Mgr Barthélémy Adoukonou,
l'élève du Pape Benoît XVI |
|
Le 27 février 2010 -
(E.S.M.)
- Une interview de Mgr Adoukonou, nommé secrétaire du Conseil
pontifical de la
culture en
décembre
dernier, dans
l'OR du 26
février.
|
Le pape Benoît XVI et
Mgr Barthélémy Adoukonou
Mgr Barthélémy Adoukonou,
l'élève du Pape Benoît XVI
Théologie et culture de l'Afrique au service de l'Eglise
Le 27 février 2010 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
-
Une conversation avec Mgr Barthélémy Adoukonou, secrétaire du Conseil
pontifical pour la Culture
"Celui qui n'a pas la simplicité de recevoir n'a pas non plus le droit de
donner" : paroles de Joseph Ratzinger.
Telle est la leçon apprise par un jeune prêtre du Bénin, à l'école du
professeur bavarois, avec qui il a étudié dans les années 70 à Ratisbonne.
Aujourd'hui, ce professeur est le pape Benoît XVI et le prêtre africain est
le nouveau secrétaire du Conseil pontifical pour la Culture. Il s'appelle
Barthélémy Adoukonou, descend d'une famille royale d'Abomey, et est un
représentant éminent de la théologie africaine. Nous l'avons rencontré à son
arrivée à Rome, la ville où il fut ordonné prêtre en 1966. Ce prélat de 68
ans a également travaillé à la Commission théologique internationale avec le
futur pape. Grand connaisseur de la culture de l'Afrique de l'Ouest, il a
enseigné pendant des décennies dans les séminaires et les universités. Le 3
Décembre, il a reçu une nouvelle affectation, dans le dicastère dirigé par
l'archevêque Gianfranco Ravasi.
- Cet été, le cardinal Bertone a annoncé une plus
grande présence
de l'Afrique au Vatican. Les décisions récentes de Benoît XVI semblent
confirmer cette tendance.
" J'interprète ma nomination, et toutes les nominations africaines, dans la
trajectoire de l'histoire de notre rencontre avec l'Occident: qui ne s'est
pas seulement traduite dans l'action du militaire et du commerçant, mais aussi
celle du missionnaire. Je fais partie de ceux qui croient toujours que le
missionnaire est la figure du Bon Samaritain au chevet de la chute de
l'Afrique dans les mains des voleurs, qui peuvent être aussi bien les
militaires que les commerçants. Dans la tragédie de la négation de
l'humanité, le missionnaire est celui par qui Dieu veut rendre possible une
histoire différente pour l'homme noir, l'élevant à nouveau à sa pleine
dignité. Ce missionnaire a peut-être eu des doutes sur l'existence d'une
culture africaine. Mais des figures de fervents évangélisateurs ont surgi,
qui ont prêté attention aux semences de la Parole de Dieu, disséminées dans
notre propre culture, et ont essayé de les rassembler dans l'unité du Verbe
vivant. Et quand, en 1956, les prêtres noirs ont commencé à s'interroger, on
a pu percevoir une première acceptation endogène, bien que critique, de
l'effort de dialogue entre foi et culture, que nos prêtres missionnaires,
les frères venus de l'Europe, tentaient de faire au nom de l'Afrique. Les
prêtres noirs l'ont fait dans le sillon du mouvement pan-africain pour la
protection des valeurs culturelles de l'homme noir: la négritude".
- Mais il a fallu des années pour obtenir les
premières réponses.
" A l'époque de Vatican II, le grand intellectuel catholique
sénégalais Alioune Diop, avec tous les hommes de culture qui ont vécu sur le
continent ou dans la diaspora des Caraïbes, avait déjà exprimé l'espoir d'un
Concile africain. Et lorsque plus de trente ans après, en 1994, Jean-Paul II
l'a réalisé sous la forme d'une Assemblée Spéciale du Synode des évêques,
les pasteurs et théologiens noirs ont assumé la profondeur anthropologique
de la culture africaine pour affirmer leur détermination à construire
l'Église comme "Famille de Dieu" et "fraternité du Christ". Ce fut un grand
acte d'inculturation dont nous n'avons pas encore pleinement saisi
l'efficacité historique.
- Comment interprétez-vous l'appel du Pape?
" Je pense que c'est une étape décisive dans la reconnaissance que la
nature humaine en Afrique a ce même dynamisme d'expression qui a été défini
par le Concile Vatican II, dans
Gaudium et
Spes, comme culture. L'homme
noir, comme tout autre, est capable de l'Evangile parce qu'il a en lui cette
expression du dynamisme de la nature nommée culture dans le sens le plus
profond. Avec ma nomination, un pas en avant a été fait dans la
reconnaissance de la théologie africaine comme expression de la foi qui se
fait culture. La foi devient culture pour empêcher la culture de l'étouffer,
et donc d'étouffer l'homme. C'est l'homme de foi qui réalise
l'inculturation.
- En 2009, Benoît XVI allait pour la première fois sur
le continent et quelques mois après, il lui consacrait un second Synode
spécial. Pensez-vous qu'il y a suffisamment d'attention de l'Église pour
votre pays?
" Profondément missionnaire dans son cœur, Benoît XVI aime l'Afrique.
Il est dans une cordiale "complicité" avec elle sur le plan théologique.
Sa thèse de doctorat portait précisément sur l'ecclésiologie, l'Eglise comme
« Peuple et maison de Dieu ». Et le texte, qui remonte aux premières années
après le Concile, sur l'Eglise comme fraternité, forme avec cette thèse un
diptyque, qui est aussi en harmonie avec l'option prise par l'Afrique dans
le premier synode, de construire l'Eglise de Dieu comme "maison et la
famille Dieu", "corps fraternel du Christ".
L'Église en Afrique, entrant dans l'inculturation, le fait par la voie
royale de l'ecclésiologie: elle a l'opportunité, ou la grâce de le faire,
quand un Pape ecclésiologique, rempli de "l'âme ecclésiologique" succède à un
pape lui aussi amoureux de l'Afrique, Jean-Paul II. Quelle chance,
pourrait-on dire. Je préfère dire quelle grâce.
Par ailleurs Benoît XVI, en ouvrant un deuxième Synode pour le continent sur
le thème des réponses pastorales à apporter aux problèmes sociaux, a traduit
l'essence de ce que l'Eglise veut faire pour remplir son rôle de bon
samaritain qui regarde le destin de l'Afrique, considérée comme morte. Le
pape a convoqué le Synode au lendemain de l'encyclique
Caritas in Veritate,
comme pour offrir à l'Afrique la manne de la doctrine sociale dont elle a
besoin pour son engagement pour la réconciliation, la justice et la paix. La
perspective personnaliste-communautaire dans les domaines de l'économie, de
la politique, de l'écologie et de la société en général, est parfaitement
cohérente avec son ecclésiologie, qui est aussi celle de l'Afrique.
(...)
- Vous assistez aux réunions des anciens élèves de
Joseph Ratzinger. Comment était le jeune professeur à Ratisbonne?
" Rahner et lui m'avaient impressionné au cours des années du Concile
Vatican II.
Allant ensuite à Ratisbonne, j'ai découvert un théologien brillant, qui ne
lisait pas la leçon qu'il avait préparée, de son bureau, mais qui paraissait
la lire dans le ciel. Il avait une vision panoramique historique et
synthétique profonde comme il sied à un Allemand et aussi claire, propre à
un Latin. Le christocentrisme de sa pensée m'enchantait: on le retrouvait
dans tous les sujets traités avec sa rare capacité d'articulation. Il
développait sa pensée sur la communion, facile à saisir, et résumait la
multitude d'éléments que de nombreux professeurs, parmi lesquels peut-être
moi-même, ne savent pas toujours ramener à l'unité, lassant ainsi les
étudiants.
- C'étaient des années de grande effervescence?
" Je préparais mon doctorat au moment où la rigueur excessive de la
méthode critico-historique faisait rage dans l'exégèse. Tout devenait
fragmenté et nul ne savait quelle synthèse vivante et vitale pourrait
permettre à la Parole de Dieu de nourrir les hommes. Je remercie Dieu
d'avoir rencontré un maître avec un tel discernement à la fois rare et aigu.
Le professeur Ratzinger était un analyste fin et un théologien capable.
C'est ainsi que je l'ai connu, et c'est ainsi qu'il est resté
- Des souvenirs particuliers?
" Au départ, j'étais influencé par le courant pan-africaniste actuel,
pour l'affirmation de l'homme noir et de son autonomie: une lecture basée
sur la suspicion de tout ce qui était occidental. Je remettais en cause tout
apport extérieur, y voyant une tentative subreptice d'impérialisme culturel
... La réponse m'est venue un jour où je dînais avec mon professeur à
Pentling, quand il me dit: "Tu sais, Bartelémy, nous aussi, les Allemands
après la guerre, nous avions du mal à trouver de la nourriture et il a fallu
que les Américains nous aident avec le Plan Marshall. Celui qui n'a pas la
simplicité de recevoir n'a pas non plus le droit de donner". Alors j'ai
réalisé que la vie était un 'donner' et un 'recevoir', un partage. La pensée
de communion qui s'exprimait à partir de cela, comme théologie, ne pouvait
pas être impérialiste.
- Et comment était le prêtre Joseph Ratzinger?
" Un homme de foi et un humaniste, très attentif, soucieux de
construire les relations avec les autres dans la vérité et je n'ai pas été
surpris quand il a choisi comme devise épiscopale "Cooperatores Veritatis",
et aussi que, juste avant le conclave qui devait l'élire comme Pasteur de
l'Eglise Universelle, il ait fait le diagnostic le plus profond de la
situation spirituelle de notre temps en parlant de la menace universelle de
la "dictature du relativisme". Le continent noir, qui apparaissait comme le
plus exposé, a été heureux de saluer à nouveau en lui le pasteur qui peut
défendre ce qui est essentiel à l'homme: sa relation vitale avec la vérité.
(..)
(© L'Osservatore Romano - 26 Février 2010)
Sources : benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.02.2010 -
T/Afrique
|