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Benoît XVI est "pour" le dialogue interreligieux
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ROME, le 25 septembre 2006 -
(E.S.M.) - Là où Jean Paul II entendait dialoguer, Benoît
XVI préfère que les catholiques retrouvent, dans leur propre
religion, le sens du divin, condition préalable, pense-t-il, à une
vraie rencontre avec les autres cultures et religions.
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Benoît XVI et sa conférence sur la foi chrétienne
Benoît XVI est
"pour" le dialogue interreligieux
Contre le discours de Ratisbonne, "les musulmans s'indignent
à juste titre": c'est signé Henri Tincq, c'est
dans Le Monde de mercredi, c'est bien dans la tradition de ce journal.
o Relisons cette vilenie à sa place dans son contexte: "Les musulmans
s'indignent à juste titre que le pape Benoît XVI soit allé trouver son
argumentaire contre la violence religieuse dans des contextes historiques
ainsi datés [XIVe siècle] ou dans des courants marginaux de l'islam."
Argumentaire signifie "ensemble des arguments"
o Prétendre que l'ensemble des arguments du discours de Ratisbonne
se limite à ceux-là, c'est une sorte de falsification.
Quant à
l'assurance que "les musulmans s'indignent à juste titre", Henri Tincq
gardera le mérite personnel d'une si honorable appréciation.
o Le
choeur plus ou moins vaguement anarcho-trotskiste et banco libertaire
de la grande information, où Le Monde tient informellement le rôle de chef
d'orchestre, n'arrête pas de déplorer, dans le comportement de Benoît XVI,
bévues, faux pas, inexpérience politique. C'est
ainsi que fut accueilli saint Pie X, tenu par l'opinion mondaine pour un
simple "curé de campagne" ignorant les subtilités de
la diplomatie démocratique.
o Inexpérience, bévue, faux pas à
Auschwitz, on ne cesse de l'entendre répéter à nouveau depuis huit jours.
Est-ce si sûr? Benoît XVI savait fort bien que dans l'univers des puissances
démocratiques occidentales, il faut passer par Auschwitz pour avoir droit à
être entendu. Il y est donc allé, comme Jean-Paul II l'avait fait. Mais il y
ajoutait la mémoire des six millions de victimes polonaises. Il est
audacieux de prétendre qu'il l'aurait fait par inadvertance ou inexpérience.
o Il en va de même dans les autres perspectives du "dialogue
interreligieux". Bien sûr, Benoît XVI est "pour" le dialogue,
comme l'était Jean-Paul II. Mais Jean Paul II n'y mettait un certain accent,
une tonalité et une extension très personnelle. Benoît XVI a lui aussi son
orientation, sa tonalité, son accent personnel. La Croix s'en était avisée
dès le 15 septembre, sous la signature souvent intelligente et bien informée
d'Isabelle de Gaulmyn: "A Ratisbonne le Pape a largement développé une
vision du dialogue avec les autres religions différente de celle de son
prédécesseur. Là où Jean Paul II entendait dialoguer,
Benoît XVI préfère que les catholiques retrouvent, dans leur propre
religion, le sens du divin, condition préalable, pense-t-il, à une
vraie rencontre avec les autres cultures et religions." Il est vrai que
beaucoup de catholiques, et une grande partie du clergé, ont grand besoin de
retrouver le "sens du divin" au moins au niveau
élémentaire du petit catéchisme, "condition
préalable" en effet à un dialogue universel.
Les prêtres et les fidèles ont été tellement invités à connaître les autres
religions, les autres cultures, alors qu'ils avaient une connaissance trop
déficiente de leur propre religion, et n'avaient plus le temps ni le goût de
s'y consacrer. Le simple bon sens s'accorde avec la pédagogie théologienne
de Benoît XVI, ou même l'avait devancée. Dialogue ou non, en tout cas
Benoît XVI n'a rien retiré de ce qu'il a dit à Ratisbonne. Les
Dominicains du Caire en ont menti en prétendant (La Croix de mercredi) que
le Pape avait exprimé des regrets pour les termes qu'il avait employés. Les
"termes" demeurent et Benoît XVI ne les regrette pas.
o
Benoît XVI a regretté non pas ses propos, mais le fait
qu'ils aient été mal accueillis. Il s'est dit vivement attristé, on le
comprend, par les réactions musulmanes injurieuses, menaçantes, assassines.
Elles sont en effet attristantes. Il est même permis de s'en indigner.
o L'Institut dominicain du Caire, dans sa déclaration publiée en
français, en arabe et en anglais, invoque sa "longue expérience de vie et de
travail avec les musulmans en Egypte", pour accuser "les propos" de Benoît
XVI de mettre "en grand danger les avancées du dialogue réalisées au cours
des dernières décennies". Les avancées d'un dialogue fondé sur le mensonge,
et qui a besoin de faire croire que le Pape a regretté ses propos, sont
plutôt un recul, et peu honorable.
o Le dialogue avec l'islam, si
dialogue il y a, ne peut être considéré comme uniquement "religieux" et
comme réservé, du côté catholique, au seul clergé. Un tel dialogue a des
implications et conséquences dans les domaines politique, culturel, social,
économique. Ces domaines relèvent de la responsabilité autonome des pouvoirs
civils (étant sauf le respect de la morale chrétienne). Dans l'ordre
temporel, l'appréciation de rencontres avec l'islam n'est pas forcément
identique à celle d'une perspective spirituelle. Bien entendu, le spirituel
et le temporel ne sont pas sans rapports. lis se complètent, ils se
conjuguent, ils ne coïncident pas.
o L'Italie nous donne l'exemple
d'un langage qui se distingue légitimement du langage ecclésiastique. "La
lâcheté de l'Occident par rapport à l'islam est honteuse", a déclaré
le président de la démocratie chrétienne Gianfranco Rotondi. Et Pier
Ferdinando Casini, ancien président de la Chambre des députés : "Le
Saint Père a été abandonné par l'Occident et l'Europe, nous devons avoir
honte de notre réaction. Si nous n'avons pas le courage de défendre notre
identité, nous n'aurons aucun avenir."
o Nous subissons
depuis trop longtemps la domination idéologique d'une conception du
"dialogue" qui présuppose (le plus souvent sans le dire explicitement) que
toutes les religions se valent et qu'il n'est pas tellement important d'être
catholique plutôt que bouddhiste ou animiste, du moment que l'on "croit".
Plus explicitement ce "dialogue" impérieux professe que toutes les religions
sont respectables, ce qui éventuellement est possible si on les regarde du
côté du sujet croyant, encore qu'il y ait de sérieuses réserves à faire
concernant la polygamie, l'exclusion, la confusion du spirituel et du
temporel (etc.) ; mais on ne peut admettre que toutes soient également
respectables.
o N'oublions pas cependant l'essentiel de la
conférence de Ratisbonne. Elle était celle d'une "rencontre
avec les représentants du monde des sciences".
Elle n'était pas sur le dialogue.
Elle était sur la foi chrétienne, injustement
exclue du savoir par une raison limitée à tort au vérifiable
expérimentalement et sourde au divin. Elle était sur le caractère
raisonnable de la foi chrétienne, sur son développement historique, sur son
mariage indissoluble avec les vérités universelles de la philosophie
grecque. Elle a doctement tourné la page, espérons-le, sur cinquante années
d'une théologie d'apostasie immanente.
JEAN MADIRAN, Journaliste
professionnel
Sources:
quotidien Présent
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.09.2006 - BENOÎT XVI |