mort. Jésus, je sais que Votre bonté surpasse la bonté de la plus
tendre mère.
Je remercierai Jésus pour chaque humiliation, je prierai particulièrement
pour la personne qui me donne l’occasion de m’humilier. Je vais m’anéantir
au profit des âmes. Ne compter aucun sacrifice, m’étendant sous les pieds
des Sœurs comme un tapis sur lequel elles peuvent, non seulement marcher,
mais aussi s’essuyer les pieds. Ma place est sous les pieds des Sœurs. Je
tâcherai de mettre ceci en pratique de façon imperceptible pour l’œil
humain. Il suffit que Dieu le voie.
Le jour gris et quotidien a déjà recommencé. Les instants solennels des vœux
perpétuels sont passés, mais cette grande grâce de Dieu demeure en mon âme.
Je sens que je suis toute à Dieu, je sais que je suis Son enfant. Je sens
que je suis toute entière propriété de Dieu. J’expérimente ceci même de
façon physique et sensible. Je suis parfaitement tranquille en tout, car je
sais que c’est l’affaire de l’ Epoux de penser à moi. Je ne me soucie plus
du tout de moi-même. Ma confiance dans son Cœur très Miséricordieux est sans
bornes. Je Lui suis continuellement unie. Il me semble que Jésus ne pourrait
pas être heureux sans moi, ni moi sans Lui. Je comprends bien cependant
qu’étant Dieu Il est heureux en Lui-même et qu’Il n’a besoin d’absolument
aucune créature. Mais sa bonté le contraint à Se communiquer à Sa créature,
et cela avec une inconcevable générosité.
245. Mon Jésus, je vais faire des efforts maintenant, pour l’honneur et la
gloire de Votre Nom, combattant jusqu’au jour où Vous Seul me direz : Assez
! Je vais tâcher de secourir chacune des âmes que Vous m’avez confiée, je
vais tâcher de les secourir par la prière et le sacrifice, pour que votre
grâce puisse agir en elles. Ô grand amant des âmes, mon Jésus, je vous
remercie pour cette grande confiance avec laquelle Vous avez daigné confier
ces âmes à notre protection !
Jours de travail et de routine, vous n’êtes pas du tout monotones, car
chaque moment m’apporte de nouvelles grâces et la possibilité de bien faire.
246. 25.III.1933. Les permissions mensuelles
En passant, entrer à la chapelle.
Prier aux moments libres.
Accepter peu de choses, donner, prêter.
Pour le deuxième petit déjeuner et goûter.
Parfois je ne pourrai participer à la récréation.
Je ne pourrai pas toujours assister aux exercices communs.
Je ne pourrai pas toujours réciter en commun les prières du soir et du
matin.
Parfois rester un moment à mes devoirs après neuf heures.
Parfois faire les exercices après neuf heures.
Ecrire ou noter quelque chose quand j’aurai un moment.
Téléphoner.
Sortir de la maison.
Entrer à l’église lorsque je suis en ville.
Rendre visite aux Sœurs malades.
Entrer dans la cellule d’une autre Sœur en cas de besoin.
Boire parfois un peu d’eau, en dehors du temps prescrit.
Petites mortifications
Réciter le chapelet à la Miséricorde Divine les bras en croix.
Le samedi, une partie du rosaire, les bras en croix.
Parfois réciter une prière, prosternée.
Jeudi, l’Heure Sainte.
Vendredi quelques plus grandes mortifications pour les pécheurs agonisants.
247. Jésus, ami du cœur solitaire, Vous êtes mon port, Vous êtes ma paix,
Vous êtes mon seul secours. Vous êtes le calme dans mes combats et dans mes
doutes. Vous êtes le lumineux rayon qui éclaire la route de ma vie. Vous
êtes tout pour l’âme solitaire. Vous comprenez l’âme, même quand elle se
tait. Vous connaissez nos faiblesses comme un bon médecin. Vous consolez et
soignez, ménageant les souffrances, parce que Vous nous connaissez bien.
248. Les paroles que Monseigneur l’ Evêque, prononça pendant la cérémonie
des vœux perpétuels : « Acceptez ce cierge en signe de la lumière céleste et
de l’amour enflammé. » Donnant l’anneau : « Je vous unis à Jésus-Christ, le
Fils du Père, du Très Haut, qu’Il vous garde sans tache ! Recevez cet anneau
en signe de l’éternelle alliance que vous contractez avec le Christ, Epoux
des Vierges. Qu’Il soit pour vous l’ Anneau de la foi, le signe de l’
Esprit- Saint , pour que vous vous appeliez épouse du Christ, et que vous
soyez couronnée pour l’éternité, si vous Le servez fidèlement ! »
249. Ô Jésus, j’ai confiance en Vous, j’ai confiance en Votre inépuisable
Miséricorde, Vous êtes ma Maman !
250. Cette année 1933 est particulièrement solennelle pour moi, car en cette
année du Jubilé de la Passion du Seigneur, j’ai prononcé mes vœux
perpétuels. J’ai déposé mon offrande, tout particulièrement avec l’ Offrande
de Jésus Crucifié, pour être par là-même plus agréable à Dieu. Je réalise
toutes mes actions avec Jésus, par Jésus, en Jésus.
251. Après les vœux perpétuels, je restai encore tout le mois de mai à
Cracovie. Je devais aller soit à Rabka, soit à Wilno. Un jour la Mère
Générale me demanda : « Eh bien ! ma Sœur, Vous restez tranquille et Vous ne
Vous disposez à partir nulle part » ? Je répondis : « Je veux la volonté de
Dieu à l’état pur. Où Vous m’ordonnerez d’aller, petite Mère, là je saurai
que c’est la pure volonté de Dieu, sans aucune addition de ma part. » « Très
bien ! » me répondit-elle.
Le lendemain, la Mère Générale m’appela et me dit : « Vous vouliez, ma Sœur,
avoir la volonté de Dieu à l’état pur. Eh bien, vous partirez pour Wilno. »
J’ai remercié et j’attendis le jour de mon départ. Cependant une certaine
joie mêlée de peur remplit mon âme. Je sentais que Dieu me préparait là bas
de grandes grâces, mais aussi de grandes souffrances. Mais je suis restée à
Cracovie jusqu’au 27 mai. Je n’avais pas d’emploi stable, j’allais seulement
aider au jardin et, comme je travaillais seule, j’ai pu, pendant tout un
mois, faire les exercices de Saint Ignace, bien qu’assistant à la récréation
commune. J’ai obtenu pendant ce temps beaucoup de lumières divines.
252 .Quatre jours ont passé depuis mes vœux perpétuels. Je tâchais de faire
l’ Heure Sainte. C’était le premier jeudi du mois. Dès que je suis rentrée
dans la chapelle, je fus envahie jusqu’au plus profond de moi-même par la
présence de Dieu. Je sentais nettement que le Seigneur était près de moi.
Après un moment je vis le Seigneur, tout couvert de plaies. Il me dit : «
Vois, Celui que tu as épousé. » J’ai compris la signification de ces mots,
et je répondis à Jésus : « Je vous aime plus, en vous voyant ainsi blessé et
anéanti, que si je Vous voyais dans Votre Majesté. » Jésus demanda «
Pourquoi ? » Je répondis : « Une grande Majesté me fait peur, à moi, le
petit néant que je suis tandis que Vos Plaies m’attirent vers Votre Cœur et
me parlent de Votre grand amour pour moi. »
Un silence régna après cette conversation. Je fixais mes yeux sur Ses
Saintes Plaies, et je me sentais heureuse de souffrir avec Lui. Souffrant
ainsi, je ne souffrais pas, car je me sentais heureuse en reconnaissant la
profondeur de Son amour, et cette heure passa comme une minute.
253. Ne jamais juger personne, avoir un regard indulgent pour les autres et,
pour soi-même, un regard sévère. Tout rapporter à Dieu et, me montrer à mes
propres yeux, telle que je suis, c’est-à-dire la plus grande misère et le
néant. Garder la patience et la tranquillité dans les souffrances, sachant
que tout passe avec le temps.
252. Il ne faut pas parler des moments que j’ai vécus pendant les vœux
perpétuels.
Je suis en Lui, et Lui en moi. Au moment où Monseigneur l’ Evêque mettait
l’anneau à mon doigt, Dieu envahit tout mon être. Je ne sais l’exprimer, je
passe donc ce moment sous silence. Mes rapports avec Dieu sont, depuis ces
vœux perpétuels, si étroits que je n’en ai jamais connus de tels auparavant.
Je sens que j’aime Dieu et que Lui m’aime. Mon âme ayant goûté Dieu, ne
saurais plus vivre sans Lui. Une heure passée au pied de l’autel, dans la
plus grande sécheresse de l’âme, m’est plus agréable que cent ans de délices
mondains. J’aime mieux être au couvent un souffre-douleur insignifiant, que
reine dans le monde.
255. Je vais cacher aux yeux des hommes ce que je pourrais faire de bien,
pour que Dieu seul soit ma récompense. Comme la petite violette cachée dans
l’herbe ne blesse pas le pied qui la foule, mais exhale son parfum, ainsi,
m’oubliant moi-même, je tâcherai de faire plaisir à la personne qui m’a
foulée aux pieds. C’est très dur pour la nature, mais la grâce de Dieu me
vient en aide.
256. Merci, Jésus, pour cette grande grâce de m’avoir permis de mesurer tout
l’abîme de ma misère. Je sais que je suis un gouffre de néant et, si Votre
grâce ne me soutenait pas, je retournerais en un instant au néant. C’est
donc par chaque battement de mon cœur que je Vous remercie, mon Dieu, pour
Votre grande miséricorde envers moi.
257. Demain je dois partir pour Wilno. Je suis allée me confesser au Père
Andrasz , ce prêtre qui est tellement habité par l’esprit de Dieu. Il a
délié mes ailes pour me permettre de voler sur les hauteurs les plus
élevées. Il m’a tranquillisée en toutes choses et m’ordonne de croire en la
Providence. « Ayez confiance, avancez courageusement. » Une singulière
puissance divine fut mon partage après cette confession.
Le Père a insisté pour que je sois fidèle à la grâce divine. Et il m’a dit :
« Rien ne vous arrivera de mal si, à l’avenir, vous gardez la même
simplicité et la même obéissance. Ayez confiance en Dieu, vous êtes dans la
bonne voie et en bonnes mains : dans les Mains de Dieu. »
258. Le soir, je suis restée un peu plus longtemps à la chapelle. Je causais
avec Jésus à propos de… Encouragée par sa bonté, j’ai dit : « Jésus, Vous
m’avez donné ce Père qui m’a comprise dans mes inspirations ; et de nouveau,
Vous me prenez. Que ferai-je à Wilno ? Je n’y connais personne, même le
langage de là-bas m’est étranger. » Et le Seigneur m’a dit : « N’aie pas
peur, je ne te laisserai pas seule. » Mon âme s’abîma alors dans la louange,
pour toutes les grâces que Dieu m’a accordées par l’intermédiaire du Père
Andrasz.
Tout à coup, je me suis rappelée cette vision, dans laquelle j’avais vu un
prêtre entre le confessionnal et l’autel. J’ai confiance que je ferai un
jour sa connaissance, et les mots que j’avais entendus alors résonnèrent
vivement à mes oreilles : « Il t’aidera à faire Ma volonté sur terre. »
259. Aujourd’hui, le 27 mai 1933, je pars pour Wilno. Quand je suis sortie
de la maison, j’ai regardé le jardin, la maison, et lorsque mon regard
s’arrêta, les larmes jaillirent soudain de mes yeux. Je me suis souvenue de
tous les bienfaits et grâces que le Seigneur m’avait accordés. Subitement,
d’une manière inattendue, j’aperçus, près de la plate-bande, le Seigneur qui
me dit : « Ne pleure pas, Je suis toujours avec toi ! » La présence de Dieu,
qui m’enveloppa quand Jésus parlait, dura pendant tout le voyage.
260. J’avais la permission d’entrer dans le sanctuaire, en passant à
Czestochowa. C’était la première fois que je voyais l’icône de la Mère de
Dieu. A mon arrivée, à cinq heures, on dévoilait l’image. Je priai sans
interruption jusqu’à onze heures, et il me semblait que je venais d’entrer.
La Mère Supérieure de là-bas envoya une Sœur me chercher pour que j’aille
déjeuner.
Elle s’affligeait de ce que j’allais manquer mon train. La Mère de Dieu m’a
beaucoup parlé. Je lui ai renouvelé mes vœux perpétuels, je sentais que
j’étais son enfant et qu’elle était ma Mère. Elle ne m’a rien refusé de ce
que je lui ai demandé.
261. Je suis arrivée à Wilno. Le couvent est constitué de petites cabanes
dispersées. Cela semble étrange en comparaison des grands bâtiments de
Jozefow. Il n’y a que dix-huit Sœurs. La maison est petite, mais la vie
commune est admirable. Toutes les Sœurs m’accueillirent très
affectueusement. Ce fut pour moi un grand encouragement pour endurer les
fatigues qui m’attendaient. Sœur Justyna a même nettoyé le plancher pour mon
arrivée.
262. Quand je suis allée à la Bénédiction, Jésus m’éclaira sur la façon dont
je devais me comporter avec certaines personnes.
Je me suis serrée de toutes mes forces contre le Très Doux Cœur de Jésus,
lorsque je vis combien je serais exposée extérieurement à la dissipation
puisque l’emploi que je vais avoir ici, au jardin, me forcera à avoir des
relations avec des personnes laïques.
263. La semaine de la confession arriva et, à ma grande joie, j’aperçus ce
prêtre que je connaissais déjà avant de venir à Wilno . Je le connaissais
pour l’avoir vu en vision. J’entendis à ce moment ces paroles dans mon âme :
« Voila Mon fidèle serviteur, il t’aidera à accomplir Ma Volonté sur terre.
» Mais je ne me fis pas connaître à lui, comme le Seigneur le désirait.
Pendant quelques temps, je résistai à la grâce. A chaque confession, la
grâce divine me pénétrait singulièrement. Cependant je ne dévoilais pas mon
âme à ce prêtre et me proposai de ne plus me confesser à lui. Dès que j’eus
pris cette décision, mon âme fut en proie à une terrible inquiétude. Dieu me
réprimandait bien fort.
Quand, enfin, j’ai dévoilé toute mon âme à ce prêtre, Jésus y versa une
surabondance de grâces. Je comprends maintenant, ce qu’est la fidélité à une
grâce particulière : elle attire toute une série d’autres grâces.
264. Ô mon Jésus, gardez-moi près de Vous, voyez comme je suis faible. Seule
je ne puis faire un seul pas en avant ! Vous donc, Jésus, devez être
constamment avec moi, comme une mère auprès d’un faible enfant, et plus
encore.
265. Les jours de travail, de combat et de souffrances ont commencé. La vie
religieuse va son train. On est toujours novice, on doit apprendre beaucoup
de choses et les connaître. La règle est la même. Malgré cela chaque maison
à ses habitudes, donc chaque changement est un tout petit noviciat.
266. 5.VIII.1933. La fête de Notre-Dame de la Miséricorde.
Aujourd’hui j’ai reçu une grande grâce, purement intérieure, pour laquelle
je suis reconnaissante à Dieu dans cette vie et pour l’éternité…
267. Jésus m’a dit que je Lui serai le plus agréable lorsque je méditerai Sa
Douloureuse Passion, et que cette méditation ferait descendre sur mon âme de
nombreuses lumières. Que celui qui veut apprendre la véritable humilité
considère la Passion de Jésus. J’ai une claire conception de beaucoup de
choses que je ne pouvais comprendre d’abord. Je veux être semblable à Vous,
Jésus, à Vous crucifié et humilié. Jésus, que Votre humilité se reflète dans
mon âme et dans mon Cœur ! Je Vous aime, Jésus, à la folie, Vous, anéanti,
tel que le prophète Vous montre, lorsqu’il dit ne plus pouvoir discerner en
Vous l’être humain, si grandes étaient Vos douleurs. C’est dans cet état que
je vous aime, Jésus, à la folie. Qu’a fait de vous l’amour, Dieu éternel et
infini ?...
268. 11.X.1933. Jeudi je tâchais de faire l’ Heure Sainte, mais j’ai eu
beaucoup de peine à la commencer. Une certaine langueur commença à me
pénétrer le cœur. Mon esprit s’assombrit tellement que je ne pouvais
comprendre les plus simples formules de prière. Ainsi passa une heure
d’oraison ou plutôt de combat.
Je résolus de prier une seconde heure, mais les souffrances intérieures
grandissaient; grande sécheresse et découragement.
Je résolus de prier une troisième heure. Pendant cette troisième heure, que
j’ai décidé de faire à genoux, sans aucun appui, mon corps commença à
réclamer un peu de relâche… Mais je ne lui ai rien accordé. J’ai étendu les
bras et, sans un mot, je persistai par un acte de volonté. Après un moment,
j’ai ôté l’anneau de mon doigt et j’ai demandé à Jésus de regarder ce signe
de notre éternelle union. J’ai offert à Jésus les sentiments que j’avais le
jour des vœux perpétuels. Après un moment j’ai senti qu’une vague d’amour
commençait à envahir mon cœur.
Puis l’esprit soudain recueilli, les sens silencieux, la présence de Dieu
m’enveloppa. Je sais seulement que Jésus est là. Je Le vis à nouveau tel que
je L’avais vu, immédiatement après mes vœux perpétuels, pendant l’ Heure
Sainte. Là aussi, Jésus se tint soudain devant moi, dépouillé de ses
vêtements, le Corps couvert de plaies, les yeux noyés de sang et de larmes,
le Visage défiguré et couvert de crachats. Alors le Seigneur me dit : «
L’épouse doit être semblable à son époux. » J’ai compris ces paroles à fond.
Il n’y a pas l’ombre d’un doute ici. Ma ressemblance avec Jésus doit passer
par la souffrance et par l’humilité. « Vois ce qu’a fait de Moi Mon amour,
Ma fille. Dans ton cœur Je trouve tout ce que Me refuse un grand nombre
d’âmes. Ton cœur est un repos pour Moi, Je te réserve souvent de grandes
grâces pour la fin de l’oraison. »
Une fois, ayant fini une neuvaine au Saint-Esprit à l’intention de mon
confesseur, le Seigneur me répondit ainsi : « Je te l’ai dit bien avant que
tes Supérieures ne t’envoient ici : J’agirai envers toi comme tu agiras
envers ton confesseur. Si tu lui caches quelque chose, serait-ce même la
plus petite grâce, Moi aussi, Je me cacherai de toi et tu resteras seule. »
Je me conformai donc au désir de Dieu et une profonde paix régna dans mon
âme. Je comprends maintenant comment Dieu défend les confesseurs et comment
il prend leur parti.
270. Conseil de l’ Abbé Sopocko
« Sans humilité, nous ne pouvons plaire à Dieu. Exercez-vous au troisième
degré d’humilité. C'est-à-dire que, non seulement il ne faut pas s’expliquer
ni se justifier quand on nous reproche quelque chose, mais se réjouir de
l’humiliation. Si ces choses dont vous me parlez viennent vraiment de Dieu,
alors préparez votre âme à de grandes souffrances. Vous rencontrerez la
désapprobation, la persécution ; vous passerez pour une hystérique, une
toquée, mais Dieu vous comblera de Ses grâces. Les véritables œuvres de Dieu
rencontrent toujours des difficultés, et sont marquées du sceau de la
souffrance. Si Dieu veut mener quelque chose à bonne fin, tôt ou tard, Il y
arrivera malgré les difficultés. Et vous, en attendant, armez-vous d’une
grande patience. »
271. Lorsque l’abbé Sopocko partit pour la Terre Sainte, le Père Dabrowski,
S.J., confessa la Communauté. Pendant une des confessions, il me demanda si
j’étais consciente de la grandeur de la vie de mon âme. J’ai répondu que
j’en étais consciente et que je savais ce qui se passait en moi. A quoi le
Père répondit : « Il ne vous est pas permis, ma Sœur, de détruire ni de
changer quoi que ce soit dans votre âme, de vous-même. Le bonheur et la
grâce d’une vie intérieure de grande élévation ne sont pas visibles dans
chaque âme, comme ils le sont chez vous, ma Sœur. Faites attention de ne pas
gaspiller de si grandes grâces divines, une grande… »-ici, Sœur Faustine a
interrompu sa pensée.
272. Cependant, ce Père m’a d’abord exposée à beaucoup d’épreuves. Quand je
lui avais dit que ce que le Seigneur exigeait de moi, il s’était moqué de
moi et il m’avait dit de venir me confesser à huit heures du soir. Quand je
suis venue à huit heures, un Frère fermait déjà l’église. Lorsque je lui ai
dit qu’il fasse savoir au Père que j’étais là, ainsi qu’il me l’avait
ordonné, le brave Frère y est allé.
Le Père me fit répondre que les Pères ne confessaient plus à cette heure là.
Je suis rentrée à la maison, les mains vides et j’ai cessé de me confesser à
lui. Mais j’ai fait une heure d’adoration et certaines mortifications pour
lui obtenir la lumière de Dieu, afin qu’il connaisse les âmes. Lorsque
l’abbé Sopocko, partit et qu’il le remplaça, je fus forcée de me confesser à
lui. Et bien qu’auparavant il n’ait pas voulu me croire, maintenant, il
m’engageait à une grande fidélité envers ces inspirations intérieures. Dieu
permet parfois cela ; qu’Il soit loué en tout ! Il faut cependant une grande
grâce pour ne pas chanceler.
273. Retraite annuelle 10.1.1934.
Mon Jésus, de nouveau approche le moment où je resterai en tête-à-tête avec
Vous. Jésus, de tout mon cœur je Vous prie de me faire connaître ce qui ne
Vous plait pas en moi. Et, en même temps, faites-moi connaître ce que je
dois faire pour Vous être plus agréable. Ne me refusez pas cette grâce et
restez avec moi. Je sais que sans Vous, mes efforts ne conduiraient pas à
grand-chose. Oh ! Comme je me réjouis de Votre grandeur, Seigneur. Plus je
Vous connais et plus je Vous désire ardemment et soupire après Vous.
274. Jésus m’a accordé la grâce de me connaître moi-même. Dans cette lumière
divine j’ai vu mon défaut dominant : c’est l’orgueil qui a pris la forme du
repliement sur moi-même, et du manque de simplicité envers la Mère
Supérieure.
La seconde lumière concerne la parole : Il m’arrive de trop parler. Je passe
trop de temps à régler des affaires pour lesquelles deux ou trois mots
suffiraient. Et Jésus voudrait que je passe ce temps à réciter de petites
prières pour les âmes souffrantes du Purgatoire. Et le Seigneur dit que
chaque mot sera pesé au jour du jugement.
La troisième lumière concerne notre règlement. J’évite trop peu les
occasions qui mènent à l’enfreindre, surtout la règle du silence. Désormais,
j’agirai comme si la règle n’était écrite que pour moi. La façon dont les
autres agissent ne me regarde pas, pourvu que moi j’agisse comme Dieu le
désire.
Résolution. Quand il s’agit de choses extérieures, j’irai immédiatement dire
aux Supérieures tout ce que Jésus exige de moi. Et dans mes relations avec
la Supérieure, je tâcherai d’être franche et sincère comme un enfant.
275. Jésus aime les âmes cachées. La fleur cachée renferme le plus de
parfum. M’efforcer de créer à l’intérieur de mon âme un endroit retiré pour
le Cœur de Jésus. Dans les moments pénibles et douloureux, je fredonnerai
pour Vous Ô mon Créateur, un hymne de confiance. Car le gouffre de ma
confiance envers Vous, envers Votre Miséricorde, est sans bornes.
276. Depuis que je me suis mise à aimer la souffrance, elle a cessé d’être
souffrance. C’est la nourriture quotidienne de mon âme.
277. Je n’irai pas parler avec telle personne, car je sais que cela déplait
à Jésus, et elle n’en tire aucun profit.
278. Aux pieds du Seigneur. Jésus caché, Amour éternel, notre vie, Vous
oubliant Vous-même, Vous ne voyez que nous. Avant de créer le ciel et la
terre, Vous nous portiez déjà dans Votre Cœur. Ô Amour, ô profondeur de
votre abaissement, ô mystère du bonheur, pourquoi si peu d’âmes Vous
connaissent-elles ? Pourquoi ne trouvez-Vous pas de réciprocité ? Ô Divin
Amour, pourquoi cachez-Vous Votre beauté ? Ô Inconcevable et Infini, plus je
Vous connais, moins je Vous comprends. Mais parce que je ne puis Vous
comprendre, je conçois mieux Votre grandeur. Je n’envie pas leur feu aux
Séraphins, car un don plus grand est déposé en mon coeur.
En extase, eux Vous admirent, mais Votre Sang s’unit au mien. L’Amour ,
c’est le ciel qui nous est déjà donné ici sur la terre. Oh ! pourquoi Vous
cachez-Vous dans la foi ? L’Amour déchire le voile. Il n’y a pas de voile.
Il n’y a pas de voile devant le regard de mon âme. Car Vous-même, Vous
m’avez attirée au sein du mystérieux amour, pour l’éternité. Gloire et
louange à Vous, ô Indivisible Trinité, Dieu unique pour tous les siècles !
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Paragraphes N°278-300
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