Contre le Pape Benoît XVI : la
stratégie de la tension |
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Le 23 septembre 2009 -
(E.S.M.)
- Ce long article très argumenté est issu d'un blog italien dont
l'auteur, Francis Colafemmina, un jeune italien, est spécialiste en humanités
classiques, mais qui semble avoir plusieurs autres cordes à son arc: un
remarquable travail de synthèse: il a répertorié toutes les
polémiques dont Benoît XVI a été le centre pratiquement depuis
la 1ère année de son Pontificat. (Benoit et moi)
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Contre le Pape Benoît XVI : la
stratégie de la tension
Le 23 septembre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Il ne s'agit pas de fantasmes, même si on peut par endroits ne pas être à
100% d'accord avec l'explication qu'il en donne. Les choses se sont vraiment passés ainsi.
A nous, après lecture, de nous faire une idée. Mais surtout, ne balayons pas
les arguments d'un revers de main en disant "encore un complotiste! ", ou
"encore un qui voit le mal partout"!
La stratégie de la tension
Francis Colafemmina
Nous sommes désormais témoins depuis des mois, pour ne pas dire au moins 3
ans, d'une véritable stratégie de tension qui voit des groupuscules de
puissants frondeurs s'opposer aux actions et aux directives de Sa Sainteté
le Pape Benoît XVI.
Cette stratégie mérite d'être révélée une fois pour toutes et analysée dans
sa phénoménologie la plus secrète.
En 2005, le collège des cardinaux a élu pape le cardinal Ratzinger. On
connaissait les positions mesurées et prudentes du Cardinal sur les
révolutions opérées en conflit direct avec les décisions du Concile, mais
toujours motivées par le soi-disant « esprit du Concile ». Ratzinger était
considéré non seulement comme l'homme de confiance de Jean-Paul II, capable
d'assurer une continuité indiscutée avec le grand pape polonais. C'était
aussi le Préfet de l'ex Saint-office, celui qui avait été capable de
maintenir l'orthodoxie catholique, dans un moment de grande tempête
doctrinale et éthique.
Ce choix fut pour beaucoup le signe d'une profonde continuité avec la
papauté de Jean Paul II. Cette élection fut certainement l'œuvre de l'Esprit
Saint.
Toutefois, il est inutile de nier que, depuis avril 2005, le nouveau pape se
trouve devant une foule de cardinaux et de prélats prêt à entraver son
action par tous les moyens.
Ils ont choisi une stratégie subtile, liquide, flexible. Ils ont décidé
d'« exposer » le pape, pour enterrer définitivement tout ce que lui, avec
beaucoup de courage et une bonté infinie, a décidé d'offrir au catholicisme
pour le tirer de l'abîme dans lequel il semblait destiné à sombrer de façon
définitive. Ils ont compris très clairement que la seule façon de vaincre
l'ennemi "idéologique" (en bref tout ce qui s'oppose à la sécularisation de
l'Eglise et au principe intangible de Vatican II entendu comme rupture avec
le passé et adhésion de l'Eglise au monde) , n'était pas de simplement
s'opposer à lui, mais de faciliter sa confrontation avec le monde.
Si le Saint-Père est attaqué par la « société civile » (ou plutôt « incivile
») et par les media pour ses positions "de tranchées"
(comme l'a dit le
néo-catholique Tony Blair) sur l'avortement, la contraception et
l'euthanasie, etc., la tâche de ces novateurs ecclésiaux est extrêmement
facilitée. Leur subtile habilité à manœuvrer les quelques systèmes qui
peuvent assurer leur victoire est ainsi récompensée quotidiennement.
Et il est clair que ces systèmes peuvent se compter sur les doigts d'une
main: on les retrouvera facilement en faisant le tour de la salle de presse
et du bureau des rédacteurs des discours du pape, en passant à travers le
sous-bois curial du secrétariat d'Etat. A ces trois bastions quasiment
inattaquables, mais tout-puissants parce qu'ils filtrent tout et contrôlent
tout, tout en n'étant pas des lieux de prestige immédiat et visible, il faut
ajouter les congrégations et conseils pontificaux, sur le pied de guerre
depuis leurs sommets. Ajoutez à ces structures, les relations
interpersonnelles et le charisme des individus, et vous aurez un tableau
complet des forces sur le terrain.
A présent, il est temps de récapituler brièvement, en s'arrêtant seulement
sur les questions les plus évidentes, les faits des quatre dernières années:
2005
Malgré l'incipit du pontificat coïncidant avec le référendum sur la loi
40 (en Italie, sur la procréation médicalement assistée, ndt), nous devons
admettre que cette année se déroule de façon à peu près "lisse". Le Pape
suscite la ferveur des jeunes à Cologne, il surprend avec l'ouverture à Hans Küng reçu à Castelgandolfo, il se place clairement dans la continuité avec
Jean-Paul II, tout en conservant un style tout à fait nouveau. Toutefois,
les notes de doléance commencent en Décembre. Le
discours à la Curie
romaine, le 22 Décembre 2005, fait réaliser qu'il y a quelque chose de
nouveau dans l'air. Le Pape introduit l'herméneutique de la continuité et
nombreux sont ceux qui sentent leur jambes flageoler à l'idée d'une
"réinterprétation" du Concile. Néanmoins, il est encore trop tôt pour
prendre des mesures.
2006
En Janvier, Sandro Magister publie un article très détaillé qui identifie
les "ennemis" du nouveau Pape:
1) Néocatéchuménaux, 2) Fronde interne de cardinaux, 3) Bureau de traduction
des homélies, des discours et des catéchèses du Pape.
Cette analyse se révélera extrêmement fondée.
La première encyclique papale "Deus
Caritas est" est publiée, et on redécouvre les affinités entre la pensée
de Joseph Ratzinger et celle du grand théologien Romano Amerio
(voir
ici un article de Magister). Mais il s'agit encore de questions culturelles. On n'a
pas encore atteint la première explosion médiatique mondiale du Saint-Père:
l'affaire
de Ratisbonne.
L'affaire de Ratisbonne découle d'un concentré d'ignorance journalistique,
de préjugés anti-papaux, et d'une profonde et continue action de fronde au
sein du Vatican. Le discours n'est pas publié en arabe sur le site Internet
du Saint-Siège, sinon après plusieurs mois. La Salle de Presse est incapable
d'endiguer la polémique, présentant des communiqués tardifs et pas très
efficaces. Commencent alors à se manifester des voix intra-ecclésiales qui
semblent prendre leurs distances avec les paroles du Pape, se montrant
surpris de ce qu'il disait. Le discours de Ratisbonne, un hymne au Logos et
à la culture classique qui est basée sur le logos, est catalogué comme le
premier « incident diplomatique » du Pape Benoît XVI. Personnellement, je
pense que j'ai apporté une petite contribution à l'analyse de la question de
Ratisbonne, par l'édition la première traduction complète des dialogues de
Manuel Paléologue cité par le Saint-Père.
En Novembre, suit l'affaire du
discours fantôme aux évêques de Suisse (ndt:
le discours effectivement prononcé par le Saint-Père n'était pas celui qui
avait été diffusé par la salle de Presse, le pape s'étant exprimé a braccio:).
A la fin de l'année éclate "l'affaire
Wielgus". La responsabilité en revient
presque entièrement de la Congrégation pour les Evêques. Le nouvel
archevêque de Varsovie est en fait un collaborateur de l'ancien régime
communiste. On avait assuré au Pape qu'il s'agissait d'allégations. Le 21
Décembre, la Salle de presse indique que le pape était bien informé et avait
pleine confiance dans le nouvel archevêque. Puis les documents d'archives
sortent. Wielgus a été forcé de démissionner le 7 Janvier 2007.
2007
L'action d'exposition du Pontife se poursuit, et le lent travail de la
fronde. En Janvier, le cardinal Martini commence son puissant manifeste
d'antipape philo-laïciste, ouvert à une révision des questions relatives à
la sacralité de la vie (ndt: à propos de l'affaire Welby).
En Mars, fort rappel à l'ordre de la part du pape et des Evêques de Terre
Sainte aux néocatéchuménes.
Ensuite, c'est la publication de "Jésus de Nazareth» et une fois encore le
tir à vue de Martini sur le Pape théologien, dans les pages du Corriere
della Sera.
Mais en Juillet, on atteint l'apogée: le
Motu Proprio Summorum Pontificum!
Les voix de la dissidence s'amplifient, relayées par les Journaux italiens
et les autres. La fronde comprend que c'est le bon moment pour se
manifester. Ses positions anti - "messe en latin" sont interprétées par la
« société civile » comme un rappel nécessaire pour un revirement du Pape,
celui qui essaie de ramener l'Eglise un siècle en arrière. La grosse caisse
se met à sonner en continu. C'est la guerre ouverte.
A la fin de l'année, Mgr Piero Marini "fiche le camp", après
avoir pris la fantaisie de faire apparaître le Pape à Vienne dans des
parements ridicules de
Schtroumpf
.
2008
Des installations à la Curie semblent offrir une plus grande tranquillité
d'esprit pour le souverain pontife. Dans le même temps le front laïciste,
par lequel le Pape est soumis à une exposition d'au moins un an et demi,
commence à porter ses fruits: en Janvier le pape ne peut pas aller à
l'Université La Sapienza.
Commence alors la controverse avec le monde juif. La libéralisation du
missel de 1962 a mis sur le tapis la question de la prière pour la
conversion des juifs. Jusqu'en Mai 2009, la tension ne cesse de croître sur
la cause de la Béatification de Pie XII et l'ouverture aux Lefebvristes afin
qu'ils rentrent, obéissants, dans le giron de l'Eglise. Le double registre
de l'attaque contre le pape, de la part des laïcs et les frondeurs, se
développe grâce aux déclarations de plus en plus "borderline" du Cardinal
Martini (ndt: reprise d'un article de Sandro Magister:
Le Jésus du card. Martini n'aurait jamais écrit Humanae Vitae).
2009
Arrive l'annus horribilis.
Tout part de la soi-disant affaire Williamson. Comme cela a déjà révélé en
Février par Il Giornale et Il Riformista, selon un dossier ayant
circulé au Vatican, derrière l'explosion de « l'affaire », la mise en scène de
cette nouvelle exposition du pape serait basée en France, à travers quelques
"taupes" au Vatican.
Sans doute quelque responsable au Vatican a dû informer la télévision
suédoise, qui a diffusé l'interview-choc de l'évêque Lefebvriste, qu'en
Octobre 2008 (date de l'enregistrement de l'entretien avec Williamson) la
révocation du
décret d'excommunication était sur le bureau du pape. Et
ensuite, quelques jours avant le 21 Janvier 2009 (date à laquelle
l'interview est diffusée), que le 24 Janvier le décret signé par le pape
serait publié. Le Secrétaire d'Etat, comme d'habitude, minimise la
situation, répondant à la critique avec un retard extrêmement grave et,
entre autres choses, avec un communiqué qui paraît compter parmi les
nouveaux dogmes du catholicisme celui de « la reconnaissance de
l'Holocauste ».
Le pape est maintenant au centre de l'attention des media. Une attention
négative et impitoyable poussée par les nombreux évêques et Cardinaux prêts
à donner des interviews et des communiqués de presse capables d'isoler le
pape et d'en montrer l'action sous un mauvais jour.
Benoît XVI, également en raison de puissantes interventions des Juifs,
réclamant de lui de nombreuses et réitérées condamnations de l'holocauste,
décide de clarifier la question de la levée des excommunications par une
lettre.
Les media lui donnent un relief très faible.
Entre-temps, arrive le voyage de mars au
Cameroun et en Angola. Un passage
mal compris de la
Conférence de presse impromptue dans l'avion transportant
le pape en Afrique ranime l'exposition du pape dans les media du monde
entier. Les condamnations pleuvent, y compris des représentants
institutionnels de plusieurs gouvernements européens.
C'est le point de non-retour. A partir de maintenant tout ce que le pape
dira sera utilisée contre lui.
En Mai, c'est le moment du voyage en
Terre Sainte. Chaque geste du pape est
observé avec une attention minutieuse: désormais, on ne fait plus rien
d'autre que d'attendre un mot à exploiter ou une action à reprendre. Le
Saint-Père dans le mémorial de
Yad Vashem dit que les Juifs pendant le
génocide ont été « tués » . Cela déclenche une protestation par des voix
juives: le Pape aurait dû dire "assassinés", et ajouter que les tueurs
étaient des Allemands ...
En Juillet, la publication de "Caritas
in Veritate" restaure une trêve momentanée. Le Pape est apprécié de tous
côtés, le pouvoir laïciste se félicite des informations contenues dans
l'encyclique. Tout le monde parle en bien du pape, même Barack Obama serait
sur le point de se convertir au catholicisme après la rencontre fructueuse
avec Benoît XVI. Mais dans l'ombre du Palais apostolique, la stratégie de la
tension ne semble pas cesser.
Mercredi 23 Septembre, la télévision suédoise se prépare à lancer une
deuxième
attaque éhontée anti-pape, conçu comme une suite de l'épisode funeste de
Janvier. Les protagonistes sont cette fois explicitement internes à l'Église
catholique. L'attaque est finalement directe contre le Pape.
Cette année n'est pas encore terminée. Je ne pense pas jouer les prophètes
en annonçant de nouvelles expositions médiatiques du Pape en 2010.
Toutefois, pour ceux qui n'ont pas encore compris, il ne s'agit pas
simplement d'agressions contre la personne de Joseph Ratzinger, mais d'une
attaque contre l'Église catholique, une attaque née en son sein et qui
prépare peut-être la voie d'un pontificat ultérieur qui mettra finalement
une pierre tombale sur la vieille tradition de l'Église, avec comme
conséquence une adhésion complète au monde et probablement une absorption
complète par lui. (ndt: personnellement, je ne peux pas
partager cette conclusion pessimiste).
Sources :
Benoit et moi
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.09.09 -
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