Benoît XVI a souligné les signes positifs des
nouvelles formes de consécration religieuse |
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Le 20 février 2008 - Benoît Standaert puise dans sa longue expérience de
moine à l’abbaye de Saint-André à Bruges (Belgique)
et de bibliste pour répondre aux questions concernant la quête
intérieure (la sienne et celle, multiforme, de ses
contemporains), la rencontre des religions, les exigences de
l’Evangile…
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Abbaye
de Saint-André à Bruges
(Belgique) -
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Le pape Benoît XVI a souligné les signes
positifs des nouvelles formes de consécration religieuse
Le pape Benoît XVI est intervenu lors d’une réunion du conseil pour les
rapports entre la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les
sociétés de vie apostolique et les Unions internationales des supérieurs
généraux.
Prononçant un discours devant le groupe de supérieurs généraux au terme de
la réunion, le pape a affirmé avoir écouté leurs témoignages et avoir
analysé avec eux les attentes, les espérances et les difficultés de la vie
religieuse. "Nous ressentons tous combien, dans une société moderne
mondialisée, il devient toujours plus difficile d’annoncer et de témoigner
de l’Evangile", a affirmé Benoît XVI et a aussi souligné que le processus de
sécularisation qui progresse dans la culture contemporaine n’épargne pas
malheureusement les communautés religieuses".
Il ne faut cependant pas se laisser emporter par le
découragement car si, comme on l’a rappelé opportunément, de nombreux nuages
s’accumulent aujourd’hui à l’horizon de la vie religieuse, de plus en plus
de signaux d’un réveil providentiel apparaissent constamment et suscitent
des motifs d’espérance" a exprimé le Saint-Père.
Evoquant les signes positifs, Benoît XVI a souligné "le nouvel
engagement de fidélité des instituts historiques" et "les nouvelles formes
de consécration religieuse en accord avec les nouvelles exigences de
l’époque". Evoquant la crise difficile due au vieillissement des membres
des ordres anciens et des congrégations historiques, le pape a aussi fait
état de "signes d’une reprise positive", particulièrement lorsque les
communautés ont choisi de revenir aux origines pour vivre plus conformément
à l’esprit de leur fondateur.
Au cours de son intervention, le pape Benoît XVI a aussi invité les religieux à
particulièrement répondre aux "pauvretés spirituelles qui marquent fortement
l’époque actuelle" et les a exhortés à construire leurs communautés
sur "la roche solide qu’est Jésus-Christ".
Nous pensons que l'entretien qui suit est un exemple merveilleux de fidélité
au Christ à travers la règle de saint Benoît.
Entretien
Benoît Standaert, moine bénédictin
(sur la quête intérieure)
Theologia : Pourriez-vous
nous parler de votre itinéraire ? Comment et pourquoi avez-vous choisi la
vie religieuse ?
Benoît Standaert :
Très jeune, je désirais me "donner à Dieu", sans trop savoir tout ce que
cela pouvait signifier ni même quelle forme cela pourrait prendre : "devenir
prêtre" peut-être. Puis, à partir de mes onze, douze ans, j’ai vécu en
internat chez les P. Bénédictins de l’abbaye de Saint-André près de Bruges
(Belgique). Leur regard sur la vie me plaisait.
J’y ai trouvé des vrais penseurs qui m’ont attiré : leur amitié m’a conquis
et me suffisait. Je n’ai pas cherché plus loin. Je me disais : je serai l’un
d’eux, sans trop savoir à nouveau ce que cette vie pouvait comporter
concrètement. Je n’avais pratiquement jamais assisté à leurs offices
(Laudes, Vêpres ou Matines) : au collège on venait
assister tout juste aux Complies le dimanche soir. Mais j’avais confiance :
je pensais que ce serait bon pour moi.
En 1962, j’ai connu une grave paralysie qui a failli m’emporter pour de bon.
Ce moment, avec la longue convalescence qu’il comporta, n’a fait
qu’approfondir mon appel à une vie bénédictine. Un des premiers textes que
j’ai lu et médité sur mon lit de malade était le Prologue de la Règle de
saint Benoît.
Je suis entré au noviciat à 19 ans, moins de trois mois après avoir terminé
mes humanités dans ce même collège des pères Bénédictins, et après deux ans
de noviciat, je m’y suis engagé par une première profession. Depuis ce
jour-là, je me suis lié à cette communauté pour de bon. C’était le 3 octobre
1966. J’ai pu étudier : de la philosophie, de la philologie classique, de la
théologie et les sciences bibliques. Cela m’a conduit à Anvers, Rome,
Jérusalem et Nimègue, et cela a pris une petite dizaine d’années
(jusqu’en 1978). Au milieu de mes études, j’ai également séjourné
une année en Afrique pour y assurer des cours de religion, d’histoire et
d’esthétique dans une école secondaire (au Congo, ex-Zaïre). Peu de choses
dans ma vie m’ont autant formé que cette année-là
(1968-69).
En rentrant au monastère j’ai pu enseigner dans un Institut international de
recyclage théologique rattaché à l’abbaye. Je l’ai fait quelques 22 ans
(Écriture Sainte et Christologie). Il s’agissait
non seulement d’enseigner mais de mener une vie communautaire avec une
vingtaine de moines, venant des quatre coins du monde
(Afrique, Amérique Latine, Europe - de l’Ouest, puis après 1989, de l’Est -
et quelques fois aussi des Asiatiques). Par ailleurs, j’ai dirigé
pendant plus de 25 ans une petite revue de spiritualité en néerlandais. Il
s’agissait de suivre l’actualité et de créer en tirant du grand trésor de la
tradition, "du nouveau et de l’ancien". La plupart de mes livres sont nés de
recherches menées d’abord dans cette revue.
Theologia : Quel sens la
vie religieuse peut-elle avoir pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui ?
Benoît Standaert :
La vie que je mène est une variante de la vie dite religieuse : c’est une
vie de moine. Le moine se définit d’abord par sa recherche de Dieu. Cette
priorité donnée à Dieu se manifeste à travers toute une série de choix plus
concrets (lectio divina, obéissance, silence, jeûne,
veille, psalmodie, etc.). Au fil des années, l’orientation du
départ peut tantôt se creuser et s’approfondir, se radicaliser même ; elle
peut aussi s’émousser, se complexifier au point où le cap n’est plus très
clair. Dans mon cas, le choix de Dieu semble devenir toujours plus
interpellant à tel point qu’une vie monastique de type plus érémitique se
dégage pour moi avec une force croissante ces dernières années.
"Quel sens cela peut-il avoir pour les femmes et les hommes aujourd’hui ?"
C’est à eux de se le demander et d’y répondre : un homme qui brûle pour Dieu
et devant Lui, porte en lui l’univers entier, et intercède pour tous sans
distinction : cela risque bien d’être une bonne chose pour le monde. Si
toutes les pensées de celui qui choisit de vivre ce mode de vie retirée et
appliquée à Dieu, sont dégagées d’amour propre et tournées vers l’adoration,
la louange et l’intercession, cela pourrait bien avoir quelque sens.
Il reste que la question du sens ne me paraît pas absolument essentielle.
C’est que je ne sais toujours pas si la vie a un sens, comme telle. Je peux
lui donner un sens, mais j’ignore si la naissance de nouvelles
constellations stellaires et les tsunamis au fond de l’océan ont un sens...
Theologia : Que cherchent
les personnes qui viennent passer une semaine dans un monastère ?
Benoît Standaert :
Aujourd’hui, c’est une demande autrement plus variée et riche qu’il y a
quarante ans par exemple : on vient pour se reposer, pour créer une distance
par rapport au stress de la vie quotidienne, pour trouver une vie rythmée
par de belles liturgies, pour un accompagnement spirituel, une semaine de
retraite en pur silence, dans la nature ; ou encore on cherche un milieu qui
donne du temps pour écouter ; on vient pour étudier, rédiger un article, un
livre dans un cadre approprié, etc.
Theologia : Selon vous,
pourquoi tant de chrétiens s'intéressent-ils au bouddhisme ou à d'autres
spiritualités arrivées de l'Asie ?
Benoît Standaert :
Bon nombre de gens ont soif de vie intérieure, d’un art de vivre plus
complet que l’enchaînement stressé, résumé dans l’expression :
"métro-boulot-dodo". Ils sont en recherche et se mettent facilement à
l’écoute de ceux qui leur proposent un tel art de vivre concret et appliqué
avec méthode, sans idéologie ni dogmes. Le bouddhisme leur sourit car il ne
semble pas supposer qu’on adhère à des croyances particulières pour le
pratiquer. Si l’Église arrivait à se présenter de façon adéquate,
non-idéologique mais pratique, les gens dans leur grande soif se
tourneraient tout aussi facilement vers elle. Un spécialiste des média dans
la région notait il y a déjà plus de dix ans : "Les gens posent de très
bonnes questions, mais l’Église tient un langage qui rejoint de moins en
moins le niveau où les questions sont posées ; elle passe à côté, et c’est
là tout le tragique".
Theologia : Dans vos
livres sur la rencontre des religions vous parlez parfois de "l'espace
Jésus". De quoi s'agit-il exactement ?
Benoît Standaert :
"L’espace Jésus" est même le titre d’un livre que j’ai écrit et qui est
sorti récemment en français aux éditions Lessius-Cerf (Bruxelles-Paris).
J’appelle "espace Jésus" ou "espace christique" ce que saint Paul évoquait
chaque fois qu’il se servait de l’expression "en Christôi" ou "en
kyriôi" : "Je vous exhorte dans le Seigneur", ou "conduisez-vous
en Christ de telle ou telle façon…". Il s’agit d’une sphère qui
s’ouvre dès que quelqu’un pose un geste simple comme un signe de croix, ou
jette un regard de foi sur une icône. Cet espace est
par ailleurs inépuisable : qui célèbre le Triduum pascal ne pourra
l’épuiser ! Cet espace, infini en soi, n’est pas
indifférent : qui est "en Christ" s’abstient de
certaines choses, et inversement, certains gestes ou paroles sont
insupportables et inconciliables avec une existence dûment ancrée dans cet
"espace Jésus".
L’intérêt de l’expression, c’est qu’elle serre de près une expérience, elle
est descriptive. Et surtout elle est utile et pratique là où j’essaie de
rencontrer l’autre : le Juif, le bouddhiste, l’agnostique. Je découvre que
chacun vit à partir d’un espace spirituel : et la rencontre se fait d’espace
à espace. Mon expérience m’a rendu à l’évidence qu’avec cette catégorie, on
évite toute approche dure, réductrice de l’autre : les "espaces" se
touchent, se recouvrent même, ne se réduisent jamais l’un à l’autre mais
dans la mesure où ils se rencontrent, ils peuvent m’interpeller comme
interpeller l’autre, nous enrichir mutuellement et provoquer de nouveaux
questionnements, élargissant l’espace premier et unique dans lequel l’un et
l’autre vivent.
Theologia : Comment faire
pour que la paix intérieure promise par le Christ soit connue (dans tous les
sens de ce mot) par les jeunes aujourd'hui ?
Benoît Standaert :
Il faut aller à la recherche d’une plate-forme où l’on peut rencontrer les
jeunes, ce qui n’est pas si facile. Il faudra avant tout être soi-même un
havre de paix, tout entier conquis au plus profond de soi par cette "paix du
Christ". Après cela les choses iront de soi : un parfum, une fois le flacon
ouvert, se répand irrésistiblement sans qu’on puisse le remettre dans le
récipient. Il faut témoigner, par ce qu’on est plus encore que par ce qu’on
dit. Le frère Roger Schutz est un bon exemple parmi bien d’autres
(Jean Vanier, Martin Luther King, Sœur Emmanuelle),
illustrant ce type de témoignage vrai et irrésistible.
Theologia : Dans les périodes difficiles ou les
périodes de sécheresse (j'imagine qu'il y en a pour les
moines aussi), que faites-vous pour continuer sur la voie que
vous avez choisie ? Sur quel passage de l'Écriture méditez-vous ?
Benoît Standaert :
Il y a les moments de fatigue, de lassitude, voire d’épuisement, et là je
dirais que j’aime relire le livre de la Sagesse, les chapitres six à neuf.
Arrivé au bout de ces quatre chapitres, je suis chaque fois autre, comme
rené, rebranché sur l’essentiel, sur la vraie source que rien ne peut plus
tarir.
Dans les moments de crise et de combat intérieur, je me mets à relire tout
un évangile ou encore à pratiquer le psautier, de A jusqu'à Z, en quelques
jours. Il est rare que les choses ne se clarifient pas tout d’un coup, bien
avant d’avoir atteint la fin du livre.
Theologia : Pour vous en
quoi est-ce que la "Bonne Nouvelle de Jésus-Christ" est-elle vraiment bonne
et digne d'être annoncée partout dans le monde ?
Benoît Standaert :
Dans l’annonce du Royaume de Dieu, Jésus a introduit une joie et une liberté
dans le monde qu’il serait vraiment dommage de ne pas faire connaître à tout
homme. Il ne s’agit pas d’imposer cette joie mais de la communiquer telle
quelle, et donc joyeusement, comme une invitation à la fête. Certes, cette
fête est exigeante, elle ne se vit que là où l’on traverse certains
paradoxes : Heureux les pauvres ! heureux ceux qui pleurent ! Grands sont
les humbles ! Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ! La grâce survient
là où quelqu’un se reconnaît pauvre et pécheur ; la force du Christ repose
sur la faiblesse de celui qui s’avoue tel. Le maître lave les pieds du
disciple, et qui sert à son tour un tel maître, celui-là sera honoré de Dieu
!
Table :
Vie consacrée
Sources: © theologia.fr
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 20.02.2008 -
T/Vie consacrée |