|
Commentaire du Discours de Benoît XVI (2e
partie)
|
ROME, le 24 septembre 2006 -
(E.S.M.) - Nous publions, avec son aimable autorisation,
un commentaire du discours académique du pape Benoît XVI, sous la
plume de Pierre-Charles Aubrit Saint Pol, Rédacteur en chef de la
Lettre Catholique.
(2ème partie)
|
|
Le pape Benoît XVI à l'Université de
Ratisbonne
Commentaire du
Discours de Benoît XVI (2e partie)
SOYEZ FIERS D’ETRE
DE L’EGLISE CATHOLIQUE APOSTOLIQUE ET ROMAINE
Commenté par Pierre-Charles Aubrit Saint
Pol, Rédacteur en chef de la Lettre Catholique
2e partie -
La première partie de cette analyse a été publiée
Samedi 23.09.2006: ►
Commentaire (1e partie)
Nous
constatons que l’acte humain est originellement et naturellement porté au
service du salut de l’humanité dans le respect du libre arbitre.
"Par honnêteté, il faut remarquer ici que, à la fin du Moyen Age, se
sont développées dans la théologie, des tendances qui rompaient cette
synthèse entre esprit grec et esprit chrétien. […] Dieu ne devient pas plus
divin du fait que nous le repoussons loin de nous dans un pur et
impénétrable volontarisme, mais Dieu véritablement divin est ce Dieu qui
s’est montré comme logos et comme logos a agi et continue d’agir plein
d’amour en notre faveur. Bien sûr, l’amour, comme le dit saint Paul, dépasse
la connaissance et c’est pour cette raison qu’il est capable de percevoir
davantage que la simple pensée (cf. Ep. 3, 19), mais il demeure l’amour du
Dieu-Logos, pour lequel le culte chrétien est, comme le dit encore Paul «
logikè lateria » un culte qui s’accorde avec le Verbe éternel et avec
notre raison (cf. Rm 12, 1) […]
La déshellénisation apparaît d’abord
en liaison avec les postulats de la Réforme au XVI e siècle. En considérant
la tradition des écoles théologiques, les réformateurs se retrouvent face à
une systématisation de la foi conditionnée totalement par la philosophie,
c’est-à-dire face à une détermination de la foi venue de l’extérieur en
vertu d’une manière de penser qui ne dérive pas de celle-ci. Ainsi la foi
n’apparaissait plus comme une parole historique vivante, mais comme un
élément inséré dans la structure d’un système philosophique. […] avec son
affirmation d’avoir dû mettre de côté la pensée pour faire place à la foi,
Kant a agi en se basant sur ce programme avec un radicalisme que les
réformateurs ne pouvaient prévoir. Ainsi a-t-il ancré la foi exclusivement
dans la raison pratique, en lui niant l’accès au tout de la réalité.
La théologie libérale du XIXe et du XXe siècle représenta une deuxième
époque dans le programme de la déshellénisation : Adolf von Harnack en est
un éminent représentant. […] La réflexion centrale qui apparaît chez Harnack
est le retour à Jésus simplement homme et à son message simple, qui serait
précédent à toutes les théologisations ainsi, précisément, qu’à toute
hellénisation : ce serait ce message simple qui constituerait le véritable
sommet du développement religieux de l’humanité. Jésus aurait donné congé au
culte en faveur de la morale. […]
Pour nos réflexions est cependant
aussi important le fait que la méthode comme telle exclut la question de
Dieu, la faisant apparaître comme une question ascientifique ou
pré-scientifique. Mais cela nous place devant une réduction du domaine de la
science et de la raison, dont il faut tenir compte.
[…] Pour le
moment, il suffit d’avoir à l’esprit que, avec une tentative faite à la
lumière de cette perspective pour conserver à la théologie le caractère de
discipline « scientifique », il ne resterait du christianisme qu’un
misérable fragment. Mais il nous faut aller plus loin : si la science n’est
que cela dans son ensemble, alors c’est l’homme lui-même qui devient victime
d’une réduction. […] Cependant, l’ethos et la religion perdent ainsi leur
force de créer une communauté et tombent dans le domaine de l’arbitraire
personnel. C’est une situation dangereuse pour l’humanité : nous le
constatons dans les pathologies menaçantes de la religion et de la raison,
des pathologies qui doivent nécessairement éclater, lorsque la religion est
réduite à un point tel que les questions de la religion et de l’ethos ne la
regardent plus. Ce qui reste des tentatives pour construire une éthique en
partant des règles de l’évolution, de la psychologie ou de la sociologie,
est simplement insuffisant.
Avant de parvenir aux conclusions
auxquelles tend tout ce raisonnement, je dois encore brièvement mentionner
la troisième époque de la déshellénisation […], on aime dire aujourd’hui que
la synthèse avec l’hellénisme, qui s’est accomplie dans l’Église antique,
aurait été une première inculturation, qui ne devrait pas lier les autres
cultures. Celles-ci devraient avoir le droit de revenir en arrière jusqu’au
point qui précédait cette inculturation pour découvrir le simple message du
Nouveau Testament et l’inculturer ensuite à nouveau dans leurs milieux
respectifs. Cette thèse n’est pas complètement erronée ; elle est toutefois
grossière et imprécise. En effet, le Nouveau Testament a été écrit en langue
grecque et contient en lui le contact avec l’esprit grec un contact qui
avait mûri dans le développement précédent de l’ancien Testament. Il existe
certainement des éléments dans le processus de formation de l’Église antique
qui ne doivent pas être intégrés dans toutes les cultures. Mais les
décisions de fond qui concernent précisément le rapport de la foi avec la
recherche de la raison humaine, ces décisions de fond font partie de la foi
elle-même et en sont les développements, conformes à sa nature."
Benoît XVI fait ici le résumé historique des déviances
qui aboutirent soit à s’éloigner de l’usage de la raison, soit à en faire un
principe si ultime que l’on finit par s’en servir comme moyen absolu
démontrant l’inexistence de Dieu ou celle qui contribue à pérenniser la
crise dite du modernisme.
Dans
ce passage, d’une densité intellectuelle peu commune, défilent les étapes
qui structurèrent, nourrirent les fondations de la culture révolutionnaire.
Qui furent, qu’on le veuille ou non, les vecteurs criminogènes de toute
notre histoire contemporaine. Elles le sont toujours et nous en subissons
les effets d’une étonnante permissivité.
Nous sommes en présence d’une menace sans
précédent : la proximité d’un cahot dans lequel pourraient se précipiter les
génocides dépassant de loin ce que la mémoire humaine peut supporter.
Il est à noter que ce long passage
comporte un état qu’aucun pape moderne n’aura établi sur la réalité du
schisme de la Réforme. Il pourrait s’agir de la fin d’un œcuménisme mou qui
tend à culpabiliser l’Église Catholique de ce qu’elle est en vérité. Mettre
un terme à ce sous-entendu qui consiste à vouloir l’unité au prix d’une
renonciation à ce qui est l’essence même de notre Église, est une nécessité
urgente, impérative, elle ne souffre plus d’atermoiement.
Les catholiques souffrent d’une identité
fragilisée par un discours philosophique, théologique et historique
auto-accusateur, auto-flagellateur. Cela suffit ! Le défunt pape Jean-Paul
II le Grand, lors de l’entrée dans ce nouveau siècle, y a introduit l’Église
par un acte magnifique de repentance. Il n’y a plus aucune raison de partir
enchaîné à la conquête des siècles à venir… Laissons-nous entraîner par
l’école de Marie et pour le reste, comme le disent populairement nos
générations : qu’ils aillent se faire voir !
La rigueur intellectuelle du Saint Père Benoît XVI
s’établit dans une lumière de charité qui ne se sépare pas de l’exigence de
la vérité et ce, aussi bien envers nos frères protestants qu’envers les
tenants des formes diversifiées des errances contemporaines.
Ici, nous voudrions apporter notre témoignage
personnel.
Dans notre recherche
intellectuelle et spirituelle quant à notre besoin de comprendre l’Église
pour mieux la servir et l’aimer, pris dans le maelström des émissions
d’idées toutes contradictoires, la tentation nous est venue de rechercher la
tradition originelle de ses fondations. Nous fûmes tentés de repousser tout
apport hellénistique croyant qu’il fallait vivement rechercher ses
fondations dans les traditions de l’Ancien Testament. Nous fûmes écartés de
celle-ci grâce à Dieu et par la lecture attentive des œuvres majeures de
Platon, la fréquentation de Thomas et de certains de ses affidés.
Il
existe des courants, opposés entre eux, dont l’influence tend à nourrir
cette tentation, cette fuite en avant où se gonfle d’importance un moi
défiguré.
La vie spirituelle et intellectuelle ne supporte pas la
négligence ni la compromission. Le service de la Vérité, quelle que soit sa
forme formelle, est un sacerdoce, car il exige le don de soi, le don du tout
de soi jusqu’à celui du don de sa vie. Ce serviteur est un pont sur lequel
passent les personnes qui des ténèbres prennent le risque de la lumière, un
risque d’appauvrissement du moi…
"Avec ceci, j’arrive à
la conclusion, note Benoît XVI. Cette tentative, uniquement dans de grandes
lignes, de critique de la raison moderne de l’intérieur, n’inclut absolument
pas l’idée que l’on doive retourner en arrière, avant le siècle des
lumières, en rejetant les convictions de l’époque moderne. […] nous sommes
tous reconnaissants pour les possibilités grandioses qu’il a ouvert à
l’homme et pour les progrès dans le domaine humain qui nous ont été donnés.
Du reste, l’ethos de l’esprit scientifique est vous l’avez mentionné,
Monsieur le Recteur, la volonté d’obéissance à la vérité, et donc
l’expression d’une attitude qui fait partie des décisions essentielles de
l’esprit chrétien. L’intention n’est donc pas un recul, une critique
négative ; il s’agit en revanche d’un élargissement de notre concept de
raison et de l’usage de celle-ci. Car malgré toute la joie éprouvée face aux
possibilités de l’homme, nous voyons également les menaces qui y
apparaissent et nous devons nous demander comment nous pouvons les dominer.
Nous y réussissons seulement si la raison et la foi se retrouvent unies
d’une manière nouvelle ; si nous franchissons la limite auto-décrétée par la
raison à ce qui est vérifiable par l’expérience, et si nous ouvrons à
nouveau à celle-ci toutes ses perspectives. C’est dans ce sens que la
théologie, non seulement comme discipline historique, humaine et
scientifique, mais comme véritable théologie, non seulement comme
interrogation sur la raison de la foi, doit trouver sa place à l’université
et dans le vaste dialogue des sciences.
Ce n’est qu’ainsi que nous
devenons également aptes à un véritable dialogue des cultures et des
religions, un dialogue dont nous avons un besoin urgent. Dans le monde
occidental domine largement l’opinion que seule la raison positive et les
formes de philosophie qui en découlent sont universelles. Mais les cultures
profondément religieuses du monde voient précisément dans cette exclusion du
divin de l'universalité de la raison une attaque à leurs convictions les
plus intimes. Une raison qui reste sourde face au divin et qui repousse la
religion dans le domaine des sous-cultures, est incapable de s'insérer dans
le dialogue des cultures. […] Mais la question sur la raison de ce fait
donné existe et doit être confiée par les sciences naturelles à d'autres
niveaux et façons de penser à la philosophie et à la théologie. Pour la
philosophie et, de manière différente, pour la théologie, l'écoute des
grandes expériences et convictions des traditions religieuses de l'humanité,
en particulier celle de la foi chrétienne, constitue une source de
connaissance; la refuser signifierait une réduction inacceptable de notre
capacité d'écoute et de notre capacité à répondre.
Il me vient ici à
l'esprit une parole de Socrate à Phédon. Dans les entretiens précédents, ils
avaient traité de nombreuses opinions philosophiques erronées, et Socrate
s'exclamait alors : « Il serait bien compréhensible que quelqu'un, en raison
de l'irritation due à tant de choses erronées, se mette à haïr pour le reste
de sa vie tout discours sur l'être et le dénigrât. Mais de cette façon, il
perdrait la vérité de l'être et subirait un grand dommage. » Depuis très
longtemps, l'occident est menacé par cette aversion contre les
interrogations fondamentales de sa raison, et ainsi il ne peut subir qu'un
grand dommage. Le courage de s'ouvrir à l'ampleur de la raison et non le
refus de sa grandeur voilà quel est le programme avec lequel une théologie
engagée dans la réflexion sur la foi biblique entre dans le débat du temps
présent. « Ne pas agir selon la raison, ne pas agir
avec le logos, est contraire à la nature de Dieu » a dit Manuel
II, partant de son image chrétienne de Dieu, à son
interlocuteur persan. C'est à ce grand logos, à cette ampleur de la raison,
que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue des cultures. La
retrouver nous-mêmes toujours à nouveau, est la grande tâche de
l'université."
La conclusion de
Benoît XVI ne laisse aucun doute sur la droiture de ses intentions. Il
conclut par un acte d’espérance dans les fruits possibles d’un dialogue
nécessaire entre les religions. Un dialogue qui, de part l’urgence et
l’importance de la situation, demande une vérité totale, intégrale qui ne
laisse aucune place à des sous entendus malsains qui empêcheraient
l’émergence d’une vérité enchâssée dans la charité. La vérité n’est pas
séparable de la charité ni de la justice.
Dans les passages
concernant l’Islam, il n’y a rien d’offensant.
La vérité n’est ressentie comme offensante que par
ceux qui ne veulent pas l’entendre… Si les musulmans décidaient de rompre
tout dialogue avec l’Église, cela serait leur problème, cela serait de leurs
responsabilités au ciel et sur la Terre… Mais ce n’est pas les citations de
Benoît XVI qui les justifieront. Le prétexte est rarement enfant de la
justice et de la vérité.
Il
n’est plus possible pour l’Église d’aller de l’avant sans préciser sa pensée
devant la multiplication de comportements gravement contraires au respect de
la vie, de la dignité de l’homme. Le siècle précédent nous a convaincus
qu’on ne pouvait tuer au nom d’une idéologie ni au nom de Dieu.
La
communauté musulmane ne pourra pas longtemps faire l’impasse sur une analyse
historique, sociologique de sa foi ; si elle se refuse à cette démarche et,
compte tenu de l’épuisement inévitable de ses richesses naturelles, elle
risque de se retrouver marginalisée de l’ensemble de l’humanité d’ici la fin
de ce siècle. Elle n’aurait alors que deux possibilités tragiques, celle de
la guerre contre le genre humain ou celle du repliement sur soi avec
l’assurance d’une disparition progressive et irréversible. Il semble,
qu’elle peut encore échapper à un dilemme tragique, mais la solution se
trouve dans la nécessité exprimée plus haut et dans un effort de vérité et
de respect d’autrui.
Il n’y a aucune raison pour le pape de s’excuser
d’avoir dit la vérité, car il n’y a pas eu de sa part une volonté délibérée
d’offenser les musulmans, d’autant qu’il n’y a rien d’offensant dans le
discours que nous venons de commenter. Encore une fois, la vérité n’offense
que ceux qui ne la veulent recevoir.
Il ne doit pas non plus y avoir chez nos frères
musulmans l’espoir qu’un jour l’Église se soumette à leur loi ; cette
prétention là est irrecevable et présuppose une démarche contraire à
l’humilité de Dieu qui est Vérité et Amour.
La prétention de certains responsables musulmans à
espérer dominer le monde, un pan-islamique, relève d’une perception sortie
de toute réalité qui ne peut que générer un drame…
Nos politiques
doivent avoir une claire conscience qu’il n’y aura pas d’acceptation d’un
second Munich…
Nos intellectuels
doivent reprendre leur indépendance envers les idéologies, les options
politiques et les courants ténébreux qui sont de véritables prédateurs
d’espérance…
Nous voulons, en
ces jours d’épreuve, exprimer notre solidarité avec le Saint Père le pape
Benoît XVI, lui exprimer notre indéfectible communion et union en sa qualité
exclusive de successeur de Pierre sur qui est fondée l’Église du Christ.
Que l’on comprenne bien, il n’y a aucune contradiction par rapport à son
prédécesseur !
La démarche de Benoît XVI est dans la ligne
directrice du Concile Vatican II, dans celle de Paul VI et Jean-Paul II. Il
s’agit d’un accomplissement et non d’une rupture. Il importe peu, que
certains de nos frères catholiques aient fait des rêves, prenant aux forceps
pour vérités leurs aspirations contraires à l’exigence de la vérité
évangélique. Voyons, s’ils se ressaisiront ou s’ils nous joueront l’air des
veilles ganaches en pleurs, remplies de regrets des printemps inaccomplis.
Parce que catholique, nous sommes avec l’Église qui est à Rome. Nous
l’accompagnons dans la foi, l’espérance et la charité sur le chemin de son
Golgotha et sur la Croix. L’épouse n’a pas d’autre voie que celle de l’Époux…
Pierre-Charles
Aubrit Saint Pol
:
lalettrecatholique@yahoo.fr
Son site :
http://lescatholiques.free.fr/
Lire le texte intégral du discours du
pape Benoît XVI à Ratisbonne:
Benoît XVI
►Tous les articles concernant la "controverse" de Ratisbonne
Sources: la lettre catholique 30bis
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.09.2006 - BENOÎT XVI |