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19 Avril 2005
 

Bernanos, un feu jeté sur la terre

 

Le 21 décembre 2008 - (E.S.M.) - En notre époque d'anémie intellectuelle et de pensée unique, Bernanos mérite, plus que jamais, d'être lu et relu. Car il est non seulement un immense romancier, mais aussi un essayiste prophétique, un esprit libre qui a su s'affranchir de tout parti pour défendre à temps et à contretemps sa conception du bien et de l'honneur.

Bernanos, un feu jeté sur la terre

Le 21 décembre 2008 -  Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - Georges Bernanos accompagne la France, depuis presque un siècle, de son verbe enflammé qu'aucune puissance terrestre n'aura pu faire taire. L'écrivain, essayiste violent et romancier de la grâce, disparu il y a 60 ans, méritait bien que l'on revienne encore une fois sur sa vie et son œuvre, prophétique au sens véritable, pour les trahisons maintenant réalisées qu'elle annonçait et pour les dangers aujourd'hui vérifiés du faux progrès qu'elle prédisait. Il n'est pas urgent de relire Bernanos. Seulement nécessaire.

par Christophe Geffroy

En notre époque d'anémie intellectuelle et de pensée unique, Bernanos mérite, plus que jamais, d'être lu et relu. Car il est non seulement un immense romancier, mais aussi un essayiste prophétique, un esprit libre qui a su s'affranchir de tout parti pour défendre à temps et à contretemps sa conception du bien et de l'honneur. Et ce qu'il nous a dit de l'honneur justement, de la patrie ou du monde moderne n'a pas pris une ride, bien au contraire: les événements, hélas! si l'on ose dire, lui ont donné mille fois raison.

Né le 20 février 1888 à Paris, Bernanos grandit dans une famille monarchiste. Il découvre Drumont avec son père, fidèle lecteur de La libre parole. A seize ans, il s'inscrit aux Camelots du Roi, parce qu'il croit que Maurras est « l'homme du coup de force »
(Scandale delà vérité). Et qu'il le ferait dans un esprit anti-conservateur et anti-bourgeois, comme l'était la première Action française, alors soucieuse de justice sociale et proche d'un certain syndicalisme ouvrier. Jusqu'à la guerre, Bernanos est aux avant-postes du combat royaliste. Bien que réformé en 1914, il se porte volontaire et combat de façon héroïque. En 1917, il épouse Jeanne Talbert d'Arc, descendante d'un frère de la sainte nationale, qui lui donnera six enfants. Il est déçu, après-guerre, par le comportement de l'Action française qui, ne semblant plus envisager le « coup de force » contre la République, n'est plus « un instrument de conquête » (1) : l'AF ne joue-t-elle pas le jeu parlementaire en présentant des candidats aux élections de 1919 ? Il en démissionne alors et écrit : « À force de prétendre obéir sans comprendre, on risque de ne plus comprendre pourquoi on obéit ». Il s'éloigne de l'AF et gagne sa vie jusqu'en 1926 dans les assurances.

En mars de cette année-là, il publie dans la collection du « Roseau d'or » - dirigée par Jacques Maritain, Henri Massis et Stanislas Fumet - Sous 7e soleil de Satan qui connaît un large succès - grâce notamment au soutien élogieux de Léon Daudet dans l'Action française. Ce succès lui apporte une aisance financière - très provisoire - qui lui permet de se consacrer entièrement à son métier d'écrivain. C'est alors qu'éclaté l'affaire de la condamnation de l'Action française par Rome. Indigné par ce qu'il estime être « une abominable injustice », il soutient l'AF dès août 1926. Ce soutien ne marque pas le retour de Bernanos dans son giron. Son désaccord de 1919 reste entier. Il écrit même à Massis en novembre 1926 qu'« en un sens l'Action française n'a pas volé ce coup dur ». Mais, en tant que catholique, il tient à marquer publiquement sa solidarité avec les nombreux chrétiens de l'AF qui ne sont pas responsables de l'agnosticisme de Maurras. N'étant lui-même plus membre de l'AF, Bernanos écrit: « Je n'en suis que plus libre d'exprimer ma douloureuse surprise d'une condamnation qui en n'atteignant de fait que les chefs incroyants de l'Action française
(par conséquent hors de l'Église et de sa juridiction) risque de déshonorer, grâce à une équivoque que je souhaite involontaire, des catholiques irréprochables ». Cette condamnation touche profondément Bernanos qui y voit une intrusion du spirituel dans le temporel. Elle est pour lui aussi la marque d'un déclin de l'Église : « une nouvelle invasion moderniste commence, et vous en voyez les fourriers. Cent ans de concessions, d'équivoque, ont permis à l'anarchie d'entamer profondément le clergé... Je crois que nos fils verront le gros des troupes de l'Église du côté des forces de mort. Je serai fusillé par des prêtres bolcheviks qui auront le Contrat Social dans la poche et la croix sur la poitrine ».

Bernanos poursuit sa jeune carrière d'écrivain - il a presque 40 ans - avec deux nouveaux romans, L'Imposture
(1927) et La Joie (1929, qui reçoit le prix Femina), dont on peut dire qu'ils illustrent, comme toute son œuvre romanesque, ce mot de saint Paul : « Où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). En 1931, il publie son premier grand essai, La grande peur des bien-pensants. Cet ouvrage, qui se veut un hommage à son maître Édouard Drumont, pose la question de l'antisémitisme de Bernanos. En fait le livre n'aborde guère cette question mais s'intéresse à la dérive de la France depuis la Révolution, par l'avènement de la bourgeoisie, du capitalisme anonyme et finalement du pouvoir absolu de l'argent. Et Bernanos reproche aux catholiques d'avoir suivi la bourgeoisie par peur ou par intérêt : tel est son « antisémitisme » qui s'identifie à son aversion du pouvoir de l'argent assimilé par Drumont aux fortunes juives. Mais lorsque l'antisémitisme se manifesta de façon violemment agressive avec le nazisme, Bernanos s'y opposa sans ambages et mit en garde contre le péril totalitaire, dénonçant « la hideuse propagande antisémite » ou accusant Céline de s'être « trompé cette fois d'urinoir » en publiant Bagatelles pour un massacre (1937). En mai 1944, il écrit: « Ce mot (d'antisémite) me fait de plus en plus horreur, Hitler l'a déshonoré à jamais. [...] Je ne suis pas antisémite [...]. Je ne suis pas antijuif, mais je rougirais d'écrire contre ma pensée qu'il n'y a pas de problème juif, ou que le problème juif n'est qu'un problème religieux. Il y a une race juive, [...] il y a une sensibilité juive, une pensée juive, un sens juif de la vie, de la mort, delà sagesse et du bonheur. Que ces traits communs - sociaux ou mentaux — soient plus ou moins accusés, je l'accorde volontiers. Ils existent, voilà ce que j'affirme, et en affirmant leur existence, je ne les condamne ni ne les méprise » (Le chemin de la croix des âmes). Sur cette question, il faut aussi se reporter à l'admirable et si profond texte intitulé « L'honneur est ce qui nous rassemble », publié après sa mort en 1949 : « Je crois avoir quelque chose à dire sur les morts juifs, sur les innombrables morts juifs, sur les immenses charniers juifs de cette guerre [...]. Ayant écrit La grande peur des bien-pensants, je passe pour antisémite et je ne saurais m'en indigner sans hypocrisie [...]. Le mot d'antisémite est un mot mal né [...]. Le mot d'antisémite n'est pas un mot d'historien, c'est un mot de foule, un mot de masse, et le destin de pareils mots est de ruisseler, tôt ou tard, de sang innocent » (Français, si vous saviez).

Traîné dans la boue

La rupture définitive avec l'Action française se produit en 1932 à l'occasion d'une polémique menée par le quotidien monarchiste contre le parfumeur François Coty, alors propriétaire du Figaro où collabore Bernanos depuis peu. Le 15 mai, Bernanos dénonce ces attaques inutiles et devient la nouvelle cible de l'AF qui, dès le lendemain, publie sous la plume de Maurras « Un adieu » auquel Bernanos répond le 21 mai par un poignant « A Dieu ». La rupture aurait pu en rester là. C'était sans compter sur la pugnacité de l'AF qui n'a jamais été aussi violente que contre ses anciens amis et dont les polémiques prenaient trop systématiquement un tour personnel, comme s'il fallait attaquer la personne pour atteindre ses idées. En octobre, Bernanos écrit : « Je ne marcherai pas sur mon propre passé pour atteindre un homme
(Maurras) dont je souhaite de toutes mes forces que la vieillesse ne soit pas une immense déception pour mon pays ». Dès lors, Bernanos est traîné dans la boue par l'AF de façon assez ignoble. Certes, lui-même a une plume acérée de polémiste de haut vol, mais, ainsi que l'a fort justement écrit François Mauriac, « les invectives de Bernanos demeurent liées à une nappe souterraine de charité qui a baigné et embrase toute sa vie » (2). Cette violente rupture avec l'AF n'a cependant jamais éloigné Bernanos de son idéal monarchiste.

En 1934, Bernanos et sa famille fuient les créanciers et s'installent à Majorque. C'est là qu'il écrit le Journal d'un curé de Campagne qui reçoit le Grand prix du roman de l'Académie française
(1936). Aux Baléares, il est au premier rang pour observer la guerre civile espagnole qui éclate en juillet 1936. D'abord favorable aux franquistes, il s'en éloigne après avoir vu leurs exactions. Le souci de la vérité le pousse à témoigner. Il publie en 1938 Les grands cimetières sous la lune. Cet essai marque-t-il un revirement dans la pensée de Bernanos ? Nullement. Bernanos ne prend pas partie pour les Républicains dont il connaît la barbarie et les horreurs antireligieuses, mais il affirme que ces horreurs ne peuvent justifier les massacres d'innocents dont il est le témoin et, plus encore, ne sauraient légitimer l'utilisation de la religion pour une cause politique qui lui est étrangère - l'utilisation du terme de « croisade » (antibolchevique) l'a particulièrement révolté. « Je comprends très bien que l'esprit de Peur et l'esprit de Vengeance - mais ce dernier est-il autre chose que l'ultime manifestation de la Peur - inspirent la Contre-Révolution espagnole, écrit Bernanos dans Les grands cimetières. Qu'un tel esprit l'ait inspiré, je ne m'en étonne nullement. Qu'il la nourrisse aussi longtemps, voilà le problème. J'écris donc, en langage clair, que la Terreur aurait depuis longtemps épuisé sa force si la complicité plus ou moins avouée, ou même consciente des prêtres et des fidèles, n'avait finalement réussi à lui donner un caractère religieux ». Les évêques espagnols ont essayé d'obtenir la mise à l'Index de l'ouvrage, mais il semble que Pie XI s'y soit lui-même opposé. Le cardinal Pacelli - futur Pie XII -, lui aussi pressé d'agir contre Bernanos, a répondu: « Cela brûle, mais cela éclaire ».

Contre l'esprit matérialiste

Obligé de quitter les Baléares, Bernanos revient en France - il publie la Nouvelle histoire de Mouchette en 1937 — mais dégoûté par ce qu'il y voit, désespéré par la lâcheté des démocraties face aux totalitarismes, il repart en juillet 1938, pour s'installer cette fois-ci au Paraguay puis au Brésil où il demeure jusqu'en 1945.

La tyrannie de l'argent

En 1939, il publie à trois mois d'intervalle Scandale de la vérité et Nous autres Français, où, s'élevant contre l'esprit de Munich, il solde aussi ses comptes avec Maurras et l'AF et prend ses distances avec la monarchie maurrassienne : « Il n'est rien de plus éloigné de nos traditions que la dictature, et M. Maurras a contribué plus qu'aucun autre à créer chez les gens de droite une mystique mussolinienne. [...] La doctrine nationaliste peut bien conclure à la monarchie, la mystique du nationalisme intégral aboutit à la dictature du salut public ». Dès juin 1940, il prend le parti de Londres contre Vichy. Le 31 juillet, il écrit à l'ambassadeur de France au Brésil qui représente le gouvernement de Vichy: « Nous savons tous qu'il s'est formé sur une première erreur, et qui peut être irréparable: la conviction que notre capitulation entraînerait celle de l'Angleterre, qu'une reconstitution de l'Europe se ferait tôt ou tard dans l'esprit du nazisme ». Dans le journal qu'il a tenu de 1939 à 1940, et publié en 1947 sous le titre Les enfants humiliés, Bernanos écrit: « la guerre moderne fait de chaque citoyen valide un soldat, fait de chaque homme de l'arrière un partisan. [...] L'esprit de l'avant est un esprit de guerre, celui de l'arrière est un esprit de guerre civile ». Du Brésil, il publie de nombreux articles pour soutenir la France libre — dans laquelle ses deux fils s'engagent — et combattre le défaitisme, articles de guerre rassemblés dans Le chemin de la croix des âmes. Pendant la guerre, il écrit encore Lettre aux Anglais
(1942), cri angoissé d'un homme libre face au triomphe de la barbarie totalitaire, mais plus encore d'un chrétien las de la tyrannie de l'Argent — « Ce qui révolte les peuples dans notre système social, [...] c'est que l'argent y ait l'air non d'un tyran, mais d'un maître, et d'un maître légitime, honoré, béni » -, et son dernier roman, Monsieur Ouine (1943). À son retour en France en juillet 1945, Bernanos est révolté à la fois par l'épuration sanglante et souvent arbitraire qui s'acharne sur de simples exécutants, mais surtout par la situation du pays : rien, fondamentalement, n'a changé depuis son départ. Il éructe contre la médiocrité politicienne (Français, si vous saviez) et consacre désormais son énergie à dénoncer prophétiquement la dérive du monde moderne, l'esprit matérialiste bourgeois attaché à l'Argent, le mythe du progrès, de l'efficience et de la technique qui asservit la liberté. Deux livres remarquables naissent de cette période, La France contre les robots (1947) et La liberté pour quoi faire ? (1953). Dans le premier, écrit Bernanos, « qu'il s'intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s'est fondé sur une certaine conception de l'homme, commune aux économistes anglais du XVIIIe siècle, comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l'homme qu'il était un animal religieux. Le système l'a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l'esclave mais l'objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s'en affranchir, puisqu'il ne connaît d'autre mobile certain que l'intérêt, le profit ». L'aspect le plus grave de cette dérive est la déspiritualisation de l'homme coupé de Dieu. « La civilisation totalitaire, écrit-il dans La liberté pour quoi faire ?, est une maladie de l'homme déspiritualisé ». Et plus loin, annonçant Soljénitsyne : « Si l'on me demande quel est le symptôme le plus général de cette anémie spirituelle, je répondrai certainement: l'indifférence à la vérité et au mensonge ».

Son tout dernier écrit est un chef-d'œuvre, le Dialogue des carmélites
(1949), qu'il achève en Tunisie avant de s'éteindre à Neuilly le 5 juillet 1948. Il est enterré à Pellevoisin.

Christophe Geffroy

(1) Les citations de lettres sont toutes tirées de Bernanos à la merci des passants de Jean-Loup Bernanos, Pion, 1986.
(2) Cité par Robert Colonna d'Istria, Bernanos, le prophète et le poète, France-Empire, 1998, p. 169.

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Sources : La Nef/199-  (E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M. sur Google actualité)  21.12.2008 - T/Brèves

 

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