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L'aventure de Célestin V, un Pape entre mythe et histoire

 

Le 20 juillet 2010 - (E.S.M.) -  L'aventure réelle de ce "pauvre chrétien" que fut Célestin V est beaucoup plus belle que le mythe qui a voulu l'altérer: c'est en définitive celle d'un outsider sorti des replis tenaces et profonds de l'histoire religieuse et monastique italienne millénaire...

Le pape Benoît XVI - devant les reliques de Célestin V à l'Aquila - Pour agrandir l'image Cliquer

L'aventure de Célestin V, un Pape entre mythe et histoire

PAOLO VIAN

Le 20 juillet 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - "Dans le grand drame entre Ecclesia spiritualis et Ecclesia carnalis, Célestin V constitue une brève apparition, mais si révélatrice qu'elle en est presque le symbole. Cependant, sa personnalité conserve un caractère indéfini que ni ses antiques biographes, ni les chercheurs les plus récents ont réussi à faire entièrement disparaître, pour saisir des traits individuels et concrets". Au point que dans les différentes reconstructions, le vieil ermite du Morrone ne réussit pas à posséder une physionomie propre, même lorsqu'il fut élu par le conclave de Pérouse (1294), à la surprise d'un grand nombre, après une vacance du siège pontifical qui durait depuis vingt-sept mois. Telles sont les réflexions avec lesquelles Arsenio Frugoni, l'un des grands maîtres de l'histoire médiévale italienne du XIXe siècle, ouvrait son Celestiniana, publié à Rome en 1954 sous les presses du prestigieux Institut historique italien du Moyen-âge.

C'est peut-être également pour cette raison - poursuivait Frugoni - que les études alors les plus récentes, celles de Franz Xaver Seppelt (1921) et de Friedrich Baethgen (1943), "se sont limitées à affronter des moments et des aspects particuliers, sans tenter une monographie conclusive". Celle-ci a été tentée plus récemment (1981) par le médiéviste allemand Peter Herde, avec une biographie désormais classique publiée dans la collection "Päpste und Papsttum" et traduite en italien en 2004. Mais malgré cet ouvrage important, qui éclaircit certaines questions (comme celle du lieu d'origine de Pietro del Morrone), jusqu'à présent souvent débattues, la personnalité de l'ermite de la Maiella continue à apparaître mystérieuse et fuyante. Comme, au fond, elle apparaît à celui qui lit les écrits qui lui furent très vite consacrés, de l'Opus metricum du cardinal Iacopo Caetani Stefaneschi, témoin oculaire de l'élection et du pontificat de Célestin, aux multiples vies qui, de Bartolomeo da Trasacco et Tommaso da Sulmona aux début du XIVE siècle jusqu'au bergamasque Stefano Tiraboschi, dans la première moitié du XVe siècle, cherchèrent à reconstruire son long parcours.

Il ne s'agit probablement pas d'un hasard. Celui qui lit avec attention les actes du procès de canonisation, qui se déroula sous la direction de Federico de Lecto et de l'augustin Giacomo da Viterbo, entre mai et juin 1306, avec l'interrogatoire de presque trois cents témoins entre Naples, Capoue, Castel di Sangro, Sulmona, dans le monastère de l'Esprit Saint à Ferentino, celui qui parcourt les multiples témoignages qui revivent avec la fraîcheur de leur authenticité à travers le schéma répétitif des formulaires aux questions préétablies, se rend immédiatement compte que toute la vie de Pietro del Morrone s'est déroulée dans une tension dialectique, d'une certaine manière jamais résolue, entre le fait de se donner aux foules qui le cherchent, en raison de la réputation de sainteté qui l'enveloppa très vite dans les divers lieux où il avait séjourné, et le fait de se retirer, lorsque l'ermite se rend compte que la venue en masse des dévots menace les conditions mêmes de sa conversatio monastique et de son rapport avec Dieu, l'unique réalité qui compte vraiment pour lui.

Se donner et se retirer, s'abandonner aux foules qui le cherchent et qui trouvent en lui également un thaumaturge qui guérit, mais ensuite les fuir, pour retrouver cette paix que l'âme recherche et dans laquelle seulement elle trouve le repos. Au fond, la brève aventure pontificale de Célestin était d'une certaine manière déjà inscrite dans ses précédents, la répétition d'un schéma qu'il avait auparavant constamment vécu.

Cependant, à tout bien considérer, c'est ce "caractère indéterminé" dont parlait Frugoni en 1954 qui est à l'origine du conflit d'interprétation sur la figure du Pape et de son passage dans le domaine du mythe: comme si l'image de l'ermite du Molise, qui vécut consciemment dans le clair-obscur de se donner et de se retirer, pouvait être remplie de contenus différents selon l'interprète qui l'approche. Nous savons en effet peu de choses sur Célestin; nous ne sommes pas aidés par les actes et les faits de son bref pontificat, probablement fruit du jeu d'influences diverses. L'ouvre intitulée l'Autobiografia, que précisément Frugoni fit passer du statut de légende fantaisiste à celui de mémoire fidèle d'expériences véritables, nous offre une atmosphère, un milieu, un cadre spirituel, mais pas l'expression d'une personnalité.

Assurément, Pietro del Morrone ne fut pas la personne naïve et désarmée que beaucoup décrivent. Pour le démentir, il suffit de constater qu'à l'origine, il fut à la tête d'une congrégation d'ermites qui se diffusa et se ramifia, de son vivant, dans de multiples fondations, entre l'Italie centrale et du Sud, franchissant très vite les Alpes. Pour défendre sa création, Pietro eut la force et le courage de se rendre à Lyon vers la fin de 1274, à la Curie pontificale, où il obtint de Grégoire X un privilège solennel qui, incorporant sa congrégation dans la famille bénédictine, en confirmait les propriétés, alors déjà importantes. Il fut à la tête de plusieurs communautés, comme celle de Santa Maria di Faifoli à Montagano, dans le Molise, ou de San Giovanni in Piano, près de Lucera, dans les Pouilles, qu'il réforma et consolida, même économiquement. Frugoni a donc raison lorsqu'il voit en Célestin non pas "ce vieillard caché dans les silences de la montagne et dans la macération des pénitences", mais "l'âme ardente et volontaire qui avait pendant tant d'années guidé son groupe de moines, qui était devenu toujours plus grand grâce à lui. Vibrant d'une religiosité qui se nourrissait d'attentes eschatologiques et qui refusait certainement l'Eglise politique comme un péché. Et il aura considéré comme un péché cette expérience, riche de compromis et de calculs des hommes d'Eglise, si différente de son idéal passionné. D'où le sentiment d'être moins profondément menacé par l'appui des laïcs qui paraissaient lui offrir leur dévotion et leur aide, et en même temps le poussaient, complices des moines, méfiants à l'égard du pouvoir d'autres ecclésiastiques sur leur père, contre la curie canoniste, terrestre". Mais lorsqu'il se rendit compte que cet appui des laïcs, cette dévotion pleine d'attention et intéressée de Charles d'Anjou, pouvait se révéler insidieuse et néfaste pour son Eglise, Célestin eut le courage de se destituer. Le "grand refus" (Enfer, III, 60) ne doit pas être interprété comme de la lâcheté mais, comme le comprit encore une fois avec finesse Frugoni, comme l'"expression de son tempérament volontaire, ardent, qui a accepté, quasi inspirante Deo, l'épreuve du gouvernement concret, et, face à l'échec, a le courage de renoncer et la ténacité, qui dut être véritablement grande, de réussir à renoncer".

La vie historique de Pietro del Morrone tout d'abord, puis de Célestin, se joue donc entièrement dans le fait de se donner/se retirer, d'aller parmi ses frères par fidélité à l'Evangile et de se retirer de nouveau par une fidélité encore plus profonde: une histoire d'une certaine façon normale, entre révélation et mystère, ville et désert, peut-être dans la conscience que les deux pôles du binôme sont tous les deux nécessaires à l'équilibre de la vie chrétienne, comme ils l'avaient été dans la vie de Jésus.

Et pourtant, le mythe s'empare de Célestin lorsque, entre le mois d'août et le début d'octobre 1294, le Pape reçoit une petite délégation de franciscains des Marches émigrés en Orient pour fuir l'hostilité et la persécution de leurs confrères et pour poursuivre leur expérience de fidélité intransigeante au testament de François d'Assise. Célestin les connaît, il a probablement eu des contacts avec eux au cours des années précédentes, il en apprécie l'austérité ascétique et ce goût pour la solitude qui, au fond, les rendent si semblables à ses moines. Il se dit donc prêt à les accueillir dans sa congrégation et ensuite, après leur refus, à les constituer en groupe autonome comme "pauvres ermites du Pape Célestin", franciscains mais en dehors de l'ordre. L'unité franciscaine, que même un théologien et un spirituel de l'envergure de Pietro Giovanni Olivi considérait comme un bien suprême, se brisait en éclats.

Peut-être le Pape ne se rendit-il pas compte des conséquences de son geste, qui se détachait de la ligne que tous ses prédécesseurs avaient suivie, au cours du XII siècle, pour garder unies les différentes branches de l'Ordre franciscain malgré les difficultés. La réaction de ses confrères fut très dure, le successeur de Célestin, Boniface VIII, cassa, avec les autres actes de son prédécesseur, également celui-ci et les "pauvres ermites du Pape Célestin" durent encore fuir, en laissant cependant libre cours dans leurs écrits - le plus grand d'entre eux étant sans aucun doute la Historia septem tribulationum d'Angelo Clareno - à leur ressentiment à l'égard de cette succession bonifacienne qui avait dramatiquement renversé les cours de leur histoire.

Le rôle du pontificat de Célestin dans les tensions internes de l'ordre franciscain n'est assurément pas l'unique motif de ce qui aura lieu par la suite; les lignes critiques de fracture, dans le milieu romain, italien et international, sont différentes, mais la participation de Célestin à la grande querelle entre franciscains conventuels et franciscains spirituels, qui ne trouva qu'en apparence une solution avec les décisions draconiennes de Jean XXII, apparaît sous de nombreux aspects décisive. A ce point, les insatisfaits du nouvel ordre bonifacien - sur le plan religieux les franciscains spirituels, dans le milieu romain les cardinaux Colonna, sur la scène internationale les partisans de la cause française et angevine - s'emparent de la figure de Célestin pour voiler et calomnier celle de son successeur, accusé d'être le responsable occulte d'une abdication illégitime extorquée par des moyens frauduleux, et même responsable d'une mort violente dans la forteresse de Fumone.

A l'Eglise entièrement politique et terrestre de Boniface est opposée la présumée Eglise spirituelle de Célestin. Et on applique à Célestin - ce que fait déjà le dominicain provençal Robert d'Uzès en 1295-1296 - les prophéties relatives à un Pape angélique. Celles-ci peuvent encore une fois être attribuées à des groupes de spirituels italiens protégés par Célestin, qui diffusèrent en Occident des prophéties grecques attribuées à l'empereur Léon le Sage qui, dans la traduction latine, appliquent à un Pape les caractéristiques d'un souverain des temps derniers, partisan du droit et de la justice. Le filon prophétique du Pape angélique trouve dans la figure de Célestin un point de départ qui se projette vers l'avenir, traverse le XIIIe siècle, influence Cola di Rienzo, qui en est venu à connaissance par les ermites de la Maiella, et en diffuse le contenu dans la Bohême de Charles IV, mais il apparaît encore chez Savonarole, arrive même à Nostradamus et, à la fin du XVI siècle, au pseudo Malachie. Si Dante, également pour des raisons personnelles, condamne la renonciation de Célestin comme un acte de lâcheté, Pétrarque, dans sa défense de la vie solitaire, l'exalte comme un geste de liberté évangélique suprême. Mais Célestin continue à être pendant tout le XIX siècle le symbole d'une Eglise différente, prophétique, non terrestre mais entièrement religieuse: des Lettere agli uomini di Papa Celestino VI (1946), où transparaît tout l'élan prophétique et apocalyptique du dernier Papini, à L'avventura di un povero cristiano (1968), le dernier livre d'Ignazio Silone, originaire des Abruzzes. Cependant, Célestin est désormais devenu un écran blanc sur lequel projeter ses propres désirs et ses propres aspirations: le mythe a dévoré l'histoire, de nombreux points de vue, il l'a pliée, instrumentalisée, contrefaite. Célestin et Boniface ne sont pas en réalité des hérauts d'Eglises différentes, de même que Pietro del Morrone n'est pas le vieillard naïf catapulté dans des situations qui le dépassent, ni le réformateur intrépide freiné par l'appareil entièrement matériel d'une curie toute terrestre. Ce sera Boniface VIII, ce Pape Caetani qui avait dû éviter l'instrumentalisation de la figure de son prédécesseur à des fins schismatiques, qui célébra à Rome sa messe de funérailles. L'aventure réelle de ce "pauvre chrétien" que fut Célestin V est beaucoup plus belle que le mythe qui a voulu l'altérer: c'est en définitive celle d'un outsider sorti des replis tenaces et profonds de l'histoire religieuse et monastique italienne millénaire, une figure qui semble sortir d'une page des Dialogues de Grégoire le Grand et qui peut vivre à la fin du VIe siècle comme au cour du XIIIe car elle est, dans l'un comme dans l'autre, animée par la même aspiration dévorante et inquiète de la recherche de Dieu.  

 ► Benoît XVI envoie le card. Bertone pour les célébrations du Jubilé institué par le Pape Célestin V

 

Sources : www.vatican.va -  E.S.M.
(©L'Osservatore Romano - 20 juillet 2010)
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 20.07.2010 - T/Eglise

 

 

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