Le pape Benoît XVI était lui aussi
invité à Madrid |
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Rome, le 17 juillet 2008 -
(E.S.M.)
- A Madrid, le roi d'Arabie Saoudite dialogue avec des chrétiens
et des juifs. C'est le cardinal Tauran qui représente le pape Benoît
XVI. Un document important.
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Le pape Benoît XVI était lui aussi invité à Madrid
À La Mecque, un roi donne des leçons de paix
Une enquête menée auprès des pèlerins qui se sont rendus dans les lieux
saints musulmans montre qu'ils rentrent chez eux avec un sentiment de plus
grande tolérance. Au même moment, à Madrid, le roi d'Arabie Saoudite
dialogue avec des chrétiens et des juifs. C'est le cardinal Tauran qui
représente le pape Benoît XVI. Un document important
par Sandro Magister
Benoît XVI était lui aussi invité. Et il s’y
serait rendu très volontiers. Mais il ne pouvait assurément pas renoncer aux
Journées Mondiales de la Jeunesse, inscrites depuis longtemps dans son
agenda.
Ainsi, à la place du pape, qui est en Australie, c’est le cardinal
Jean-Louis Tauran, président du conseil pour le dialogue interreligieux, qui
s’est rendu à Madrid.
Du 16 au 18 juillet, à Madrid, se tient une conférence sur le dialogue entre
les trois religions – l’islam, le judaïsme et le christianisme – sous
l’impulsion du roi Abdallah Bin Abdulaziz al-Saoud, souverain d’Arabie
Saoudite et gardien des lieux musulmans les plus sacrés, les mosquées de La
Mecque et de Médine.
Le roi Abdallah avait évoqué cette rencontre entre les trois religions au
terme de la conférence internationale islamique qui a eu lieu à La Mecque du
4 au 6 juin derniers. A Madrid, c’est lui qui a ouvert les travaux de cette
rencontre qui va s’achever avec les interventions d’Abdullah Ibn Abdul
Mohsin al-Turki, secrétaire général de la Ligue musulmane mondiale, et du
cardinal Tauran.
Avant son départ, Tauran a déclaré à “L’Osservatore Romano“ que la
conférence a pour objectif d’offrir au monde une image des trois religions
comme des religions de paix, “au service de l’homme et non contre l’homme“.
Cela vaut en particulier pour l’islam, généralement associé à la violence et
au terrorisme, notamment par la faute de beaucoup de ses adeptes. “En effet,
alors que le roi d’Arabie Saoudite accomplit cet acte de courage avec
sagesse, il peut arriver – a ajouté le cardinal – qu’un tout autre discours
soit tenu dans certaines mosquées“.
* * *
Dans le monde, en effet, l’image dominante est celle d’un islam porteur de
violence. Selon une enquête menée en 2007 par le Pew Forum, 45% des
Américains considèrent que l’islam est la religion la plus menaçante, contre
36% deux ans auparavant.
Autre idée répandue: les musulmans sont d’autant plus enclins à la violence
qu’ils observent les préceptes de leur religion. Nombreux sont ceux qui
pensent que le pèlerinage à La Mecque – le Hadj en arabe, une des pratiques
centrales de l’islam – représente une menace en tant qu’école où l’on
apprend l’intolérance.
Mais en est-il vraiment ainsi? En ce qui concerne le pèlerinage à La Mecque,
la réponse est non. C’est ce que prouve une enquête – une des premières à
avoir été menée dans ce domaine avec des critères scientifiques – par trois
chercheurs de l’université américaine de Harvard sur un échantillon de
pèlerins du Pakistan.
Le Pakistan est le deuxième pays musulman au monde en termes de population,
derrière l’Indonésie. C’est aussi le pays le plus touché par la violence.
Des provinces toutes entières sont hors contrôle, infestées par les Talibans
et les Seigneurs de la Guerre. Les attentats sont monnaie courante dans les
grandes villes. Une figure politique comme Benazir Bhutto a été tuée en
plein milieu de la foule, en dépit de l’imposant service de sécurité. Celui
qui est accusé d’offenser l’islam risque la condamnation à mort. Le refuge
d’Oussama Ben Laden se situe probablement dans les montagnes quelque part
entre le Pakistan et l’Afghanistan.
Néanmoins, les musulmans pakistanais qui se rendent chaque année en
pèlerinage à La Mecque n’en reviennent pas plus enclins à la violence et
plus hostiles à l’Occident et au christianisme. C’est tout le contraire: le
pèlerinage renforce les sentiments de paix et de tolérance, non seulement
envers leurs coreligionnaires mais aussi envers les non-musulmans.
Chaque année, environ deux millions de musulmans effectuent leur pèlerinage
à La Mecque, du huitième au douzième jour du dernier mois du calendrier
lunaire musulman. Leur nombre est fixé à l’avance et il est proportionnel à
la population des différents pays. Au Pakistan, il faut participer à une
loterie publique pour être admis au voyage. Les numéros gagnants iront à La
Mecque, les autres pas.
Les trois chercheurs de Harvard – David Clingingsmith, Asim Ijaz Khwaja et
Michael Kremer – ont mené leur enquête auprès d’un double échantillon de
citoyens pakistanais: 800 d’entre eux ont fait le pèlerinage et 800 autres
sont restés chez eux.
Et bien l’enquête révèle que les pèlerins sont plus fervents de retour de La
Mecque. Ils prient davantage, ils vont plus souvent à la mosquée, ils
observent plus fidèlement le jeûne. A l’inverse, ils ont tendance à
abandonner l’utilisation d’amulettes et renoncent aux coutumes qui ne sont
pas réellement musulmanes.
Les hommes ont également plus de considération pour les femmes. Au cours du
pèlerinage, ils se retrouvent côte à côte en nombre égal, en train
d’accomplir les mêmes rites. Au retour, ils sont plus nombreux à souhaiter
que les jeunes filles reçoivent plus d’instruction et qu’elles aient un
meilleur accès au monde du travail.
L’impact du pèlerinage est aussi positif pour les musulmans venant d’autres
pays ou ayant d’autres manières d’interpréter et vivre l’islam, les chiites
et les sunnites. De retour de La Mecque, nombreux sont ceux qui considèrent
qu’il est possible de vivre tous en harmonie. Y compris avec les
non-musulmans. Par rapport aux musulmans qui sont restés chez eux, les
pèlerins sont nettement plus enclins à considérer que les croyants d’autres
religions méritent autant de respect.
Concernant le recours à la violence et l’hostilité à l’égard de l’Occident,
les pèlerins se révèlent plus pacifiques que ceux qui sont restés chez eux.
Quand on leur demande s’ils considèrent que les intentions d’Oussama Ben
Laden sont justes, les pèlerins répondent deux fois plus par la négative que
les autres. Et quand on leur demande s’ils pensent que ses méthodes sont
justes, les pèlerins répondent non pour près d’un tiers de plus que les
autres.
Si l’on revient sur ces réponses en chiffres absolus, elles se révèlent
cependant beaucoup moins encourageantes. Même les pèlerins “pacifistes“ sont
très peu nombreux à condamner Ben Laden. 21% d’entre eux seulement rejettent
ses méthodes terroristes et 13% seulement condamnent ses intentions.
Les chiffres sont encore plus bas pour les non-pèlerins: respectivement 16%
et 7%.
Tous les autres, c’est-à-dire la grande majorité, sont favorables au prince
de l‘islam de la terreur.
Raison de plus pour souhaiter – à l’instar de l’intellectuel musulman Khaled
Fouad Allam au cours d’une rencontre à Villa Cagnola de Gazzada dont
“L’Osservatore Romano“ a fait état dans son numéro du 7 juillet –
l’avènement de cet “islam des lumières que l’on ne peut atteindre que par le
dialogue interreligieux“.
* * *
Il y a une Mecque pour le cardinal Tauran aussi
Voici comment, dans l’interview qu’il a accordée le 16 juillet à
“L’Osservatore Romano“, le cardinal Jean-Louis Tauran, qui représente le
pape à la conférence de Madrid, a commenté l’initiative du roi d’Arabie
Saoudite pour promouvoir le dialogue entre islam, judaïsme et christianisme:
"Je pense que sa
rencontre avec Benoît XVI au Vatican a renforcé sa
détermination. J’ai pu constater à de nombreuses reprises qu’il a été
profondément touché par l’humanité de notre pape. A cela, il faut ajouter
qu’il est conscient que certaines franges extrémistes du monde musulman, en
fait une petite partie, ont cependant assombri la véritable image de
l’islam. Il souhaite ardemment redonner son vrai visage à l’islam, différent
de celui que montrent certains extrémismes. Bref, il souhaite récupérer
toute la pureté de sa foi. Il veut surtout montrer qu’elle peut faire du
bien à l’humanité si elle se met à dialoguer avec les autres croyances“.
Au cours de cette interview, Tauran a surtout donné une grande importance au
document publié le 6 juin 2008 à La Mecque au terme de la conférence
internationale islamique pour le dialogue convoquée par le roi saoudien et
organisée par la Ligue musulmane mondiale. Le roi Abdallah y avait annoncé
la rencontre de Madrid:
"Je l’ai lu et étudié avec beaucoup d’intérêt car il s’agit d’un document
important. Je dirais que l’image la plus significative qui en ressort est
celle d’un islam désireux de se présenter devant l’opinion publique mondiale
avec un visage différent de celui marqué par le terrorisme extrémiste. Un
islam prêt à rencontrer les autres religions, en renonçant à critiquer
l’autre pour enfin arriver à une connaissance réciproque plus approfondie,
fondée sur des valeurs essentielles communes. Il y a ensuite la volonté
commune de reconduire l’homme à la connaissance de Dieu, de coopérer pour la
sauvegarde de l’environnement, dont la destruction systématique par la main
de l’homme est reconnue par tous comme un péché grave. Enfin, il faut
ajouter à tout cela la volonté de défendre les valeurs éthiques de la vie,
celles qui concernent avant tout la vie de l’homme, et la famille“.
Avec l’interview du cardinal Tauran, “L’Osservatore Romano“ a publié – avant
tous les autres médias occidentaux – une traduction de l’arabe à l’italien
du document de La Mecque du 6 juin 2008. (Da
La Mecca a Madrid)
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Liens :
Le card. Tauran sur la rencontre de Madrid pour le dialogue interreligieux
Sources :
La chiesa.it
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 17.07.2008 -
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