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19 Avril 2005
 

Première prédication de carême, en présence du pape Benoît XVI

 

Cité du Vatican, le 22 février 2008  - (E.S.M.) - Ce matin, dans la chapelle "Redemptoris Mater" au Vatican, le père Raniero Cantalamessa, OFM Cap., prédicateur de la Maison Pontificale, a prononcé la première prédication de carême, en présence du Saint-Père Benoît XVI. Le thème des méditations de cette année est: "La Parole de Dieu est vivante et efficace" (Hb 4,12).

Le père Cantalamessa dans la chapelle Redemptoris Mater

Première prédication de carême, en présence du pape Benoît XVI

"La Parole de Dieu est vivante et efficace" (Hb 4,12).

Ce matin, dans la chapelle "Redemptoris Mater" au Vatican, le père Raniero Cantalamessa, OFM Cap., prédicateur de la Maison Pontificale, a prononcé la première prédication de carême, en présence du Saint-Père Benoît XVI. Le thème des méditations de cette année est: "La Parole de Dieu est vivante et efficace" (Hb 4,12).

"En préparation du Synode des évêques sur la Parole de Dieu (5-26 octobre 2008), et en prenant en compte les "Lineamenta" (ou première ébauche sur le thème synodal) - dit un communiqué - une réflexion sera proposée sur l'annonce de l'Évangile dans la vie du Christ (Jésus "qui prêche") et dans la mission de l'Église (le Christ "prêché"), sur la Parole de Dieu comme moyen de sanctification personnelle (lectio divina) et sur la relation entre l'Esprit et la Parole (lecture spirituelle de la Bible)".

La parole de Dieu dans la vie du Christ

"Jésus commença à prêcher"

En vue du Synode des évêques d'Octobre prochain, j'ai pensé consacrer la prédication quadrégésimal de cette année au thème de la Parole de Dieu. Nous méditerons successivement sur l’annonce de l'évangile dans la vie du Christ, c'est-à-dire sur le Jésus "qui prêche", sur l’annonce dans la mission de l'Église, c'est-à-dire sur le Christ « prêché », sur la parole de Dieu comme moyen de sanctification personnelle, de la lectio divina, et sur le rapport entre l'Esprit et la parole, dans la pratique de la lecture spirituelle de la Bible.

Nous commençons cette prédication le jour où l'Église célèbre la fête de la chaire de Saint Pierre et ceci n'est pas sans rapport avec notre thème. Cela nous offre d'abord l’occasion de rendre hommage par notre affection et notre dévotion envers celui qui est assis aujourd'hui sur la chaire de Pierre, le Saint Père Benoît XVI. Cela nous rappelle ensuite ce que l'apôtre Pierre lui-même écrit dans sa Seconde Lettre, c'est-à-dire, « qu'aucune prophétie de l'Écriture ne peut être un objet d'interprétation particulière, (2 P 1, 20) et que donc chaque interprétation de la Parole de Dieu doit être conforme à la tradition vivante de l'Église, dont l’interprétation authentique est confiée au magistère apostolique et, de manière particulière, au magistère pétrinien.

Il est beau, dans une circonstance comme celle-ci et dans le contexte du dialogue œcuménique actuel, de rappeler un texte bien connu de saint Irénée : comme ce serait trop long d'énumérer la succession de toutes les Églises, nous prendrons la très grande et ancienne Église, connue de tous, l'Église fondée et établie à Rome par les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul… Chaque Église doit nécessairement être d’accord avec cette Église, en raison de ses origines les plus influentes (propter potentiorem principalitatem), c'est-à-dire les fidèles qui viennent de partout - dans laquelle a toujours été conservée pour tous les hommes, la Tradition qui vient des apôtres » [S. Irénée, Adv. Haer. III, 2.]. Avec cet esprit, non sans peur et tremblement, je m'apprête à présenter mes réflexions sur le thème de la Parole de Dieu, en présence du successeur de Pierre, l'évêque de l'Église de Rome.

1. La prédication dans la vie de Jésus

Après le récit du baptême de Jésus, l'évangéliste Marc poursuit sa narration en disant : "Jésus alla dans la Galilée, prêchant l'Évangile de Dieu et disait : Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est proche ; convertissez vous et croyez à l'Évangile" (Mc 1, 14 s.). Matthieu, de son coté, écrit : "alors Jésus commença à prêcher et à dire : Convertissez vous, car le Royaume des cieux est proche" (Mt 4, 17). Par ces paroles, commence « l’Évangile » , entendu comme la bonne nouvelle « de » Jésus - c'est-à-dire apportée par Jésus et dont Jésus est le sujet -, distinguée de la bonne nouvelle « sur » Jésus de la prédication apostolique suivante, dans laquelle Jésus est l’objet.

Il s'agit d'un évènement qui occupe une place bien précise dans le temps et dans l'espace : il se produit « en Galilée », « après que Jean fut arrêté ». Le verbe employé par l’évangéliste « commença à prêcher » met en relief qu’il s'agit d'un « début », de quelque chose de nouveau non seulement dans la vie de Jésus, mais dans l'histoire même du salut. La Lettre aux Hébreux exprime ainsi la nouveauté : "Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles." (He 1.1-2). Un temps particulier de salut commence, un nouveau kairos, qui s'étend pendant environ deux ans et demi, (depuis l'automne 27, jusqu'au printemps 30).

Jésus attribuait à son activité une telle importance, à dire d'avoir été envoyé par le Père et consacré par l'onction de l'Esprit précisément pour cela, c'est-à-dire pour annoncer aux pauvres la bonne nouvelle (Lc 4, 18). A une occasion, pendant que certains voulaient le retenir, il sollicite les apôtres à partir, en leur disant : Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que j'y prêche aussi; car c'est pour cela que je suis sorti  (Mc 1.38).

La prédication fait partie des soi-disant "mystères de la vie du Christ". Avec le mot "mystère", on entend, dans ce contexte, un évènement de la vie de Jésus porteur d'un sens salvifique particulier, qui comme tel, est célébré par l'Église dans sa liturgie (Cf. S. Augustin, Lettres, 55, 1.2). S'il n'existe pas une fête liturgique spécifique de la prédication de Jésus, c'est parce qu'elle est rappelée dans chaque liturgie de l'Église. La "liturgie de la Parole" dans la Messe n'est rien d'autre que l'actualisation liturgique de Jésus qui prêche. Le texte du Concile Vatican II dit : "le Christ est présent dans sa Parole, puisqu'il parle lorsque dans l'Église on lit l'Écriture Sainte" (Sacrosanctum_Concilium 7).

Comme, dans l'histoire, après avoir prêché le Royaume de Dieu, Jésus alla à Jérusalem pour s'offrir en sacrifice au Père, ainsi, dans la liturgie, après avoir à nouveau proclamé sa Parole, Il renouvelle l'offre de lui-même au Père à travers l'action eucharistique. Lorsque, à la fin de la préface, nous disons : "Bénis soi celui qui vient au nom du Seigneur : Hosanna au plus haut des cieux", nous nous reportons en pensée à cet instant où Jésus entre à Jérusalem pour célébrer sa Pâques ; là, le temps de la prédication se termine et commence le temps de la passion.

La prédication de Jésus est donc un "mystère" parce qu'il ne contient pas seulement la révélation d'une doctrine, mais explique le mystère même de la personne du Christ ; c'est essentiel pour comprendre soit ce qui précède - un mystère de l'incarnation -, soit ce qui suit : le mystère pascal. Sans la Parole de Jésus, ce seraient des évènements muets. Jean-Paul II a eu  une heureuse intuition d'insérer la prédication du Royaume parmi les "mystères lumineux" ajoutés par lui aux mystères joyeux, douloureux et glorieux du Rosaire, à côté du baptême du Christ, des noces de Cana, de la Transfiguration et l’institution de l’Eucharistie.


2. La prédication du Christ se poursuit dans l'Église

L'auteur de la Lettre aux Hébreux écrivait longtemps après la mort de Jésus, et donc longtemps après que Jésus ait cessé de parler ; et pourtant il dit que Dieu nous a parlé par le Fils « en ces jours qui sont les derniers ». Il considère par conséquent les jours durant lesquels il vit comme faisant partie des « jours de Jésus ». Par conséquent, un peu plus loin, citant la parole du psaume : « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs », il l'applique aux chrétiens en disant : « Prenez garde, frères, qu'il n'y ait peut-être en quelqu'un d'entre vous un cœur mauvais, assez incrédule pour se détacher du Dieu vivant. Mais encouragez-vous mutuellement chaque jour, tant que vaut cet aujourd'hui » (cf. He 3, 7 s.). Dieu parle donc aujourd'hui aussi dans l'Église et il parle « par le Fils ». « Dieu - lit-on dans Dei Verbum - qui a parlé jadis, s'entretient sans arrêt avec l'Epouse de son Fils bien-aimé, et... l'Esprit-Saint, par qui la voix vivante de l'Evangile retentit dans l'Église et par l'Église dans le monde, introduit les croyants dans tout ce qui est vérité, et fait résider chez eux en abondance la parole du Christ » (Dei Verbum, 8).

Mais comment et où pouvons-nous écouter « sa voix » ? La révélation divine est terminée ; d'une certaine manière, il n'y a plus de paroles de Dieu. Et voici que nous découvrons une autre affinité entre Parole et Eucharistie. L'Eucharistie est présente dans toute l'histoire du salut : dans l'Ancien Testament, comme figure (l'agneau pascal, le sacrifice de Melchisédech, la manne), dans le Nouveau Testament, comme événement (la mort et la résurrection du Christ), dans l'Église, comme sacrement (la messe).

Le sacrifice du Christ est terminé ; il s'est conclu sur la croix. Dans un certain sens, donc, il n'y a plus de sacrifices du Christ ; et pourtant nous savons qu'il y a encore un sacrifice et c'est l'unique sacrifice de la Croix qui est présent et qui agit dans le sacrifice eucharistique ; l'événement se poursuit dans le sacrement, l'histoire dans la liturgie. Une chose analogue se produit avec la parole du Christ : celle-ci a cessé d'être en tant qu'événement, mais elle continue d'exister en tant que sacrement.

Dans la Bible, la parole de Dieu (dabar), souvent sous la forme particulière qu'elle assume chez les prophètes, constitue toujours un événement ; c'est une parole-événement, c'est-à-dire une parole qui crée une situation, qui réalise toujours une chose nouvelle dans l'histoire. L'expression récurrente « la parole de Yahvé fut adressée à... » pourrait être traduite par : « La parole de Yavhé se concrétisa en la personne de... » (Ezéchiel, Aggée, Zacharie, etc.).

Ce type de parole-événement se poursuit jusqu'à Jean Baptiste ; dans Luc on lit en effet : « L'an quinze du principat de Tibère César, ...la parole de Dieu fut adressée à (factum est verbum Domini super) Jean, fils de Zacharie, dans le désert » (Lc 3, 1 ss.). Puis cette formule disparaît complètement de la Bible et elle est remplacée par une autre. Ce n'est plus « Factum est verbum Domini », mais : « Verbum caro factum est » : le Verbe s'est fait chair (Jn 1, 14). A présent, l'événement est une personne ! On ne voit nulle part la phrase : « La parole de Dieu fut adressée à Jésus ! », car il est la Parole. Aux réalisations provisoires de la parole de Dieu chez les prophètes succède maintenant la réalisation pleine et définitive.

En nous donnant le Fils - écrit saint Jean de la Croix dans une page célèbre - Dieu nous a tout dit en une seule fois et il n'a plus rien à révéler. N'ayant plus rien à dire, Dieu est devenu, d'une certaine manière, muet (Cf. S. Jean de la Croix, Montée au montCarmel II, 22, 4-5). Mais il faut bien comprendre : Dieu est devenu muet dans le sens où il ne dit pas de choses nouvelles par rapport à ce qu'il a dit en Jésus, mais pas dans le sens qu'il ne parle plus ; il redit sans cesse ce qu'il a dit une fois en Jésus !

Il n'y a plus de paroles-événement dans l'Église ; la parole de Dieu ne descendra plus sur une personne comme elle descendit jadis sur Samuel, sur Jérémie ou sur Jean Baptiste ; mais il y a des paroles-sacrement. Les paroles-sacrement sont les paroles de Dieu qui « se sont réalisées » une fois pour toutes et qui ont été consignées dans la Bible, qui redeviennent « réalité active » chaque fois que l'Église les proclame avec autorité et que l'Esprit qui les a inspirées les rallume dans le cœur de ceux qui les écoutent. « ...c'est de mon bien qu'il recevra et il vous le dévoilera », dit Jésus de l'esprit Saint (Jn 16, 14).

3. La parole, sacrement que l'on entend

Quand on parle de la Parole en tant que « sacrement », on prend ce terme non pas au sens technique et strict des « sept sacrements », mais au sens plus large où l'on parle du Christ comme du « sacrement primordial du Père » et de l'Église comme du « sacrement universel de salut » (Cf. Lumen Gentium). En se basant sur la définition que saint Augustin donne du sacrement : « une parole que l'on voit » (verbum visibile) (S. Augustin, Traités sur l'évangile de Jean, 80.3), on a l'habitude de définir, par opposition, la parole, comme « un sacrement que l'on entend » (sacramentum audibile).

Dans tout sacrement on distingue un signe visible et la réalité invisible qui est la grâce. La parole que nous lisons dans la Bible n'est, en soi, qu'un signe matériel (comme l'eau et le pain), un ensemble de syllabes mortes, tout au plus une parole du vocabulaire humain comme les autres ; mais grâce à l'intervention de la foi et l'illumination de l'Esprit Saint, à travers ce signe, nous entrons mystérieusement en contact avec la vérité et la volonté vivantes de Dieu, et nous écoutons la voix même du Christ.

« Le corps de Jésus Christ, écrit Bossuet, n'est pas plus réellement dans le sacrement adorable que la vérité de Jésus Christ est dans la prédication évangélique. Dans le mystère de l'Eucharistie, les espèces que vous voyez sont des signes, mais ce qui est contenu en elles est le corps même du Christ ; dans les Saintes Écritures, les paroles que vous écoutez sont des signes, mais la pensée qu'elles vous transmettent est la vérité même du Fils de Dieu ».

La sacramentalité de la parole de Dieu se révèle dans le fait que parfois celle-ci agit manifestement au-delà de la compréhension de la personne, qui peut être limitée et imparfaite, elle agit presque par elle-même, ex opere operato, comme on dit en théologie.

Quand le prophète Elisée dit à Naaman le Syrien, qui était venu le voir pour être guéri de la lèpre, de se laver sept fois dans le Jourdain, celui-ci répondit, indigné : « Est-ce que les fleuves de Damas, l'Abana et le Parpar, ne valent pas mieux que toutes les eaux d'Israël ? Ne pourrais-je pas m'y baigner pour être purifié ? » (2 R 5, 12). Naaman avait raison : les fleuves de Syrie étaient sans aucun doute meilleurs et plus riches en eau ; et pourtant, il fut guéri en se baignant dans le Jourdain et sa peau devint comme celle d'un jeune homme, ce qui ne se serait jamais produit s'il s'était baigné dans les grands fleuves de son pays.

Ainsi en est-il de la parole de Dieu contenue dans les Écritures. Parmi les nations, et même dans l'Église, il y a eu et il y aura des livres meilleurs que certains livres de la Bible, plus raffinés sur le plan littéraire et plus édifiants sur le plan religieux (il suffit de penser à L'imitation de Jésus Christ), et pourtant aucun de ces livres n'agit comme agit le plus modeste des livres inspirés. Dans la parole des Écritures, il y a quelque chose qui agit au-delà de toute explication humaine ; il existe une disproportion évidente entre le signe et la réalité qu'il produit, qui fait précisément penser à la manière d'agir des sacrements.

Les « eaux d'Israël », qui sont les Écritures inspirées par Dieu, continuent aujourd'hui de guérir de la lèpre du péché. A la fin de la lecture de l'Evangile, au cours de la messe, l'Église invite le ministre à embrasser le livre et à dire : « Que cet Évangile efface nos péchés » (per evangelica dicta deleantur nostra delicta). Les Ecritures elles-mêmes attestent du pouvoir de guérison de la parole de Dieu : « Et de fait, ce n'est ni herbe ni émollient qui leur rendit la santé, mais ta parole, Seigneur, elle qui guérit tout ! » (Sg 16, 12).

L'expérience le confirme. J'ai entendu une personne témoigner lors d'une émission télévisée à laquelle je participais. C'était un homme souffrant d'alcoolisme au dernier degré ; il ne pouvait pas rester plus de deux heures sans boire ; sa famille était au bord du désespoir. Il fut invité, avec sa femme, à une rencontre sur la parole de Dieu au cours de laquelle on lut un passage des Écritures. Une phrase le saisit comme du feu et il sentit qu'il était guéri. Par la suite, chaque fois qu'il était tenté de boire, il courrait ouvrir la Bible à cet endroit et par le seul fait de relire les paroles, il sentait la force revenir en lui, jusqu'à ce qu'il fut complètement guéri. Lorsqu'il voulut dire quelle était cette phrase, l'émotion lui fit perdre la voix. C'était la parole du Cantique des Cantiques : « Tes amours sont plus délicieuses que le vin » (Ct 1, 2). Ces paroles toutes simples, qui n'avaient apparemment rien à voir avec son cas, avaient accompli le miracle. On lit un épisode analogue dans « Récits d'un pèlerin russe ». Mais le cas le plus célèbre est celui d'Augustin. En lisant les paroles de saint Paul aux Romains 13, 11 ss. « Laissons là les œuvres de ténèbres... Comme il sied en plein jour, conduisons-nous avec dignité : ...pas de luxure ni de débauche », il sentit « une lumière de sérénité » lui envahir le cœur et comprit qu'il était guéri de l'esclavage de la chair (S. Augustin, Confessions).

4. La liturgie de la parole

Il y a un domaine et un moment dans la vie de l'Église où Jésus parle aujourd'hui de manière plus solennelle et plus sûre : la liturgie de la parole au cours de la messe. Dans les premiers temps de l'Église, la liturgie de la parole était séparée de la liturgie eucharistique. Les disciples, lit-on dans les Actes des Apôtres, « jour après jour, d'un seul cœur, fréquentaient assidûment le Temple » où ils écoutaient la lecture de la Bible, récitaient les psaumes et les prières avec les autres juifs ; faisaient ce qui se fait lors de la liturgie de la parole ; puis se réunissaient à part, dans leurs maisons, pour « rompre le pain », c'est-à-dire pour célébrer l'Eucharistie (cf. Ac 2, 43).

Très vite cependant, cette pratique devint impossible aussi bien à cause de l'hostilité de la communauté juive à leur égard, que parce que les Écritures avaient désormais acquis un sens nouveau, entièrement orienté vers le Christ. C'est ainsi que l'écoute des Écritures fut également transférée du temple et de la synagogue aux lieux de culte chrétiens, devenant l'actuelle liturgie de la parole qui précède la prière eucharistique.

Au IIe siècle, saint Justin fait une description de la célébration eucharistique dans laquelle sont désormais présents tous les éléments essentiels de la future messe. Non seulement la liturgie de la parole en est une partie intégrante mais aux lectures de l'Ancien Testament ont désormais été ajoutées celles que le saint appelle « les mémoires des apôtres », c'est-à-dire les Évangiles et les Lettres, c'est-à-dire le Nouveau Testament.

Écoutées au cours de la liturgie, les lectures bibliques acquièrent un sens nouveau et plus fort que lorsqu'elles sont lues dans d'autres contextes. Elles n'ont pas tant le but de mieux connaître la Bible comme lorsqu'on la lit à la maison ou dans une école biblique, mais celui de reconnaître celui qui est présent dans l'action de rompre le pain, et d'éclairer chaque fois un aspect particulier du mystère qu'ils s'apprêtent à vivre. Cela apparaît de manière programmatique dans l'épisode des deux disciples d'Emmaüs : c'est en écoutant l'explication des Écritures que le cœur des disciples commença à s'ouvrir, si bien qu'ils furent capables de le reconnaître au moment où il rompait le pain.

Un exemple parmi tant d'autres : les lectures du XXIXe dimanche du temps ordinaire du cycle B. La première lecture est un passage sur le serviteur souffrant qui prend sur lui les fautes du peuple (Is 53, 2-11) ; la deuxième lecture parle du Christ grand prêtre éprouvé en tout comme nous, excepté le péché ; le passage de l'Évangile parle du Fils de l'homme venu donner sa vie en rançon pour une multitude. Ensemble, ces trois passages soulignent un aspect fondamental du mystère que l'on s'apprête à célébrer et à recevoir dans la liturgie eucharistique.

Au cours de la messe, les paroles et les épisodes de la Bible ne sont pas seulement racontés, mais revécus ; la mémoire devient réalité et présence. Ce qui se produisit « alors », se produit « maintenant », « aujourd'hui » (hodie) comme aime à le dire la liturgie. Nous ne sommes pas seulement des auditeurs de la parole, mais des interlocuteurs et des acteurs dans cette parole. C'est à nous, ici présents, que la parole est adressée ; nous sommes appelés à prendre la place des personnages évoqués.

Ici encore, quelques exemples nous aideront à comprendre. Dans la première lecture, on lit l'épisode de Dieu qui parle à Moïse depuis le buisson ardent : au cours de la messe, nous sommes là, devant le vrai buisson ardent. On lit qu'Isaïe reçoit sur ses lèvres le vrai charbon ardent qui le purifie pour la mission : nous sommes prêts à recevoir sur nos lèvres la vrai charbon ardent,, celui qui a apporté le feu sur la terre. Ézéchiel est invité à manger le rouleau des oracles prophétiques et nous nous apprêtons à manger celui qui est la parole même faite chair et pain..

Les choses deviennent plus claires encore si nous passons de l'Ancien au Nouveau Testament, de la première lecture au passage de l'Évangile. La femme qui souffrait d'hémorragies est certaine d'être guérie si elle réussit à toucher un pan du manteau de Jésus : que dire de nous qui sommes sur le point de toucher bien plus que le pan de son manteau ? Un jour j'écoutais l'épisode de Zachée, dans l'Évangile, et je fus frappé de voir combien il était « actuel ». J'étais Zachée, c'était moi ; les paroles m'étaient adressées à moi : « Il me faut aujourd'hui demeurer chez toi » ; c'était de moi que l'on pouvait dire : « Il est allé loger chez un homme pécheur ! » et c'était à moi, après l'avoir reçu dans la communion que Jésus disait : « Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison ».

C'est ce qui se passe pour chaque épisode de l'Évangile. Comment ne pas s'identifier au cours de la messe, au paralytique auquel Jésus dit : « Mon enfant, tes péchés sont remis » puis « lève-toi... et va-t'en chez toi », avec Siméon qui serre l'Enfant Jésus dans ses bras, avec Thomas qui touche ses plaies en tremblant ? Dans la célébration des jours de la semaine, l'Évangile d'aujourd'hui, vendredi de la deuxième semaine de carême, est la parabole des vignerons homicides (Mt 21, 33-45) : « Finalement il leur envoya son fils, en se disant : Ils respecteront mon fils ! » Je me souviens de l'effet qu'eut cette parole sur moi un jour où je l'écoutais de manière plutôt distraite. Ce même Fils allait m'être donné dans la communion : étais-je préparé à le recevoir avec le respect que le Père du ciel attendait ?

Non seulement les faits, mais aussi les paroles écoutées pendant la messe acquièrent un sens nouveau et plus fort. Un jour d'été, alors que je célébrais la messe dans un petit monastère de clôture, le passage de l'Évangile était Matthieu 12. Je n'oublierai jamais l'effet de ces paroles de Jésus sur moi : « Et il y a ici plus que Jonas. Et il y a ici plus que Salomon ! » C'était comme si je les entendais pour la première fois. Je comprenais que ces deux adverbes « maintenant » et « ici » [ndlr Zenit : Dans la traduction française de ce passage, seul l'adverbe « ici » a été traduit, l'italien dit en revanche : « Maintenant et ici... »] signifiaient vraiment maintenant et ici, c'est-à-dire à ce moment et en ce lieu, pas seulement au temps où Jésus était sur terre, il y a plusieurs siècles. Depuis ce jour, ces paroles me sont devenues chères et familières d'une manière nouvelle. Souvent, pendant la messe, au moment où je m'agenouille et me relève après la consécration, je répète en moi-même : « Et il y a ici plus que Jonas... Et il y a ici plus que Salomon ! »

« Vous qui avez l'habitude de prendre part aux mystères divins, disait Origène aux chrétiens de son époque, quand vous recevez le corps du Seigneur, vous le conservez avec une infinie prudence et vénération, afin que pas même une miette ne tombe, afin que rien ne se perde du don consacré. Vous êtes convaincus, à juste titre, que c'est une faute d'en laisser tomber des fragments par négligence. Si vous êtes aussi prudents pour conserver son corps - et il est juste que vous le soyez - sachez que négliger la parole de Dieu n'est pas une faute moins importante que celle de négliger son corps » (Origène, In Exod. hom. XIII, 3).

Parmi les nombreuses paroles de Dieu que nous écoutons chaque jour à la messe ou dans la liturgie des heures, il y en a presque toujours une qui nous est adressée en particulier. Elle peut à elle seule remplir notre journée tout entière et illuminer notre prière. Il s'agit de ne pas la laisser tomber dans le vide. Diverses sculptures et bas-reliefs antiques d'Orient présentent le scribe en train de recueillir la voix du souverain qui dicte ou parle : on le voit extrêmement attentif : les jambes écartées, le buste droit, les yeux écarquillés, les oreilles tendues. C'est l'attitude qui est attribuée au Serviteur du Seigneur dans Isaïe : « Il éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j'écoute comme un disciple » (Is 50, 4). C'est l'attitude que nous devrions avoir quand la parole de Dieu est proclamée.

Accueillons donc, comme si elle nous était adressée, l'exhortation contenue dans le Prologue de la Règle de saint Benoît : « Les yeux ouverts à la lumière divine, écoutons avec des oreilles attentives et pleines d'émerveillement, la voix divine qui chaque jour s'adresse à nous et crie : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs, et encore : Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises. » (Ps 94, 8 ; Ap 3, 13) (Règles monastiques d ’occident, Qiqajon, Communauté de Bose, 1989, p. 53).

Les prochaines prédications auront lieu les vendredi 29 février et 7 et 14 mars.

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Sources: http://www.cantalamessa.org/it - (traduction ZF08022203)

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Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 22.02.2008 - T/Carême - T/Méditation - T/Synode

 

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