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COMMENT AVANCE LA RÉNOVATION ?
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Le 23 octobre 2014 -
(E.S.M.)
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Benoît XVI évoquait à propos de la communion : Prenez garde ! Ce
n'est pas un quelconque rituel social auquel nous pourrions, à notre
gré, participer ou ne pas participer.
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Le pape Benoît XVI
Extraits de la troisième partie "OÙ ALLONS-NOUS?" Entretient de Benoît XVI
avec Peter Seewald.
1)
Le pape, l'Église et les signes des temps - 16.10.2014
2)
Le prétendu blocage des réformes 18.10.2014
3)
COMMENT AVANCE LA RÉNOVATION ? [à suivre... 4) Marie et le
Message de Fatima]
Saint-Père, personne ne contestera la nécessité
d'une purification et d'une rénovation de l'Église, surtout pas après les
tout récents scandales d'abus sexuels. La seule question est de savoir ce
qu'est la rénovation réelle, la bonne rénovation.
Vous l'avez exprimé en termes très forts : le destin de la foi et de
l'Église ne se décide nulle part ailleurs que « dans le contexte de la
liturgie ». En tant que personne extérieure, on pourrait se dire : savoir
quels mots sont prononcés au cours d'une messe, quelle attitude on doit
avoir, quels actes sont accomplis, tout cela est une question plutôt
secondaire ?
L'Église est visible pour les hommes par beaucoup de biais, dans la Caritas,
dans les projets de mission, mais le lieu où on l'éprouve le plus souvent
comme une Église est la liturgie. Et c'est bien comme cela. Après tout, le
sens de l'Église c'est de nous tourner vers Dieu et de laisser entrer Dieu
dans le monde. La liturgie est l'acte dans lequel nous
croyons qu'Il entre et que nous le touchons. Elle est l'acte dans
lequel se produit le singulier : nous entrons en contact avec lui — et nous
sommes éclairés par lui.
Nous recevons ici directive et force sous une double forme : d'une part dans
la mesure où nous entendons sa Parole, si bien que nous l'entendons
réellement parler et que nous recevons ses directives. D'autre part, dans la
mesure où il s'offre lui-même à nous dans le pain devenu son Corps. Bien
sûr, les mots peuvent toujours être différents, les gestes peuvent aussi ne
pas être les mêmes. Dans l'Église orientale, par exemple, quelques gestes ne
sont pas les nôtres. En Inde, certains des gestes que nous utilisons ont une
autre signification. Ce qui compte vraiment, c'est que la Parole de Dieu et
la réalité du sacrement soient véritablement au centre ; que Dieu ne se
résume pas à des paroles ressassées, et que la liturgie ne devienne pas une
simple présentation d'elle-même.
La liturgie est par conséquent quelque chose de
donné à l'avance ?
Oui. Ce n'est pas nous qui faisons quelque chose, ce n'est pas nous qui
montrons notre créativité, c'est-à-dire tout ce que nous pouvons faire avec.
La liturgie n'est justement pas un show, un
théâtre, un spectacle : c'est l'Autre qui lui donne
vie. Il faut aussi que ce soit clair. C'est la raison pour laquelle
le caractère donné de la forme religieuse est tellement important. Cette
forme peut être revue dans le détail, mais elle ne peut pas être produite
à chaque fois par la communauté. Comme je l'ai dit, rappelle Benoît XVI,
il ne s'agit pas de
se produire soi-même. Il s'agit de sortir de soi et d'aller au-delà de
soi-même, de se donner à Lui et de se laisser toucher par Lui.
Dans ce sens, ce n'est pas seulement l'expression, mais aussi le caractère
communautaire de cette forme qui est important. Elle peut être différente
selon les rites, mais elle doit toujours avoir ce qui
nous précède depuis la totalité de la foi de l'Église, la totalité de sa
tradition, la totalité de sa vie, et pas seulement ce qui vient de la mode
du moment.
Cela signifie-t-il que l'on est condamné à la
passivité ?
Non. Car cette approche est justement pour nous une provocation à nous
laisser arracher à nous-mêmes, à la pure situation de l'instant ; à nous
adonner à la totalité de la foi, à la comprendre, à y prendre part et
à
donner à la messe une forme digne d'elle, celle qui la rendra belle et en
fera une joie. C'est un phénomène que l'on a tout particulièrement connu en
Bavière, par exemple avec la grande floraison de la musique religieuse et la
joie exubérante du rococo bavarois. Il est important que l'on donne aussi
une belle forme à cet ensemble, mais toujours au service de ce qui nous
précède, et non comme quelque chose que nous aurions à inventer.
Pour ce qui concerne la sainteté de l'Eucharistie,
vous avez déclaré qu'il n'y a aucune marge de manœuvre. Quelle est la
charnière et le pivot de toute rénovation. Que les transformations
spirituelles ne pouvaient se faire qu'en se fondant sur son esprit.
S'il est vrai, comme nous le croyons, que le Christ est réellement présent
dans l'eucharistie, il s'agit tout simplement de l'événement central. Pas
seulement l'événement d'une seule journée, mais celui de l'histoire du monde
dans son ensemble, en tant que force décisive d'où peuvent ensuite venir des
transformations. L'important, c'est que, dans l'eucharistie, la Parole et la
Présence du Seigneur dans les signes ne font qu'un. Que nous recevons aussi
l'événement sous forme de mots. Que nous y répondons dans notre prière, et
que de cette manière la progression de Dieu et notre progression avec Lui,
la manière dont nous nous laissons transformer, se font écho afin que se
produise cette transformation de l'homme qui est la principale condition de
toute transformation positive du monde.
Si nous voulons que quelque chose aille de l'avant dans le monde, nous ne
pouvons y parvenir qu'en nous fondant sur la norme de Dieu, qui nous
parvient sous forme de la réalité. Dans l'eucharistie, les gens peuvent être
façonnés de telle sorte qu'il advienne quelque chose de nouveau. C'est la
raison pour laquelle les grands personnages qui ont accompli de véritables
révolutions du Bien tout au long de l'histoire sont les saints qui, touchés
par le Christ, ont lancé de nouvelles impulsions dans le monde.
Le document conciliaire
Lumen Gentium
qualifie la participation
dominicale à l'eucharistie de « source et sommet de toute la vie chrétienne
». Le Christ dit : « Je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de
l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'avez point la vie en
vous-mêmes1. » Le Christ dit: « Celui
qui mange ma chair et boit mon sang aura la vie éternelle. »
Vous avez, comme pape, commencé à administrer la communion aux croyants
directement par la bouche, en position agenouillée. Considérez-vous que ce
soit l'attitude la plus adaptée ?
Il faut d'abord dire une chose : il est important que le temps ait une
structure commune pour tous les croyants. L'Ancien Testament en donne le
modèle dès le récit de la Genèse, en présentant le Septième jour comme celui
où Dieu se repose et où les hommes se reposent avec lui. Pour les chrétiens,
cette structure temporelle part du dimanche, le jour de la Résurrection,
celui où II nous rencontre et où nous Le rencontrons. Ici encore, l'acte
principal est en quelque sorte le moment d'union où II se donne à nous.
Je ne suis pas fondamentalement opposé à la communion dans la main, je l'ai
moi-même aussi donnée et reçue ainsi. Mais en faisant recevoir la communion
à genoux, administrée dans la bouche, je voulais donner un signe de respect,
marquer la présence réelle d'une sorte de point d'exclamation. Notamment
parce que dans des manifestations de masse telles que nous en avons à
Saint-Pierre et sur la place Saint-Pierre, le risque de banalisation est
considérable. J'ai entendu parler de gens qui mettent l'hostie dans leur
portefeuille pour l'emporter avec eux comme un quelconque souvenir de
voyage.
Dans ce contexte, je voulais émettre un signal clair à l'attention de ceux
qui pensent que pour recevoir la communion, il suffît d'être là et de suivre
le mouvement. Il faut que ce soit bien compris : ce qui se passe ici n'a
rien d'ordinaire ! Il est ici et c'est devant Lui que l'on s'agenouille.
Prenez garde ! Ce
n'est pas un quelconque rituel social auquel nous pourrions, à notre gré,
participer ou ne pas participer.
1 Jn 6,53, (N.d.T)
Marie est la mère de Dieu. D'une certaine manière,
c'est elle qui met Dieu au monde. Cela ne montre-t-il pas, au sens figuré,
ce que devraient être tous les chrétiens : des gens qui mettent Dieu au
monde ?
Jadis, lorsqu'on lui a dit : « Voici que ta mère et tes frères et tes sœurs
sont là dehors qui te cherchent », notre Seigneur a répondu en désignant les
gens autour de lui et en disant : « Voici ma mère et mes frères. Quiconque
fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère1.
» II nous transmettait également ainsi la mission de la maternité,
consistant en quelque sorte à permettre de nouveau la naissance de Dieu en
ce temps-là. Pour les Pères de l'Église, la naissance de Dieu était l'un des
grands sujets. Ils disaient qu'elle s'était produite une fois à Bethléem,
mais qu'elle doit forcément se reproduire à chaque génération, et que chaque
chrétien est appelé à y participer.
1. Ma 3,32-35. (N.d.T)
Le rôle de Jésus dans la libération des femmes, qui
étaient en bonne partie exclues de l'accès à la religion, à Dieu, à la
société, ne mérite-t-il pas qu'on lui accorde la même valeur qu'à
l'ouverture aux païens de la Révélation de Dieu ?
Ce qui est exact, c'est que Jésus a pris les femmes auprès de lui, ce qui
était jusqu'alors pratiquement inconcevable, qu'après la Résurrection il a
fait d'une femme son premier témoin, que les femmes ont donc été accueillies
dans le cercle le plus intime de ses amis, et qu'il donnait ainsi un nouveau
signal.
Dans la perspective d'une comparaison entre les religions, je serais prudent
avant de dire tout de suite que quelque chose d'explosif apparaît ici. C'est
une ouverture qui se fait lentement. Mais comme vous l'avez dit, il est
important que Jésus ait ouvert une toute nouvelle position aux femmes, d'une
part en faisant de sa mère, sur la croix, la Mère des chrétiens, d'autre
part en accordant à une femme sa première apparition après sa résurrection.
En Occident, l'Église romaine connaît, y compris du
point de vue quantitatif, un bouleversement sans précédent. Dans les dix
années qui viennent, en Allemagne, par exemple, un tiers des membres actuels
de l'Église, des prêtres et des membres des congrégations vont mourir.
Quatre-vingts pour cent environ des quelque vingt-quatre mille femmes que
comptent aujourd'hui les ordres religieux ont aujourd'hui plus de 65 ans. La
pyramide des âges est analogue chez les moines et chez les prêtres. Il faut
fermer des Églises, regrouper des paroisses. Les éléments de « l'Église de
la multitude » vont continuer à fondre.
Vous avez personnellement indiqué dès 1971 que l'Église allait « devenir
petite, puis redémarrer tout au début », quelle ne pourrait plus remplir un
grand nombre des édifices construits dans ses grandes heures, et qu'avec le
nombre de ses adeptes, elle perdrait aussi beaucoup de ses privilèges dans
la société. L'Église actuelle de la multitude, disent certains, ne
correspond plus aujourd'hui qu'à une « administration de l'incroyance
factuelle ». Pourtant, avez-vous estimé, l'Église ne peut pas prendre le
succès extérieur comme critère. Car s'il s'agit avant tout de la quantité
des croyants, ce n'est pas le fond qui est important, mais le simple fait
d'être du lot.
Le temps de l'Église de la multitude touche-t-il à sa fin ?
Si l'on regarde la situation dans le monde, la situation est très variable.
Dans de nombreuses parties du monde, il n'y a jamais eu d'Église de la
multitude. Au Japon, les chrétiens sont une petite minorité. En Corée, ils
sont une force vive qui s'étend et exerce aussi une influence sur la
réflexion publique, mais pas une Église de la multitude. Aux Philippines,
ils sont une Église, et aujourd'hui un Filipino est tout simplement
catholique — avec joie et exaltation. En Inde, les chrétiens sont une
minorité marginale, quoique socialement significative, dont les droits sont
un objet de discussion au sein d'une société qui reconnaît son identité dans
l'hindouisme.
Je l'ai dit, la situation varie beaucoup en fonction des pays. Ce qui est
vrai, c'est que dans le monde occidental l'identification du peuple et de
l'Église est en train de s'étioler. Dans l'est de l'Allemagne par exemple,
ce processus a beaucoup avancé. Les non-baptisés y sont déjà en majorité. Le
nombre des chrétiens est ainsi en recul dans de larges fractions du monde
occidental. Cela dit, il y a toujours une identité culturelle définie à
partir du christianisme et revendiquée comme telle. Je me rappelle un homme
politique français qui a dit de lui-même : « Je suis un protestant athée1.
» Cela signifie : je suis certes athée, mais je me sais culturellement
enraciné dans le protestantisme.
1. Il s'agit de Lionel Jospin, en décembre 1999.
(N.d.T.)
Cela complique les choses.
Oui, car dans le climat général culturel de beaucoup de pays occidentaux,
l'origine chrétienne est encore un élément présent. Mais
nous nous dirigeons
de plus en plus vers un christianisme de choix. Et c'est de lui que dépend
la force générale de l'empreinte chrétienne. Je dirais qu'il faut
aujourd'hui d'une part consolider, animer et étendre le christianisme de
choix de telle sorte qu'un nombre plus important de personnes vivent et
professent de nouveau consciemment leur foi. D'autre part, nous devons
reconnaître que nous ne sommes pas simplement identiques à la culture et à
la nation en tant que telles — mais que nous avons tout de même la force de
leur imprimer des valeurs, de les leur donner comme des modèles qu'elles
acceptent, même si la majorité ne sont pas des chrétiens croyants.
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Lumière du monde :
Extraits de l'Entretien de Benoît XVI
avec Peter Seewald.
Sources : www.vatican.va
2010-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.10.2014
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