Consistoire : Benoît XVI a proposé
aux cardinaux cinq thèmes de discussion |
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Rome, le 20 novembre 2010 -
(E.S.M.)
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Ils en ont discuté avec le pape à la veille du consistoire. Selon certains,
centraliser toutes les affaires à Rome est risqué. Pour d'autres, c’est une
erreur que de procéder à coup d'ordonnances pénales plutôt que par des
procès canoniques réguliers. Les arguments pour et contre une réglementation
d'urgence.
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Consistoire : Benoît XVI a proposé aux
cardinaux cinq thèmes de discussion
Pédophilie. Les doutes des cardinaux quant à la "tolérance zéro"
par Sandro Magister
Le 20 novembre 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Lors de la "journée de réflexion et de prière"
qui a précédé le consistoire d’aujourd’hui, Benoît XVI a proposé aux
cardinaux cinq thèmes de discussion.
L’un de ces thèmes était "la réponse de l’Église aux cas d’abus sexuels".
C’était la première fois que l’on en discutait à si haut niveau, dans un
collège cardinalice représentatif de l’Église universelle, autour du pape.
La discussion a été ouverte par le cardinal William J. Levada, préfet de la
congrégation pour la doctrine de la foi, et elle a duré plus d’une heure,
dans le cadre d’un huis clos rigoureux.
Ce que les cardinaux se sont dit ne sera pas rendu public. Mais on sait que
la ligne adoptée au cours de ces dix dernières années par les plus hautes
autorités de l’Église –une rigueur croissante dont le sommet a été atteint
en 2010 avec les nouvelles "Normes sur les délits les plus graves" – donne
lieu à de sérieuses objections et prête le flanc à divers risques.
*
Les objections sont surtout de nature juridique. Le 1er décembre prochain,
la faculté de droit canonique de l’Université Pontificale Urbanienne
consacrera justement une journée d’études aux nouvelles normes relatives aux
cas d’abus sexuel les plus graves, avec en particulier un exposé du
professeur John Paul Kimes de l’Institut Pontifical Oriental.
Un élément clé des innovations normatives a été, à partir de 2001,
l’attribution de la compétence en matière de délits de pédophilie
exclusivement à la congrégation pour la doctrine de la foi.
En pratique, lorsqu’un évêque se trouve en présence d’un cas de pédophilie
il doit, après une première vérification de la crédibilité de la plainte,
transmettre l’affaire à Rome.
Cette centralisation a été fortement voulue par Joseph Ratzinger, aussi bien
avant qu’après son élection comme pape. Et l’exécutant de cette volonté a
été le promoteur de justice de la congrégation pour la doctrine de la foi,
Mgr Charles J. Scicluna.
La principale raison qui a poussé dans cette direction est le manque de
fiabilité dont beaucoup de diocèses ont fait preuve dans le traitement de
telles affaires.
Et en effet, depuis que la congrégation pour la doctrine de la foi a pris
pleinement le contrôle de la question, le travail de "nettoyage" a donné des
résultats.
Toutefois cette centralisation comporte un risque. Elle prête le flanc –
d’un point de vue rhétorique sinon concrètement – aux tentatives de traîner
même le pape en justice, pour des délits commis par ses "employés". Dans des
procès qui sont actuellement en cours aux États-Unis, l'accusation traite
l’Église comme une "corporation", demandant que ses plus hauts dirigeants
répondent de tout acte et attendant également d’eux le versement de
dommages-intérêts aux victimes.
*
D’autres objections, plus fondées, concernent non pas la centralisation des
affaires de pédophilie, mais leurs modalités de traitement.
D’après ce qui a été indiqué par Mgr Scicluna, sur les 3 000 affaires de
prêtres et de religieux accusés de pédophilie qui ont été traitées par la
congrégation pour la doctrine de la foi au cours des dix dernières années,
20 % seulement ont donné lieu à un procès canonique proprement dit,
judiciaire ou administratif. Toutes les autres affaires ont été traitées par
la voie extrajudiciaire.
Un cas notoire de procédure extrajudiciaire est, par exemple, celui du
fondateur des Légionnaires du Christ, le père Marcial Maciel. La
congrégation pour la doctrine de la foi a simplement mené une enquête pour
vérifier les accusations portées contre lui. Après quoi elle a émis, le 19
mai 2006, avec l'approbation explicite du pape, un communiqué pour "inviter
le père à mener une vie retirée de prière et de pénitence, en renonçant à
tout ministère public".
"Nous agissons ainsi dans le but de faire avancer plus rapidement la
procédure", a déclaré Mgr Scicluna pour justifier cette renonciation à la
voie judiciaire. Mais, pour les experts en droit, cet avantage pratique met
en danger des principes fondamentaux de l'organisation canonique de l’Église
et l’exigence même d’un procès juste.
Parmi les experts en droit se trouvent aussi d’illustres cardinaux de la
curie romaine : l'Américain Raymond L. Burke, préfet du tribunal suprême de
la signature apostolique ; l’Espagnol Julián Herranz, président émérite du
conseil pontifical pour les textes législatifs ; le Polonais Zenon
Grocholewski, préfet de la congrégation pour l'éducation catholique ;
l'Italien Velasio De Paolis, président de la préfecture des affaires
économiques du Saint-Siège et délégué pontifical pour le "sauvetage" des
Légionnaires du Christ.
Pour eux et pour d’autres praticiens du droit, à l’intérieur comme à
l’extérieur de la curie, on limite sérieusement les possibilités de défense
de l'accusé quand on évite de recourir au procès canonique. Mais ce n’est
pas tout. Même lorsqu’une affaire de pédophilie donne lieu à un procès
canonique, de plus en plus souvent la tendance dominante est de procéder non
pas par la voie judiciaire mais par la voie administrative.
Le droit canonique prévoit les deux voies. Mais, par comparaison avec ce que
l’on trouve dans l’organisation de beaucoup d’états, le juge canonique
dispose d’un pouvoir discrétionnaire plus grand, avec le risque que celui-ci
se transforme en abus de pouvoir.
Il revient au juge canonique – c’est-à-dire en définitive à l’évêque du
lieu, sauf dans les affaires où c’est la congrégation pour la doctrine de la
foi qui est compétente, comme celles de pédophilie – de décider s’il va
ouvrir un procès judiciaire ou administratif par ordonnance.
Dans ce second cas, et sans l’avoir voulu, l'accusé se trouve être jugé par
celui-là même qui est également son accusateur. Cela fait donc disparaître
son droit d’avoir un juge "tiers", c’est-à-dire se trouvant à égale distance
de l’accusation et de la défense.
On communique à l’accusé les accusations qui ont été formulées contre lui,
mais pas les sources ni les noms des accusateurs, qui doivent rester
secrets.
De plus, contrairement à ce qui se passe dans les procès administratifs en
usage dans beaucoup d’états, où la peine est uniquement pécuniaire, le
procès administratif canonique peut se conclure sur des peines parfois très
lourdes, comme la perte de l’état clérical, qui ont émises par simple
ordonnance.
Le recours en appel est autorisé. Mais, dans le procès administratif,
l'autorité à laquelle incombe le jugement final sera de nouveau celle qui,
précédemment, aura été à la fois accusateur et juge.
Mais ce n’est pas tout. Il arrive quelquefois qu’un prêtre qui a été
acquitté de l’accusation de pédophilie se voie tout de même imposer par son
évêque ou par la congrégation pour la doctrine de la foi un avertissement
public, ou une pénitence, ou une autre peine.
C’est ce que permet le canon 1348 du code de droit canonique, "pour le salut
de l'individu et pour le bien de la communauté" d’après certains canonistes.
Mais c’est aussi quelque chose qui est en contradiction avec le respect de
la norme juridique, avec les droits de l’homme et avec la juste distinction
entre for extérieur et for intérieur.
Par rapport à tous ces abus de pouvoir, le procès judiciaire canonique est
beaucoup plus respectueux des droits de l’accusé. Mais il est rarement
utilisé dans les cas de pédophilie. On procède presque toujours par
ordonnance pénale ou par sanctions extrajudiciaires.
*
Dans un pays comme les États-Unis, on est passé, dans la manière de traiter
le phénomène de la pédophilie - que ce soit du côté civil ou du côté
ecclésiastique - d’une phase de laxisme à une phase de "tolérance zéro"
généralisée, à caractère puritain.
Il s’est produit quelque chose de semblable dans l’Église. Le phénomène de
la pédophilie est de plus en plus perçu comme un état d’urgence. Auquel il
paraît juste de faire face au moyen d’une réglementation elle aussi
d’urgence, la plus rapide et la plus expéditive possible.
Une réglementation d’urgence devrait cesser d’être mise en œuvre dès que la
phase critique est passée. Mais, dans le cas de la pédophilie, cette façon
de voir paraît lointaine.
Voilà donc quel était le fond juridique de la discussion entre les cardinaux
et le pape Benoît sur "la réponse de l’Église aux affaires d’abus sexuels",
hier, vendredi 19 novembre, veille du troisième consistoire de ce
pontificat.
Il y a tout lieu de penser que cette discussion va continuer.
***
Pour une critique de l'organisation judiciaire canonique en usage dans
l’Église latine, comparée avec le droit des Églises orientales et avec
l'organisation en usage dans l’état italien, on consultera avec profit la
thèse de doctorat suivante, soutenue à l’Université Pontificale du Latran :
Giuseppe Puntillo, "Decreto penale extragiudiziale canonico e diritto di
difesa" [Ordonnance pénale extrajudiciaire canonique et droit de la
défense], Lateran University Press, Rome, 2010, 168 pages, 13,50 euros.
Les plus récentes normes de l’Église en matière d’abus sexuels, avec la
documentation correspondante, sur le site du Vatican :
Abus sur mineurs. La
réponse de l'Église
Les autres thèmes dont les cardinaux et le pape ont débattu le 19 novembre
2010, à la veille du consistoire, selon deux compte-rendus officiels :
Rencontre entre Benoît XVI et les cardinaux à l'occasion du Consistoire
À propos du premier des thèmes inscrits au programme, celui de la liberté
religieuse, la discussion des cardinaux avec le pape a coïncidé, en Chine,
avec l'annonce de l'ordination forcée d’un nouvel évêque non reconnu par
Rome :
Ordination épiscopale en Chine: Communiqué du Bureau de Presse du Saint-Siège
À propos du consistoire du 20 novembre 2010 et des modifications au sein du
sacré collège qui en découlent :
Vingt-quatre nouveaux cardinaux aux mesures du pape Benoît XVI
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 20.11.2010 -
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